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4.07/5 (sur 14 notes)

Nationalité : Grèce
Né(e) à : Syracuse (sans doute). , le v 315 av J.-C
Mort(e) le : v.250 av.J.-C
Biographie :

Poète grec, probablement né à Syracuse entre 315 et 310 avant J.-C.
Le peu que nous savons de lui se limite aux pays où il séjourna: la Sicile, la Grèce, l'île de Cos et Alexandrie,où, reçu à la cour de Ptolémée Philadelphe, il aurait connu Callimaque, le type même du poète officiel. Il serait enfin revenu dans l'île de Cos pour ne plus la quitter, et c'est là qu'il aurait écrit la plupart de ses poèmes.
On le classe parmi les poètes alexandrins, mais il surpasse les autres par l'acuité de la sensation, la puissance de la sensibilité et le naturel de l'expression. Il est le créateur, dans ses IDYLLES, de la poésie bucolique, où il exprime le regret de l'état de nature, lui qui vit à une époque extrêmement civilisée. Quant à ses chants d'amour, où la passion physique trouve des images fortes et neuves, ils ne peuvent se comparer qu'à ceux de Sappho.
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Source : Littérature grecque, Humbert
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[RARE] THÉOCRITE – Une Vie, une Œuvre : Les Muses amoureuses des Bergers (France Culture, 1991) Émission "Une Vie, une Œuvre" par Claude Mettra, sous-titrée « Les Muses amoureuses des Bergers », diffusée le 20 juin 1991 sur France Culture. Invité : Jean-Paul Savignac.


Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Délice ce murmure et ce pin, chevrier, là-bas,
Qui chante près des sources, et délice aussi, toi,
Comme tu joues de la flûte. Après Pan, tu emporteras le deuxième prix.
S'il prend le bouc cornu, tu prendras la chèvre.
Et s'il prend le chèvre comme part d'honneur, vers toi affluera
La chevrette. Et de la chevrette, tant qu'elle n'a pas mis bas,
La viande est un régal.
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Ve IDYLLE

LES CHANTEURS BUCOLIQUES

Combat de deux bergers pour le prix du chant. Ils gagent, l'un un chevreau, et l'autre un agneau. Morson, pris pour juge, prononce eu faveur de Comatas. Joie du vainqueur.

COMATAS, LACON, MORSON (24)

COMATAS. Mes chèvres, fuyez Lacon le Sybarite : il m'a dérobé ma toison.
LACON. Quoi ! mes brebis, vous ne fuyez pas de cette source ? vous ne voyez donc pas Comatas qui m'a volé ma flûte ?
COMATAS. Quelle flûte, vil esclave ? As-tu jamais eu une flûte ? N'est-ce pas assez pour toi de souffler avec Corydon dans un pipeau sauvage ?
LACON. Celle, excellent jeune homme, que Lycon m'avait donnée. Mais toi, quelle toison ? L'ai-je dérobée ? Parle donc, Comatas. Jamais ton maître Eumoras en a-t-il mis une sous lui pour dormir ?
COMATAS. Cette toison bigarrée que m'avait donnée Crocylus le jour où il sacrifiait une chèvre aux Nymphes. Toi, méchant, tu en séchais de jalousie ; enfin tu m'en as dépouillé.
LACON. Non, par le dieu Pan, gardien de nos rivages, non, Lacon, fils de Céléthis, ne t'a point dépouillé de cette toison. Si je mens, puissé-je dans un transport furieux me précipiter du haut de cette roche dans le Crathis (26).
COMATAS. Non, j'en atteste les Nymphes du marais, et qu'elles me soient toujours propices ! Non, Comatas n'a pas dérobé ta flûte.
LACON. Si je t'en crois, puissent fondre sur moi tous les malheurs de Daphnis ! Mais si tu veux gager un chevreau, et la gageure n'est pas considérable, je te dispute le prix du chant jusqu'à ce que tu t'avoues vaincu.
COMATAS. Allons, le porc a défié Minerve. Voilà mon chevreau; dépose un mouton gras.
LACON. Impudent, où serait l'égalité ? Qui voudrait tondre du poil pour de la laine ? A côté d'une chèvre, mère pour la première fois, qui voudra traire une misérable lice ?
COMATAS. Celui qui est sûr de la victoire, comme toi, insipide bourdon, qui oses défier la cigale. Eh bien ! si mon chevreau ne vaut pas ton mouton, voilà mon bouc. Commence.
LACON. Attends donc ; le feu n'est pas chez toi. Tu chanteras mieux assis sous cet olivier sauvage, à l'entrée du bois. Une source y répand un frais délicieux. La mousse forme un lit bien doux, et les sauterelles font entendre leur murmure.
COMATAS. J'attends, mais je ne puis concevoir que tu oses me regarder en face, toi dont mes leçons instruisirent l'enfance. Voilà le prix que j'en retire. Élevez donc des louveteaux, élevez des chiens (25) pour qu'ils vous dévorent !
LACON. Des leçons ! Toi ! et quand donc, je te prie, envieux et chétif avorton, est-il sorti de ta bouche quelque chose de bon et de sage dont je puisse me souvenir ?
COMATAS. Quand ? Mais le jour où tu sais, la douleur doit te le rappeler. Les chèvres bondissaient autour de nous, et le bélier se dressait sur ses pieds de derrière.
LACON. Que ton corps, vilain bossu, n'entre pas sous la terre plus avant que... Allons, viens, commence.
COMATAS. Non, je ne quitterai pas ces chênes ni ce tendre gazon où l'abeille bourdonne autour de sa ruche. Ici deux sources versent une onde pure, les oiseaux font entendre leurs doux gazouillements sur ces arbres, et cette ombre est préférable à la tienne. D'ailleurs ce pin laisse tomber ses fruits.
LACON. Mais tu te reposeras ici sur des toisons d'agneaux, sur un duvet plus doux que le sommeil. Ces peaux de boucs sentent encore plus mauvais que toi. Demain j'offrirai aux Nymphes une grande coupe remplie d'un lait délicieux et une autre de la liqueur de l'olive.
COMATAS. Et toi, tu fouleras ici la molle fougère et le pouliot fleuri; j'étendrai sous toi des peaux de chèvres mille fois plus douces que tes toisons d'agneaux. J'offrirai à Pan huit vases de lait et huit ruches garnies de leurs rayons pleins du miel le plus pur.
LACON. Reste donc là-bas à l'ombre de tes chênes favoris, et commence ta chanson. Mais qui sera le juge ? Si Sycopos venait !
COMATAS. Je n'ai que faire de lui. Si tu veux appelons ce bûcheron qui fend des tamaris là-bas derrière toi. Je crois que c'est Morson.
LACON. J'y consens.
COMATAS. Eh bien! appelle-le.
LACON. Hé ! l'ami ! viens nous entendre ; il s'agit du prix du chant. Il ne faut, mon cher Morson, ni m'être favorable ni protéger Comatas.
COMATAS. Oui, au nom des Nymphes, je t'en prie, ami Morson, pas de partialité pour moi, mais pas d'indulgence pour Lacon. Ce troupeau est celui de Thyrius, et les chèvres que tu vois là-bas appartiennent à Eumarus, tous deux de Sybaris.
LACON. Mais, traître ! quelqu'un te demandait-il si ce troupeau est au Sybarite ou à moi ? Dieux ! que tu es babillard !
COMATAS. Oh ! l'homme modeste, je dis la vérité, moi, et je ne suis pas un insolent orgueilleux comme toi qui as toujours des injures à la bouche.
LACON. Auras-tu bientôt fini ? Renvoie donc cet homme, tu vas l'assommer du poids de tes paroles. Par Apollon, quel bavard !
COMATAS. (Il chante.)
Les Muses me préfèrent à Daphnis ; aussi leur ai-je ces jours derniers immolé deux chevreaux.
LACON.
Apollon m'aime; aussi j'élève pour lui un superbe bélier, car les fêtes carnéennes (29) s'approchent.
COMATAS.
Mes chèvres, deux exceptées, ont toutes deux petits, et c'est moi qui presse leurs mamelles. Ma bergère me voyant l'autre jour s'écria : "Quoi! pauvre chevrier, seul pour tant de soins ?
LACON.
Lacon remplit vingt éclisses de fromages et va ensuite jouer avec son jeune ami.
COMATAS.
Cléarista me jette des pommes lorsque je passe auprès d'elle et murmure de bien tendres paroles.
LACON.
Quand le jeune Cratidas accourt à ma rencontre, je suis tout joyeux de voir flotter sur ses épaules sa blonde chevelure.
COMATAS.
Ne compare donc pas à la rose l'églantier et l'anémone, ces fleurs couvrent tous les buissons.
LACON.
Ne compare pas le gland à la pomme ; l'un a une dure écorce et l'autre la douceur du miel.
COMATAS.
Je donnerai bientôt à ma jeune bergère une colombe qui tous les soirs se perche sur un genévrier.
LACON.
Lorsque je tondrai ma brebis noire, j'en donnerai la belle toison à Cratidas.
COMATAS.
Mes chèvres, respectez les rameaux de l'olivier ; paissez sur le penchant de la colline, parmi ces bruyères.
LACON.
Cunarus, Cinétha, loin du chêne : paissez à l'orient comme Phalarus.
COMATAS.
Je réserve pour ma bergère un vase de bois de cyprès et une belle coupe, ouvrage du divin Praxitèle.
LACON.
J'ai pour garder mon troupeau un superbe chien qui ne craint pas les loups ; Cratidas le mènera à la chasse.
COMATAS.
Agiles sauterelles qui sautillez sur les haies, épargnez mes vignes jeunes encore.
LACON.
Voyez, cigales, comme mes chants irritent ce chevrier ; ainsi vous irritez le moissonneur fatigué.
COMATAS.
Je hais les renards qui visitent souvent les vignes de Micon et tous les soirs en dévorent les raisins.
LACON.
Et moi, ces escarbots qui se gorgent des figues nouvelles de Philondas et fuient après à tire d'aile.
COMATAS.
As-tu déjà oublié ce jour où, appuyé contre un chêne tu étais soumis au vainqueur ?
LACON.
Oui, mais je me souviens du jour où Eumoras garotta et fustigea Comatas avec de dures lanières.
COMATAS.
On se fâche ! Morson, le vois-tu ? Va cueillir la scille vieillie autour des tombeaux.
LACON.
Moi aussi j'excite la colère ; tu le vois, Morson ? Hâte-toi d'aller arracher la cyclamine (27) sur les bords de l'Halente.
COMATAS.
Himère, change tes flots en un lait pur ; Cratis, roule des ondes de vin, et que le jonc stérile produise des fruits.
LACON.
Que la source du Sybaris soit pleine de miel, et que tous les matins ma bergère y remplisse son urne des trésors de l'abeille.
COMATAS.
Mes chèvres se nourrissent de cytise et d'aigile, foulent le jonc et se reposent sur le feuillage de l'arbousier fleuri.
LACON.
Partout mes brebis rencontrent l'odorante mélisse, et pour elles la rose s'épanouit sur le lierre.
COMATAS.
Je n'aime plus Alcippe ; elle a pris ma palombe sans me saisir par l'oreille pour m'embrasser.
LACON.
Moi, j'aime toujours Eumède ; toutes les fois que je joue devant lui de ma flûte, il m'embrasse tendrement.
COMATAS.
Lacon, jamais on n'a vu la pie disputer le prix du chant avec le rossignol, ni le hibou avec le cygne. Toi, tu n'es qu'un sot et un jaloux.
MORSON. Bergers, cessez, je vous l'ordonne. Comatas, je t'adjuge le mouton : lorsque tu le sacrifieras aux Nymphes, n'oublie pas d'envoyer de sa chair délicate à Morson.
COMATAS. Oh ! oui, je t'en enverrai, j'en jure par le dieu Pan. Maintenant, mes boucs, bondissez de joie; soyez témoins des transports que me causent ma victoire sur Lacon et le prix que j'ai remporté. Ma gloire m'élève jusqu'aux cieux. Courage, mes chèvres, demain je vous laverai toutes dans les sources du Sybaris. Hé ! toi, blanc et pétulant bélier qui menaces de la corne, je te frapperai si tu oses t'approcher des chèvres avant mon sacrifice aux Nymphes. Tu recommences !... Si je ne t'assomme, je consens qu'on m'appelle Mélanthe (30).

VIe IDYLLE

LES CHANTEURS BUCOLIQUES (31)

Daphnis chante l'amour de Galatée pour Polyphème ; Damétas, l'indifférence du Cyclope.

DAMÉTAS, DAPHNIS
Mon cher Aratus, Damétas et Daphnis avaient réuni leurs troupeaux dans le même pâturage ; l'un était enfant encore, et les joues de l'autre se couvraient déjà d'un léger duvet. Assis auprès d'une source, au milieu d'un beau jour d'été, ils chantèrent. Daphnis, auteur du défi, commença :
DAPHNIS chante.
Ô Polyphème ! Galatée lance des pommes à tes brebis, elle t'appelle berger intraitable, amant insensible ; et toi, sans la regarder, indifférent Cyclope, tu fais résonner tes pipeaux harmonieux.
Elle agace aussi ton chien, de tes brebis surveillant fidèle ; il gronde contre la mer, les flots bruissent doucement, ouvrent un passage à cette Nymphe et la laissent voir courant vers le rivage.
Ah ! prends garde, lorsqu'elle va s'élancer de la mer, que ton chien ne blesse son corps d'albâtre.
Je la vois, elle court, elle folâtre : telle vole au gré des vents l'aigrett
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IIe IDYLLE (6)

LA MAGICIENNE

Cimétha, éprise d'amour pour le Myndien Delphis, cherche par des enchantements à le tirer du gymnase et à le ramener à elle. Elle invoque Hécate et la Lune, divinités favorables aux amants. Un esclave Thestylis la seconde dans ses opérations magiques.

Où sont les lauriers? où sont les philtres ? apporte-les, Thestylis. Couvre cette coupe d'une rouge toison ; je veux poursuivre de mes enchantements le parjure qui cause mes maux. Depuis douze jours ce perfide est loin de moi, et il ne s'informe point si je vis ou si je meurs. Il n'est plus venu frapper à ma porte, le cruel ! Ah! sans doute l'Amour et Vénus ont allumé d'autres feux dans son cœur inconstant. Demain j'irai au gymnase de Timagètes pour le voir et lui demander la raison de sa conduite. Aujourd'hui poursuivons-le de nos enchantements.
Ô Lune ! pare ton front d'un nouvel éclat ; c'est ma voix qui t'implore, reine des nuits ; et toi aussi, souterraine Hécate, toi que les chiens même redoutent lorsque, te promenant parmi les tombeaux, ton pied se pose dans le sang.
Terrible Hécate, je te salue. Reste auprès de moi jusqu'à la perfection de ces philtres ; qu'ils ne le cèdent ni à ceux de Circé, ni à ceux de Médée, ni à ceux de la blonde Périmède.
Oiseau sacré (7), vers moi rappelle mon volage amant.
Déjà le feu a consumé cette orge. Verse maintenant... Malheureuse Thestylis, à quoi penses-tu donc ? Maudite esclave, te jouerais-tu aussi de moi ?... Verse le sel et dis ces paroles : "Je jette aux flammes les os de Delphis."
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
Delphis cause mes maux ; c'est pour Delphis que je brûle ce laurier. Il pétille en l'enflammant, déjà il est tout consumé sans même laisser de cendre : qu'ainsi se dissipe en flamme légère le parjure Delphis!
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
Comme la cire se fond au feu, que le Myndien Delphis fonde soudain d'amour pour moi, et que, pareil à ce globe d'airain (8) que ma main fait tourner, l'infidèle poursuivi par Vénus, tourne autour de ma demeure.
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
Je vais brûler ce son ; toi, Diane, toi qui fléchirais Rhadamanthe lui-même et les cœurs les plus inflexibles des Enfers... Écoute, Thestylis... Les chiens aboient... c'est pour nous qu'ils font retentir la ville de leurs hurlements. La déesse est dans les carrefours ; vite, vite, frappe ce vase d'airain.
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
Déjà la mer se tait, les vents s'apaisent, tout dort, le chagrin seul veille au fond de mon cœur : je brûle d'amour pour celui qui, au lieu du nom d'épouse, ma donné l'infamie, m'a ravi l'honneur.
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
Je fais trois libations, et trois fois, astre brillant des nuits, je t'adresse cette prière : "Quel que soit l'objet qui partage la couche de Delphis, qu'il l'oublie à l'instant, comme Thésée oublia jadis dans Naxos Ariane à la belle chevelure."
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
L'hippomane (9) que produit l'Arcadie, rend furieux et fait bondir sur les montagnes les jeunes chevaux et les cavales rapides. Puissé-je voir ainsi Delphis voler, plein d'amour, du gymnase à ma demeure!
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
Delphis a perdu cette frange de son manteau ; je la déchire et la jette sur le feu dévorant. Hélas! cruel amour ! pourquoi, pareil à l'avide sangsue, t'attacher à mon corps, pourquoi dévorer ma vie ?
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
Je broie ce vert lézard, breuvage funeste que je te présenterai demain. Thestylis, prends ces philtres, inonde le seuil de sa maison, ce seuil où est attaché mon cœur, et le perfide ne s'en soucie pas! Crache et dis : "Je jette aux vents les cendres de Delphis."
Oiseau sacré, vers moi rappelle mon volage amant.
Je suis seule... Par où commencerai-je à dire mon déplorable amour ? Qui dois-je en accuser? Anaxo, fille d'Eubolus, allait au bois de Diane, portant sur sa tête la corbeille sacrée. Dans ce bois furent amenées de toutes parts des bêtes féroces pour orner la fête ; parmi elles se trouvait une lionne.
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
Theucarila, ma nourrice et ma voisine, née parmi les Thraces, et qui est maintenant dans l'heureux Élisée, me pressa, me conjura d'aller voir cette pompe solennelle, et moi, pauvre jeune fille, je la suivis vêtue de beaux habits de lin et couverte du riche manteau de Cléarista.
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
A moitié du chemin, près de la cabane de Lycon, je vis Delphis marchant avec Eudamippe. Un duvet fin et doré colorait leurs joues, et leur poitrine étincelait d'un éclat plus pur que le tien, ô Lune! Ils revenaient du gymnase et de leurs nobles exercices.
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
A sa vue, infortunée que je suis ! je devins toute en feu, ma raison s'égara, mon front pâlit, la fête disparut à mes yeux ; j'ignore quelle main alors me ramena chez moi. En proie à la fièvre brûlante, dix jours et dix nuits je fus attachée sur un lit de douleur.
Reine des nuits apprends quel fut mon amour.
Mon corps prit la triste couleur du thopsos ; ma tête se dégarnissait de ses cheveux et mes os n'étaient couverts que d'une peau livide. Qui n'implorai-je point? De quelle magicienne n'ai-je point invoqué les enchantements ? Cependant point de remède! et le temps fuyait toujours!
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
Enfin j'ouvris mon cœur à mon esclave : "Thestylis, cherche un remède à mes maux! Le Myndien seul possède toute mon existence. Va, épie autour du gymnase de Timagètes : c'est là qu'il se promène ; c'est là qu'il dispute le prix de la lutte, ce délicieux amusement de son âge ...
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
S'il est seul, fais-lui signe et dis-lui doucement : "Simétha vous appelle, suivez-moi." Je dis, elle part et amène le beau Delphis. Quand d'un pas agile je l'entendis franchir le seuil de ma porte...
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
Je devins plus froide que la glace ; de mon front la sueur ruisselait semblable à la rosée du midi ; mes paroles expiraient sur mes lèvres ; ainsi l'enfant dans un songe veut appeler sa mère et demeure sans voix. J'étais froide, immobile comme un marbre.
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
Le perfide me voit, baisse les yeux, s'assied sur ma couche : "Simétha, me dit-il, en m'appelant aujourd'hui, tu m'as prévenu de moins encore que j'ai devancé hier à la course le beau Philinus.
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
Oui, je serais venu de moi-même, j'en atteste le tendre amour, je serais venu cette nuit, suivi de deux ou trois amis, t'apporter des pommes de Bacchus, ayant sur ma tête, attachée avec des nœuds de pourpre, une couronne du peuplier consacré à l'immortel Alcide.
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
Si tu m'avais reçu, quelle félicité pour toi! tu aurais eu pour amant celui qu'une voix unanime a proclamé le plus beau et le plus léger de ses rivaux. Moi, j'aurais été satisfait de savourer un seul baiser sur tes lèvres vermeilles ; mais si, me repoussant, ta main eût continué à fermer le verrou de ta porte, alors le fer et le feu m'auraient frayé un chemin jusqu'à toi.
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
Je remercie d'abord Vénus de mon bonheur ; toi ensuite, ma bien-aimée, toi qui m'as arraché du milieu des flammes, qui m'as appelé dans ta demeure lorsque déjà j'étais à moitié consumé; car souvent le feu de Vulcain cède au feu de l'amour.
Reine des nuits, apprends quel fut mon amour.
Oui, c'est l'amour qui arrache la jeune vierge à son lit solitaire; c'est l'amour qui arrache de la couche nuptiale l'épouse palpitant encore des baisers de son époux." Ainsi parla Delphis, et moi, fille crédule et aimante, je le pris par la main; je l'attirai tendrement sur mon lit. Son corps échauffa mon corps, nos lèvres brûlantes s'unirent et mille délices inondèrent nos âmes.
Qu'ajouterai-je encore, ô Lune bien-aimée ! Les doux mystères s'accomplirent.
Depuis ce moment nos jours s'écoulaient doux et sereins. Delphis et moi n'avions aucun reproche à nous faire. Mais la mère de Philisto, ma joueuse de flûte, mère aussi de Mélixo, est venue me voir ce matin au moment où les chevaux du Soleil, sortis de l'Océan, s'élançaient dans le ciel, chassant devant eux l'Aurore aux doigts de rose, et entre plusieurs propos elle m'a dit : "Delphis a une autre passion ; je ne connais pas celle qu'il aime, mais je sais qu'il boit souvent à ses nouvelles amours. Tu es abandonnée ; ton infidèle orne de festons fleuris la maison de l'objet de ses feux."
Voilà ce que m'a raconté ma voisine, elle qui dit toujours la vérité. En effet auparavant l'ingrat venait me voir trois ou quatre fois par jour ; souvent il a oublié chez moi sa coupe dorique, et voilà douze jours que je ne l'ai vu! Est-il vrai qu'il a d'autres amours ? qu'il m'à oubliée ? Je prétends qu'il tienne ses serments, et s'il me néglige encore, j'en jure par les Parques, bientôt il verra les rives de l'Achéron, car, puissante déesse, c'est d'un Assyrien que j'ai appris à composer les poisons renfermés dans cette urne magique.
Adieu reine des nuits, dirige tes coursiers vers l'Océan ; pour moi, j'ai souffert et je souffrirai encore.
Adieu Lune au front brillant ; adieu vous aussi, astres qui accompagnez le char silencieux de la reine des nuits.
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Ire IDYLLE

LE BERGER THYRSIS, LE CHEVRIER

Entretien entre le berger Thyrsis et un chevrier. Thyrsis chante les amours et la mort de Daphnis. Le chevrier, charmé de sa voix, lui permet de traire trois fois une chèvre et lui fait présent d'une coupe où est gravé un gracieux paysage.

THYRSIS. Chevrier, le pin qui ombrage cette source fait entendre un doux frémissement, et toi, tu tires de ta flûte des sons enchanteurs. Tu ne le cèdes qu'à Pan. Si ce dieu accepte un bouc haut encorné, tu recevras une chèvre, mais s'il désire la chèvre, tu auras le chevreau : la chair du chevreau, nouvellement sevré, est exquise.
LE CHEVRIER. Ô berger ! ton chant est plus doux que le murmure de la source qui coule du haut de ce rocher. Si les Muses obtiennent une brebis, toi, tu recevras l'agneau encore renfermé dans la bergerie. Si cependant elles préfèrent l'agneau, tu obtiendras la brebis.
THYRSIS. Au nom des Nymphes, veux-tu, chevrier, veux-tu venir t'asseoir sur le penchant de cette colline, au milieu des bruyères, et jouer de ta flûte ? Pendant ce temps-là je surveillerai tes chèvres.
LE CHEVRIER. Berger, je ne le puis. Déjà il est midi, et à midi il n'est pas permis de jouer de la flûte : c'est l'heure que Pan, fatigué de la chasse, a choisie pour se reposer. Ce dieu est cruel, la colère siège continuellement sur son front ; aussi, je le crains beaucoup. Mais toi, THYRSIS, tu connais les malheurs de Daphnis (1), et tu excelles dans le chant bucolique. Allons nous asseoir sous cet ormeau, en face de la statue de Priape et de ces sources limpides ou sur ce banc de gazon à l'ombre des chênes. Si tu chantes comme tu le fis naguère lorsque tu vainquis le Lydien Chromis, je te laisserai traire trois fois cette chèvre qui nourrit deux jumeaux et remplit encore deux vases de son lait ; je te donnerai aussi une coupe profonde enduite de cire odoriférante : elle est garnie de deux anses et sort à peine des mains du sculpteur. Un lierre, comme une guirlande de fleurs, couronne les bords supérieurs de cette coupe et se marie à un hélichryse (2) qui descend entourer le pied, où s'épanouit son fruit d'or.
Au fond est ciselée une femme d'une rare beauté, parée d'un voile et d'un réseau qui retient ses cheveux. A ses côtés, deux amants à la chevelure ondoyante se disputent sa conquête. Sans paraître émue de leurs discours, la coquette tantôt sourit à l'un, tantôt porte sur l'autre ses regards enivrants, et ses adorateurs, les yeux humides d'amour, se tourmentent en vain.
Au milieu, on voit aussi un rocher escarpé, sur lequel un vieux pêcheur, encore plein de virilité, traîne à la hâte, et non sans peine, un immense filet qu'il veut jeter à la mer. On croit voir ses pénibles efforts : sur son cou nerveux ses veines se gonflent, et l'âge a blanchi son front sans affaiblir son corps.
Non loin de ce vieux marin, une vigne plie sous le poids de ses raisins pourprés. Un jeune enfant la garde, assis sur un tronc d'arbre. Près de lui sont deux renards : l'un se promène parmi les ceps, se gorgeant des grappes mûres ; l'autre assiège la panetière du berger et ne veut s'éloigner qu'après avoir dévoré tout son déjeuner. Cependant le petit gardien tresse avec du jonc et de la paille un piège pour prendre des cigales, et semble moins occupé de sa panetière et des raisins, que du plaisir qu'il prend à son travail.
Une molle acanthe embrasse aussi cette coupe, vrai chef-d'œuvre étolien. J'ai donné en échange, à un pilote de Calédonie, une chèvre et un énorme et délicieux fromage. Elle est toute neuve, je ne l'ai pas encore approchée de mes lèvres, et je te la donnerai sans regret, si tu me répètes ce chant admirable. Je ne suis point jaloux de ton talent. Allons, mon, cher Thyrsis, commence ; ne réserve pas tes chants pour l'oublieux empire de Pluton.
THYRSIS. (Il chante)
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Je suis Thyrsis de l'Etna, ma voix est la voix de Thyrsis.
Où étiez-vous, ô Nymphes ! lorsque l'amour consumait Daphnis ? Dans les riantes prairies qu'arrose le Pénée ou bien sur le Pinde ? Car vous ne vous délassiez ni sur les bords du majestueux Anapus, ni sur la cime de l'Etna, ni dans les ondes sacrées de l'Acis.
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Les loups et les bêtes féroces l'ont pleuré par leurs hurlements, et le lion en a rugi de fureur dans les forêts.
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Ses nombreuses génisses et leurs mères, ses mille taureaux et ses bœufs gémissaient, couchés à ses pieds.
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Mercure le premier accourut du haut des monts et dit : "Daphnis, qui t'a mis dans cet état ? Je t'en prie, quel est l'objet d'un amour si violent?"
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Les pâtres, les bergers, les chevriers, réunis autour de sa couche, lui demandaient le sujet de ses maux. Priape vint : "Infortuné Daphnis, lui dit-il, pourquoi te chagriner ainsi ? La bergère court le long des ruisseaux et dans les bois... ,
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
à la recherche d'un autre. Tu es malheureux en amour, car il te fait perdre la raison. Jusqu'à ce jour on t'a nommé berger ; maintenant, tel qu'un simple chevrier que l'accouplement du bouc et de la chèvre fait sécher de douleur .....
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
La vue de jeunes filles qui rient et folâtrent ensemble le rend jaloux ; tu es désolé de ne pouvoir danser avec elles.
Le berger ne répondait rien et laissait le cruel amour dévorer sa languissante vie.
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Enfin parut la belle et gracieuse Vénus, le sourire déguisait le courroux enfermé dans son cœur : "Eh bien! Daphnis, dit-elle, tu osais défier l'amour; ne remporte-t-il pas une mémorable et terrible victoire ?"
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Daphnis lui répondit: "Barbare Vénus, Vénus odieuse, vrai fléau des mortels! Tout m'annonce que déjà le dernier soleil va se coucher pour moi ; mais Daphnis, aux Enfers même, détestera l'amour.
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Va sur le mont Ida, où un simple berger et Vénus, dit-on... Va trouver Anchise... Là sont des chênes qui prêtent leur ombre ; ici, il n'y a que du jonc, ici les abeilles bourdonnent autour de leurs ruches.
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Adonis est beau aussi; il paît des troupeaux, perce des lièvres à la chasse et poursuit d'autres bêtes sauvages.
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Ose te rendre auprès de Diomède et dis-lui : "J'ai vaincu le berger Daphnis, viens donc te mesurer avec moi."
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Loups, ours et vous tous hôtes des forêts, recevez mes adieux; vous ne verrez plus Daphnis dans les bois ni sur les coteaux. Adieu, Aréthuseadieu, fleuves qui portez le tribut de vos ondes dans les flots limpides du Thymbris (4).
Commencez, Muses chéries, commencer un chant bucolique.
Je suis ce Daphnis qui paissais mes bœufs dans ces pâturages ce Daphnis qui abreuvais dans vos sources mes taureaux et mes génisses.
Commencez, Muses chéries, commencez un chant bucolique.
Ô dieu Pan! soit que tes pas errent en ce moment sur le Lycée ou sur le haut Ménale (5), viens en Sicile, abandonne le promontoire d'Hélice et le magnifique tombeau du fils de Lycaon, honoré des dieux mêmes.
Cessez, Muses, oh! cessez le chant bucolique.
Approche, roi des chanteurs, reçois cette flûte si douce, si belle, si bien vernie ; son embouchure recourbée s'adapte parfaitement aux lèvres. Prends-la, car déjà ma fatale passion m'entraîne aux Enfers.
Cessez, Muses, oh! cessez le chant bucolique.
Buissons, et vous ronces, produisez des violettes ; que le beau narcisse fleurisse sur le genièvre. Nature, change tes lois, et que sur le pin la poire mûrisse, car Daphnis se meurt. Que le cerf traîne après lui le chien captif, et que le hibou le dispute au rossignol sur nos montagnes.
Cessez, Muses, oh! cessez le chant bucolique.
Il dit, et languissant, il expire. Vénus veut le rappeler à la vie, mais déjà les Parques en ont tranché les derniers fils. Daphnis a donc traversé le fleuve de la mort, et l'onde infernale enchaîne pour jamais ce mortel cher aux Muses et bien-aimé des Nymphes.
Cessez, Muses, oh! cessez le chant bucolique."
Donne-moi maintenant la coupe et fais approcher la chèvre ; je veux la traire et faire une libation aux Muses.
Adieu, mille fois adieu, déesses d'Aonie ! Qu'une autre fois mes chants soient plus dignes de vous!
LE CHEVRIER. Puisse, ô Thyrsis! puisse ton gosier si harmonieux être toujours plein de miel et ne se nourrir que des figues délicates d'Égile! Le chant de la cigale est moins doux que le tien.
Voici la coupe. Examine-la, mon ami ; quel parfum elle exhale ; on dirait qu'elle a été plongée dans la fontaine des Heures.
Cissétha, ici... Toi, exprime le lait de ses mamelles... Mes chèvres, ne bondissez pas, de peur que le bélier ne s'approche de vous.
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Penchés au-dessus de nos fronts, les arbres étaient frissonnants,
Les peupliers et les ormeaux, et tout auprès de nous l'eau sainte,
S'écoulait tout en murmurant de la grotte où vivent les nymphes,
Toutes brûlées par le soleil, mais auprès des branches ombreuses,
Peinaient et crissaient les cigales, et sous les ronces épineuses,
Une grenouille verte au loin murmurait une plainte grêle.
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PRINCIPAUX TRAITS IMITÉS PAR VIRGILE

......... Essayons de magiques accents ;
Peut-être ils toucheront l'ingrat qui me délaisse
C'est aux enchantements qu'a recours ma tristesse. (Egl. 8, 66.)

Charmes de mes accents, guidez vers moi Daphnis. (8, 68.)

Sous le vent des soufflets, le même feu docile
Fait bouillonner la cire et fait durcir l'argile
Ainsi, grâce à l'Amour, que ton coeur sous ma loi,
Pour tout autre endurci, s'attendrisse pour moi !
Mais couvrons ces lauriers de flamme et de bitume ;
Oui, tels que ces lauriers, que son coeur se consume
Et qu'il sente une fois les feux dont je péris ! (8, 80.)

Regarde : ce beau fleuve et les vents sont paisibles !
Tout se tait. (9, 57.)

Racine a dit dans son Iphigénie :

Mais tout dort, et les vents et l'armée, et Neptune.
Je la vis, je brûlai...dans mes yeux, dans mon coeur,
Je sentis... cet instant décida mon erreur. (8, 41.)

Racine a ainsi imité ce vers dans Phèdre:

Je le vis, je frémis, je pâlis à sa vue.
Quoi! Je vous garde encor, dépouilles d'un perfide!
0 terre! dans ton sein que ce gage réside ;
C'est par lui qu'à mon coeur son retour est promis !
Charmes de mes accents, guidez vers moi Daphnis. (6, 71)

IDYLLE III.

(10) Je vais conter mes peines, etc. Le grec kômadsô exprime particulièrement ces visites tumultueuses que les jeunes gens rendaient la nuit à leurs maîtresses au sortir d'une débauche de table et généralement tout acte de galanterie. Cette pièce, quoique dans le genre bucolique, a beaucoup de rapport à cette espèce d'élégie appelée par les anciens paraklausithumon, c'est-à-dire plaintes à la porte. Lorsque l'amant qui se rendait à la porte de sa maîtresse pour la cérémonie de la couronne dont nous avons parlé dans l'idylle précédente n'était point admis, alors, ou bien il employait la force ouverte, ou il se contentait d'exhaler sa douleur dans des plaintes amères : il apostrophait la porte, le portier et les chargeait d'imprécations pathétiques ; il mettait tout en usage pour attendrir sa nymphe, qui souvent riait de ses plaintes avec son rival
Exclusus fore cum longarenus foret intus.
Ovide et Properce nous fournissent des exemples de cette espèce d'élégie. Il y avait donc deux parties principales dans le kômos : l'hommage de la couronne (anadésis) dont nous avons parlé dans l'idylle deuxième, et les plaintes (paraklausitumos); il s'en faut donc bien que le sens du mot kômos soit restreint à la seule signification de réjouissance, festin, danses lascives, comme se l'est imaginé Longepierre.
Pour connaître si l'on était aimé, on prenait une feuille de pavot ou de rose que l'on plaçait sous le coude, sur la main ou sur l'épaule ; on la pressait ensuite, et si elle rendait un son, c'était un augure favorable.
Le tressaillement de l'oeil ainsi que le vol des oiseaux, les éclats du tonnerre, l'éternuement, etc., étaient mis au nombre des augures, mais il fallait qu'ils arrivassent du côté droit.

(11) ) Hippomène. Atalante, fille de Schénée, roi de de l'île de Scyros, était très légère à la course. Pour se défaire de ses amants, elle déclara qu'elle ne se donnerait qu'à celui qui la vaincrait à la course, mais que la mort serait la peine du vaincu. Hippomène, peu effrayé du malheureux succès de ses rivaux, osa entrer en lice muni de trois pommes d'or, cueillies au jardin des Hespérides, dont Vénus lui avait fait présent : il les jetait l'une après l'autre et le plus loin qu'il pouvait. Atalante s'étant retournée pour les ramasser fut vaincue.

(12) ) Mélampe était frère de Bias, qui devint éperdument amoureux de la belle Péro. Celle-ci ne devait être l'épouse que de celui qui amènerait à Nélée, son père, les génisses d'lphiclus. Mélampe les lui amena et obtint Péro pour Bias. Le nom de Mélampe nous rappelle une circonstance peu connue. Rhodope sa mère l'avait exposé après lui avoir soigneusement couvert tout le corps, à l'exception des pieds, et le soleil les lui brûla.

(13) ) Othrys, montagne de Thessalie.

(14) Pylos. II y avait trois villes de ce nom dans le Péloponnèse ; celle dont parle Théocrite était située dans un canton de l'Élide, qui anciennement s'appelait Triphylie.

(15) ) Endymion, petit-fils de Jupiter, passait souvent les nuits sur le mont Latmos à observer les astres ; il obtint du maître des cieux la faculté de dormir toujours pour être exempt de la vieillesse et de la mort. C'est pendant ce sommeil que Diane, déjà éprise de sa beauté, allait toutes les nuits sur le mont Latmos lui prodiguer ses embrassements.

(16) Jasion, fils de Minos et de la nymphe Phronie, était roi de Crète : ce prince s'étant endormi dans une prairie. Cérès profita de son sommeil et eut de lui Plutus.

PRINCIPAUX TRAITS IMITÉS PAR VIRGILE

Je pars, mais je reviens. Prends soin de mes troupeaux,
Tityre! conduis-les de nos prés aux ruisseaux ;
Mais de ce bouc hardi n'approche pas sans crainte,
Il frappe de la corne : évite son atteinte. (Egl. 9, 23.)

Moi, pour l'aimable enfant, loin de servir mon zèle,
Les bois ne m'ont offert que douze pommes d'or ;
Mais demain, Amyntas en aura douze encor. (3, 70.)

Ah! je connais l'Amour ! Le Rhodope en courroux,
L'Ismare et ses rochers l'ont vomi parmi nous ! (8, 46.)

Du sommet des rochers qui dominent ces ondes,
Oui, je veux m'élancer dans les vagues profondes,
Et sûr que tes regrets ne me survivront pas,
Comme un dernier hommage accepte mon trépas. (8, 59.)

J'ai deux chevreuils encor, tous deux sont mouchetés
Chez moi sous deux brebis ils croissent allaités.
Je les garde pour vous : Thestylis les souhaite ;
Aura-t-elle un présent que votre coeur rejette ? (2 40.)

IDYLLE IV.

(17) La scène de cette idylle n'est point en Sicile, mais dans cette partie de l'Italie connue autrefois sous le nom de Grande Grèce, aux environs de Crotone, ville célèbre et patrie du fameux athlète Milon : "J'ai remarqué, dit M. Firmin Didot, que notre poète, lorsqu'il place la scène de ses bergers en Italie, affecte de donner un ton souvent rustique à ses interlocuteurs et les fait ainsi contraster avec les bergers de Sicile, qui joignent à la douceur et à la politesse de leurs moeurs beaucoup de grâce et d'élégance dans leurs chansons ainsi que dans leur langage."
Avant d'entrer en lice, les athlètes étaient soumis par les gymnasiarques ou présidents des jeux à des épreuves de trente jours. Pendant ce temps-là il fallait vivre et sacrifier sur les six autels consacrés aux douze dieux protecteurs des jeux Olympiques : voilà pourquoi Aigon avait emmené vingt brebis. Quant au hoyau, les athlètes s'en servaient pendant ce temps d'épreuves pour fouiller l'arène et la préparer. Cet instrument, aussi bien que le râteau, était l'attribut que les peintres et les sculpteurs donnaient aux athlètes.

(18) Milon persuaderait aux loups, etc., pour dire : Milon pourrait l'impossible. Ce proverbe est fondé sur ce que les loups supportant longtemps la soif, les anciens ne les croyaient pas susceptibles d'hydrophobie.

(19) Oesare, fleuve qui passait à Crotone.

(20) Latymne, montagne Voisine de Crotone.

(21) Lampriades, peuplade qui habitait près du lac Lucinien, où était un temple dédié à Junon

(22) Le Néèthe, fleuve qui passe à deux lieues de Crotone.

(23) Le cap Lucinien est appelé voisin de l'aurore parce qu'il faisait une des pointes du golfe de Tarente et était à l'orient de Crotone.

PRINCIPAUX TRAITS IMITES PAR VIRGILE

Ménalque.
Dis-moi, de ce troupeau quel est le possesseur,
Damète ?
Damète.
C'est Aigon, et j'en suis le pasteur.
Ménalque.
Malheureuses brebis ! loin d'elles quand leur maître
Obsède ma Phyllis et croit lui plaire ; un traître
Ici, deux fois par heure épuisant le troupeau,
De son lait nourricier prive le faible agneau (Egl. 3. 34.)

Une marâtre avide et mon père à son tour
Viennent jusqu'à deux fois le compter en un jour. (3. 34.)

IDYLLE V

(24) A propos de pomme, dont il est encore question dans cette Idylle, nous ajouterons à ce que nous avons dit dans les notes de la seconde l'autorité de Lucien. Cet auteur observe qu'on employait surtout ce fruit et les couronnes pour persuader de son amour et pour se faire aimer : "Charidée, dit-il, voulant faire connaître à Dinéas qu'elle était amoureuse de lui, lui envoyait des couronnes à demi fanées et des pommes où ses dents étaient imprimées."

(25) Élevez de jeunes chiens. Ce proverbe doit probablement son origine à la fable d'Actéon, qui fut dévoré par les chiens mêmes que sa main avait nourris.
C'était l'usage d'embrasser les personnes qu'on aimait beaucoup en les prenant par l'oreille.

(26) Crathis, fleuve voisin de Sybaris.

(27) La cydamine, herbe dont la feuille ressemble à celle du lierre et dont les fleurs sont de couleur pourprée.

(28) Égile, sorte d'arbrisseau.

(29) Fêtes carnéennes. Fêtes d'Apollon établies par le berger Carnus, que ce dieu aimait : elles duraient neuf jours.

(30) Mélanthe, berger très méchant qui gardait les chèvres d'Ulysse et favorisait les profusions des amants de Pénélope. Le roi d'Ithaque le fit suspendre par une chaîne de fer au haut d'une colonne.

PRINCIPAUX TRAITS IMITÉS PAR VIRGILE

Mais ne t'ai-je pas vu, fourbe insigne, en secret,
Dérober à Damon sa chèvre la plus belle ? (Egl. 3, 17.)

...Mais un jour dans ta vie,
As-tu de notre flûte essayé l'harmonie ?
Toi qui, d'un fifre aigu fatiguant les passants
Perdais sur les chemins les fredons glapissants? (3, 25.)

Ces présents te charmaient ; tu pâlissais d'envie ;
Et ne pas l'affliger t'aurait coûté ta vie. (3, 13.)

Et moi, c'est Apollon qui règle mes accents
Il m'aime, et chaque jour il aura mes présents (3, 62.)

Souvent ma Galatée, une pomme à la main,
Me poursuit, me la jette, et me fuyant soudain,
Sous des saules épais se dérobe à ma vue ;
Mais avant, la folâtre a soin d'être aperçue. (3. 64.)

Je garde à mes amours un don qu'elle chérit :
Sur un arbre élevé deux ramiers
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On le dit, mon aimé : "Vin et vérité". Voilà que nous sommes ivres, il nous faut donc être vrais.

Et je te dirai, moi, dans mes pensées, ce qui gît dans le petit placard. Tu te refuses à m'aimer avec tout ton coeur. Je m'en aperçois. A cause de ta beauté je n'ai qu'une moitié de vie, le reste est détruit. Quand tu veux, ma journée se passe comme celle des Bienheureux. Tu ne veux pas ? je plonge dans les ténèbres.

(...)

Mais si tu laisses les vents emporter mes paroles et que tu te dis dans ton for intime : "Pourquoi m'importunez-vous, Monsieur ?" - moi qui irais aux pommes d'or pour toi, ou jusqu'à Cerbère gardien des morts - alors m'appellerais-tu, je ne m'avancerais même pas sur le seuil de ma maison, guéri de ce désir qui fait mal.
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(Le garçon de Syracuse). ... J'ai appelé devant moi mon âme et j'ai longuement dialogué avec moi-même : " ... ceci t'échappe : mieux vaudrait, certainement pour un aîné, rester étranger à ces amours difficiles qu'inspire un garçon. La vie de celui-ci court, rapide comme les genoux d'une biche ; demain voguant dans une direction inattendue, il libérera ses agrès ; la fleur de la jeunesse, il la perd avec ses compagnons. Mais l'autre qui pourrit dans ses souvenirs, le désir lui mange la moelle en dedans, mille images traversent ses songes la nuit et une année entière est trop courte pour que cesse sa douloureuse épreuve."
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Mais si tu en décides autrement, je souhaite que, rongé de piqûres,
Tu te laboures toute la peau avec tes ongles, et que tu dormes dans les orties !
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Déjà le vin nous échauffait, quand l'habitant de Larisse, dans sa gaieté trop vive, entonna, sur un air thessalien, la chanson de mon loup. Tout à coup Cynisca pleura comme le jeune enfant qui désire sa mère. Ami, tu me connais, je suis bouillant, prompt, et sur-le-champ je lui appliquai sur la joue un violent soufflet qu'un second accompagna soudain ; mais relevant sa robe, elle se sauve bien vite : "Auteur de tous mes maux, lui criai-je, je ne te plais donc pas ! Un autre est plus heureux ! Va donc serrer dans tes bras celui pour qui tes joues sont sillonnées de larmes." Telle que l'hirondelle qui apporte de la nourriture à ses petits et s'envole ensuite du nid pour en apporter une nouvelle, telle, et plus rapide encore, Cynisca s'élance de son siège, franchit les deux portes et se met à courir. Le taureau, comme on dit, est lâché dans la forêt.
Voilà deux mois que je ne l'ai vue, et depuis, ma barbe croît comme celle d'un Thrace.
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