Jumphe n'ira jamais au Vénézuela. Le plus loin qu'il ira c'est à Conforama.
Le commissaire Scarfe n'éprouvait pourtant aucun dégoût pour les cadavres, au contraire: il collectionnait les insectes qu'on trouve dans les corps en décomposition, et gardait dans son bureau plusieurs boites d'entomologie thanatologique, qu'il était toujours prêt à montrer aux visiteurs intéressés.
Je le regarde pendant qu'il ausculte la tôle. Il ressemble à ces métayers du sud des USA que photographiaient dans les années 30, Walker Evans ou Dorothea Lange. Moi qui attendais un bon gros préposé à moustaches, je suis presqu'intimidé par ce grand paysan altier et imperturbable qui tire sans effort apparent sur la tôle enfoncée : et le métal se déplie docilement, ramolli, semble-t-il, ou intimidé lui aussi.
- Vous êtes rentré dans un sanglier ?
Il y a deux minutes, j'étais tellement en rage que j'aurais été incapable de répondre courtoisement à ce persiflage discret. Mais le bonhomme a la façon : il vous communique un flegme. Je réponds avec enjouement :
- Un sanglier ? Pensez-vous ! C'était un militaire !
On les connaissait les cures à Dagobert!
Des deux mois en Dordogne, où il devait prendre des drôles d'eaux rouges!
Caffe, c'est un mot bourbonnais qui veut dire impair. Ça désigne une chose qui fait normalement partie d'une paire , et qui reste seule, en surnombre. Par exemple, un boeuf de labour qui a perdu son compagnon d'attelage est un boeuf caffe, une fille qu'on a pas pu apparier avec un garçon lors d'une noce est une fille caffe.
Autrefois, dans la forêt de Tronçais, il y avait deux étangs jumeaux. Et puis, on en a comblé un, parce qu'il perdait son eau. L'autre est resté seul. C'est pour ça que l'endroit s'appelle l'Étang-Caffe.
Elle chante et dans la salle c'est un frisson qui passe. Les dîneurs sont essentiellement des touristes américains et quelques vieux Italiens très beaux. Mais tous ils interrompent leurs conversations. Le vin reste rouge et brillant dans les verres. Le maître d'hôtel se fige contre une colonne de faux marbre. En Italie, vous pouvez foutre le feu à un édifice: si vous vous tenez devant les flammes en chantant la catastrophe, vous pouvez être sûr qu'on oubliera l'incendiaire pour applaudir le chanteur ! Quel beau pays ! Quel peuple !...
Le jour où Christian Tarsier avait rencontré le Si t'as peur, jappe, qui se présentait comme "le meilleur groupe de blues, et le seul, de Lévigny-sur Cher", il devait y avoir dans son ciel astral une méchante conjonction de Saturne en trigone, de couilles en barre et de Charybde en Scylla; parce que des groupes de tarés, depuis le temps qu'il promenait sa batterie dans toutes les galères musicales de la région Centre, il en avait déjà connu un certain nombre; mais comme celui-là, jamais.
Mais, dit le Docteur, quand ils sont nés, on leur a refilé un cinq de pique, un six de trèfle et un trois de carreau (et pas de coeur, pas de coeur surtout, on leur a pas refilé de coeur). Et on les a assis au grand poker du monde en leur disant : t'as ta place, vas-y , joue mon gars.
Au café du parc des Prés-Fichaux, Gérard Fouin et Grégoire Cyran du Jambot, respectivement bassiste et batteur de Rockin' Little Hen, martyrisaient un vénérable flipper, qui aurait pu avantageusement figurer dans l'exposition internationale des premières machines à sous. Les autres membres du groupe étaient partis immédiatement après le cocktail au Complexe néo-culturel, mais eux avaient préféré rester à Bourges pour aider Gondolier à finir les dernières bouteilles du bar, et à cinq heures du matin, incapables de retrouver la direction d'Orléans, ils avaient décidé de dormir dans le Ford de Cyran du Jambot, d'où ils étaient sortis à dix heures pour aller boire un café bien serré et s'adonner à leur sport favori.
L'histoire sortait de la tombe de Line, crue et nue, tout entière. C'était la Grande Arpente des Champs d'en bas qui commençait, enfin.