Agnès Sandras

L'écrivain n'a jamais été aussi célèbre et adulé que dans sa dernière maladie, celle-ci abolissant toutes les rancunes politiques, au profit de la célébration de l'homme-siècle, né avec le Consulat : son couchant incarne le triomphe de la modernité démocratique dont il aura été le prophète avant d'en devenir le symbole.

En août 1862, après avoir exploré la Belgique avec Charles et Juliette, Hugo repart avec cette dernière sur les routes du Luxembourg et de l'Allemagne. A leur retour, ils font halte plusieurs jours à Bruxelles. Le 16 septembre, l'éditeur Lacroix donne un banquet de quatre-vingts couverts en l'honneur du romancier, qui rappelle ses grands combats dans un discours flamboyant: liberté de la presse, droits des femmes, nécessité de l'instruction pour les enfants. En novembre, à la demande du pasteur Augustin Bost, il prend une nouvelle fois position contre la peine de mort alors débattue à Genève, prolongeant ainsi le combat entrepris lors de la publication du Dernier jour d'un condamné. Il espère que, de la même manière, Les Misérables entraîneront un éveil des consciences en faveur de la question sociale. Joignant le geste à la parole, il organise, secondé par Adèle, des repas et des distributions pour les enfants les plus pauvres de Guernesey.

Il n'eut désormais de cesse de signaler à l'opinion les monuments abandonnés ou sacrifiés aux modifications urbanistiques, aux caprices politiques, et nombre d'entre eux lui durent d'avoir été épargnés, comme Saint-Germain l'Auxerrois en 1839, Notre-Dame de Paris en 1842, ou encore les arènes de Lutèce quelques décennies plus tard.

Faisant preuve d'une rare détermination, il décida, à peine adulte, de vivre de sa seule plume, parvenant à acquérir une immense renommée littéraire avant la trentaine.