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Critiques de Wu Ming (18)
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Proletkult

Moscou 1927. Les préparatifs du 10ème anniversaire de la Révolution d'Octobre vont bon train, mais Alexandre Bogdanov ne s'y intéresse que de loin. Ce personnage historique, auteur de science-fiction (« L'Etoile Rouge »), philosophe et scientifique, a fait partie des pionniers de la révolution aux côtés de Lénine notamment, avant d'être mis à l'écart en raison de ses convictions idéologiques divergentes. Aujourd'hui, il est directeur d'un institut spécialisé dans la transfusion sanguine et expérimente le collectivisme physiologique, c'est-à-dire des transfusions de sang entre jeunes et vieux dans le but de prolonger la vie humaine.

Un jour, Denni, une jeune fille, débarque à l'institut, un exemplaire de « L'Etoile Rouge » sous le bras. Elle prétend être arrivée de Nacun, la planète imaginée par Bogdanov dans son roman, sur laquelle est mis en oeuvre un modèle socialiste idéal d'organisation et de fonctionnement de la société. La jeune fille est également persuadée que son père (qu'elle n'a pas connu) est l'humain héros du roman qui a vécu quelques temps sur Nacun avant de revenir sur Terre. Et qui, dans la réalité, est un ancien camarade révolutionnaire de Bogdanov qui lui a inspiré le roman, perdu de vue depuis des années mais qui est peut-être toujours vivant. Bogdanov et Denni se mettent à sa recherche.

Cette quête est entrecoupée de flash-backs qui reviennent sur la genèse de la Révolution à la charnière des 19ème et 20ème siècles. Il y est question du rôle et des actions politiques de Bogdanov, de ses relations avec Lénine et d'autres fondateurs du futur Parti communiste, de ses convictions philosophiques et de sa rupture progressive avec la stratégie et la vision de Lénine.



Ce roman me laisse perplexe : à la réalité historique, il mêle des éléments de fiction mais aussi de science-fiction, sauf qu'à la fin je n'ai pas saisi si c'était réellement de la SF, ou simplement de l'onirisme, une métaphore de quelque chose, ou un trouble psychique chez Denni. Par ailleurs, l'aspect historique prend le pas sur l'intrigue finalement assez mince et qui semble servir de prétexte à une rétrospective de la vie de Bogdanov, ses regrets, sa nostalgie, son questionnement existentiel. Je crois qu'il faut être familier de cette période de l'Histoire et de la terminologie philosophico-communiste (ce que je ne suis pas) pour apprécier pleinement ce livre. Personnellement, la tectologie et l'empiriomonisme me sont passés loin au-dessus de la tête. Tout cela m'a semblé confus et répétitif et je n'ai pas compris en quoi (comme le dit la 4ème de couverture) la quête de Bogdanov « va bouleverser complètement les convictions de toute une vie ».



En partenariat avec les Editions Métailié.
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Proletkult

Vous ne rêvez pas, c'est bien une faucille et un marteau déguisés en vaisseau spatial d'opérette qui est dessiné en couverture de « Proletkult », dernière œuvre en date traduite en français du fantôme subversif et collectif Wu Ming.



D'abord le Proletkult a réellement existé entre 1917 et 1925, il siégeait dans l'extravagante villa Morozov à Moscou, il avait pour rôle de faire émerger une culture prolétarienne dans le tout jeune régime socialiste. Plusieurs personnages rencontrés pendant le roman sont réels. Dont Anatoli Lounatcharski, Nadejda Kroupskaia, et Alexandre Bogdanov, médecin, auteur de « L'étoile rouge », roman de science-fiction et d'anticipation politique publié en 1908, sur une société martienne où la révolution communiste a réussi et dure depuis deux cents ans.

Bogdanov est un des personnages importants du roman, plutôt taciturne, même pas membre du Parti ! Il dirige un service médical expérimental où il propose de régénérer les corps par l'échange mutuel de sang. Les lecteurs de science-fiction l'ont déjà croisé sous le prénom d'Arkady chez Kim Stanley Robinson, dans « Mars la rouge ».



Il n'y a pas que d'éminents fonctionnaires du Parti dans « Proletkult », il y a aussi Denni, une jeune femme androgyne qui apparaît presque instantanément dans la baraque d'un pauvre couple de vieux. Elle a l'air de débarquer d'ailleurs, son langage, sa mémoire sont d'une autre époque.



Le roman s'ouvre par un cours prologue qu'il faudra bien garder en mémoire, quitte à y revenir.



On pourrait se croire en pleine lecture d'une monographie sur les premières années du bolchévisme ou d'une biographie d'Alexandre Bogdanov, absolument pas. C'est simplement que le cadre historique, culturel et politique est solide, et puissamment stimulant !

Plus on avance, et plus tout nous ramène vers « L'étoile rouge », et pour nos personnages, tout part de « L'étoile rouge » à la fois vers le futur mais aussi vers le passé ; le roman de Bogdanov semble se comporter dans « Proletkult » comme un fleuve qui changerai indifféremment de direction entre l'amont et l'aval.

Il y a un glissement de l'histoire soviétique vers les excentricités de Wu Ming à partir de la rencontre entre Bogdanov et Denni.

Denni est la fille de Léonid Volok, celui qui a inspiré « L'étoile rouge » à Bogdanov. Elle dit venir de la planète Nacun, commune en tout point à la planète du livre de Bogdanov. Est-ce que Denni est folle ou vient-elle de la planète Nacun devenue trop petite pour sa civilisation ? Est-elle une admiratrice de « L'étoile rouge » ?

Denni tient à la fois du Candide de Voltaire mais aussi d'Usbek et Rica des « Lettres persanes », elle découvre, parfois émerveillée d'autres fois perplexe, et compare avec ce qu'elle sait et connaît. Denni n'est pas seulement née sur Nacun ou au cœur de « L'étoile rouge », elle vient aussi directement des Lumières du XVIIIème siècle.

Il n'est pas étonnant que les italiens de Wu Ming s'intéresse à Bogdanov. C'est un hérétique, Lénine a tenté plus d'une fois de le décrédibiliser, notamment parce qu'il n'a jamais adhéré au parti communiste. Quand on connaît le goût des Wu Ming pour les subversifs, les cas à part, les vaincus plutôt que les vainqueurs cela n'est pas surprenant.



Bien qu'ils soient plusieurs à écrire ce roman historique où les frontières entre fiction et réalité sont floues, tout paraît facile, les mots et les phrases s'enchaînent sans efforts (pour nous), rien ne vient heurter la lecture de cette histoire qui file sur une ligne de crête entre deux possibilités, la naissance de Denni sur une lointaine planète ou au creux des pages de « L'étoile rouge » de Bogdanov. Il est aisé de penser à la rencontre entre des historiens des révolutions russes avec des auteurs comme Jorge Luis Borges ou Philip K. Dick. Il faut quand même signaler que dans les années 60, l'idée du communisme extraterrestre a été défendu très sérieusement par J. Posadas, un trotskiste argentin.



Au travers de l'histoire de Bogdanov et de Denni, les Wu Ming nous tendent un miroir de questions. Qu'offrons nous aux dissidents ? Comment regardons nous les différents ? Qu'attendons-nous pour changer nos modes de vie ? Le tout dans une uchronie qui emmêle joyeusement histoire soviétique, extraterrestres et autres surprises.
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Manituana

Manituana – Wu Ming



La guerre d'indépendance des États-Unis vue et racontée par ceux qui l'ont perdue.

C'est une fabuleuse épopée racontée magnifiquement. C'est un livre fantastique. L'écriture est superbe. C'est très poétique aussi.

J'ai marché dans les forêts avec les indiens Mohawk, j'ai visité les bas-fonds de Londres et j'ai assisté aux palabres et aux danses avec les sachems Iroquois.



J'étais à la fois à certains moments dans Pocahontas, dans le Dernier des Mohicans et aussi dans la dure réalité de ces peuples décimés par les blancs pour leur voler leur terre.



Dans les descriptions de batailles j'avais l'impression de voir les images au ralenti, c'est décrit avec tellement de réalisme et de force que j'avais vraiment l'impression d'y être.



Il y avait bien longtemps que je n'avais pas lu un super livre d'aventures, c'est vraiment un livre magnifique (je me répète !).



De plus la plupart des personnages ont vraiment existé, donc une bonne leçon d'histoire sur des faits que je ne connaissais pas vraiment.



A lire de toute urgence – en plus c'est vraiment une lecture d'été pour rêver
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L'oeil de Carafa

Une révolution dans le roman historique : 40 ans de luttes à l'apparition du protestantisme.



Publié en 1999 (et traduit en français en 2001 par Nathalie Bauer), « L’œil de Carafa » (« Q » en italien d’origine et en anglais) est le premier roman du collectif d’écrivains de Bologne, Wu Ming, paru en fait sous le nom de Luther Blissett, le vaste collectif européen d’action artistique et de canular politique, auto-dissous en 1998, dont ils furent des membres actifs dès l’origine.



Sept cent trente pages et deux voix pour, de fait, contribuer puissamment à révolutionner le roman historique, et fonder l’école informelle (et néanmoins controversée) du « Nouvel Épique Italien », avec la complicité bienveillante de Valerio Evangelisti, de Carlo Lucarelli, de Massimo Carlotto, voire de Giancarlo de Cataldo et de Roberto Saviano.



Le narrateur, anonyme – ou plutôt changeant allègrement de pseudonyme chaque fois que nécessaire -, arpente l’Europe de 1515 à 1555, spectateur et acteur des immenses soubresauts apportés par l’installation de la Réforme protestante, et par la lutte acharnée entre l’Empire de Charles Quint, le royaume français de François 1er, les princes allemands et la Turquie de Soliman le Magnifique, sous le regard acéré de la Curie romaine. Jeune passionné et radical, il prend rapidement acte, avec de nombreux camarades, de la tiédeur complaisante d’un Martin Luther qui, passée la ferveur de l’affichage de ses thèses sur la porte de l’église de Wittemberg, a bien tôt fait de se ranger, avec armes et bagages, au côté des princes allemands et de leur féodalité maintenue, alors même qu’un instant, un immense espoir s’était levé pour les pauvres et les réprouvés. Le narrateur sera donc, avec constance, de toutes les batailles radicales perdues du demi-siècle, de toutes les folies expérimentales, de toutes les quêtes généreuses de l’époque : combattant avec Thomas Müntzer, l’instigateur de la grande révolte paysanne (celle qu’analysera Friedrich Engels en 1850), à la bataille de Frankenhausen (1525), participant, rapidement dégoûté et incrédule dès les premières dérives, à l’éphémère royaume théocratique anabaptiste de Münster et aux folies de Jean Matthijs et Jean de Leyde (1535), combattant au sein de la violente colonne de Jan de Batenburg jusqu’à la capture et l’exécution de celui-ci en 1538, sympathisant du phalanstère (avant la lettre) d’Eloy Pruystinck et de ses amis, à Anvers, jusqu’en 1544, avant de faire fortune en participant à une arnaque sophistiquée aux dépens des banquiers Fugger, principaux financeurs des guerres et des oppressions à l’époque, et de s’établir à Venise pour un « final » hallucinant, allié à une riche famille de marchands et activistes Juifs portugais…



C’est qu’entre temps, avec toujours plus de force au fil des pages, la deuxième voix du roman a pris son essor : figurant uniquement sous forme de lettres et de rapports adressés à son commanditaire, l’espion et infiltrateur catholique « Q » (pour Qohélet, pseudonyme renvoyant au livre de l’Ecclésiaste) décrit patiemment au cardinal Carafa, animateur de la frange plus dure de l’église catholique (il sera l’instigateur de la création de l’Inquisition romaine en 1542 avant de devenir le pape Paul IV, l’un des plus féroces de l’histoire, en 1555), les signaux d’alerte sur les activistes protestants et anabaptistes les plus menaçants, œuvrant surtout, en véritable agent provocateur, à trahir et faire échouer de l’intérieur les mouvements les plus dangereux pour la papauté et pour les puissants de ce monde, jusqu’aux confrontations finales quand le narrateur aura enfin réalisé le rôle de cette ombre secrète qui traqua ses actions et celles de ses compagnons pendant plus de trente ans…



Roman d’une rare puissance et d’une extrême ambition, donc, recourant à la fois à une recherche minutieuse et à un jeu subtil d’anachronismes « étudiés » et de langages virtuoses, pour donner un sens inhabituel à une période historique d’une part, et pour indiquer par analogie de possibles mécanismes de lutte contemporaine, d’autre part.



Roman dont on ne peut qu’attendre avec impatience la réédition, et pourquoi pas dans une nouvelle traduction française qui, à l’instar de la magnifique traduction anglaise de Shaun Whiteside, serait davantage fidèle aux recherches langagières et à la langue bien particulière du collectif bolognais.
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Proletkult

« Tenace comme la sentinelle d’un futur immédiat », un conte philosophique diabolique qui confronte l’après-révolution russe de 1917 à un détour science-fictif et mémoriel indispensable.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/04/27/note-de-lecture-proletkult-wu-ming/



Moscou, 1927. Alexandre Bogdanov, qui fut l’un des plus redoutés militants adversaires de Lénine au sein du mouvement bolchévique entre 1907 et 1913, philosophe et médecin, coule des jours presque tranquilles à l’approche des festivités de la célébration des dix ans de la Révolution. Largement retiré de la vie politique officielle depuis déjà longtemps, ne participant pas aux menées des différentes factions entrées en rivalité active depuis la mort de Lénine en 1924, il se consacre essentiellement à ses recherches médicales sur la transfusion sanguine, au sein de l’institut spécialisé qu’il dirige, et à garder un œil quelque peu distant sur le mouvement d’éducation populaire Proletkult, dont il fut l’un des grands inspirateurs bien avant la Révolution.



Alexandre Bogdanov est aussi alors considéré comme l’un des plus grands écrivains soviétiques de science-fiction, depuis le succès de « L’Étoile rouge » en 1908 et de « L’ingénieur Menni » en 1913. Lorsqu’une jeune femme se présente à lui, prétendant être la fille d’un camarade de lutte clandestine depuis totalement perdu de vue, invoquant des circonstances semblant tout droit sorties de son propre best-seller, il croit d’abord à un bizarre canular. Alors que la réalité de cette science-fiction s’impose progressivement à lui, il doit emprunter à vive allure le chemin de la mémoire, et se voit forcé de mesurer ce qui, enraciné dans l’histoire et dans les individus, est d’ores et déjà en train de mener la Révolution prolétarienne à sa perte.



Héritiers italiens du mouvement d’agitation culturelle Luther Blissett qui répandit ses énormes canulars politico-artistiques en Europe entre 1994 et 2000, le collectif bolognais des Wu Ming conduit depuis son premier roman, « L’Œil de Carafa » (1999), une intense guérilla littéraire à succès en remodelant les canons du roman historique (selon une ligne directrice évolutive en partie théorisée dans leur manifeste de 2008, « New Italian Epic »).



Auteurs de huit romans collectifs, de plusieurs recueils de nouvelles et novellas et de nombreux romans « individuels » (publiés sous leur numéro alphabétique au sein du collectif, Wu Ming 1, Wu Ming 2 ou Wu Ming 4, par exemple – les pseudonymes des membres de la librairie Charybde à sa création en 2011 constituaient un hommage non dissimulé à cette pratique), le collectif sait varier ses registres d’écriture avec une maestria étourdissante, jouant avec l’anachronisme stylistique (dans « L’Œil de Carafa » et dans sa suite « Altai » de 2009, tout particulièrement), avec la réinterprétation de faits historiques avérés (dans « L’Armata dei Somnambuli » de 2014, non encore traduit en français), avec la vision des vaincus (dans « Manituana » en 2007), ou encore avec la mise en œuvre de personnages-points-de-vue particulièrement improbables et savoureux (tels le premier téléviseur couleur importé en Italie dans « 54 », en 2002, non traduit en français mais disponible en anglais), pour toujours parvenir à créer un profond et subtil questionnement politique, tout à fait contemporain pour sa part.



Avec « Proletkult », publié en 2018 et traduit en français en 2022 chez Métailié par Anne Echenoz, les auteurs ont composé une nouvelle mosaïque décisive, hantant les corridors où les révolutions se construisent, en pensée et en action, que ce soit à Helsinki, à Paris, à Londres, à Genève, à Capri ou à Bologne, comme ceux où elles s’infectent et se désagrègent. Maniant discrètement le jeu d’échecs comme Lénine et Bogdanov eux-mêmes, soumettant les figures historiques authentiques, connues ou moins connues, au détour science-fictif précieux et diablement efficace que permettent le texte et le contexte étranges du roman « Красная Звезда » de 1908, ils élaborent un jeu de miroirs actualisant le conte philosophique voltairien et l’effet de distance cher à un « Micromégas » en le confrontant aux racines ironiques potentielles d’un Viktor Pelevine ou d’un Vladimir Sorokine, déjà. Et qu’au centre du jeu se retrouve, comme le pressentait aussi le Boris Groys de « Staline, œuvre d’art totale » et de « Du nouveau », la question de la culture et de l’éducation populaires accroît fort naturellement la résonance contemporaine de ce texte faussement rêveur et résolument incisif.
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L'oeil de Carafa

Ayant lu et d'ailleurs chroniqué ici le récent essai de l'auteur sur le complotisme, où il est fait allusion à ce roman, j' ai eu la curiosité de le lire.

Comme pour l'essai en question, mes sentiments sont mitigés.Je suis peut-être d'autant moins enthousiaste que j'ai lu des critiques le mettant au rang du livre d'Eco, le nom de la Rose, et que la comparaison est écrasante pour Blissett -Wu Ming.

Cela dit, Q, l'oeil de Carafa est st l'aboutissement d'un travail de recherches remarquable. Il évite les travers courants des romans, erreurs flagrantes et anachronismes, quoi que sur ce point, il n'en soit pas totalement exempt en ce qui concerne les mentalités, mais ils sont sans doute voulus par l'auteur.

Pourtant, sans trop savoir pourquoi je n'ai pas accroché, et me suis assez vite ennuyé. Et j'ai abandonné aux alentours de la deux centième page.

J'ai cependant lu la fin par curiosité. Je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir percé le mystère de l'identité de Q.

Un reproche quand même. La fin se déroule à Constantinople et on a droit au couplet convenu sur la toute puissance et la tolérance de l'Empire Ottoman, qui relèvent largement toutes les deux d'un mythe construit au siècle des Lumières comme un contre-exemple permettant de critiquer les institutions européennes, spécialement françaises, par des gens qui ne connaissaient pas l'Empire Ottoman et ne se souciaient pas de le connaître, car ce n'était pas leur propos, mais qui fut pris au pied de la lettre par la suite.

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L'oeil de Carafa

Si le nom de l'auteur : Luther Blissett fleure bon le canular et sert de faux nez au collectif italien Wu Ming, le roman n'a rien d'une arnaque bien au contraire. On a affaire à ce qui se fait de mieux en matière de roman historique, la comparaison avec « le nom de la rose » n'est pas usurpée en termes de qualité et même de fond puisque les troubles religieux et la résolution d'une énigme sont le socle du roman.

Au XVI ème siècle, l'émergence de la réforme luthérienne va provoquer des troubles en série en Allemagne, aux Pays Bas, en Belgique et en Suisse et puisque le pouvoir catholique est contesté, pourquoi ne pas s'attaquer aussi aux autres privilèges ?

Les paysans se soulèvent contre les seigneurs et cherchent à créer une nouvelle société égalitaire. Des flambées de violence enflamment différentes villes où le peuple prend le pouvoir avant d'être réprimé brutalement par les autorités.

Gert du Puits appartient au camp de la révolte, ce nom n'est pas sien et le lecteur ne sait rien de son passé mais il va de ville en ville accompagnant des prêcheurs, pseudo messies mais vrais agitateurs religieux et politiques. Comme il sait se battre et qu'il a du flair, il arrive à échapper aux châtiments et aux massacres qui frappent les malheureuses villes qui se sont soulevées contre le pouvoir.

Il ne sait pas que dans l'ombre agit un ennemi, qui comme lui est de toutes les insurrections mais dans le camp opposé. Un espion qui se fait appeler Q pour Qohélet renseigne au Vatican le cardinal Carafa chef du clan des catholiques durs. Les informations transmises par Q permettent au camp des puissants de tout savoir sur les moyens et les intentions des insurgés et ainsi de les combattre efficacement.

Des années plus tard du Puits après maintes fuites et déceptions va comprendre qu'un traitre agit dans l'ombre et cause la perte des hérétiques et des réformateurs, dès lors il n'aura de cesse de l'avoir démasqué.

Roman savant décrivant contexte social et religieux du XVI ème siècle, en particulier les mouvements hérétiques, leurs doctrines et les leurs meneurs. L'oeil de Carafa est aussi un roman de cape et d'épée avec ce qu'il faut de batailles, de poursuite, de coups tordus et de femmes troublantes.

Certains voient dans ce livre une image du monde d'aujourd'hui dans lequel les mouvements revendicatifs sont écrasés par les pouvoirs, c'est leur droit mais sans aller si loin c'est surtout un régal de lecture, intelligent, nerveux et addictif digne d'Alexandre Dumas.

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Manituana

Comme son nom ne l’indique pas, Wu Ming est un collectif de cinq auteurs italiens. Je crois qu’il importe seulement de préciser que « Manituana » ne pâtit absolument pas de cette écriture à cinq mains, l’ensemble du texte étant parfaitement homogène. Voilà pour la parenthèse, et passons maintenant à l’essentiel : « Manituana » est l’un de ces récits dont la lecture est un véritable régal !



Fresque historique passionnante, roman d’aventures parfaitement rythmé, il met en scène des personnages inoubliables, dont la plupart ont d’ailleurs réellement existé.



L’histoire se déroule à la fin du XIXème siècle, au moment où certains colons américains se rebellent contre la couronne d'Angleterre. Excédés par les taxes et impôts qui leur sont prélevés, revendiquant les différences qui les séparent d'un peuple auquel ils ne se sentent plus liés, ces colons de plus en plus nombreux ont aussi et surtout besoin de terres. Par conséquent, la limite d'expansion aux terres indiennes fixée par le roi anglais n'est pas vraiment pour leur plaire... La révolte, qui part de Boston, gagne ensuite tout le Nord-Ouest du pays.



Ce qui fait l’originalité de "Manituana", c’est que ses auteurs ont pris le parti de conter ce pan de l’histoire américaine du point de vue des vaincus, qui luttèrent, au nom de la couronne d’Angleterre, contre les colons rebelles. Certains autochtones vont en effet se battre au côté des loyalistes britanniques, dans le but de protéger leurs terres de l'avidité des whigs. C'est le cas notamment de certaines tribus iroquoises, dont les Mohawks, au nombre desquels certains membres joueront dans cette guerre civile un rôle notable.



Wu Ming s’attarde plus précisément sur le destin de la famille Johnson, dont l’aïeul William, en s’unissant avec l’indienne Mohawk Molly Brant, renforça le lien entre les communautés iroquoises et irlandaises. Peter Johnson, leur fils métis, symbole du rapprochement entre indiens et blancs, incarne pour ceux qui croient en une nation mixte et apaisée l’avenir du pays.

Au moment où commence le roman, Sir William Johnson est mort, mais son ombre plane tout au long du récit, image d'un homme dont le rêve de tolérance et de cohésion a été près de se réaliser...

Molly, elle, est toujours vivante ; cette femme de caractère, que les rumeurs qualifient de sorcière, force le respect mais aussi la crainte. Son frère Joseph, qui est l'un des enfants de l’entente construite par Sir William, se montre particulièrement soucieux de maintenir la solidité du lien entre les deux communautés, et fait ainsi office d’interprète lors des rencontres entre blancs et iroquois.

Afin d'assurer le Roi George de leur soutien, en échange de la sauvegarde de leurs droits et de leurs territoires, le clan Johnson forme une délégation qui se rend à Londres.

C'est l'occasion pour les représentants de la colonie américaine de découvrir une ville sale, grouillante, dans les salons de laquelle se pavanent des individus aux mises exagérément excentriques et compliquées...



Les descriptions liées à cette partie du récit sont particulièrement réussies, rendent avec éloquence le caractère à la fois truculent et ridicule de la société londonienne de cette fin de siècle. Le contraste avec le mode de vie que réintègrent ensuite les membres de la délégation est saisissant. Mais peu après leur retour en Amérique, la guerre d'Indépendance sombre rapidement dans la barbarie, n'épargnant même pas les civils.



Le souffle épique qui en émane rend ce roman captivant, et j'ai également apprécié que ses auteurs y introduisent parfois une part de surnaturel. La violence, liée au contexte, est elle aussi très présente. Des indiens qui écorchent vives leurs victimes, ou pratiquent parfois le cannibalisme, aux rebelles qui brûlent femmes, vieillards et enfants, on se dit finalement qu'aucune communauté n'a l'apanage de la cruauté, et que ceux qui s'efforcent à la tolérance et à la paix sont malheureusement bien peu nombreux.



Autant d'éléments qui font que lorsque l’on referme « Manituana », on en garde des échos pendant longtemps.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Manituana

Déluges des violences et d'aspirations trahies... Les oubliées guerres indiennes ressemblent aux guerres européennes, des enchevêtrements d'alliances qui ne finissent que dans la destruction...
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54

Premier roman des Wu Ming sous leur "nom", réclamant une traduction, car il est jouissif en diable.



Publié en 2002, le premier roman sous leur nom de Wu Ming du collectif italien (après leur coup d'essai et coup de maître "Q", qui était encore écrit sous le pseudonyme englobant de "Luther Blissett") n'est hélas toujours pas traduit en français, et c'est bien regrettable... C'est donc de la traduction anglaise par Shaun Whiteside en 2005 que je vous parle ici.



L'année 1954. Il fallait le génie souterrain des cinq (bientôt quatre) Bolognais pour entremêler savamment l'après-guerre italien, ses désillusions lorsque les anciens Résistants, et tout particulièrement ceux du puissantissime PCI de Bologne, voient le début des grandes compromissions chrétiennes-démocrates, avec le retour aux affaires d'un bon nombre de hiérarques issus du fascisme, la rupture entre la Yougoslavie et l'URSS au lendemain de la mort de Staline, qui crée, pour peu que l'on résolve la question du territoire libre de Trieste, contesté entre Tito et la république italienne, un intéressant "coin" au sein du bloc de l'Est, les débuts de l'organisation d'un trafic mondial d'héroïne, à l'échelle industrielle, par le mafieux napolitain Lucky Luciano, le sommet délirant atteint aux Etats-Unis par le mccarthysme, et enfin, l'ennui profond de Cary Grant qui se morfond à Hollywood après avoir mis fin à sa carrière, qu'Alfred Hitchcock d'une part, le MI6 d'autre part, veulent le persuader de relancer...



Si l'on ajoute que l'un des principaux points de vue de narration adoptés est celui d'un... ultramoderne téléviseur couleur, dérobé dans les stocks américains de la grande base navale de Naples, on comprendra que l'on a affaire à un monument potentiel. C'est bien le cas : si l'intrigue effervescente est presque impossible à résumer (et ce serait particulièrement dommage de déflorer certains de ses rebondissements), comme toujours avec les Wu Ming, le sérieux de la recherche documentaire et des possibles transpositions contemporaines (préface et postface nous rappellent qu'au moment de l'écriture, dans la foulée du 11 septembre 2001, l'invasion de l'Afghanistan est lancée, et que celle de l'Irak pointe déjà son nez...) affleure sous la farce apparente.



D'amicales pressions sur les éditeurs français des Wu Ming sont donc plus que jamais nécessaires pour qu'une traduction voie le jour. Ne serait-ce que pour vous éviter d'avoir à me pardonner cette citation sauvagement traduite de l'anglais par mes soins :



"Assis dans le Chippendale en face de Cary, Sir Lewis Chester Kennington, un vétéran du MI6 arrivé de Londres quelques jours auparavant. A côté de lui, Henry Raymond, le directeur américain de la même organisation. Raides, dans leurs parfaits costumes gris. Laine peignée, fines rayures grises, deux boutons, gilet, sans doute Anderson & Sheppard, et leurs chemises avec cette coupe inimitable de Turnbull & Asser, sur Jermyn Street. Les deux chaussés d'Oxford noires. L'ensemble était porté avec cette impersonnalité typique des Britanniques, davantage préoccupés au fond de camouflage imparable au sein de leurs bureaux que de réelle élégance."

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Proletkult

Utopie du système marxiste, dystopie martienne pour en préserver les possibles, récit malin sur les compensations de la fiction. Le collectif d'auteurs Wu Ming signe un roman d'une grande intelligence sur la naissance de l'URSS, son moment de bascule à la mort de Lénine, sur l'invention et la liberté des théories scientifiques assez farfelues - le collectivisme physiologique - comme autant de prétextes à un passionnant roman historique. Proletkult ou l'invention d'une culture révolutionnaire qui nous changerait autant nous que le monde.
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Manituana

Wu Ming est le nom de plume d’un collectif de cinq auteurs italiens dont «Manituana», publié en Italie en 2007, est le troisième roman.



Récit ambitieux, c’est d’abord un superbe roman historique couvrant la période de la guerre d’indépendance (1775-1779).

L’histoire des États-Unis est en général présentée sous forme de clichés exaltant les valeurs de l’Amérique. Ici, au contraire, Manituana nous dévoile le rôle actif des Indiens dans cette guerre, nous raconte ce conflit du côté des vaincus, les indiens Iroquois alliés à la couronne d’Angleterre, ainsi que les conséquences désastreuses de la colonisation et de ce conflit pour la vie et la civilisation indiennes.



Malgré la dimension de fresque historique, les chapitres sont courts et incisifs, les personnages profonds et palpables, tels Molly Brant, conductrice du peuple Mohawk habitée des rites de son peuple et de rêves prémonitoires, et Philip Lacroix – Ronaterihonte, dit « le Grand Diable », chasseur et guerrier redoutable pétri de littérature européenne.



Roman à la fois flamboyant et intime, la destruction du monde des Iroquois de Manituana a de fortes résonances avec l’histoire, les intolérances et les guerres contemporaines.



"On dit que le scalp est l'essence de l'homme. Mais, moi, je dis que l'essence de l'homme, c'est le fusil. La partie la plus intime du fusil est creuse, vide. L'âme de l'homme est insaisissable, imprenable. Sans le fusil, tu n'es qu'un animal comme un autre, en lutte pour manger."



«Tandis qu'il assistait à la progression du cortège, Philip eut une vision : Londres étendue au monde entier. Unique énorme excroissance, faite d'immeubles et de tours dressés, des habitats délabrés, des esplanades théâtrales, des fontaines et des jardins, un dédale de ruelles où le soleil n'arrivait jamais. Un monde bâti, mis au travail, pavé, dallé, étayé ; un monde en construction, stratifié, ruineux, marcescent ; un monde de lumières artificielles et de beaucoup de ténèbres, salut d'un petit nombre et condamnation pour la majorité : la noble ville de Londres et de Westminster.»
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Manituana

L'indépendance des Etats-Unis du côté des vaincus, dans le meilleur roman historique récent...



Avec "Manituana" en 2007 (publié en français en 2009 - dans la remarquable Bibliothèque Italienne animée chez Métailié par Serge Quadruppani), le collectif d'écrivains italiens Wu Ming renouvelait l'exploit de "Q" (en français, "L'Œil de Carafa") : construire un roman historique au souffle puissant, rigoureusement documenté, parfaitement orchestré, présentant de vrais personnages qui ne soient pas de fugitives caricatures, tout en s'attachant à mettre à jour "l'envers du décor", de l'histoire communément acceptée, du "récit des vainqueurs".



Ici, loin du XVIème siècle de la Réforme et de la Contre-Réforme en Europe (qui était l'objet de "L'Œil de Carafa"), les Wu Ming nous emmènent en Amérique du Nord, à la veille de la guerre d'Indépendance qui donnera naissance aux États-Unis. Adoptant en détail le point de vue de colons humanistes et fidèles à la Couronne britannique, et de leurs amis amérindiens préférant un souverain lointain et relativement bienveillant à des colons et marchands ô combien présents, et en quête incessante de terres, d'esclaves et de profits, ils nous livrent une vision crédible, documentée et décapante des mythes fondateurs des treize Colonies, loin en effet des réécritures solennelles qui en seront effectuées par la suite. Avec un "morceau de bravoure" indéniable et une authentique fête du langage, lorsqu'une ambassade iroquoise ira affronter Londres, ses splendeurs et ses bas-fonds, pour être reçue à la cour du roi George...



Poursuivant au fond des buts proches de ceux d'un Vollmann dans "Central Europe" ou d'un Claro dans "CosmoZ", avec des moyens entièrement différents, les Italiens chantres du "New Epic" réussissent à nouveau un grand moment d'histoire des vaincus, et nous donnent peut-être le meilleur roman historique de ces dernières années. Travail salutaire et jouissif à la fois, bien servi aussi par une traduction impeccable de Serge Quadruppani.

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Manituana

" Les rayons du soleil harcelaient le groupe, une lumière de sang filtrait dans la fôret." (première phrase)



8 septembre 1755. Nouveau monde. La guerre franco-anglaise fait rage. Rassemblés sous l'égide de Sir William Johnson, commissaire des affaires indiennes, les peuples de la longue maison se battent pour l'empire britannique.



A la mort de ce chef charismatique, en 1774, les relations des indiens avec les colons ne font que se dégrader: vol de bétail, de terres, insultes. Les nations iroquoises, partagées entre le souvenir de Sir William, la terre de leurs ancêtres et leur serment d'allégeance au Père anglais, décident d'envoyer des émissaires à Londres. Joseph Brant dit Thayendanega, Peter son neveu qui est aussi le fils de Sir William et de Molly dont les songes révèlent l'avenir, Philip Lacroix dit Ronaterihonte le guerrier de légende amateur de Shakespeare et Guy Johnson, gendre de William et nouveau commissaire des affaires indiennes, sont du voyage. A travers leur regard et leur épopée, c'est l'avenir de la nation indienne et des soubresauts de l'histoire qui se jouent.







"Tandis qu'il assistait à la progression du cortège, Philip eut une vision: Londres étendue au monde entier. Unique énorme excroissance, faite d'immeubles et de tours dressés, des habitats délabrés, des esplanades théâtrales, des fontaines et des jardins, un dédale de ruelles où le soleil n'arrivait jamais. Un monde bâti, mis au travail, pavé, dallé, étayé; un monde en construction, stratifié, ruineux, marcescent; un monde de lumières artificielles et de beaucoup de ténèbres, salut d'un petit nombre et condamnation pour la majorité: la noble ville de Londres et de Westminster." (p274)





Pourtant, comment arrêter l'histoire en marche? Comment enrayer la soif d'indépendance des colons? Comment conserver ses rêves et l'essence même des peuples indiens quand le frère se dresse contre le frère?





"Les silhouettes devinrent vagues, jusqu'à disparaître derrière le rideau de pluie." (dernière phrase)



Saga historique, conte, longue élégie, Manituana raconte ce que nous savons d'un point de vu inédit: celui des vaincus, des sans-terres, des trahis. On trouve ça et là des passages d'une poésie folle, le ton se fait tantôt grave, tantôt léger, et si certains passages sont plus faibles que d'autres, on suit avec passion et crainte ces personnages de légende: Molly qui entend la terre respirer, et l'herbe pousser, son fils Peter qui joue du violon avec dans les yeux le mal du pays, Thayendanega qui d'interprète deviendra chef de guerre, et Esther, jeune fille devenue femme trop tôt et dont le regard porte loin... La langue elle-même est source de jeu: langue vivante (irlandais, écossais...) mais aussi langue d'écrivain avec l'utilisation de l'argot qu'Anthony Burgess prête aux voyoux d'Orange mécanique.





Un premier volet salué par la critique et les prix en Italie (Prix Sergio Leone 2007, Prix Salgari du roman d’aventure 2008) qui nous emmène, de 1755 à 1783, au loin, vers cette Amérique que l'on ne raconte pas dans les manuels d'histoire.







Manituana de Wu Ming, Métailié, 20 août 2009.



Wu Ming 's Copyleft:

«La reproduction totale ou partielle de l'œuvre ainsi que sa diffusion par voie télématique sont autorisées, sous condition de fins non commerciales et de reproduction de la présente mention.»


Lien : http://surmesetageres.over-b..
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Proletkult

Avec «Proletkult», le collectif italien Wu Ming livre un roman historique sur l’URSS de 1927 qui flirte avec la S.-F.
Lien : https://www.tdg.ch/drole-de-..
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Altai

Suite de "L'œil de Carafa", 15 ans après, entre Venise et l'empire Ottoman.



Publié en 2009 (et non encore traduit en français - mais venant de l'être en anglais), "Altai" est la "suite" de "Q" ("L'œil de Carafa" en français). De l'aveu même des Wu Ming, l'écriture de ce quatrième roman du collectif était aussi une forme de thérapie du groupe, après la crise interne provoquée par le départ de Wu Ming 3 en 2008, en se "refondant" au contact de leur personnage vétéran, "Gert du Puits", le narrateur de leur premier roman.



[Attention : SPOILER sur la fin de "L'œil de Carafa"]



Même si le premier roman des Wu Ming n'est pas à proprement parler un thriller à suspense, indiquer les circonstances du début d' "Altai", c'est fatalement dévoiler celles de la fin de "Q". Vers 1570, un jeune Juif vénitien, né à Raguse, ayant renié ses origines et sa foi, travaille avec acharnement et dévouement au sein du contre-espionnage de la Sérénissime, avant d'être utilisé comme bouc émissaire et voué à la perdition suite à un incendie au sein de l'Arsenal. S'enfuyant de justesse, il est amené à rejoindre Salonique, l'empire Ottoman étant devenu de fait une terre d'asile, d'une rare ouverture religieuse, pour les Juifs ou les hérétiques occidentaux, rudement persécutés par l'inquisition romaine créée par Carafa quelques dizaines d'années auparavant. Arrivé à Istanbul, il est hébergé puis recruté par Joao, le chef de la puissante famille de Juifs portugais, protagoniste-clé de la dernière partie de "Q", ennemi juré de Venise depuis le déclenchement des persécutions, dont le rêve, désormais, est la création d'un royaume juif à Chypre, qui accueillerait aussi tous les réprouvés d'Europe... Pour aider Joao, et peut-être le prémunir contre ses propres démons, Gert du Puits quitte sa retraite yéménite et reprend une dernière fois du service...



[Fin du SPOILER potentiel sur la fin de "L'œil de Carafa"]



Placé sous le signe de l'"Altai", un faucon de chasse aux caractéristiques bien particulières, ce roman achève bien entendu le tissage de la toile de "Q", et présente une somptueuse description de l'empire Ottoman du seizième siècle finissant, de sa civilisation si avancée, de son ouverture (notamment religieuse) si rarissime pour l'époque, mais aussi de la terrible corruption, des intrigues et de la technocratie qui le rongent d'ores et déjà, et dont le fiasco de Lépante, à la fin du roman, marquera le premier grand symptôme visible. Le roman explore aussi, sous un autre angle que dans "L'œil de Carafa", les démons engendrés par l'engagement absolu dans une cause, aussi juste soit-elle en apparence, avec une réflexion impitoyable sur la fin et sur les moyens ("Le Prince" de Machiavel a été publié en 1532, et sa réputation sulfureuse est déjà établie à la fin du seizième siècle).



Indéniablement d'une ampleur moindre que "L'œil de Carafa", "Altai" est néanmoins un grand roman historique, attachant et nostalgique, au crépuscule des héros humbles...

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New italian epic. Letteratura, sguardo obli..

Le formidable essai critique des Wu Ming sur la nouvelle littérature italienne...



Le formidable essai des Wu Ming, paru en 2007 et revu plusieurs fois depuis, disponible gratuitement en CC sur leur site (http://www.wumingfoundation.com/index.htm), qui débat des points communs et du type de littérature qu'apportent les Wu Ming, Evangelisti, Genna, Lucarelli, Camilleri, De Cataldo, et d'autres... Passionnant !



"En Occident, après la chute du Mur et la première guerre du Golfe, beaucoup (des commentateurs surtout) parlaient d'un "nouvel ordre mondial". Ordre, clarté. La Guerre Froide achevée, la démocratie victorieuse et certains allèrent jusqu'à annoncer la fin de l'Histoire. L'Homo Liberalis était le modèle définitif de l'être humain.

Il s'agissait, en égale mesure, d'une propagande vulgaire, d'une hallucination collective et d'une folie des grandeurs. Les années quatre-vingt-dix ne furent pas seulement "la décennie la plus avide de l'histoire" (selon la définition de Joseph Stiglitz), mais aussi la plus naïve, mégalomane, auto-indulgente et baroque. La célébration tapageuse du pouvoir et du "style de vie occidental" atteignit des niveaux jusque là jamais égalés, de quoi faire pâlir les fêtes de Versailles durant l'Ancien Régime.

Art et Littérature n'eurent pas besoin de monter sur le wagon de

l'auto-complaisance, car ils y étaient déjà installés depuis un bon moment, mais ils eurent de nouveaux encouragements pour se prélasser dans l'illusion, ou peut-être dans la résignation. Rien de nouveau ne pouvait avoir lieu sur terre, et beaucoup eurent la conviction que la seule chose à faire était de se réchauffer au doux soleil de l'existant. Conséquence : orgie de citations, clins d'oeil, parodies, pastiches, remakes, revivals ironiques, trash, détachement, postmodernismes à

deux sous."

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Manituana

Nord-Amérique, colonie anglaise et révolte des colons, dans la vallée du fleuve Mohawk, la grande maison et les six nations. Il était une fois…



Voici un somptueux roman d’aventures, au temps de la création des futurs Etats-Unis, mêlant indiens, colons, sujets de la couronne. De précieux portraits d’êtres humains, hommes (Joseph Brant Thayendanega, Philip dit le Grand diable) et femmes (Molly, Esther), acteurs et actrices dans un monde en rupture.



De petits chapitres denses, une écriture lyrique pour des fragments d’existence entre salons aristocratiques, voyage à Londres, forêts et combats. Un métissage des mots. Devenir et résistances.



« Il commença à parler, en veillant à ce que les phrases sortent de sa bouche comme une eau sale à rejeter. Mais il avait beau s’appliquer, l’arrière goût restait attaché à sa langue. »



Une lecture sous l’angle des vaincus de la colonisation.
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