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3.64/5 (sur 77 notes)

Nationalité : Madagascar
Né(e) à : Madagascar , le 26/06/1967
Biographie :

Jean-Luc Raharimanana est né le 26 juin 1967 à Madagascar où il réside jusqu'à l'âge de 22 ans. Grâce à une bourse d'études, il arrive en France en 1989 pour suivre des cours à la Sorbonne et à l'INALCO. Professeur et journaliste pigiste, il collabore à de nombreuses manifestations littéraires et pédagogiques. En 2002, il laisse l'enseignement, notamment pour défendre son père qui a été arrêté et torturé à Madagascar. Il ressent alors l'extrême nécessité de consacrer la majeure partie de son temps à l'écriture, à la recherche, à la restitution de cette mémoire trahie par des récits où se confondent "mythe et réalité".
Il est l'auteur de Lucarne, 1996 ; Rêves sous le linceul, 1998 et Nour, 1947, 2001 publiés au Serpent à plumes. Remarqués par la critique et salués par des prix, tous les livres de cet auteur ont été repris en poche. Homme de théâtre, il a reçu avec sa pièce Le prophète et le président le Prix du Théâtre interafricain Tchicaya U'Tamsi (RFI) en 1990, pièce qu'il reprendra et mettra en scène en mai 2005 au théâtre des Déchargeurs, Paris. Sa nouvelle pièce, une farce, La femme, la dinde, les deux compères et la bouteille sera jouée prochainement à La Réunion et en France en août-Octobre 2004 sur une mise en scène de Frédéric Robin, théâtre des Bambous, Saint Benoît, Centre Culturel Charlie Chaplin, Vaulx en Velin.

Parutions :

L'Arbre anthropophage. Paris: Gallimard/Joëlle Losfeld, 2004.
Nour, 1947. Paris: Le Serpent à plumes, 2001.
Le lépreux et dix-neuf autres nouvelles. Paris: Hatier, 1992.
Rêves sous le linceul. Paris: Le Serpent à plumes, 1998.Lucarne. Paris: Le Serpent à plumes, 1996.

Théâtre / Créations:
Le prophète et le président, théâtre. Mise en espace par le TILF (Avignon, 1995). Mise en onde sur R.F.I. (1993).
Le puits, théâtre. En production avec la Maison du Geste et de l'Image, le TILF et le Théâtre de la Villette, (Paris, Tours, Limoges, 1997). Publié chez Actes Sud Papier, 1997.
Lépreux, nouvelle. Mise en onde sur R.F.I. (1990).
Le tambour de Zanahary, conte musical. (Tournée en France 2000-01-02).

Prix et distinctions littéraires:
1987 Prix J.J. RABEARIVELO de poésie.
1989 Prix TARDIVAT International de la meilleure nouvelle de langue française (RFI, ACCT, Le Monde).
1990 Prix Tchicaya U'Tamsi du théâtre interafricain, 1990, théâtre.
1998 Grand Prix Littéraire de Madagascar (ADELF), pour Rêves sous le linceul.
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Citations et extraits (63) Voir plus Ajouter une citation
Mon cœur bat. Depuis longtemps, il battait la mesure de ma vie. Comme un son de tam-tam qui résonne dans les savanes et qui trahit la présence d'une vie. Au loin répond le chant de la mort. Je l'attends. Il viendra infailliblement. Le battement du cœur est un appel à la mort.

Première nuit, 5 novembre 1947 : I.
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Nous avons oublié, ou feint d'ignorer, que nous venons d'ailleurs, d'un ailleurs qui nous avait chassés ou poussés sur les mers à bord de nos boutres chétifs. Inventant des origines célestes, créant des mythes nouveaux, nous avons effacé notre passé, occulté notre véritable histoire. Ceux-des-rivages affirment maintenant qu'ils descendent du Prophète, que jalousés, persécutés, ils avaient préféré quitter la Terre sainte et échoué sur ces rivages. Ceux-des-cimes soutiennent que la fille de Dieu était descendue sur cette terre pour épouser leur ancêtre, le premier homme. Que disent Ceux-des-savanes, que disent Ceux-des-rochers, que disent Ceux-des-îlots, Ceux-des-fleuves, Ceux-des-sables… ? L'oubli. Rien que l'oubli. Nous avons tant fermé les yeux sur nos origines que le fil des temps s'est rompu et nous a rendus aveugles. Qui maintenant peut se targuer de connaître nos véritables origines ? Nous avons perdu notre passé et notre temps est ainsi écorché. Notre présent boitille, notre avenir dépérit.
Saurons-nous un jour que nous ne formions qu'une seule nation ?

Première nuit, 5 novembre 1947 : I.
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Cette île, Ambahy, est de tous les regrets. À mes lèvres, j'ai porté le sel de ses plages et j'ai revu de mes yeux médusés la mère que l'on nous raconte née des lumières se donner à l'océan. Elle a ouvert son ventre et l'ombre en elle s'est engouffrée.
Chante comme en une veillée de légendes :
« L'ombre a enflé le ventre de la mère et nous a créés noirs et miséreux. »
Chante encore :
« Dans le noir, nous retournerons. Dans le noir, nous retomberons. Dans le noir du ventre. Dans le noir de la tombe. »
La mère s'est effacée comme une onde sur les dunes et je me demande encore si je n'ai pas rêvé. Silence. Le vent entrouvert vomit des silences. Cette île est de tous les regrets.

Première nuit, 5 novembre 1947 : I.
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Je détournais mes regards de la fenêtre, ne savais pourquoi cet homme, Willem Rueff, s'était donné la mission de me " protéger ". Ou plutôt si ! Par vanité. Par orgueil. Pour prouver à ses collègues l'immensité de sa culture, la magnificence des aventures qu'il avait rencontré dans les colonies. « Cet homme, disait-il en me montrant, appartient à la race des nègres la plus évoluée.
Mets-toi bien en face ! Ne bouge plus… »
Il releva mon menton, tira un peu dans mes cheveux.
« Voyez ses yeux… Ne sont-ils pas bridés ? Étonnant, pour un nègre, non ? Cela démontre parfaitement cette théorie qui soutient que l'homme traverse des périodes précises d'évolution. Vous avez devant vous un homme qui perd petit à petit ses caractéristiques négroïdes pour acquérir celles de la race asiatique, située sur un échelon plus élevé. Voyez ses cheveux… Sont-ils crépus ? Sont-ils lisses ? Avez-vous déjà rencontré un nègre pareil ? Avez-vous jamais entendu parler d'une telle race sinon sur cette île extraordinaire ? […] Sur cette île se retrouve résumée l'histoire de l'évolution humaine. Cet homme que vous voyez devant vous, vous le voyez bien, est tout ce qu'il y a de plus noir de peau. Regardez-le bien ! Il brille d'un noir d'ébène. Ses yeux sont pourtant bridés, ses cheveux presque lisses et la forme de son visage approche de celle d'un Asiatique. D'autres habitants de l'île sont encore plus extraordinaires. Ils ont perdu leur couleur d'ébène primitive et sont presque aussi clairs que les Asiatiques. On ne peut même pour certains faire la différence avec un véritable Asiatique. D'ailleurs, ces hommes plus clairs sont bien plus intelligents et plus dominateurs. Partout dans l'île, ils s'affirment et imposent aux autres races leurs propres modes de vie. Acquérant les vertus de notre science et de notre civilisation, ils se rapprochent à grands pas de l'échelon supérieur. »

Troisième journée, 7 novembre 1947 : II.
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Nous étions Ceux-des-savanes ou Ceux-des-cimes, nous étions Ceux des rivages, Ceux-des-forêts ou Ceux-des-épines… Nous sommes convenus d'occuper cette terre. Les uns ont émigré vers le sud, remonté vers l'ouest, les autres se sont retournés vers l'est puis ont gagné le nord. Ceux-des-cimes ont coupé vers le centre et occupé les collines. Quand au bout de nos migrations nous nous sommes retrouvés, nous ne nous sommes pas reconnus. Les une ne croyaient plus aux autres, les autres ne toléraient plus les uns. Nous nous sommes déchirés, battus.

Première nuit, 5 novembre 1947 : I.
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On raconte qu'ils étaient des centaines dans ce boutre. […] Ils ne savaient vers quelle destinée leurs maîtres les déportaient. Jour et nuit, ils priaient. L'océan semblait s'étendre un peu plus à chaque invocation, s'étaler un peu plus à chaque pleur. […] Leurs maîtres les nourrissaient de moins en moins. Ils savaient qu'ils étaient perdus, qu'il y avait trop de bouches à nourrir. Leurs maîtres leur permirent de monter sur le pont et leur tinrent discours : « La terre est loin et nos vies raccourcissent… » Ils comprirent mais n'eurent pas le temps de réagir. Les armes des maîtres sortirent déjà. Ils furent poussés dans la mer, bousculés vers les flots. Seuls les plus valides parvinrent à se réfugier dans les cales. De là, ils menacèrent de crever le flanc du boutre. Les maîtres n'osèrent les en déloger. On raconte qu'ils y ont vécu des jours et des jours, qu'ils ne surent plus distinguer les soleil de la lune. On raconte que, poussés par la famine, ils ont dévoré étoffes et toiles. Surent-ils encore qu'ils étaient des hommes ? Plus aucun d'entre eux ne portait d'habits. Plus aucun d'entre eux n'osait se regarder. Leurs regards brillaient tandis que leurs âmes s'éteignaient petit à petit. Régulièrement un homme, une femme, entreprenait de crever le flanc du navire. Régulièrement cet homme, cette femme mourait d'épuisement. Les coups vibraient dans leurs veines et semblaient les atteindre au plus profond. Leurs maîtres leur proposèrent enfin de jouer leur destin à coups de dé, au hasard… Ils acceptèrent de remonter sur le pont. Furent disposés sur les bords dix cages de fer abritant chacune six personnes. Cinq cages pour les maîtres, cinq cages pour les esclaves. À chaque coup de dé perdant, une cage rejoignait aussitôt les abîmes océanes. On jouerait cinq coups.
On raconte que les deux premiers désignèrent les esclaves. On raconte que le troisième désigna encore les esclaves. Un maître lança son dé et un esclave l'attrapa au vol. Le dé ne comportait que le chiffre le plus élevé. Les maîtres ressortirent leurs armes et les embrochèrent de nouveau sur leurs sabres et leurs pointes de fer. Seuls une dizaine d'entre eux en réchappèrent et tinrent au sud du boutre. Les maîtres les y laissèrent errants, hagards, terrifiés.

Première nuit, 5 novembre 1947 : II.
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Contre mousquets, alcools, soies ou verreries, nous leur avons défriché nos forêts pour présenter ébènes et palissandres. Ceux-des-savanes ont cru qu'ils pourraient les aider à étendre leur royaume et à freiner la puissance de Ceux-des-cimes, tandis que Ceux-des-cimes acquéraient leurs sciences de la guerre. Nous n'avons pas pensé un instant qu'il fallait nous retrouver et nous reconnaître de nouveau. Nous n'avons pas su qu'ils avaient proclamé ce sol comme étant le leur dès qu'ils y avaient posé leur stèle et leur croix ! Ce sol que nos ancêtres avaient sanctifié et conquis ! Nous n'avons pas su ou voulu croire qu'ils venaient vers nous non comme un homme vers un autre homme mais comme un maître vers son esclave. Ainsi agissons-nous pourtant les uns contre les autres. Nous n'avons pas su qu'ils niaient notre humanité même. Mais à cela étions-nous vraiment préparés — nous qui nous croyions auparavant seuls hommes sur Terre ?

Première nuit, 5 novembre 1947 : I.
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Avais-je le droit de dire que mes bras ne pouvaient secourir que d'autres hommes qui semblaient me correspondre, car compatriotes, car habitant les mêmes terres ? Ne ressemblais-je pas à ces gens qui ne voulaient vivre qu'entre eux et qui écartaient les autres ?

Cinquième nuit, 9 novembre 1947 : I
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“Voici la nuit, voici mon univers. C’est un univers de silence. De silence, oui ! On écoute le silence comme on écoute une femme murmurer “je t’aime”. Voluptueux ce silence, sensuel, doux, comme une prière que ressentent tous les fibres du corps.”
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Nous y croyions, au départ des coloniaux. Nous n'en doutions nullement. Ne pouvions concevoir que venant de si loin ils puissent décréter cette terre comme étant la leur. Ne pouvions même pas comprendre comment cette idée avait pu germer dans leur esprit. Est-ce par ce Dieu qui leur recommande de peupler toutes les terres ? Est-ce par cet orgueil qui les porte et qui les incite à ne pas supporter d'autres cultures, d'autres façons de vivre ?
Je tentais d'expliquer à mes compagnons comment ils se massacraient mutuellement dans leur pays. Je tentais de leur décrire l'horreur des tranchées et la barbarie de leurs affrontements. Le silence me répondait. Seulement le silence. L'incompréhension…
Je me rends compte maintenant de combien nous avions manqué de lucidité, de combien nous avions oublié qu'ils n'étaient que des hommes, en réalité ! Des hommes qui rêvaient de conquête ! Des hommes qui brûlaient de désir de puissance ! Nos ancêtres avaient débarqué sur ces rivages. Migrants. Étrangers. S'y étaient installés. Enracinés. Jusqu'à oublier que la graine donnant les racines venait d'une autre terre, d'une autre contrée. Loin. Très loin d'ici. Désir d'affirmer et de croire que notre propre puissance s'assimile à celle que libère cette terre que nous foulons ! Nos rois n'avaient pas hésité à nous vendre pour assouvir ce même désir ! Nos peuples n'avaient pas hésité à s'affronter pour le contrôle d'une plaine ou d'un cours d'eau ! Les coloniaux étaient juste venus d'un peu plus loin, avaient utilisé d'autres moyens, d'autres dieux…
[…]
Quelle est cette idée d'appartenance qui nous pousse à nous entre-tuer ? À effacer toute trace ne convergeant pas dans notre sillage ? Peut-on décréter que toute terre ne doit correspondre qu'à une race, qu'à une nation, qu'à une civilisation ?

Sixième journée, 10 novembre 1947 : I
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