Afsaneh Eghbal

24 septembre

Jour premier de mon arrivée à Tahoua.
La ville est étreinte entre les bras de sable, les bras friables de deux déserts rouges, le grand Erg du Ténéré et le Tanezroutt nigérien. Un vent chargé de poussière s'est levé. Il obscurcit encore l'heure tardive.
Dans la rue, des ombres d'hommes déambulent en groupe serré, épaule osseuse contre épaule osseuse, faméliques dans le crépuscule. Ils griffent l'air de jurons, de rires où grelottent quelques dents plantées sur des gencives nues, d'invectives lancées contre cette ville qui les ignore. Ils avancent par foulées de nomades habitués au sable. Parfois leurs longues jambes s'immobilisent et naïves s'étonnent du goudron ramolli par la chaleur. Ce sont les Regs. Ils portent des sandales minces et déchiquetées. Leur endurance à la marche, ils la doivent à la corne de leurs pieds, une corne tannée, cuite, pleine de graisse et toute fissurée d'entailles, qui ne craint ni roche coupante, ni écharde. Ces hommes ignorent le vieillissement, de père en fils, ils présentent les mêmes orbites creuses, le même regard affamé. La misère leur fait cet épiderme lisse sur lequel aucune famine ne laisse plus d'empreinte. Depuis leur âge le plus tendre, les enfants exhibent de minuscules menottes sillonnées de rides, gercées par le travail, de jour comme de nuit, le travail.