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Citation de Ledraveur


LES CENT MILLE CHANTS
Parmi les six leçons de Naropa, l'embrasement de la chaleur intérieure (tib. : gtum-mo) paraît la pratique presque obligée de tout anachorète. L'essence séminale se trouve transmutée par le travail du corps et la concentration de l'esprit en la plus pure des énergies créatrices. « L'adepte ne doit pas se laisser aller à l'orgasme normal descendant, mais inverser la force et la projeter dans le canal central jusqu'au centre du cœur, où cette énergie se transformera en souffle », résume Patrick Carré dans sa riche introduction au poète Han-Shan. La chaleur corporelle n'apparaît qu'accessoirement, en cadeau pourrait-on dire.
Dans sa pratique, le disciple de la lignée Kagyüpa peut choisir de se livrer à cette expérience de la chaleur intérieure ou encore à l'expérience plus périlleuse de karma mudrâ; le sceau de l'action, la pratique avec la partenaire mystique aux signes d'élection. « Formidable rencontre de deux forces qui laissent une très profonde impression », écrit Chogyam Trungpa, mais Khenpo Yéshé Chôdar Rinpoché insiste sur la frontière très mince qui sépare l'union ordinaire avec une femme ordinaire et la fusion mystique avec la partenaire possédant une des quatre caractéristiques des dakinis. Celui qui ne se livre pas à la pratique de karma mudrâ, comment pourrait-il en parler ? Sa compréhension théorique semble dérisoire. En dévoilant la moelle de ses expériences, celui qui pratique karma mudrâ s'expose au courroux des messagères du secret, car sa parole interrompt le courant de l'intuition et de la grâce. Il nous faut donc savoir déchiffrer, sans pouvoir transgresser les trois sceaux du secret qui ferment le chapitre 31.
... d’autres chapitres dispensent de simples cours de morales à l’usage des “esprits simples”. Par leur style et leur sens, certains de ces passages se devinent comme des ajouts plus tardif* à l’œuvre, comme l’endoctrinement d’une “église” déjà structurée. Il s’agit, pour citer Paul Jacob, de “doctrine mise en vers”, souvent bien triste. Les préoccupations du Jetsün concernant la façon de circumambuler, ainsi que le nombre requis des salutations ou encore la façon de poser les questions, n’emportent pas notre adhésion. Elles semblent des tentatives visant à codifier un cérémonial, elles apparaissent comme la volonté d’instaurer des conventions qu’en réalité Milarépa avait fuies dans la montagne et contre lesquelles il déploie ailleurs toutes sa verve. Ces “dérives” ne suffisent pas à affadir l’œuvre mais le lecteur ou traducteur aimeraient peut-être les ignorer à l’occasion.
p. 14 et 15

* hagiographie (1490) de Milàrépa par Tsang-Nyön Hérouka (1452-1507), XIVe.
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