L'amitié ne s'explique pas :
Piliki n'a rien de commun avec moi.
Je suis immense, il est minuscule.
Je suis végétarien, il raffole des insectes et des petits lézards.
Je me promène pesamment sur quatre pattes, il file en zigzag sur ses pattes arrière.
"Pourtant, rien ne peut nous séparer !"
Le plus beau vers de la langue française (poème de René de Obaldia)
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l'air
Le plus beau vers
De la langue française.
Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin...
Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins. »
Eh bien ! non, mes zinfints.
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D'une main moite
A écrit :
« C'était l'heure divine où, sous le ciel gamin,
LE
GEAI
GÉLATINEUX
GEIGNAIT
DANS
LE
JASMIN. »
Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s'identifie
À l'oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.
Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain !
Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain :
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
Admirez comme
Voyelles et consonnes sont étroitement liées
Les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif
Ces gé sans fin
Tous ces gé zingénus qui sonnent comme un glas :
Le geai gela... « Biaise ! Trois heures de retenue.
Motif:
Tape le rythme avec son soulier froid
Sur la tète nue de son voisin.
Me copierez cent fois :
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
(pp. 33-34)
Un tonnelier sévère (poème de Louise de Vilmorin)
Un tonnelier sévère
Qui mon amant devint
Par l’automne s’en vint
De Paris à Tonnerre
Car son cœur est devin.
Mon cœur n’a pas d’automne,
J’avais un autre amant
Caché dans une tonne
Que nul ne s’en étonne,
Comment faire autrement ?
En entrant dans la pièce,
Mon amant tonnelier
Voulut me mettre en pièce
Puis en tonnant : « Qui est-ce ? »
Il s’en fut au cellier.
Là, couché dans sa tonne,
Ô lit de ses revers,
Mon innocent entonne
Quelques vers où l’eau tonne
Quand les bois sont d’hiver.
Mon tonnelier sévère,
À mis, à midi vingt,
L’ami, l’ami divin
Vent d’ange dans sa bière
Et je l’appelle en vain.
(p. 49)
Pudeur (poème de Pierre Ferran)
Ne me touchez pas !
dit la petite calmar,
je ne suis pas encore seiche.
(extrait de « Les Zoos effarés »)
Nanou (poème de Louis Guillaume)
Pour aller à Tombouctou,
Nanou prend la diligence.
À cheval sur mes genoux,
Voyez comme il se balance !
Pour aller chercher des œufs,
Nanou monte à bicyclette.
Dans un tournant dangereux,
Il fabrique une omelette...
Pour aller jusqu'à la lune,
Il n'a qu'à se mettre au lit :
À bord d'une libellule,
Le voilà bientôt parti.
Mais pour aller à l'école,
Nanou marche à reculons !
Il faut que je le console
Et lui porte son carton.
(p. 23)
Bon conseil aux amants (poème de Victor Hugo)
[...]
Un brave ogre des bois, natif de Moscovie,
Était fort amoureux d'une fée, et l'envie
Qu'il avait d'épouser cette dame s'accrut
Au point de rendre fou ce pauvre cœur tout brut :
L'ogre, un beau jour d'hiver, peigne sa peau velue,
Se présente au palais de la fée, et salue,
Et s'annonce à l'huissier comme prince Ogrousky.
La fée avait un fils, on ne sait pas de qui.
Elle était ce jour-là sortie, et quant au mioche,
Bel enfant blond nourri de crème et de brioche,
Don fait par quelque Ulysse à cette Calypso,
Il était sous la porte et jouait au cerceau.
On laissa l'ogre et lui tout seuls dans l'antichambre.
Comment passer le temps quand il neige en décembre.
Et quand on n'a personne avec qui dire un mot ?
L'ogre se mit alors à croquer le marmot.
[...]
Quand la dame rentra, plus d'enfant ; on s'informe.
La fée avise l'ogre avec sa bouche énorme :
- As-tu vu, cria-t-elle, un bel enfant que j'ai ?
Le bon ogre naïf lui dit : Je l'ai mangé.
Or, c'était maladroit. Vous qui cherchez à plaire,
Jugez ce que devint l'ogre devant la mère.
[…]
(p. 24)
Bestiaire sans prénom (poème de Hans Arp)
L'éléphant est amoureux du millimètre
l'escargot est fier
sous son chapeau d'or
son cuir est calme
avec un rire de flore
il porte son fusil de gélatine
l'aigle a des gestes de vide présumé
son pis est rempli d'éclairs
le lion porte une moustache
en pur gothique flamboyant
et des souliers pâles et purgés
comme un néo-soldat
après une défaite de lune
la langouste descend du mât
échange sa canne contre une baguette
et remonte avec son bâton
le long du tronc d'arbre
la mouche avec un regard ronflant
repose son nez sur un jet d'eau
la vache prend le chemin de parchemin
qui se perd dans un livre de chair
chaque poil de ce livre
pèse une livre
le serpent saute avec picotement et picotement
autour des cuvettes d'amour
remplies de cœurs percés de flèches
le papillon empaillé
devient un papapillon empapaillé
le papapillon empapaillé
devient un grandpapapillon grandempapaillé
[…]
(p. 6)
CONSEILS À UN VOYAGEUR TIMORÉ
QUI S’APPRÊTAIT À TRAVERSER UNE FORÊT HANTÉE PAR DES ÊTRES SURNATURELS
Par les bois du djinn où s’entasse de l’effroi
Parle ! Bois du gin !... ou cent tasses de lait froid !
(Le lait froid, absorbé en grande quantité, est connu pour donner du courage au plus pusillanimes.)
Vers holorimes paru dans « Le Journal ».
Les Ouménés de Bonada (d'Henri Michaux)
Les Ouménés de Bonada ont pour désagréables voisins les Nippos de Pommédé. Les Nibbonis de Bonnaris s'entendent soit avec les Nippos de Pommédé, soit avec les Rijabons de Carabule pour amorcer une menace contre les Ouménés de Bonnada après naturellement s'être alliés avec les Bitules de Rotrarque ou après avoir momentanément, par engagements secrets, neutralisés les Rijobettes de Billiguettes qui sont situés sur le flanc des Kolvites de Beulet qui couvrent le pays des Ouménés de Bonnada et la partie nord-ouest du turitaire des Nippos de Pommédé au-delà des Prochus d'Osteboule.
La situation naturellement ne se présente pas toujours d'une façon aussi simple: car les Ouménés de Bonnada sont traversés eux-mêmes par quatre courants, ceux des Dohommédés de Bonnada, des Odobommédés de Bonnada, des Orodommédés de Bonnada et enfin des Dovoboddémonédés de Bonnada.
(p. 30)
En moins d'un siècle, les paysans chasseurs d'Europe l'exterminèrent. Des naturalistes et des collectionneurs n'hésitèrent pas à tuer les plus beaux spécimens et à piller leur nid, principalement pour les exposer dans les musées.