Les paysages impressionnises sont ou bien de franches célébrations de constructions nouvelles, ou bien des compositions soigneusement équilibrées dans lesquelles les éléments traditionnels voisinent avec ceux de l'âge nouveau. Même leur modernité est fragile.
Il ne fait guère de doute que les paysages impressionnistes sont les oeuvres d'art les plus largement connues et appréciées qui aient jamais été produites. Ils sont devenus la pierre de touche universelle du goût du grand public, supplantant presque l'oeuvre de Raphaël, de Léonard de Vinci et de Michel-Ange dans l'imagination collective du monde.
On ignore pourquoi les Impressionnistes ont représenté tant de paysages rustiques. Les touristes et les voyageurs du XIXe siècle avaient peu de raisons de visiter ces villages. Les écrivains de l'époque étaient très critiques envers la vie traditionnelle des campagnes. Honoré de Balzac, dans Les paysans (1844), présentait les villageois comme des arriérés stupides et bornés; cette idée prédominait dans les autres romans contemporains pour aboutir à la publication de La terre d'Emile Zola en 1887.
Flaubert a vanté la charmante splendeur - quoique éphémère - de la résidence de campagne de l'éditeur Jacques Arnoux à Saint-Cloud dans L'éducation sentimentale (1860), mais il dénigra les charmes de la ville de province où vivait son héros. Si l'on se sent à l'étroit dans la société provinciale et fermée de Nogent, on se sent libéré en pénétrant dans la société citadine de Saint-Cloud.
Une certaine pastorale rustique n'était pas absente de la littérature. George Sand écrivit des romans champêtres, bien qu'elle fût parfaitement consciente de l'abîme culturel qui séparait les paysans des citadins modernes qui la lisaient. Elle décrivit le monde rural comme un antidote à la vie urbaine; de nombreux écrivains partageaient son point de vue.
Dans les années 1860, lorsque les Impressionnistes commencèrent à peindre des paysages, ils n'étaient pas les seuls à le faire. Des auteurs satiriques racontaient que dans leurs voyages à travers la campagne ils rencontraient plus de paysagistes que de touristes ou même de paysans; le paysage dominait au Salon de Paris.
Les Impressionnistes rejetèrent moins radicalement le passé de la France rurale que le passé historique. les châteaux de l'aristocratie et de la bourgeoisie sont rares dans leurs paysages tandis que les humbles logis des petits paysans y sont nombreux, en particulier chez Pissaro, Cézanne, Gauguin, Guillaumin et Sisley.
Le monde en sait plus sur la France à travers la vision des Impressionnistes qu'il n'en sait d'expérience sur ce pays.
La France des Impressionnistes était une France belle, simple et prospère.