Entretien avec le Castor Astral 1/3 .
Nymphe dansante à cheval
Contre le vent
Tu poursuis ta trace
Le teint bleu pâle
Et les cheveux
Couleur de feuilles d’arbre
Paradis perdu
De la mer originelle
Image totémique
Frappée par la foudre
Œil mythique
Du double héroïque
Sans repentir possible
Fraîcheur de vie
Mon ovale perdu
(Gérard Bérreby)
Papier transparent
Que le bleu des forêts
Imbibe.
Structures moléculaires
Habitées par le vent.
Rythmés sur le chemin de terre
Mes pas sont-ils vraiment mes pas
Et où résonnent-ils ?
Derrière quel sentiment de nous-mêmes nous abritons-nous
Alors que nous ne sommes que feuilles,
Terre et roc,
Que nous sommes la chaleur des rayons
Et l’écho des artères.
Nous craignons pour ce corps,
Pour cet amas de chair que nous appelons nôtre,
Mais comment pourrait-il se dissoudre
Alors que nous sommes déjà si dissolus ?
Comment pourrait-il entraîner notre être
Dans les tréfonds du néant
Alors que le néant n’habite en rien
Et que le tout
Habite en moi.
Cyril Dion
Elle est là qui rôde
Je reconnais son haleine
Le bruit traînant de ses pas
Et son ombre
Dans l’obscurité totale
Cela étant
Je fais comme si
Je ne me doutais de rien
Je meuble honorablement
Mon attente
Je prends ma part des tâches domestiques
Je lis à profusion
J’écris
Encore et toujours
Que puis-je faire d’autre
Pour oublier que ma vie
Ne tient qu’à un fil ?
Abdellatif Laâbi
Ce qui ne se peut
Quand la beauté se dérobe
Dans le creux et les vides d’une montagne bleue
Quand la douleur s’installe sous une tente
Dans le désert qui se souvient de nos pas
Ce qui ne se peut
Pendant que l’ombre tremble pour cacher les choses
Le souvenir perd le chemin et le parfum des jours heureux
La lumière tarde à arriver
Pour clore cet amour habité par des mots
Qui tombent de fatigue
Ce qui ne se peut
Dans cet amour ayant vécu dans le poème
Et s’est éteint par le silence coupable
Sous une pluie d’automne
Avec la promesse du figuier centenaire
De ses fruits mûrs
De sa tendresse solaire
Ce qui ne se peut ne saurait se retenir.
(Tahar Ben Jelloun)
Villanelle de la Terre
Tourne tourne la Terre
Tant de révolutions
Bientôt viendra l’hiver
Le temps fait son affaire
Alternent les saisons
Tourne tourne la Terre
L’été c’était hier
Lorsque nous nous aimions
Bientôt viendra l’hiver
La fille devient mère
L’homme n’est plus garçon
Tourne tourne la Terre
Sans retour en arrière
Dans la nuit nous glissons
Bientôt viendra l’hiver
Passent les êtres chers
Puis nous disparaissons
Tourne tourne la Terre
Bientôt viendra l’hiver
//Hervé Le Tellier
La fête invisible
Car la beauté est une lame
Dans le temps sans rebords
On ne dort pas dans ses châteaux de verre
Non plus que sous les mots du manque
Le vent chante pourtant
Sous les ogives de la maison de l’air
Où ne demeurent que l’amour et la beauté
Jusqu’à l’amour sans la beauté
Le geste de l’amant sera parfait
Et ce bleu qui fut dit adorable
Un jour où l’éphémère effleura l’éternel
//Gabrielle Althen (06/04/1939 -)
Seul dure l’éphémère
Il y a huit ans
Le huit août
À quatorze heures
Le soleil tapait fort
C’est alors
Qu’elle est morte
Son corps si léger
Emporté par la lumière
S’en fut dans l’éther de la pluralité des mondes
Sa voix est morte
Son regard est mort
Sa silhouette est morte
Même son ombre est morte
Avant elle
Des milliards d’années
Après elle
Des milliards d’années
En-deçà d’elle
Des milliards de voies lactées
Au-delà d’elle
Des milliards de voies lactées
// Michel Onfray
Le frisson dans les bruyères qu’étonne
Le frisson dans les bruyères qu’étonne
l’aile de l’oiseau
l’infini lavis rose que laisse le soleil le soir
après l’averse
une parcelle de silence entre les bruits
ou la voix jaillie d’un commencement
il est ainsi de ces beautés infimes
qui touchent au centre parfait du jour
et les perçoit l’âme ajustée au simple
comme un chemin par elles vers elle-même
alors nous habitons
réellement
nous n’attendons plus de réponse
alors une joie avance en nous
fleur profonde
déliée de la grande mort
nous voilà savants
comme avant la parole
//Jean-Pierre Siméon
J'écris la mémoire. J'écris ma mère. La mémoire de ma mère entretenue comme un jardin. J'écris ma mère en friche dans son jardin. Dans les allées de son jardin, je suis entourée de ma mère et de sa mémoire. J'écris sa mémoire s'en va. J'écris sa mémoire me revient. J'écris sa mémoire et la mienne me reviennent. J'écris des fleurs des tu te souviens. Si ma mère s'en va, je demeure avec elle. Sa mémoire et la mienne un seul jardin. J'écris ma mère même. Un jardin entretenu la mère de ma mémoire. J'écris ma mère m'aime. Sa mémoire m'aime. J'écris je l'aime. Une mémoire l'aime.
(Cécile Guivarch)
L’intime nanoseconde
au présent je suis toujours
une phrase et son silence
une forme de condensation
buée d’univers
// Nicole Brossard