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Critiques de Alain Mabanckou (762)
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Verre cassé

Bref.

J'ai découvert Verre cassé.



J'étais au resto chinois, un midi. Pause déjeûner vite fait avec une collègue. J'hésite entre rouleau de printemps et nems. Donc je prends une salade chinoise: une pousse de soja et une crevette. Mais taille xxl. Deux crevettes.



J'entends glousser à la table voisine.

Une femme, seule. Des nems dans l'assiette, un livre dans la main.

J'enquête. Pas longtemps, car je regarde les Experts: je suis une pro.

J'me dis: "C'est pas le nem qu'est drôle".

Je comprends que c'est le bouquin qui la fait rire. J'ai prévenu. Je suis une pro.

J'attends, l'ouïe en éveil. Elle rit encore.

J'me dis: "Mmmm... une nouvelle mission. Trouver le titre de ce bouquin."



Je me transforme en Horatio Caine. Rayban sur le nez et tête penchée. Incognito.

J'essaie de lire le titre à l'envers. J'vois pas le titre.

Je me contorsionne sur ma chaise pour voir le titre. J'vois pas le titre. 

Je fais tomber un truc par terre pour mieux voir le titre. J'vois pas le titre.

Je demande à ma collègue de lire le titre. Elle me dit: "Salade vietnamienne aux crevettes".



Plan B. Je décide de passer à l'interrogatoire direct. Je me donne une contenance, je la joue pro. Je garde mes lunettes de soleil et je continue à pencher la tête. Horatio Caine à s'y méprendre.

Je dis: "Echcusez moi m'dame, ch'est quoi che bouquin qui vous fait rire?" J'avais une crevette coincée entre les dents. Horatio Caine croisé avec Isabelle Mergault.

Elle dit: "Euh... c'est un petit livre conseillé par ma libraire."

Je dis: "Hey calmos. T'emballes pas. J'te demande pas de me raconter ta vie, j'veux juste le titre."

Bon j'dis pas vraiment ça en fait. Je suis polie.

Je dis plutôt: "Ah sympa votre libraire. Et le titre?"

Elle dit : "Verre cassé d'Alain Mabanckou. L'auteur qui a écrit Mémoires d'un porc-épic."

Je voulais pas avoir l'air cruche. Je pense: "Porc-épic et colégram?" Mais je dis: "Ouais ouais, je vois bien."



Bon je voyais que dalle en fait. Enfin si, je voyais. Mais de loin. Jamais lu Mabanckou, mais le nom me parlait vaguement. Donc je voyais sans voir. Je voyais plus le petit piment que le porc-épic mais je voulais pas entrer en terre inconnue. J'avais pas la tenue de Lopez.

Un hochement de tête, un clin d'oeil, un sourire, je fais genre on se comprend. J'ai quand même eu l'air cruche.



Je dis: "Ça parle de quoi?"

Elle dit: "C'est compliqué à expliquer. Mais c'est drôle. Enfin pas que drôle. Faut le lire."

Super. Elle joue aux énigmes l'insolente. J'avance à rien là. Je patine dans le canard laqué. Et elle se fout de moi en plus.

Du coup, j'abrège.

J'enfourne la deuxième crevette et je dis: "Merchi, bon appétit." Je suis polie.

Je remets ma tête droite, j'enlève mes Rayban. Et j'ai plus de crevettes.



C'était il y a un mois. J'ai trouvé le bouquin, j'ai lu le bouquin.

J'avais pas de nems mais j'ai riz aussi. Car c'est drôle. Enfin pas que drôle. Tragique, érudit, saugrenu, invraisemblable, des clins d'oeil littéraires en pagaille.

Finalement c'est vrai que c'est compliqué à expliquer Verre cassé. Elle s'est pas foutu de moi. Faut le lire.



Bref, j ai lu et adoré Verre cassé.



(Un vrai grand merci à la dame aux nems. Si elle se reconnait...)

 

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Rumeurs d'Amérique

Alain Mabanckou écrivain congolais vit aux Etats-Unis depuis 2002 . Aprés quatre ans passé à se geler les c....... au Michigan, en 2006 il arrive en Californie, engagé comme professeur de littérature de langue française à UCLA. Il commencera par habiter dans la jolie ville côtière de Santa Monica, pour la quitter finalement pour le centre ville de Los Angeles.

Vu ce qui se passe depuis un mois dans ce pays, ce livre tombe dans le vif du sujet: le racisme. Outre ce sujet brûlant de par tous les temps, Mabanckou, nous donne un bref aperçu des Angelinos ( habitants de Los Angeles ), fana du bien manger, du mieux vivre, et culte du corps. Comme toujours chez les américains tout ou rien, fast-food ou l'autre extrême d’une diversité surprenante, végétaliens avec graines, algues et champignons à la carte, des lacto-ovo-végétariens qui acceptent œufs et lait, des vegans qui refusent même de porter des chaussures en cuir.... une liste sans fin , trop compliquée pour moi 😆 !

Un regard aussi sur la ville multiculturelle , avec son quartier "Little Éthiopie" et ses nombreux restaurants dont la plupart, éthiopiens ou érythréens, Koreatown, le coréen étant une des langues les plus parlées dans le centre de Los Angeles......

L’auteur agrémente le tout d’anecdotes intéressantes et divertissantes de son propre vécu, dont celle de son livre « Lettre à Jimmy », classé dans la section « Gay Literature » dans une librairie du centre-ville. Pourquoi ? Tout simplement parce que ca parle de James Baldwin.......au cas où vous auriez envie de l'acheter en anglais à L.A. 😊...

J’y ai aussi approfondi mes connaissances sur “La société des ambianceurs et des personnes élégantes”, plus connu sous l'acronyme SAPE, croisée à une exposition de la Fondation Cartier en 2015 à Paris. Ce mouvement culturel et de société originaire des Congos (République du Congo et République démocratique du Congo), dont fait partie Mabanckou, est un courant comparé au dandysme, et ses adeptes appelés les sapeurs s'habillent chez les grands couturiers, et pratiquent la sapologie. Ces « Parisiens » vivent des mois avec qu’une seule idée en tête: accumuler tenues et chaussures pour la « Descente »😎, la descente au pays ! Incroyable, quasi une religion ! Le reste je vous laisse découvrir.

Noir, adjectif en voie de devenir tabou, négritude, frustration d’avoir la peau noir.....sont les thèmes récurrents de ce livre que l’auteur aborde avec légèreté et impartialité à travers le prisme des afro-américains, des congolais, des franco-congolais. Pour en finir , on y croise un sujet encore plus actuel, le coronamachin, vu que le livre est tout récent.

J’ai passé un excellent moment avec ces rumeurs d’Amérique, qui me prouve encore une fois la singularité de ce pays de fiction , je vous en souhaite de même !



“Le seul mérite des bagnoles américaines, c’est qu’on peut transporter des cadavres dans leur coffre sans avoir à en replier les jambes. "

Frédéric Dard ( San Antonio )



Grand merci pour l’envoie de ce livre aux Éditions Plon et NetGalleyFrance

#rentreelitteraire2020#NetGalleyFrance
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Le commerce des Allongés

Mauvais sort.

A peine froid, Liwa Ekimakingaï est sorti de sa tombe façon pub Merinos dans le cimetière dit du Frère-Lachaise, à Pointe-Noire. Fort mécontent des circonstances de son trépas inattendu, esprit tourmenté un brin chafouin, le revenant n'en revient pas, le mort n'en démord pas, le claqué rêve de claques et il envisage une riposte post mortem. L'utopie des assassinés. Pour sa vengeance, forcément froide, il ne veut pas se contenter du forfait de base pour esprits tourmentés. Il laisse aux autres le soin de hanter une bicoque en faisant un hou-hou poussif sous un drap à la propreté douteuse et il ne veut pas traiter l'affaire à distance en maraboutant les coupables avec une poupée vaudou. Pas de séance d'acuponcture sur un doudou, dis donc.

Avant d'aller déposer son solde de tout compte, il doit s'habituer à sa nouvelle condition de macchabée. Les horaires ne sont pas les mêmes et la nourriture n'a rien de céleste. Il rencontre certaines figures truculentes du cimetière qui lui expliquent le règlement intérieur. Comme les morts s'ennuient, ils s'occupent en se racontant leur vie. Les biographies sont savoureuses même si aucun n'a eu une mort paisible. Peu importe, le résultat est le même.

Liwa profite également d'une petite sieste, les morts ont droit à un peu de repos, pour assister en songe à sa veillée funéraire auprès de sa grand-mère, Ma Lembe, chargée de son élevage depuis sa naissance. Mon cadavre vu du ciel. C'est l'occasion de se souvenir de son enfance et de son emploi de cuisinier à l'hôtel Victory Palace.

Comme le montre la couverture « Gauguinesque » du roman, le mort porte une tenue de dandy daltonien, look proche de celle du Huggy les Bons Tuyaux dans Starsky&Hutch, car son petit accident de parcours était survenu le jour de la commémoration de l'Indépendance du Congo et qu'il s'était mis sur son 31 pour chasser la gazelle.

Alain Mabanckou n'a rien perdu de son humour et cette histoire à dormir ou mourir debout, malgré son sujet, n'épouvantera personne. Les petites natures peuvent se lancer dans cette lecture sans crainte. Inutile ensuite de faire une cure de Matthieu Ricard ou de Frédéric Lenoir pour revoir la vie en rose avec un sourire béat. Il faudra aussi trouver une autre excuse pour sauter au cou du voisin. Ce n'est pas la version congolaise de l'Exorciste ou de Poltergeist. Les morts sont bien vivants et cette farce est surtout l'occasion de souligner une lutte des classes qui se prolonge dans l'au-delà. Même dans un cimetière, les inégalités perdurent, les riches ont un cimetière réservé et la meilleure vue (un vrai luxe quand on est six pieds sous terre. Il ne manque que le jet privé pour rejoindre le Paradis en première classe). L'auteur dépeint aussi la ville de son enfance, la corruption endémique, le pouvoir (pas magique) des sorciers dans le pays, dont les services se monnayent au bénéfice hommes cupides prêts à tout pour obtenir une place au soleil et au maléfice de tous ceux qui contrarient leurs projets. le comble du chic est d'avoir son charlatan à domicile à plein temps. Solde d'été : Une petite promotion contre un sacrifice humain. No problemo, les affaires sont les affaires. Même les footballeurs s'y mettent…

Une histoire originale et amusante qui me semble néanmoins moins aboutie que d'autres romans d'Alain Mabanckou comme « Petit Piment » par exemple que j'avais particulièrement aimé. Une histoire qui n'est pas à tomber par terre, précaution utile dans un cimetière, mais j'ai passé une bonne Toussaint en cette fin août. Et puis, je préfère fréquenter des manguiers plutôt que des cyprès, même de loin.

Moi, je ne crois qu'au mauvais esprit.



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Demain j'aurai vingt ans

Quelle plaisir de lire la magnifique langue d’Alain Mabanckou. Nous sommes au Congo dans les années soixante dix. Michel est un jeune garçon qui découvre avec candeur et lucidité les complexités de la vie et le monde des adultes.

De son amourette avec Caroline, en passant par la découverte des livres (celle de Rimbaud est magnifique), ces interrogations politiques, existentielles, Michel (Alain Mabanckou ?), tente de trouver une voie que même les adultes ont du mal à trouver.

Tantôt grave, le plus souvent drôle, l’écriture de Mabanckou fait merveille. La rencontre improbable de Michel avec un fou surnommé Petit Piment, les informations entendues sur le radiocassette familial que Michel interprète avec le regard d’un môme de dix ans, ces avions qui zèbrent le ciel, que lui et son ami Lounès, s’amusent à deviner la destination pour rêver d’un ailleurs, autant de moments plein de grâce et de justesse. Un roman initiatique empli de poésie raconté avec un immense talent. Ne grandit pas trop vite petit Michel.

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Mémoires de porc-épic

"... assieds-toi au pied d'un baobab et, avec le temps, tu verras l'Univers défiler devant toi..."



J'ai fait des efforts, au pied de ce baobab...

Et pourtant, le livre avait tout pour me plaire : une fable philosophique pleine de traditions et croyances africaines, de magie noire, de références littéraires, de réflexions sur la nature humaine qui oscille sans arrêt entre son côté lumineux et son côté sombre.

Mais j'ai fini un peu comme cet idiot du proverbe chinois, cité (entre autres) dans ce livre : celui à qui on montre la Lune, et qui continue à regarder le doigt. J'ai peut-être aperçu une promesse de la Lune, une lueur, mais sans jamais réussir à perdre de vue ce doigt qui pointe. Eh bien, cela arrive...



En bonne gourmette (la variante existe t-elle ?) littéraire, je supposais que le "porc-épic" n'est qu'une métaphore, et si on réfléchit à ce concept de l'alter-ego homme/animal, nous n'en sommes pas loin. Mais l'histoire en soi est vraiment racontée par un porc-épic, qui confesse sa carrière mouvementée de tueur en série à un grand baobab, en philosophant et en gesticulant. Un soliloque ininterrompu, dont la seule ponctuation est représentée par la virgule; point de point et point de majuscule. Là aussi, j'ai compris que c'est censé nous rapprocher de la tradition orale, mais même le plus grand des conteurs doit faire une pause pour respirer, de temps en temps. Etrangement, ce procédé qui ne m'a jamais gênée chez les autres (je pense par exemple à "L'automne du patriarche" de Marquez, mais aussi un peu à "Boussole" d'Enard que je suis en train de lire), m'a laissée sans souffle en lisant "Porc-épic".



Selon la tradition africaine, tout homme a son double : soit un double paisible qui aide et qui protège, soit un double mauvais, qui nuit et qui tue. C'est aussi le cas de Kibandi. Quand il avait dix ans, son père, à l'aide de charmes et d'un breuvage magique, lui a attribué comme double notre porc-épic. Pendant l'enfance de Kibandi, l'animal est relativement tranquille, mais avec l'âge, son maître devient de plus en plus orgueilleux et susceptible. Moindre offense, moindre mot de travers signifie un arrêt de mort pour son adversaire qui va aussitôt succomber aux piquants mortels du "double" de Kibandi. Cela devient une sorte d'ivresse, une "faim", et Kibandi est un homme très affamé ! Mais voilà... sa dernière victime (évitons les spoilers), est en trop même pour son malfaisant double qui lui doit obéissance. Certaines transgressions sont dangereuses, et Kibandi va mourir à son tour. Son double devrait mourir en même temps, et il a peur, très peur... comment cela se fait-il qu'il soit toujours vivant ?

Même si la quatrième de couverture l'insinue, les meurtres ne sont pas au centre du roman. C'est plutôt le message qu'on peut se dresser contre son destin, et qu'il n'est jamais trop tard pour une prise de conscience. L'animal finit par douter des agissements de Kibandi, donc de ses propres actes. Il se cherche des excuses pour continuer à tuer, mais il finira par désobéir, ce qui va (probablement) lui sauver la vie.



On a des réflexions sur l'histoire de l'humanité, Jésus Christ, la littérature, les traditions africaines et la culture occidentale. Mabanckou peut être satirique, et il commente parfois assez durement le monde occidental - la scène avec le cercueil, où les occidentaux voient eux-mêmes comment un mort peut identifier son meurtrier, est assez comique - mais il n'hésite pas non plus à taper dans ses propres rangs : le vieux porc-épic qui se comporte comme un dictateur est une référence à la scène politique au Congo. Tout cela baigne dans une étrange atmosphère magique... alors oui, je crois que j'ai saisi le potentiel parodique , mais le livre m'a paru long, très long, la magie noire n'a pas opéré et, malheureusement, tout ce qui est important, je l'ai trouvé un peu caricatural et plat. Un autre livre sur le "coeur d'homme", écrit d'une façon très originale, mais j'y ai cherché en vain ce "quelque chose de plus", une petite révélation.

Voyez-vous, même quand je vais par exemple chez Lidl, j'ai toujours une idée assez précise de ce que j'en ramène, mais dans le cas de ce récit, j'hésite encore... Lidl vs littérature, 1:0.

Il y a certains bons moments, donc 2/5, mais je mets définitivement le réalisme magique du Congo dans ma boîte imaginaire de choses que je ne veux plus jamais rencontrer, avec la bière à la lavande, les Teletubbies et la musique de David Guetta.
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Petit Piment

Il s'était toujours demandé pourquoi le prêtre de l'orphelinat de Loango, Papa Moupelo, l'avait appelé Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko. Un personnage à part, sans doute, que ce prêtre qui s'occupait si bien de tous les orphelins. Il était attendu chaque week-end, moment où chacun aimait à oublier les punitions de la semaine. Un moment où la joie, la musique et les cris pouvaient s'entendre par delà les murs de l'institution. Il faut dire que l'orphelinat était dirigé par un directeur corrompu et autoritaire, un certain Dieudonné Ngoulmoumako, entouré de sbires qui n'étaient rien d'autre que des membres de sa famille. Heureusement que cet orphelin de Pointe-Noire, celui qui se fait dorénavant appeler Moïse, peut compter et sur la protection bienveillante de Papa Moupelo, et sur l'amitié de Bonaventure Kokolo. Mais, voilà que le prêtre, un jour, se fait attendre, trop longtemps, et qu'une Révolution socialiste commence à gagner les rangs et bouleverser le pays...



Dans ce roman quelque peu autobiographique, l'on suit le parcours de Moïse, alias Petit Piment, de l'orphelinat de Loango aux rues grouillantes et aux bas-fonds de Pointe-Noire. Ce roman, social et politique, découpé en trois parties bien distinctes, donne à voir, en filigrane, de la société congolaise dans les années 60-70, de la révolution sociale qui germe, de la corruption, de la misère et de la condition des femmes. Alain Mabanckou est un conteur, il manie la plume avec élégance et l'on prend un plaisir certain à le lire, même si le début du roman est plus laborieux. Un récit à la fois drôle et doux-amer, parfois cruel ou tendre, et aux personnages hauts en couleurs.

Dommage cette quatrième de couverture beaucoup trop bavarde...
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Black Bazar

Depuis que sa compagne l’a quitté pour un joueur de tam-tam en emmenant leur petit fille, Fessologue, surnommé ainsi pour sa connaissance approfondie des derrières féminins (les faces B), tente de surmonter sa colère en écrivant un journal sur une vieille machine à écrire.

Entre anecdotes, pensées et impressions, des brèves de comptoir aux marchés colorés de Château Rouge, le jeune congolais, installé en France depuis 15 ans, brosse un tableau drolatique de la communauté africaine au sein de la capitale.



Poète, essayiste, romancier, l’écrivain francophone Alain Mabanckou incarne le nouveau combat contre communautarisme et racisme avec le rire et l’humour pour seules armes.

Celui qui souligne que « l’ironie et le rire sont des armes redoutables qui suscitent souvent bien plus de réflexion qu’une approche stricte et sérieuse » reste dans la même veine sarcastique que celle de « Verre Cassé » et n’hésite pas à utiliser l’autodérision pour bousculer les idées reçues et fustiger les petites médiocrités et autres préjugés qui alimentent le racisme ordinaire.



A travers une galerie de personnages hilarants, farfelus ou pathétiques, Black Bazar est le témoignage de la folie du monde mais aussi le constat désopilant d’une Afrique étonnamment désunie, en proie aux fréquentes querelles d’ethnies.

Ce sentiment de haine au sein même de la communauté africaine, Mabanckou le dénonce avec autant de vigueur qu’il en met à condamner toutes formes de racisme.

« L’autocritique est essentielle si l’on veut ensuite poser un regard juste sur le reste du monde » explique-t-il en s’attristant des ségrégations que ses compatriotes exercent entre eux.



Sous ses airs de galéjade, Black Bazar est un texte au thème identitaire fort, mais à aucun moment l’auteur ne veut se départir de son humour ravageur, ce qui en rend la lecture éminement plaisante et ludique.

Avec ironie, verve et truculence, il met ainsi en scène des personnages pris entre deux mondes, deux cultures, des êtres résolus à conserver leurs origines et en même temps déterminés à s’intégrer au mieux dans la culture occidentale (allant même pour certains jusqu’à se décrêper les cheveux et blanchir la peau, symbole d’ascension sociale et culturelle !)



Un proverbe africain dit : « Si vous voulez savoir la vérité, écoutez les fous »,

Mabanckou nous le prouve en alliant lucidité et grain de folie dans ce texte pétillant, cocasse et savoureux, à la drôlerie irrésistible.
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Petit Piment

Petit piment est un brave garçon poursuivi par les coups du sort. Après les années sévères de l'orphelinat, la dure loi des bas-fonds de Pointe-Noire et la douceur des prostituées, il connait la folie de celui qui a perdu successivement l'amour maternel, l'amitié fraternelle et la gaieté protectrice des femmes. Seule sa vengeance semble la digne réponse à ce misérable destin.



Comme il sait si bien le faire, Alain Mabanckou parle de son pays avec amour, mais décrit avec lucidité (et humour) la corruption et le népotisme des dirigeants politiques, la rivalité entre les différentes ethnies et le pillage du pays par des puissances occidentales qui sont au Congo, comme dans d'autres pays d'Afrique, les grands freins à leur développement.



Toute la saveur de la belle écriture imaginative d'Alain Mabanckou réside dans ce roman d'une Afrique fascinante. Entre réalisme, croyances superstitieuses et coutumes, l'auteur nous transporte dans un univers envoûtant aussi concret qu'ensorcelé.

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Verre cassé

Voici un auteur manifestement fâché avec la ponctuation car, à part les virgules, il n'y a pas un seul point quelconque, ni de majuscules. Mais ne vous arrêtez pas à cela. Verre Cassé va nous conter les histoires singulières des assidus du Crédit a voyagé, un bar qui pourrait se trouver dans n'importe quelle ville d'Afrique noire.



L'auteur, Alain Mabanckou, a un talent certain de conteur. Je me suis laissée entraîner sans aucune difficulté dans les méandres des récits de vie qu'il nous présente avec infiniment de tendresse, malgré la souffrance et les malheurs que les protagonistes traversent.



Mais n'allez pas croire que l'histoire est simpliste. Car Mabanckou défie à tout moment son lecteur en émaillant son texte de références littéraires.

Ainsi un des clients raconte à Verre cassé que sa femme l'a fait passer pour un pédophile et se défend : "est-ce que tu me vois, moi, souiller le vestiaire de l'enfance, est-ce que tu me vois, moi, arracher les bourgeons, est-ce que tu me vois, moi, tirer sur les enfants, c'est impossible" et plus loin : " (un) policier de nationalité féminine (...) a dit que même mort elle me piétinerait, qu'elle irait cracher sur ma tombe, elle a dit que je ressemblais à un marin rejeté par la mer, que je devais savoir que chaque crime a son châtiment, (...)" et donc, si vous ne connaissez pas l'oeuvre du prix Nobel japonais Oé, celle de Vian, de Mishima, de Dostoïevski, vous êtes passés à côté de ses clins d'oeil.



Un coup de coeur assurément.
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Petit Piment

Étrange le phénomène qui s'est produit au cours de ma lecture de "Petit Piment" d'Alain Mabanckou. Je m'explique : dans la grande majorité des cas, mon intérêt ne fait que croître au fil des pages, or ici, il n'a fait que décliner jusqu'à devenir inexistant. Je pense même que si le roman avait été plus épais, je l'aurais sans aucun doute abandonné. Non pas que l'histoire soit totalement inintéressante, au contraire, ce récit m'a familiarisée avec l'Afrique dont j'ignore tout et j'étais d'ailleurs très heureuse de ce dépaysement bienvenu. N'allez pas croire que je ne me sens vivre que dans les combes et les landes de la brumeuse campagne anglaise...



Le contexte, disais-je, est intéressant. Nous voici au Congo, à l'orphelinat de Loango où nous faisons la connaissance de Moïse (en fait il porte un nom à rallonge bien plus complexe mais il ne faut pas me demander de vous le répéter). Nous suivons son enfance, son éducation, ses péripéties pour sortir de l'institution et rejoindre les petits délinquants de Pointe-Noire, la capitale économique. Là où ça commence à coincer, c'est lorsque, de vols en festins de viande de chat (j'ai eu beaucoup de mal avec ce passage), Moïse, rebaptisé Petit-Piment, atterrit dans la maison close de Maman Fiat 500 avant de travailler au port. Cette existence entre misère et manque de racines va le mener précocement vers la folie.



Paradoxalement, je pense que le récit souffre d'un manque de descriptions. Alain Mabanckou possède une plume assez directe et concise qui laisse un goût de "trop peu". le rythme est soit rapide soit lent ; des années s'écoulent en quelques lignes, des détails ou des rencontres insignifiantes font bâiller d'ennui.



En résumé, vous l'aurez compris, un avis très mitigé et pas forcément une folle envie de goûter à nouveau l'univers littéraire de l'auteur.





Challenge AUTOUR DU MONDE
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Tais-toi et meurs

Quand Julien Makambo, jeune immigré clandestin congolais, débarque à Paris, il meurt virtuellement une première fois en devenant José Monfort. Il est pris en charge par son presque beau-frère Pedro, et ils vivent de petites combines. Mais les temps sont durs, et pour remonter ses finances, Pedro prépare un gros coup auquel il associe José. Et cette fois, ce n'est pas seulement une mort virtuelle qui est en jeu...



Il y a du Chester Himes dans ce roman ! Pas tant dans la forme de l'écriture : on est loin de la truculence pagnolesque de l'américain. Mais à coup sûr dans la façon dont Mabanckou raille les travers de cette petite communauté congolaise qui s'entasse dans un appartement parisien : on affiche une solidarité de façade, mais on se jalouse sans se l'avouer ; on survit de petites embrouilles, mais on veut paraître en s'achetant les plus belles fringues ; et on fait preuve d'une grande naïveté...

Julien/José est un personnage attachant, qui se laisse griser par une vie qui lui paraît facile, et que Pedro peut manipuler à sa guise. Il a bien, de temps à autre, des éclairs de lucidité, mais le collectif et l'argent étouffent rapidement sa méfiance. On comprend que pour lui la chute sera plus dure.

De sa belle écriture, à travers ce roman noir, Alain Mabancjkou nous fait découvrir un bout de la communauté africaine de Paris. Il y met de la tendresse mais pas de complaisance. La critique est d'autant plus sévère qu'elle est suggérée plus qu'exprimée.

Belle découverte d'un roman aussi noir que caustique !
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
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Verre cassé



J’ai d’abord dit génial, unique, inattendu, lorsqu’un dictateur africain ( Mabanckou invente, c’est sûr, personne n’a jamais eu vent qu’il existait un seul dictateur africain ce serait presque « un mensonge gros comme une résidence secondaire de dictateur africain ») parle à bâtons rompus, il ne peut pas s’arrêter, il cherche LE mot qui lui ralliera les foules. Après maintes suggestions, il trouve : Je vous ai compris. Truculent.



Bourré de références livresques, ce livre : pour cela, lire la liste exemplaire de andras, car , en plus de clins d’œil au cinéma ( Ascenseur pour l’échafaud, la vie n’est pas un fleuve tranquille, Orange mécanique) l’auteur utilise des phrases toutes faites, et aussi des expressions comme « à la cour du roi Pétaud, les tonneaux des Danaïdes ( africanisé en tonneaux d’Adelaïde, la brousse ou la vie), les chansons de Brassens ( les vieux cons des neiges d’antan, « ce chanteur m’apprenait que les gens qui demandaient aux autres de mourir pour les idées étaient les derniers à donner l’exemple ») , des chansons de Dalida ( paroles, paroles)en plus donc chaque page pratiquement inclut un titre, une référence, une citation, sans guillemets.

C’est donc drôle, très drôle, quand on sait combien ont souffert ses prédécesseurs accusés de plagiat.

Il serait beaucoup trop compliqué de démêler les centaines de bons mots, d’expressions, de titres appartenant à d’autres écrivains. La redondance tue l’action possible.





D’abord.



Ensuite, le but visé est sûrement, venant d’un homme aussi cultivé, de citer des amis à lui. Dans le roman, Verre cassé se voit confier les histoires des autres. Il doit écrire, pour immortaliser les aventures vécues, et chacun se prétend le plus digne d’être raconté, le plus indubitablement exceptionnel. Mabanckou a-t-il été, au cours de la rédaction, contacté par d’autres auteurs africains ? Verre Cassé cite ces auteurs, en ayant l’air de n’être qu’un instituteur sans diplômes, remercié par la hiérarchie, vieillissant. Il raconte, sur un air de Zao, les histoires des hommes qui hantent le café des bas fonds de Pointe Noire, tous se vantant de leur passé en France ou en Amérique, et tous trompés et rabaissés par une femme, qui les ont expédiés en prison.



Pas une pour rattraper l’autre.



J’ai ensuite applaudi le couplet sus Paris Match « Tout ce qui est dedans est vrai, et c’est pour ça que tout le monde l’achète, les hommes politiques, les grandes vedettes, les chefs d’entreprise, les acteurs célèbres se battent tous pour être dedans avec leur famille, devant leur maison, avec leur chien, avec leur chat, avec leur cheval et même, je vais te dire, quand ces hommes politiques de là-bas sont condamnés ou mis en examen dans de sales histoires de corruption, de fausses factures, d’attribution de marchés publics, de trafic d’influence et tout le bazar, ces hommes politiques veulent poser avec leur famille dans Paris Match pour montrer qu’ils sont des hommes bien et que ce sont les jaloux et les adversaires politiques qui leur cherchent noise pour qu’ils ne se présentent pas aux prochaines élections, est ce que tu vois le problème. »



J’aime cette écriture aux longues phrases qui ne se concluent pas, un peu comme dans la vie, où l’on met rarement des points.

Petit bémol tout de même : ce mélange d´érudition, de critique politique, d’humour pur, de récits de vie tragiques aussi bien écrits, de mots drôles aussi bien trouvés, n’avait pas besoin à mon sens d’un détail saugrenu et sans rapport avec l’histoire, les histoires..



Ceci dit, chef d’œuvre.

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Verre cassé

C’est parce qu’il aime raconter des histoires qu’un jour, Verre Cassé s’est vu remettre un cahier à remplir par le patron de son bistrot préféré Le Crédit a voyagé. Bistrot congolais ouvert vingt quatre heures sur vingt-quatre et où se croisent une multitude de personnages hauts en couleurs. Plus question que les histoires s’envolent, le patron se méfie des anciennes traditions orales et veut pouvoir relire les tribulations de ses habitués quand il veut et pour son seul plaisir.



Et pour le nôtre aussi !

C’est ainsi que nous rencontrerons, et toujours sous couvert d’humour bienveillant, Pampers un père de famille chassé de chez lui, L’imprimeur qui a fait la France, Mouyeke escroc féticheur, Robinette la plus douée des pisseuses, l’Escargot entêté patron du bistrot, sans oublier bien sûr Verre Cassé qui nous narre aussi ses propres aventures. Tous ces personnages qui auraient pu être des héros...



Et dans toutes ces histoires, sont pointées, l’air de rien, de petites attaques contre les autorités gouvernementales françaises ou congolaises, les intellectuels à cravate, les maux dont souffre la population africaine... Le tout truffé de références littéraires. On s’amuse autant du récit qu’à retrouver les perches tendues vers d’autres lectures, aussi bien que vers des films et autres chansons. C’est drôle sans être cynique et finement construit. Et contrairement au voeu du patron du café, sont célébrés ici autant la tradition orale que l’écrit : d’ailleurs l’écriture ici est une longue narration presque sans point, ni virgule, ce qui rend le texte très vivant et très particulier.



Bref, un vrai plaisir de lecture et un vrai cri d’amour à la littérature de tous pays !

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Petit Piment

Ambiance africaine garantie pour ce court roman d’Alain Mabanckou, qui illumine cette rentrée littéraire de sa plume épicée. C’est le récit d’une vie : Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko, dit Moïse, dit Petit Piment nous narre en trois parties sa destinée congolaise : à l’orphelinat, dans la rue puis seul en proie à une amnésie délirante, après un répit de courte durée.

Ces ruptures successives dans le parcours du personnage sont étroitement liées aux chaos politiques et administratifs rythmés par les élections : l’orphelinat était un refuge sinon chaleureux, au moins vivable, voire agréable lorsque les enfants recevaient la visite de Papa Moupelo, un prêtre catholique qui les faisaient chanter (au sens littéral du terme). La révolution socialiste est passée par là, et le charme s’est rompu : trois enfants dont Petit Piment se font la belle, pour se retrouver dans les bas-fonds de Pointe Noire et vivre de rapines. Mauvais plan à moyen terme, la corruption et l’abus de pouvoir existent à tous les niveaux : Petit piment trouve refuge dans la plus ouverte des maisons closes, un bordel tenu par la truculente Maman Fiat 500. Un apprentissage de la vie et une échappatoire à l’errance. jusqu’à ce que de nouvelles élections mettent fin à la quiétude de Petit piment. C’en est trop, il perd la tête. Qu’est-ce qui pourrait le sauver, hormis une vengeance?



Le constat est sans appel, manoeuvres politiques, corruption, le destin des individus est celui d’un frêles esquif balloté au gré de la houle que soufflent les dirigeants. La satire sociale prend les traits d’un conte exotique qui ressemble plus à une histoire de vengeance qu’à un récit initiatique.

La naïveté perdue du jeune homme n’a d’autre issue que la folie, dont il n’a pas intérêt à guérir (sa détermination à résister aux tentatives thérapeutiques diverses est particulièrement drôle et réjouissante).



La plume court au rythme des déboires du jeune homme, maitrisée cependant, si l’on en juge par les facéties de l’auteur.



Ce n’est peut-être pas le meilleur roman de Mabanckou, (j’avais été subjuguée par Verre cassé) mais un bon crû pimenté à souhait.


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Le commerce des Allongés

Un bon héros est-il un héros mort ? C’est le pari que prend Alain Mabanckou dans son dernier roman.



En effet après avoir ressenti le tremblement de terre et le cyclone, et s’être retrouvé allongé sur une butte de terre, l’homme à qui s’adresse les propos de ce roman, dans un tutoiement qui permet habilement de mettre à distance le monde de morts et celui des vivants a préféré se persuader qu’il était vivant.



En observant l’effet de sa disparition soudaine sur son entourage, et pour sa grand-mère qui l’a élevé, l’homme nous livre un récit qui parle de Pointe-Noire, de certains de ses plus originaux ressortissants, de son histoire passée. Puis de son histoire personnelle, celle qui l’a conduit dans ce cimetière en compagnie de trépassés qui lui conteront des événements en relation avec les quelques célébrités échouées autour de lui.



Un peu perdue dans les premiers chapitres, je me suis plus accrochée à la deuxième partie, celle qui relate le destin tragique de notre personnage en tenue bariolée.



Roman original, et instructif, conté comme d’habitude avec verve et détermination, pour ne pas dire truculence (clin d’oeil à l’auteur qui redoute ce qualificatif attribué à son écriture !)





304 pages Seuil 19 Août 2022


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Le coq solitaire

Tout d’abord, on est surpris pas la dimension importante du livre. Puis, une fois ouvert, on se laisse séduire par la finesse et les couleurs des illustrations qui accompagnent fidèlement le texte.

L’histoire, c’est une légende africaine que l’auteur congolais a su mettre au niveau des enfants. Il y raconte l’histoire d’un petit garçon en vacances dans le village de son grand-père Moukila. A chaque animal rencontré, le grand père explique l’enfant qu’il faut la respecter comme un membre de la famille. Ainsi, l’enfant apprend que la chèvre est sa tante maternelle. Tous sont la réincarnation d’un ancêtre mais l’enfant ne sait pas encore quel est son double animal, il devra encore attendre. Il ignore aussi celui que représente ce vieux coq solitaire, un peu déplumé qui traine dans la concession et chante non pas à l’aube, mais en pleine nuit, ce qui dérègle quelque peu la vie des villageois. L’enfant pourchasse le vieux coq qui semble assez intelligent pour s’en sortir, jusqu’au jour où… mais cela, je vous laisse le découvrir.

Cette fable parle des liens de famille, ce qui est important en Afrique, mais aussi, à travers les croyances, du respect dû aux anciens et de la transmission aux jeunes générations.

Une belle leçon de vie. On découvre aussi une autre culture à travers le récit et les illustrations.

Les dessins de Yuna Troël sont éclatants de couleur et très expressifs.

Un bel album.

Je remercie les éditions Seuil jeunesse et Lecteur.com pour cette jolie découverte.



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Ma Soeur-Étoile

J’apprécie beaucoup les romans d’Alain Mabanckou et c’est avec un vrai plaisir que j’ai plongé dans ce récit onirique.

On retrouve à la fois les souvenirs de l’auteur et tous les contes et superstitions qui ont peuplé son enfance. L’histoire de son père ramenant les livres abandonnés par les touristes à l’hôtel où il travaillait, j’ai entendu Alain Mabanckou la raconter et cela m’a amusée de la retrouver dans ce récit pour la jeunesse.

Cet enfant, qui veut communiquer avec sa sœur morte deux ans avant sa naissance est à la fois mélancolique et plein de vivacité. On retrouve, sous la plume de l’auteur congolais, la verve et la spontanéité qui ont fait son succès. Ici, c’est un petit garçon de dix ans qui raconte sa vie d’enfant unique dans une famille très modeste. On entre dans l’univers d’un enfant et son quotidien dans un village du Congo. La vie n'est pas toujours facile, surtout quand il faut affronter les sorts et malédictions. On découvre là les superstitions et légendes d’une Afrique rurale et traditionnelle. Courageux, l’enfant affronte les fantômes de la nuit et c’est ainsi qu’il va rencontrer l’esprit de sa sœur dans une étoile qui lui fait des clins d’œil. Il a lu beaucoup d’histoires, bien sûr, et surtout « Le petit Prince » de Saint-Exupéry (Il faut savoir que ce livre est beaucoup lu en Afrique) et on comprend tout de suite ce lien qui se crée entre les deux histoires où le ciel, les étoiles et les êtres imaginaires ont une grande importance.

L’histoire, poétique, aborde des sujets graves comme la mort. C’est avec une grande tendresse que l’auteur parle du deuil et de l’absence.

Il faut se laisser aller au récit, en savourer le merveilleux et admirer les magnifiques illustrations de Judith Gueyfier. Les dessins sont hauts en couleur et précis dans le trait. Ils accompagnent joliment le récit onirique tout en montrant le quotidien d’un jeune garçon congolais.

Histoire touchante à la fois tendre et amusante à lire et à faire lire.

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Demain j'aurai vingt ans



Entre les discours officiels des politiciens du Congo Brazzaville, la lutte finale contre l’impérialisme et ses valets locaux, que son oncle René lui répète, bien persuadé que les philosophes jusqu’à présent n’ont fait qu’interpréter le monde, et qu’il s’agit de le transformer ( voilà pourquoi chaque année il lui offre des pelles et râteaux en plastique « pour l’agriculture » ) et les nouvelles du monde rapportées par son père qui écoute la radio américaine des années 70, le petit Michel a des idées sur tout.

Cet oncle René ne supporte pas les enfants de capitalistes qui, lorsqu’ils mangent soit goulument, soit en regardant les assiettes des autres, accumulent les richesses et appauvrissent les condamnés (SIC) de la terre.



Michel non seulement écoute ces discours opposés, en plus cela le fait raisonner parfaitement, « du matin jusqu’au soir » : il cherche le sens des mots saligaud et alter ego de la chanson de Brassens, il participe aux affaires du monde, il est ravagé par l’exil du Shah d’Iran, un peu indigné par le fait que, en France, depuis une loi, on peut envoyer, de force, paf, des bébés directement dans la terre. Il s’offusque, aussi, que le parti unique soit remis en cause, du jour au lendemain. « On ne va quand même pas demander aux gens de choisir un président ! Et s’ils se trompent qu’est ce qui va se passer après, hein ? Le pays risque d’être par terre »



Il connaît le monde, aussi, par l’intermédiaire de ce que son ami Lounès lui raconte des films indiens qu’il voit, «rivières pleines de fleurs et de belles femmes…qui dansent en remuant leur Pays-Bas » , dans son école qui est devenue une piscine, par ce qu’il glane sur les autres pays, par exemple l’Egypte, « ce pays qui a des pyramides et des momies en pagaille »… et qui a accueilli le Shah, et Arthur, dont le petit a vu le visage d’ange sur un livre que possède son père .

Vaut-il mieux mourir en Egypte, se demande-t-il ?



Et puis il se marie, mais la fiancée le prévient, si jamais il n’arrive pas à avoir la voiture rouge à cinq places, elle ne lui parlera plus jusqu’à la fin du monde, et ils seront ennemis à mort. Autant dire la guerre mondiale.

Ils ont 10 ans.



Il est heureux, ce petit Michel, bien que sa fiancée en aime un autre, mais pour la reconquérir, il pense à cacher une plume de pintade et lui frotter l’oreille avec. Elle rira tellement, et il entend les femmes séduites rire !Il connaît la vie !

Enfant unique pour l’instant, il a la chance d’avoir ses frères et sœurs de la coépouse de son père, l’amour de ses deux mères, l’amour de ce père qui l’a adopté, et son sens du bonheur.

J’ai adoré l’histoire, la manière dont un petit garçon juge l’histoire du monde, l’ironie et la justesse de ton, les libations, Papa Wemba, les moustiques, tellement malins qu’ils préviennent leurs camarades : attention, les gars, ça pue le Flytox, cachez vous dans les armoires ou les chaussures.

La politique internationale vue par un enfant doué, dans les années 70, dans un pays africain communiste.



!00 pages de trop, malheureusement, dommage, qui permettent cependant à Mabankou de glisser des clins d’œil de ses autres livres« porc épic, PetitPiment, le quartier Trois-cents, le bar le crédit a voyagé »

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Les cigognes sont immortelles

"Les Cigognes sont immortelles", dans ce livre largement autobiographique , Alain Mabanckou glisse dans la peau de

Michel , un jeune garçon d 'une douzaine d 'années qui se raconte et raconte son pays .Le cadre du récit est la ville de Pointe-Noire et là on remarque l 'hommage que rend le romancier a sa chère ville natale .Les Cigognes sont immortelles est un récit qui décrit les trois jours : le samedi 19 mars 1977 , le dimanche 20 mars 1977 et le 21 mars 1977 c 'est durant cette période que fut assassiné le Président Marien Ngouabi par ses frères d 'armes .Suite à ce putsch , la violence s 'installe dans le pays et le chasse aux sorcières peut commencer : les Nordistes s 'en prennent aux Sudistes .Les tensions s'exacerbent entre les différentes ethnies et les différentes communautés .C est l 'occasion pour l 'auteur d 'évoquer avec force les ravages causés par le colonialisme et le néocolonialisme .Il s 'en prend aux élites africaines qui ont géré de façon catastrophique l 'indépendance du pays et leur faillite totale dans la gestion où tous les biens du pays

sont aux mains d 'une minorité et de l 'ancienne puissance qui a fait main basse sur toutes les ressources

du pays .Sur ce point de la colonisation , la gestion des indépendances , Alain Mabanckou partage la même vision qu 'un autre grand écrivain africain : Ahmadou Kourouma

( voir le roman : les Soleils des Indépendances ) .

Donc tout est évoqué par l 'enfant Michel qui est certes un

enfante rêveur qui décrit bien tout ce qui est autour de lui

Il nous parle de sa vie familiale avec Maman Pauline et Papa Roger .Il nous narre comment ils traversent ces graves événements . C 'est la vie intime , de l 'individu et de sa famille qui s 'entremêlent absolument à la vie politique , deux échelles qui s 'entrechoquent aussi éloignées qu'elles paraissent l 'une de l 'autre . Avec ce beau roman , Alain Mabanckou ,met en lumière une partie des ravages du pouvoir , ceux de son pays natal .









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Verre cassé

La vie en Afrique au travers des aventures rocambolesques des clients d'un bar “Le Crédit a Voyagé”. Les personnages se confient à Verre cassé, chargé de recueillir les aventures mi tragiques mi comiques de la "bande d'éclopés " qui désaltèrent leur soif d'échange. Au delà des brèves de comptoirs, les récits charrient de nombreuses références, Et pas uniquement les clins d'oeil à la littérature africaine qu'y glisse Alain Mabanckou. Ce sont des contes universels, magnifiés par le verbe haut des narrateurs.

Le style est surprenant : ponctuation réduite à des virgules, pour coller à la tradition orale. On s'y fait rapidement



Beaucoup plus drôle, malgré le tragique, que les “Mémoires d'un Hérisson” du même auteur.




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