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Critiques de Alain Vircondelet (125)
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Le Paris de Sagan

Livre reçu dans le cadre de Masse critique qui m'a offert l'opportunité de découvrir cette très intéressante collection "Le Paris des Ecrivains" qui comprend également ; le Paris de Cocteau, de Dumas, de Duras, de Modiano, de Prévert, de Sartre et Beauvoir, de Proust et celui reçu sur Sagan écrit par Alain Vircondelet , auteur déjà d'une biographie sur Sagan "Un Charmant petit monstre" , surnom que lui avait donné François Mauriac.

Ravie, surprise mais un peu déçue au premier abord par le format minimal de ce livre , j'attendais sans doute des photos avec un format plus important , mais qui vite se révèle être un atout. On est immédiatement baigné dans le monde de cet écrivain, courte biographie passionnante.

Une difficulté me semble- t-il pour l'auteur qui devra faire vivre deux protagonistes : Sagan et Paris - parlez de l'un en le situant dans une ville. Mais ici c'est Sagan qui est en lumière, il ne s' agit pas de psychologie environnementale , ne pas penser que l'on pourra dans cet ouvrage apprendre beaucoup sur Paris et son influence exercée sur l'auteur malgré les nombreux lieux évoqués - Françoise Sagan, nomade déménage souvent et fréquente la nuit les endroits prisés à cette époque ; mais une seconde lecture effacera un peu cette première impression.

Paris me sembla en second plan et je trouvais cela juste. Dans ce livre, il s' agit surtout de Sagan et cela me convenait, Paris je connais parfaitement, c'est pourquoi mon attention s'est surtout focalisée sur Sagan, mais pour un autre lecteur cela pourrait être différent.

Je partage avec l'auteur totalement l'attachement qu'il éprouve pour cette romancière. Je la défendrai car comment l'accuser d'arrogance, simplement parce qu'elle est bourgeoise, parce qu'elle est différente , libre et peu sensible au monde extérieur alors qu'elle n'est que désinvolture, grâce, naturel, mutine, timide comme le sont les personnes réellement intelligentes et son "bafouillement" était un charme supplémentaire, bien supérieur à l'arrogance oratoire des gens gonflés d 'eux-mêmes.

Pour ma part et l'auteur le confirme, elle était dotée d'une grande douceur, généreuse, aimant le calme mais aussi l'effervescence dans une vie trépidante et souvent chaotique toujours bohème. Elle traînait quelquefois injustement une légende de paresse, on la croit très parisienne avec tout ce que cela peut évoquer de positif ou de négatif alors qu'elle était très fidèle à Carjac sa vie natale - "Paris et le Lot seront ainsi les deux poumons de Françoise. (P..18) et elle séjourna de longs moments en province, en Normandie, à Cahors, Lyon, à Milly la Forêt , Jérusalem, en Irlande; elle a la "bougeotte" mais revient toujours à Paris son lieu d'encrage.

Dès son plus jeune âge, elle a le nez toujours plongé dans un bouquin même pendant les cours. A peine sortie de l'enfance , elle a lu de grands classiques, aime Proust et Stendhal et plus tard Sartre et Camus. Elle admettra volontiers qu'après Stendhal et Proust, "il était difficile d'atteindre à quelque chose de plus grand et de plus fort, mais ayant accepté quand même le défi avec modestie mais surtout docilement, car ce dont elle était sûre, c'était de sa vocation d'écrivain. " p. 72



La critique était parfois très favorable mais souvent féroce ; on fustige son style, on ironise sur le décors de ses romans. Robert Kanters dans le Figaro l'a lacérée à pleines dents..." p.62

C'est un portrait très attachant, écrit finement par cet auteur et cela m'incite à lire son autre livre sur Sagan "Un charmant petit monstre".

Sagan aurait -t-elle été cet écrivain si elle n'avait pas vécu à Paris ? Sans doute non, mais il serait intéressant d'en débattre!



D'autres titres de cette collection m'attirent ; c'est une bonne première et plaisante approche de la vie d'un auteur qui peut convenir à des ados en leur permettant de mieux comprendre l'oeuvre d'un écrivain sans pourtant lire une longue biographie, dans un premier temps.

Au prochain livre de cette collection et un grand merci à Babelio qui m'a fait connaître les Editions Alexandrines qui ont eu la gentillesse de me transmettre ce livre.







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La cathédrale

Après les débauches parisiennes et l’apaisement au sein de la Trappe, Durtal a suivi son ami, l’abbé Grévesin à Chartres. Il espère pouvoir poursuivre sereinement la rédaction de ses biographies de saints. Mais le doute le tourmente. Il cherche l’apaisement dans la grande cathédrale. « Et au-dessus de la ville, indifférente, la cathédrale seule veillait, demandait grâce, pour l’indésir de souffrances, pour l’inertie de la foi que révélaient maintenant ses fils, en tendant au ciel ses deux tours ainsi que deux bras, simulant avec la forme de ses clochers les deux mains jointes, les dix doigts appliqués, debout, les uns contre les autres, en ce geste que les imagiers d’antan donnèrent aux saints et aux guerriers morts, sculptés sur des tombeaux. » (p. 24) Durtal s’abîme dans la prière et déchiffre ses chapiteaux et toutes ses dentelles de pierre pour y lire l’histoire biblique. Et surtout, il découvre la puissance du culte marial. « Elle ne s’exhibe qu’aux pauvres et aux humbles. Elle s’adresse surtout aux simples qui continuent, en quelque sorte, le métier primitif, la fonction biblique des patriarches. » (p. 14) Progressant lentement et douloureusement sur le chemin de la foi, Durtal doute d’être plus heureux qu’avant sa conversion. Il est tourmenté par son orgueil qui interfère dans ses prières et sa volonté d’humilité. Fasciné par la foi solide de Mme Bavoil, la bonne de son ami Grévesin, il cherche en lui des ressources pour converser plus intimement avec Dieu. La solution serait-elle de se retirer au monde et d’entrer au couvent ? Mais comment vaincre la terreur de la claustration et du renoncement ? « Le cloître ! Ce qu’il fallait longuement réfléchir avant de se résoudre à s’y écrouer ! Et le pour et le contre se pourchassaient, à tour de rôle, en lui. » (p. 229)



Joris-Karl Huysmans ne parle jamais de religion sans parler d’art. Dans son œuvre, l’une ne va pas sans l’autre et chacune justifie l’existence et la gloire de l’autre. Ainsi, les déambulations fiévreuses de Durtal donnent lieu à de puissances évocations où éclate le talent descriptif de l’auteur. L’architecture est décodée du point de vue mathématique, artistique et spirituel. Au gré d’un catalogue comparatif d’autres édifices religieux, Huysmans célèbre la majesté de la cathédrale de Chartres. Vient ensuite l’exaltation de la peinture religieuse et l’explication minutieuse de la symbolique des couleurs et des visages. Dans le roman de Durtal, avec Là-bas et En route, il y a de quoi contenter les amateurs d’art et les âmes spirituelles. Les réflexions sur la foi, la prière et la façon d’être à Dieu naissent toujours d’une observation à la fois sensuelle et mystique des productions artistiques humaines.



Au détour d’un paragraphe, Joris-Karl Huysmans donne un nouveau coup de griffe à Émile Zola, comme s’il n’en finissait pas de brûler ses idoles de jeunesse. Il évoque aussi Sainte Lydwine de Schiedam dont il fera le sujet d’une hagiographie brillante et exaltante. Et toujours cette langue riche, puissance, complexe et inspirée. Lire un texte de Huysmans, c’est un exercice exigeant, mais tellement satisfaisant : à mesure que se déploient les longues phrases, on se rapproche un peu du sublime. Artistique ou religieux, c’est tout comme !
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Moi, Icare

Dans ce "Dédale" que peut sembler être la mythologie, si il y a bien un mythe bien un mythe bien ou mieux connu que les autres c'est bien celui d'Icare...

Alors en lisant, ce nouvel opus de cette collection "autobiographie d'un mythe", vous ne risquez pas de "vous brûler les ailes"....

Tant l'écriture d'Alain Vircondelet vous servira de "Fil d'Ariane"....



Après avoir magnifiquement remonter le fil du destin de Dédale - Daidalon -  "l'astucieux", "le rusé", celui à qui on ne l'a fait pas (architecte, inventeur, bref une sorte de Léonard de Vinci de la mythologie)

Rien ne lui résiste, mais comme tout le monde il n'est pas exempt de défauts : il est jaloux, envieux, ne supporte pas que quelqu’un soit plus astucieux que lui.

Le Mythographe Apollodore nous apprend qu’il a été chassé d’Athènes pour y avoir commis, lui aussi, un crime particulièrement abominable, un meurtre qui fait de lui un être peu aimable, bien que d’une intelligence à nulle autre pareille – corruptio optimi pessima dit l’adage : la corruption des meilleurs est la pire.

Diodore de Sicile, nous dit que Dédale prend son neveu Talos comme apprenti. Mais l'élève dépasse le maître, et le maître décide de se débarrasser de l'élève....

Exilé à Cnossos, il entre au service de Minos. Il construit le fameux labyrinthe pour y enfermer le Minotaure.

Ce monstre mi homme-mi taureau, qui attend tous les 9 ans le tribut que les Athéniens doivent livrer : sept garçons et sept filles dont il se repaîtra. Jusqu'à ce  que Thesee aidé d'Ariane, tué le monstre du labyrinthe.

Fou de rage Minos enferme père et fils dans le labyrinthe. Et voilà, l'inventeur prisonnier de sa propre invention à chacun d'y voir quelque interprétation moderne....



Mais en bon inventeur, Dédale trouve la solution pour s'échapper avec son fils : Avec de la cire et des plumes, il fabrique deux magnifiques paires d’ailes, une pour lui et une autre pour son fils, et d'expliquer à Icare :

"Suis mon conseil, Icare,

Tiens-toi à mi-hauteur. L’eau plombera tes ailes

Si tu descends trop bas, trop haut tu grilleras,

Donc vole entre les deux. Tu ne dois jamais voir

Le Bouvier, Hélicé ni l’épée nue d’Orion,

Prends-moi pour guide. Il lui apprend comment voler,

Lui fixe à chaque épaule un prototype d’aile,

Et, parlant, s’affairant, la main de ce vieux père

Tremble, et sa joue s’humecte. Il embrasse l’enfant

Qu’il n’embrassera plus, s’élève d’un coup d’aile,

Prend la tête, apeuré pour son fils tel l’oiseau

Poussant du haut du nid ses oisillons novices,

L’exhorte à suivre, lui apprend son art funeste,

Et se tourne en volant pour voir comme il s’y prend."

Pour citer Ovide dans ses Métamorphoses (Traduction Olivier Sers - Édition du Centenaire Les Belles Lettres)



" Ainsi parlait Icare.

Il se préparait à la grande aventure de sa vie la seule qui lui permettrait d'oser contrarier son destin, de franchir les limites de son humanité, de se soustraire aux décisions des dieux."



Icare acquiesce, affirme qu’il a bien compris, mais une fois dans le ciel, il perd toute mesure. Il cède à l’hybris. Grisé par ses nouveaux pouvoirs, il se prend pour un oiseau, peut-être même pour un dieu. Il néglige toutes les recommandations de son père. Il ne peut résister au plaisir de s’élever dans les cieux aussi haut qu’il peut. Mais le soleil brille et, à force de s’en approcher, la cire qui maintient les ailes se met à fondre. Tout d’un coup, elles se détachent et tombent dans la mer. Lui aussi, et il s’y noie sous les yeux de Dédale qui ne peut rien faire d’autre que pleurer la mort de son enfant. Depuis lors, cette mer a pris, comme dans le cas d’Égée, le nom du disparu : on l’appelle la mer Icarienne.



La chute est sublimée sous la plume de l'auteur, qui a su magnifiquement bien se glisser dans les interstices du mythe, comme dans les anfractuosités du mur de ce labyrinthe, pour magnifier sentiments, pensées, bref la quintessence du mythe

"Le jour, implacable, n'en finissait pas d'atteindre son zénith. Pour Icare, c'en était fini de cette existence lestée par le destin. Il éprouvait une émotion inconnue, celle d'un vertige qui se serait installé dans son corps même, il chutait, chutait, traversait des sortes de paliers, crevait des couches de nuages, forait des brumes épaisses puis retrouvait la clarté bleue du ciel, et toujours, dans sa chute, il été capable que de percevoir l'émotion profonde, inconsciente de se sentir éclaté, comme pulvérisé, devenant le foyer d'un milliard de cellules affolées qui se répandraient en gouttelettes dans l'air. Il était Icare et il n'était plus Icare, car seule son énergie désormais ouvrait la voie, cette énergie qui le ferait exploser en ondes multiples dans la mer s'ouvrant comme la mer d'Égypte aux prières de Moïse. C'était une chute qui n'avait pas de fin, dont il n'avait plus idée ni conscience. Il allait, seulement, il n'avait pas la sensation de tomber, car même dans le sens de sa chute, il avait l'impression de s'élargir, de rejoindre une vastitude originelle, semblable à celle d'avant la création du monde, dans une aube éternelle."



Et comme toujours peintures et sculptures viennent illustrer le mythe, cette collection est décidément d'une richesse qui va bien au-delà de la simple explication ou réécriture.

Ces livres portent tellement bien leur nom, ce sont les mythes qui s'adressent à nous....



Pour les plus curieux au sujet du labyrinthe, je ne peux que faire référence à la page 139 du livre d'Andrea Marcolongo version papier (ou 121 de la version numérique) "La part du héros", il y est représenté tel qu’il figure sur l’une des trente-trois pièces de monnaie retrouvées sur l’île de Crète et remontant à l’époque minoenne.

À vous de trouver la sortie.... Car le labyrinthe ne serait-il pas plus que ce que l'on voit....
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Albert Camus : Vérité et légendes

Alain Vircondelet, dans ses différents ouvrages, s'attache principalement, parce que c'est aussi un peu son histoire, au rapport entre Camus et l'Algérie. Le conflit algérien et les considérations politiques sont esquissées, l'auteur préférant mettre l'accent (pied-noir) sur la terre, les paysages, les décors de l'enfance qui ont façonné l'enfant Camus, lui ont offert ses plus grands bonheurs mais aussi causé ses plus profonds déchirements.

Vérité et légendes, car la vérité de Camus se trouve effectivement dans cet apparent oxymore de la pauvreté et de la beauté, légendes car en vieillissant l'être humain fait de son enfance sa propre légende qu'il alimente de sa nostalgie ou de sa révolte. Abondamment illustré de photos d'époque de Camus, d'Alger, la casbah mais aussi Tipasa, le lieu où la vocation de l'écriture s'est définitivement révélée, il ne faut pas chercher dans le texte commentaire une analyse littéraire distanciée, mais accompagner Alain Vircondelet dans ce voyage personnel qu'il a entrepris avec un frère de cœur.
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Guernica : 1937

Guernica c'est le célèbre tableau de Picasso réalisé en 1937 pour dénoncer le massacre de civils par les nationalistes espagnols et devenu le symbole des horreurs de la guerre. C'est un tableau que j'adore et que je eu la chance de voir dans ses vraies dimensions (8m sur 3m ce qui est assez impressionnant). de plus, j'apprécie particulièrement Alain Vircondelet d'autant plus qu'il est le premier biographe de Marguerite Duras. Alors quand j'ai vu qu'il proposait un "Guernica 1937", roman relatant la relation amoureuse entre Pablo Picasso et Dora Maar durant une période créatrice pour les deux artistes, je n'ai pas hésité à l'acheter.

J'avais donc placé très haut ce livre qui n'a pourtant pas entièrement répondu à mes attentes.

D'abord il me semble difficile de faire la part entre la biographie et le roman. J'ai envie de tout prendre au pied de la lettre et j'ai donc été déçue par le portrait qui est fait de Picasso, montré comme un Minotaure, un maître entouré d'une cour servile dont Paul Éluard et encore plus de celui de Georges Bataille pervers et adepte du sadomasochisme (même si c'est vrai cela reste limité). D'ailleurs, dans la première partie du livre intitulé Avant Guernica l'ancien amant de Dora Maar est opposé systématiquement au nouveau. Je n'ai pas aimé cette première partie dans laquelle il y a beaucoup de répétitions à propos du duel amoureux entre Dora et Pablo qui mène une double vie puisqu'il a une femme et vient d'avoir une petite fille. Pourtant, les deux artistes de langue espagnole vivant à Paris semblent se complaire dans un jeu de dominations et de soumissions.

La deuxième partie intitulée Pendant Guernica est beaucoup plus intéressante puisqu'elle concerne la création de l'oeuvre. On y découvre aussi l'implication de Dora Maar en tant que photographe et son rôle qui va permettre de donner une portée universelle au tableau présenté au Pavillon espagnol de l'exposition universelle de 1937 qui s'est tenue à Paris.

Mais si Guernica a scellé l'intimité de Pablo et Dora il l'a en même temps délié.

Ce livre nous permet aussi de nous interroger sur la tyrannie comme moteur de la créativité car « le maître » n'est pas montré comme un tendre.





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Rimbaud : Dernier voyage

Rimbaud Dernier voyage est le récit des derniers jours du poète. Malade, l'homme aux semelles de vent quitte Aden avec l'espoir fou d'y revenir très vite lorsque les médecins marseillais l'auront soigné. Le voyage est un périple tant la douleur est grande et le désespoir de quitter l'Afrique omniprésent. A Marseille, l'amputation de la jambe droite devient inévitable. Roche, la ferme familiale et les Ardennes, lui semblent le seul refuge pour soigner ses douleurs et ses désillusions. Isabelle, sa soeur célibataire et bigote, l'entoure de soins et d'attentions. Mais Arthur n'abandonne pas son rêve de soleil et de chaleur suffocante : il retourne à Marseille, escorté par sa soeur, retient un billet de bateau malgré sa peur de mourir et le mal qui le ronge un peu plus chaque jour. Isabelle sera le seul témoin de ses derniers jours, créant le mythe d'un Rimbaud repenti sur son lit de mort et retrouvant in extremis la foi.



Alain Vircondelet retrace les derniers jours du poète d'une plume délicieuse et poétique. Rimbaud Dernier voyage se présente comme un "récit" et non comme une biographie d'une période précise de la vie du poète tout en étant très documenté. Les narrateurs et pronoms personnels sujets virevoltent d'une page à une autre : les premières et deuxièmes personnes du singulier nous laissent entendre tour à tour les voix d'Arthur, du narrateur et d'Isabelle. Certains vers sont insérés dans ce récit et nous font redécouvrir la plume du poète pour le plus grand plaisir du lecteur qui se laisse bercer par la mélodie.

Je remercie Babelio et les éditions Ecriture pour cette découverte.
Lien : http://lecottageauxlivres.ha..
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La cathédrale

Durtal, jeune critique d'art parisien, souhaitant rester à proximité de son confesseur, l'abbé Gévresin, s'installe à Chartres. Il est alors ébloui par la cathédrale Notre-Dame dédiée, donc, à la Vierge Marie. Il va ainsi tenter d'en comprendre la symbolique, aidé par un prêtre érudit joliment nommé l'abbé Plomb.

Huysmans a construit une oeuvre bien étrange où l'intrigue se résume à l'indécision de Durtal quant à son entrée dans l'ordre des bénédictins de l'abbaye de Solesmes. Elle lui sert de prétexte à l'élaboration d'un projet plus ambitieux: comprendre les enjeux de la symbolique chrétienne du Moyen Âge pour retrouver la majesté perdue de l'Eglise catholique.

Ce faux roman séduit par sa liberté de ton. Cela vaudra à son auteur, paradoxalement, les foudres d'ecclésiastiques bornés. On ne pouvait pourtant pas lui reprocher de tout faire pour convertir de nouvelles âmes quand les rangs des églises avaient plutôt tendance à se vider chaque dimanche.

La truculente poétique de la Cathédrale s'apprécie au delà de toute considération métaphysique. Il y a des passages extraordinaires décrivant les visions de Durtal qu'un athée convaincu peut apprécier sans complexe.

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De l'or dans la nuit de Vienne selon Klimt

Un cycle de la grande période de Klimt …

Un siècle ou le faste, l’or, les dorures, la mode, la musique est emportée par une valse pour la mise en lumière de Vienne.

Tout se résume en 5 chapitres romancés d’or.

On découvre une ville en pleine effervescence, sur une fin de 19 ème.

On admire le parcours du peintre, par ses voyages, surtout en Italie, cela sera un déclic à se nouvel ajout de couleur qui est l’or dans ses futures peintures. Il idolâtre une certaine Emilie qui est styliste de renommée et sera sa compagne et muse jusqu’à sa mort. Elle est souvent trahie par les frasques et son obsession à courir les jupons.

Il connu beaucoup de peintre mais restera un ami fidèle auprès d’Egon Schiele , qui lui aussi est obsédé par le sexe, les prostituées … puis arrive le moment divin du roman ou Klimt commence le chef d’œuvre du siècle LE BAISER.

Il jugera son œuvre comme : “Le Baiser serait à lui tout seul Venise et Byzance, la Haute-Égypte et le gothique flamboyant, les fleurs de l’école Rinpa, iris et cerisier éclatants de blancheur sur fond d’or, les bijoux de Mycènes au-dessus desquels planait l’insondable mystère du couple au bord du vide.”

Un court roman, puissant et poétique qui nous démontre la fin d’une vie d’un artiste et sa renommée un siècle plus tard et sera le peintre le plus « merchandisé » au monde …
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Guernica : 1937

Lorsque la littérature rencontre la peinture, cela suscite toujours mon plus vif intérêt. Et si à cette union s’ajoute une question de l’ordre de l’engagement de l’artiste, alors je ne résiste pas ! Je ne pouvais donc guère passer à côté d’un roman ayant pour titre celui d’une œuvre emblématique de l’un des plus grands peintres du XXe siècle.

Pourtant, je l’avoue, Picasso est loin d’être mon artiste préféré, même si j’ai évidemment pleinement conscience de son rôle déterminant dans l’histoire de l’art. Il n’en reste pas moins un monstre sacré, un personnage hors du commun offrant à n’en pas douter une très belle matière romanesque.



Pour l’auteur, au contraire, l’artiste était-il trop grand, trop imposant, trop impressionnant pour être appréhendé sans détour ? Alain Vircondelet a choisi de faire un pas de côté et de l’aborder par un angle particulier, passant par l’entremise de l’une de ses maîtresses, et non la moins illustre, pour l’évoquer. Dora Maar partage en effet avec Picasso la vedette de ce pénétrant roman.

En 1935, cette femme libre, talentueuse photographe, jette son dévolu sur Picasso. Entre eux débute un ténébreux jeu de séduction que toute la cour du maître espagnol épie et commente. Bien plus qu’une amante, c’est une muse que Picasso trouve en elle. «Vous êtes ma providence, lui dit-il. Avant vous, je ne peignais presque plus. Il me fallait quelqu’un pour déclencher à nouveau cette force que j’ai toujours eue, pour rejoindre la peinture.»



En 1937, alors que la guerre fait rage entre les nationalistes et les républicains espagnols, ces derniers demandent à Picasso de peindre une fresque destinée à orner le pavillon espagnol de l’Exposition universelle qui doit prochainement se tenir à Paris. Picasso accepte - la commande est prestigieuse et bien rétribuée. S’il ne sait trop ce qu’il va représenter, il ne s’en inquiète guère. L’œuvre jaillira le moment venu...

Mais le 26 avril, des avions allemands bombardent la petite ville basque de Guernica pour soutenir l’avancée des franquistes, faisant plus de 1600 morts, essentiellement civils. Picasso est foudroyé par la terrible nouvelle. Lui qui jouissait jusqu’alors de son succès et de sa gloire, lui qui préférait se placer sur le terrain symbolique plus que politique, lui qui l’année précédente n’avait pas vraiment réagi à l’assassinat de Garcia Lorca, se sent violemment meurtri et saisi par l’horreur et l’indignation. Son tableau, il le sait désormais, dénoncera la barbarie. Celle de Guernica, mais plus généralement aussi celle qui s’exerce sur tous les innocents.



Pour faire face à un tel poids et à une douleur si sourde, il a besoin de Dora, de son aide et de son soutien. Psychologique, bien sûr, mais pas uniquement. Il lui demande de photographier les étapes de l’évolution de son tableau. Elle sera ainsi partie prenante de son élaboration.

Dora pressent immédiatement qu’il constituera un tournant dans l’œuvre et la vie de Picasso. Et c’est aussi, pour elle, l’aboutissement ou la concrétisation de leur complicité tant amoureuse qu’artistique. Elle croit enfin accéder à un statut qu’aucune autre n’avait eu avant elle auprès du grand homme...



En choisissant de se concentrer sur un moment très bref, mais déterminant, de l’existence de Picasso, Vircondelet parvient à restituer à la fois la dimension colossale de l’artiste, élevé au rang de mythe, mais aussi à lui rendre sa part plus humaine. Comme de tous les génies qui révolutionnèrent leur art, on se fait une idée souvent très déformée. Or, ils ne sont que des hommes (ou des femmes) avec leurs failles, avec leurs petites bassesses ou leurs insuffisances, avec leurs doutes, des individus dont il faut accepter les défauts et les exigences comme on accueille aussi leurs élans de générosité, leur intelligence et leur talent. Des personnages souvent aux prises avec leur propre création qui les dépasse parfois. Mais aussi des individus travaillés et traversés par leur environnement social et historique.



C’est tout cela que Vircondelet parvient à mettre en lumière et à articuler, dans un texte servi par la force de sa concision. C’est brillant et ça donne vraiment envie de se replonger dans l’œuvre de cet homme en tout point extraordinaire.


Lien : https://delphine-olympe.blog..
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Une enfance algérienne

Un livre que j'ai adoré et qui a été à l'origine de mon projet d'écrire sur moi-même. Le premier des "livres d'enfance" de Leila Sebbar, collecte de souvenirs de ceux, Algérien ou Européens, qui sont nés dans la vieille Algérie coloniale. Un livre à la gloire des instits de la république, tant il y a de souvenirs qui se réfèrent à eux ! Ma préférée, la nouvelle de Mohamed Kacimi sur les petits écoliers qui décident que puisqu'il y a l'Indépendance, il n'y aura plus école (et ouf !) et qui partent en défilé à la ville, drapeau vert en tête, pour revendiquer leur droit à la paresse... Une guerre des boutons dans le Maghreb profond. Délicieux.
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La cathédrale

Alors que Durtal, le personnage récurrent de Huysmans ne pensait guère au Divin au cours de ses frasques parisiennes ou de ses recherches sur le satanisme exposées dans l'ouvrage « Là-bas », il fut saisi par Dieu, capté pour son amour de l'art, du plain-chant et de la mystique. « En route » relate ensuite comment il fut habilement conduit par son confesseur vers une trappe et comment après bien des tergiversations, son âme se rendit au Très Haut.

Dans « La cathédrale », quittant Paris pour poursuivre sa quête mystique et ses écrits sur l'art, il s'installe à Chartres et y fait la connaissance d'un autre prêtre érudit. Ensemble ils vont décrypter minutieusement les symboles utilisés par les artisans imagiers du moyen-âge.

Ouvrage d'érudition artistique et religieuse, exposé sur l'art des primitifs flamands, détours par quelques hagiographies peuvent lasser les plus dévots des quelques lecteurs qui le seraient encore. Fort heureusement soutenu par la beauté et la poésie du style de Huysmans, on poursuit son chemin avec Durtal pour compagnon. L'ironie, le regard amusé de l'auteur sur les extravagances de la piété féodale alternent avec les remuements et contorsions d'âme d'un homme qui ne sait encore s'il doit céder à Dieu ses conforts et curiosités de vie pour s'encloîtrer à jamais.



J'ai eu le plaisir de lire ce livre pour le site Littérature audio.com. Vous en trouverez les fichiers téléchargeables gratuitement ici : http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/huysmans-joris-karl-la-cathedrale.html
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La cathédrale

Bonsoir à vous chers lecteurs et chères lectrices !

Aujourd'hui , nous allons parler d'un auteur , dont à sa grande honte, votre serviteur ne savait rien avant d'écouter une serie d'émissions sur France Culture ...

Votre serviteur a eu l'occasion de mettre la main sur ce tome de l'œuvre de Huysmans , et Il en est plus qu'heureux ...

Pourquoi me direz vous ?

Cela faisait bien longtemps que votre serviteur n'avait pas etait mis KO par un livre ....

Votre serviteur est lui même athée, donc normalement un texte qui traite de religion , n'auraient pas dû susciter en lui un interet quelconque , sauf que ...

Sauf que Huysmans est un genie ...

Oui, un genie ...

Il faut etre un genie pour parvenir à allier dans un seul volume une passion dévorante pour l'architecture religieuse et ces mystères, pour les mystères de l'art religieux dans son ensembke , des interrogations philosophiques de très haut niveau, cela en utilisant l'un des styles parmi les plus beaux que votre serviteur n'a jamais lu ...

Le nombre de mots nouveaux que votre serviteur a decouvert avec cet opus, c'est tout simplement hallucinant ...

Les contemplations de Durtal devant la cathédrale , chers amis es, c'est genial, les discussions avec Ie pere Grevesin, c'est genial, ce texte mes amis es, c'est l'une des pièces maîtresses de la litterature de notre contree , et Il faudràit que chacun et chacune, comme votre serviteur, découvre Huysmans .....

Merci de votre attention, et lisez des livres !
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Albert Camus : Fils d'Alger

«…on dit encore à l’artiste : «Voyez la misère du monde. Que faites-vous pour elle ?»

À ce chantage cynique, l’artiste pourrait répondre : «La misère du monde ? Je n’y ajoute pas. Qui parmi vous peut en dire autant ?» Mais il n’en reste pas moins vrai qu’aucun d’entre nous, s’il a de l’exigence, ne peut rester indifférent à l’appel qui monte de l’humanité désespérée. Il faut donc se sentir coupable, à toute force. Nous voilà trainés au confessionnal laïc, le pire de tous.», Ainsi parlait Camus, à un meeting international d’écrivains en 1948. À peu près 10 ans avant son prix Nobel, l’homme était déjà en procès sommé de se défendre et apparemment il n’était pas doué. Plus il répondait, plus il s’enfonçait dans un monde «divorcé» de l’homme, «absurde».

Pour lui l’absurde ne veut pas dire «qui-n’a-pas-de-raison, mais qui-a-reconnu-que-tout-est-sans-raison»(1). On ne peut pas tenir la plume avec brio et caresser avec doigtier un micro. Dans le livre «Albert Camus fils d’Alger» du biographe Vircondelet, un autre fils d’Alger, on est étonné de lire comment Camus, étudiant pauvre atteint de tuberculose, passait ses journées à faire d’Alger, la fêtarde, un pôle culturel tout en travaillant la nuit sur l’Étranger, l’Homme révolté et Le Mythe de Sisyphe. À peine sorti de l’adolescence, il avait tout compris : le déracinement, la révolte et le suicide. Une dette à payer. L’enfant malade sous-alimenté n’aurait jamais survécu sans la générosité des autres. Ah si Alger pouvait parler, elle se souviendrait de cet étudiant atypique qui voulait ajouter à sa beauté l’intelligence tout en défendant la veuve et l’orphelin. Mais Alger indépendante ne se souvient même plus qu’elle a une université tellement cette structure a cessé de donner signe de vie sauf en 1999 afin de lancer une grève illimitée pour une augmentation de salaire devenue par la suite une maladie chronique. «…dérèglement qui frappe un secteur censé privilégier les débats d’idées sur ceux, bien que légitimes, à caractère professionnel et matériel.»(2) Or que peut bien revendiquer l’«intellectuel» algérien d’aujourd’hui sinon un couffin mieux rempli comme n’importe quel bougnoul qui veut éviter la cravache du chef.

Les autorités coloniales se contentaient de mettre des bâtons dans les roues endiablés du petit monstre ou pire le pousser à s’exiler à Paris le temps de se calmer. Paris où on pouvait faire carrière sans attachement, sans joie. «Avec la France, il a «noué une intrigue», avec l’Algérie, c’est «la passion sans frein et l’abandon à la volupté d’aimer.» De créer aussi, le prix Nobel était déjà acquis sur les bancs de l’université d’Alger. Marqué à vie par la mort du père, victime de la boucherie de la Première Guerre mondiale entrainant le traumatisme irréversible de la mère. «Enfance pauvre. J’avais honte de ma pauvreté et de ma famille…J’aimais ma mère avec désespoir. Je l’ai toujours aimée avec désespoir…Sans père. La mère singulière…Se débrouiller seul…Un peu monstrueux…» Qu’aurait-il dit s’il avait vécu maintenant au sujet des bombes qui ont éclaté à Alger dans les années 1990, du terrorisme de masse qu’a connu l’Algérie, du FIS en terre musulmane à 100%, de l’amnistie des émirs égorgeurs et le silence imposé aux victimes ? Il l’avait prévu : il vaut mieux utiliser sa langue que son arme. Ceux qui s’entendent ne s’entretuent pas et ceux qui s’entretuent ne s’entendent pas. Palissade : ceux qui s’entendent ne sont pas ceux qui s’entretuent. Qui a dit que les guerres sont déclenchées par des gens qui se connaissent et ceux qui en paient le prix sont ceux qui ne se connaissent pas ? Pythagore avant lui avait affirmé que même le massacre d’animaux fait de l’homme un danger pour l’homme. Aujourd’hui les psychologues nous disent que les enfants qui martyrisent les animaux ont de fortes chances de devenir plus tard des serials killers. Pythagore, né 580 ans avant J-C, ce n’est pas n’importe qui.

Les Américains en envoyant Pionner dans l’espace ont utilisé son théorème comme message pour prouver aux extraterrestres que sur la planète Terre, il y a des êtres intelligents. Alors, les attentats à Alger ou ailleurs quels que soient leurs initiateurs ne pouvaient avoir l’aval d’un Camus. Il n’attend même pas d’être un courtisan déçu comme Voltaire pour acquérir un peu d’indulgence et d’expérience. N’appartient à aucune tribu ni arabe ni coloniale encore moins gauloise, il parle au nom de toutes les victimes. Mais c’est en tant que fils d’une femme qu’il a été lapidé par un jeune militant du FLN à Stockholm. Choisir entre la mère et la liberté ? Une question «terroriste» pour un méditerranéen. Ce serait vraiment intéressant de savoir ce qu’est devenu ce jeune qui a liquidé avec le verbe le nobélisé en littérature. Pour l’histoire il n’a pas de nom. Il a juste été un outil de démolition jeté avec les gravats. A-t-il réalisé ses rêves de liberté en préservant sa mère ? Dommage, la caméra a glissé sur lui pour se concentrer sur la Bête qui se prenait pour la Belle. Camus parlant de sa mère, il évoque un malheur qu’il ne pouvait comprendre, la comparant à l’Idiot de Dostoïevski «… son maigre dos courbé…». «O mère pardonne à ton fils d’avoir fui la nuit de ta vérité.» Pas de fuite puisque tout le génie camusien repose sur «ce maigre dos courbé…». Sur cette petite chose insignifiante, illettrée, sourde et carrément muette depuis son veuvage, condamnée à la misère avec deux enfants dans une seule pièce, comme une Fatma à faire le ménage chez les autres. Il avait peur qu’elle meure dans un attendant à Alger parce que les attentats à Alger, on le sait ne tuent que les mères lambda.

La "handicapée" ne voulait pas vivre loin des Arabes, elle refusait l’hospitalité du fils nobélisé. Têtue et lucide tel un poisson dans sa goutte d’eau. Ni victime ni bourreau, écrivait-il imprudemment et pourquoi faudrait-il choisir entre victime et bourreau quand on ne sait plus les discerner, quand tous sont téléguidés l’un pour frapper l’autre pour subir ? Plus d’un demi-siècle plus tard, rien n’a changé ou tout a changé avec l’anesthésie des cités algéroises et parisiennes avec un va-t-en-guerre latent bien entretenu, on ne sait jamais. Pendant que le parfait amour soude la dictature florissante d’Alger et la démocratie vieillissante de Paris. N’est-ce pas Mitterrand qui a fait le nid de Le Pen avec son SOS-Racisme dans une France où 1 Français sur 3 est d’origine étrangère pendant que le Terminator Boumediene liquidait les adeptes du dialogue, les humanistes à la Camus. Le pire est que le terme même de populaire est devenu synonyme de honte de mépris dont les médias aux ordres usent et abusent. On aime Alger avec les yeux de Camus, c’est ses dieux qui veillent sur les splendides ruines de Tipaza et Feraoun n’est pas le seul à se dire "Le Fils du Pauvre". Dans "Misère de la Kabylie", il écrit : "À cette heure qui n’était plus le jour et pas encore la nuit, je ne sentais pas ma différence avec ces êtres…Il y a des jours où le monde ment.» Il était de tous les combats dénonçant la guerre civile en Espagne, l’enfer du Goulag… quitte à se mettre à dos les puissants du monde. On lui reprochait tout et son contraire : sa sympathie pour les indigènes, sa méfiance pour le «bon»FLN sa sympathie pour le «mauvais», son hostilité à Staline, ses affinités communistes, son ambigüité concernant la religion, trop algérien pour les eux, trop français pour les autres etc. Vircondelet note : «… déchiré par le conflit algérien sur lequel il ne veut plus s’exprimer, comme s’il ramassait pour lui tout seul toute sa douleur, préférant le mutisme dont il sait par sa mère combien il peut receler de forces de vie.» Il a fini par haïr Paris et dans l’impossibilité de revenir vers son pays, il acheta une maison au soleil grâce à l’argent du Prix Nobel. «De l’Algérie, Camus garde un souvenir si ébloui qu’il fait d’elle une terre mystique… «Son Algérie existe-t-elle vraiment… ? Comment la relier à ce désastre où toutes les valeurs en lesquelles il croit, fraternité, solidarité, respect mutuel, et surtout amour d’une terre unique au monde, «habitée par les dieux» sont balayées par les idéologies meurtrières, les violences et les destructions ?» Choisir entre la liberté et la mère, comment a-t-il pu tomber dans ce piège ? C’est qu’il n’était pas un homme politique rompu aux sournois mensonges et aux réponses mielleuses pour un parterre d’idiots bien choisis. Il clame : «Je me refuserai toujours à mettre entre l’homme et la vie, un volume du Capital». D’Alger à Paris, c’est la chasse aux sorcières. Vircondelet précise : «Prémonition des mots de Stockholm : entre l’Algérie et sa mère, il ne mettra pas non plus les manifestes «coraniques» des «libérateurs» du FL N…».

Excommunié, ridiculisé condamné même par l’ami Sartre qui lui reprochait sa fibre méditerranéenne. Sartre, enfant gâté rebelle. Sartre malgré son refus du Nobel appartenait au clan, au réseau. Il pouvait, sans heurt, dérouler le tapis rouge à Staline et s’apitoyer sur les malheurs d’un Soljenitsyne ; il pouvait refuser d’être un résistant et jeter la première pierre sur le collaborateur. Dans son livre Les Philosophes sur le divan, Charles Pépin a fait parler Sartre en ces termes : «Je n’ai jamais été sincère, du plus loin que je remonte, je ne trouve rien qu’une personne, un masque ou un autre, je trouve tant de masques et cette évidence abyssale que ma personne n’est faite que d’une succession de personnages. Je sais aujourd’hui que toute ma philosophie ne fut qu’une tentative pour justifier mon trouble identitaire... Je n’ai de sincérité que dans la force inégalée de mon insincérité, je ne suis rien, vraiment rien que cette suite de masques…» On comprend pourquoi Sartre ne pouvait que mépriser Camus tout en le jalousant intérieurement, car ce dernier dépourvu du moindre masque poussait la folie jusqu’à refuser toute insincérité qui pouvait le protéger du lynchage médiatique. C’est que les défenseurs des masses sont vulnérables quand ils ne sont pas des chefs d’où leur solitude. Les psychologues connaissent le phénomène : il faut être fort pour se faire entendre du faible. La logique de ce dernier se défend bien : si tu n’es même pas capable de te protéger comment peux-tu me protéger ? On le voit en politique dans le monde arabo-musulman : même avec un vote libre et transparent, on ne se débarrasse du bâton du dictateur que pour se jeter dans les griffes d’un mollah. Aux extrémités tous les ressorts se brisent. Camus, le non-croyant, s’interrogeait en vain avec les mots de Saint-Augustin, un autre fils de l’Ogresse : «Je cherchais d’où vient le mal et je n’en sortais pas.» Entre deux mondes, forcé de choisir, alors que dès le berceau deux accoucheuses, l’une Arabe l’autre Française l’attendait. Dehors, la même diversité : le père et le cocher qui lança : «Allah soit loué !» à l’annonce «c’est un garçon !» Camus était condamné à la double appartenance, à l’exclusion totale, à la suspicion sartrienne : «Dieu vous préoccupe dans le fond plus que tout.» Dieu et ses pauvres créatures. «Les reproches… parce que mes livres ne mettent pas en relief l’aspect politique. Traduction : ils veulent que je mette en scène des partis. Mais moi je ne mets en scène que des individus, opposés à la machine d’Etat…». Et les individus qui l’approchaient de près ne pouvaient que l’aimer. Même dans ses amours, l’épouse trahie se muait en sœur, la maitresse délaissée, en amie. Mais aucune femme ne pouvait rivaliser avec Alger. «J’ai grandi dans la mer et la pauvreté m’a été fastueuse, puis j’ai perdu la mer, tous les luxes alors m’ont paru gris, la misère intolérable. Depuis, j’attends. J’attends les navires de retour, la maison des eaux, le jour limpide…»

Le temps lui a donné raison, Alger libérée au lieu de le fêter en Mandela, perpétue son bannissement au-delà de la mort, l’Ogresse est habituée à dévorer avant de vomir le meilleur de ses entrailles. Elle fête aujourd’hui, en l’absence de colons, l’amnistie totale des poseurs de bombes comme elle a fêté hier leur héroïsme. Camus en prophète l’avait prédit, la violence est une absurdité et le terrorisme, une fin en soi : l’humain désintégré, le socle social pulvérisé. Poser une bombe dans un café ou sous un camion militaire c’est différent, assassiner un politicien avec ses gardes ou un pauvre bougre avec toute sa famille c’est différent. On n’en sort jamais indemne devait penser Camus, une mère ou pas... «J’ai voulu vivre pendant des années selon la morale de tous. Je me suis forcé à vivre comme tout le monde. J’ai dit ce qu’il fallait pour réunir, même quand je me sentais séparé. Et au bout de tout cela, ce fut la catastrophe. Maintenant j’erre parmi des débris, je suis sans loi, écartelé, seul et acceptant de l’être …dans une sorte de mensonge.» Sa femme a parlé de son état dépressif, de ses envies suicidaires. Si le platane l’avait épargné, il se serait sans doute suicidé.

Finir comme Nietzsche qu’il admirait et tant d’autres génies incompris. Le suicide, affirmait-il «seul problème philosophe vraiment sérieux». C’est un fait, on aime ou on n’aime pas Camus, il ne laisse pas indifférent. Un bulldozer qui parle au nombre, à ceux qui subissent la fatalité, aux laissés-pour-compte, aux cibles faciles, aux étrangers sur le sol natal. En 1999, la FNAC et Le Monde ont demandé à 6000 Français de désigner, dans une liste de 200 titres, les 50 livres du siècle. L’Etranger a été classé 1er avant Proust et sa Recherche du Temps Perdu, "le Procès" de Kafka, Le Petit Prince de Saint-Exupéry (phénomène qui se vend pourtant par millions chaque année), La Condition humaine de Malraux, Voyage au bout de la nuit (Céline), Les Raisins de la colère(Steinbeck), "Pour qui sonne le glas" (Hemingway) "le Deuxième Sexe" (Simone Beauvoir), "L’être et le Néant" (Sartre), "l’Archipel du Goulag" (Soljenitsyne) etc. (3) "L’Etranger", un petit livre de rien du tout qui arrive à fasciner même les Japonais, la race dite à part. Un livre de paresseux de cancre, 123 pages gros caractères .Premier roman d’un étudiant à lire en une demi-heure maximum. Phrases simples, courtes à la portée d’un enfant studieux au primaire. Une atmosphère de nonchalance de boursoufflure avec un héros creux ; un aliéné, une légume énervante. Ce qui n’empêche pas le châtiment tranchant de la guillotine pour le meurtre d’un Arabe tout aussi flou, déroutant. Sans oublier cette indifférence qui ne pardonne pas dès les premiers mots et qui nous entraîne dans son tourbillon malgré nous : «Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais plus…»



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Le Paris de Duras

Tout d'abord merci à Babelio et aux éditions Alexandrines de m'avoir permis de découvrir cette collection "Le Paris des écrivains" et plus particulièrement celui de marguerite Duras.

Ce petit livre se visite comme un album photos où l’on découvre les différents endroits qu’aimait tant Marguerite : au fil des pages se dessine un panorama Durassien vibrant des teintes auto-biographiques où, dans l’ombre, s’exprime le chatoiement de sa fiction. Marguerite s’est nourrie de ses lieux pour en exprimer une encre riche d’où s’échappent les personnes et les personnages de sa vie. Sa vie fut un roman ou la voulut comme tel. Ses amitiés et ses amours se rencontrent au coin des rues, dans les cafés. Ce livre est un écrin, une boîte remplie des souvenirs tels ceux des vacances : des coquillages, des fleurs séchées, un petit morceau de papier où danse une écriture, une affection, une émotion, une larme, un rire…..On puise dans ce Paris des pépites aux accents nostalgiques et qui pourtant vibrent dans notre présent. Pour ceux et celles qui apprécient cette femme et son œuvre et pour ceux qui souhaitent la découvrir, lisez-le puis revenez-y par petites touches, ouvrez le n’importe où et délectez-vous….comme un rendez-vous « imprévu » avec Marguerite….chut ! page 43, à la terrasse du petit Saint Benoît…. la voici !
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Séraphine : De la peinture à la folie

C’est avec une grande émotion que j’ai refermé cette histoire de Séraphine, un degré d’émotion que je connais bien, quand, la dernière page tournée, en silence, je tournicote le livre dans tous les sens, sans pouvoir me résoudre à le poser, à l’abandonner…



Séraphine est un personnage bouleversant et son œuvre l’est tout autant, c’est un enfantement, ce n’est pas rien. Alain Vircondelet a magnifiquement su le faire vivre et partager son émotion et celle de Wilhelm Uhde qui avant lui était tombé sous le charme et grâce à qui une partie de son œuvre a pu être sauvée de la barbarie.

Si la création artistique est déjà un mystère, avec Séraphine tout est mystère, et il se déploie au centuple dès que l’on se frotte à la troublante et intense présence de ses floraisons. D’où viennent-elles ?



« Tout ce qu’elle a peint, tout ce qu’elle a fait naître vient de trop loin et répond à un ordre trop mystérieux, envoûtant et enchanteur qui n’appartient pas au registre de la folie, sauf à penser que la folie est un lieu encore inexploré que seuls pionniers, comme Séraphine, ont eu le « privilège » de traverser. Le prix à payer fut lourd et le tribut, écrasant. A coups de solitude et de désespoir, de pauvreté et d’abandon, de misère spirituelle. Au prix de ce que Jean de la Croix appelait « la nuit ».

Séraphine la connut. Elle fut immense, vaste et sans horizon. »



Où sont dispersées aujourd’hui les œuvres de Séraphine, la « sans rivale » comme elle se définissait ? Apparemment une pincée de musées en possèderait quelque unes, mais Alain Vircondelet est muet sur ce sujet, par contre il déplore à juste titre l’incroyable et injuste dédain dans lequel on continue de la maintenir, et aujourd’hui encore :



« L’œuvre néanmoins demeure, imparable, infracassable. Mais jusqu’à quand connaîtra-t-elle l’exil dans lequel elle est encore demeurée, loin des cimaises publiques, loin des expositions temporaires, loin des ouvrages de référence, loin de l’indifférence du grand public ? Jusqu’à quand subira-t-elle l’outrage des faux modernes, elle qui l’est si complètement ? …. Jusqu’à quand devra-t-elle attendre de rejoindre sa vraie place qui est parmi les premières de l’art moderne, aux côtés de ceux qui ont fait le XXe siècle, Picasso, Matisse, Braque, les surréalistes, les grands maîtres naïfs, les fauves et les expressionnistes ?



Celle qui sut transformer sa « vie minuscule » en destin grâce à la peinture, et qui mourut affamée, dans sa ville occupée par ceux qui traquaient ses fleurs gothiques au nom de « l’art dégénéré ».



Et l’on comprend mieux alors, s’il en était encore besoin, qui étaient les vrais fous ».

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Ecrivains d'hier et d'aujourd'hui : Marguer..

Ce livre fait partie de ma collection Duras. J'ai la chance d'avoir un exemplaire orignal du « Marguerite Duras » d'Alain Vircondelet dans la collection "Ecrivains d'hier et d'aujourd'hui" des éditions Seghers, qui date de 1972. C'est le premier livre écrit sur Marguerite Duras car avant, il n'y avait eu que des articles publiés dans différentes revues. Il est donc très cher à mes yeux.

Le contenu ne m'a pourtant pas vraiment bouleversée car il est un peu trop universitaire à mon goût. Il s'agit d'une étude de l'univers romanesque de Marguerite Duras et plus particulièrement de la manière dont la romancière est passée du roman traditionnel à la destruction systématique de toute forme romanesque.

Alain Vircondelet fait une étude critique par thèmes qui se renvoient les uns aux autres. J'ai bien aimé la possibilité laissé au lecteur de naviguer dans les différents chapitres mais j'ai aussi trouvé qu'il y des citations à n'en plus finir, ce qui rend la lecture ardue.

Et puis en 1972, Duras n'avait écrit qu'une partie de son oeuvre alors on a l'impression qu'il manque quelque chose mais Alain Vircondelet a le mérite d'être le premier biographe et ami de mon auteure préférée.





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La traversée

Alain Vicontelet, fils de Pieds Noirs, se remémore la traversée.

Les souvenirs vont et viennent, fatals, tous liés par cette ineffable douleur de l'exil.



A l'image de la spirale dans laquelle l'auteur et ses comparses sont happés, Alains Vicontelet se souvient, et mêle ses impressions, les événements, les questions en boucle, comme il a pu le faire sur le bateau.



Cerné par deux peuples qui lui furent hostiles mais qu'il adorait, l'auteur, bon bougre, essaie de dépasser sa douleur.



Ce livre m'a beaucoup appris sur l'Algérie. C'est un excellent livre d'initiation à ceux qui cherchent à la fois des repères historiques et humains sur ce drame de l'été 1962.



Grâce à ce livre, j'ai mieux compris combien la posture de la France fut lâche par rapport à ses enfants d'Algérie et combien furent cruels les dits révolutionnaires épris de liberté.



Un beau livre, très mélancolique qui m'a décillé les yeux.

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Joris-Karl Huysmans

Ecrire une biographie n'est jamais un travail facile surtout si son sujet est un homme d'une grande complexité intellectuelle comme le fut Joris-Karl Huysmans.



Alain Vircondelet réussit l'exercice avec brio. D'abord parce que son style fait honneur au plus grand ciseleur de mots de la littérature française, puis parce qu'il a su comprendre l'itinéraire chaotique d'une âme rebelle et originale, et qui presque jusqu'au bout s'est voulu « en marge ».

Il reste à Robert Baldick d'avoir presque été exhaustif dans sa monumentale biographie de l'auteur de « Là-bas », ce n'est pas le but que s'est donné Vircondelet qui a voulu toucher à l'intimité de son sujet.

Aussi rien de sa vie sexuelle débridée, de ses errements auprès de personnages douteux, de ses atermoiements mystiques n'est oublié ici.

On peut juste regretter l'absence totale de la presque moitié de la vie de cet écrivain ! Son travail au ministère de l'intérieur jusqu'à sa prise de retraite dont il n'est absolument rien dit !

Vircondelet a dû considérer que cela n'avait aucun intérêt dans la compréhension morale de monsieur Huysmans, on peut en douter…

Exception faite de cela, c'est un excellent et passionnant travail.
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Le Paris de Sagan

De Françoise Sagan, j'ai tout lu. Tout. Mis à part quelques rares pièces qui n'étaient plus éditées. J'ai consulté des ouvrages la concernant. J'ai vu des films et des documentaires. Aussi, quand j'ai découvert ce petit livre, j'étais intriguée. Paris, une ville que j'adore et cette curieuse petite bonne femme à la mèche sur l’œil et à l'élocution précipitée, voilà qui promet un bon cocktail.

En quelques pages, Alain Vircondelet met l'accent sur les événements et les lieux importants de la biographie de Françoise Sagan. Tout en nous promenant dans la vie de l'écrivain, il nous emmène en balade sur ses traces. Et c'est hallucinant.

A moi qui ai en horreur jusqu'au mot « déménagement », la bougeotte de la romancière donne le tournis.

La voici à Carjac, dans le Lot, où elle est née. Elle y passe ses vacances en famille. La voilà à Cahors, Lyon, Saint-Tropez ou encore au manoir de Breuil, en Normandie, acheté sur un coup de tête, la seule propriété qu'elle ait possédée. Et puis, bien sûr, l'objet de cet opuscule, Paris. « Paris et le Lot seront les deux « poumons » de Françoise », écrit Alain Vircondelet.

Paris où vit sa famille, dans « un vaste appartement au 167, boulevard Malesherbes, dans le 17e arrondissement, tout près du parc Monceau » au « charme civilisé, proustien ». De Paris, Françoise Sagan a fréquenté plus d'un établissement scolaire, car, si elle est « une bonne élève, aimant particulièrement le français, rendant des rédactions et, plus tard, des dissertations de très bon niveau », elle apparaît quand même aux yeux du corps enseignant, comme « indocile et quelque peu séditieuse », « dilettante », « indifférente au monde extérieur, tournée vers la lecture, les romans, les écrivains de l'évasion », « impertinente, audacieuse, rebelle », des traits de caractère qui ne plaisent pas aux sévères institutions religieuses qu'elle fréquente dans les années 40. Aussi, très vite prend-elle « l'habitude de fuguer » et de partir « à la découverte de Paris en solitaire ».

La voici qui flâne le long de la Seine, puis sur la rive gauche. Certes, elle est inscrite à la Sorbonne, mais, « plutôt que de chercher désespérément une place dans les amphithéâtres bondés », elle « préfère lire au Luxembourg et rêvasser au club Saint-Germain-des-Prés ».

A dix-huit ans, avec le succès de son premier roman « Bonjour tristesse », « elle devient la petite Parisienne, la préférée des Français » courant « les vernissages et les soirées de gala , les dîners en ville et les nuits dans les caves ». On la voit hanter les Places Vendôme et de la Concorde, la Rotonde et la Closerie des Lilas, l'hippodrome de Saint-Cloud, le Théâtre du Gymnase ou le Vieux Colombier.

Elle rêve de « vivre dans l'appartement de Colette au Palais Royal ». Pourtant, ce Paris qu'elle adore n'est pas au cœur de son œuvre, contrairement à « Marcel Proust ou Patrick Modiano, dont l'imaginaire rejoint la topographie de la ville ».

Il est surprenant de découvrir avec quelle virtuosité Alain Vircondelet nous emmène à travers la vie de Sagan, nous lance à sa poursuite dans mille lieux différents, nous fait croiser les gens qu'elle aime : Florence Malraux, Peggy Roche, Juliette Gréco ou François Mitterrand, évoque ses œuvres principales et nous conte des anecdotes curieuses et divertissantes.

Tout un univers bruyant, coloré, composite, qui se trouve enfermé dans les 95 pages d'un si petit format (le livre fait à peine dix centimètres sur quinze!). Comment est-ce possible ?

Cela m'a emportée, ravie, grisée comme une coupe de champagne.

Je suis donc comblée d'avoir pu découvrir cet ouvrage grâce à l'opération Masse critique et aux éditions Alexandrines, auxquelles j'adresse mes plus vifs remerciements.
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Séraphine : De la peinture à la folie

N°369– Septembre 2009

SERAPHINE, de la peinture à la folie- Alain Vircondelet – Albin Michel



L'univers des autodidactes m'a toujours fasciné, tout comme la spontanéité du style naïf en peinture comme dans d'autres disciplines artistiques. D'autre part, le succès, la notoriété ont des lois que je ne m'explique pas très bien surtout quand ils se manifestent en dehors des voies royales de la médiatisation, du matraquage journalistique ou d'un parisianisme incontournable.



Rien ne prédisposait en effet, Séraphine Louis, née à Asny [Oise]en 1864 dans une famille pauvre, d'un père horloger itinérant et d'une mère domestique de ferme qui meurt alors qu'elle vient d'avoir un an, à connaître le succès. Son père meurt lui-même alors qu'elle n'a pas encore sept ans. C'est donc une orpheline qui, recueillie par sa sœur aînée, devient bergère, domestique au Couvent de la Providence à Clermont [Oise] puis femme de ménage, à partir de 1901, à presque quarante ans, dans les familles bourgeoises de Senlis. C'est dans cette même ville qu'en 1912 s'installe un collectionneur et marchand d'art allemand, Wilhem Uhde, lassé de la vie parisienne. Amateur de Picasso et du Douanier Rousseau, il remarque, chez des notables, de petites œuvres peintes sur bois et découvre que leur auteur n'est autre que sa propre femme de ménage, Séraphine. Voilà tous les ingrédients d'un conte de fée, mais la réalité est toute autre. Celle qui aurait voulu devenir religieuse par amour de Dieu et qui a été maintenue par la Mère Supérieure dans sa condition de simple servante à cause de sa pauvreté et de son absence de dot, garde cependant en elle une foi inébranlable. Considérée comme un esprit simple, sans instruction et sans fortune, elle est finalement poussée dehors et commence à peindre en s'inspirant de ce qu'elle connaît, des images pieuses, des vitraux, des statues des églises et du culte marial, des fruits, des fleurs et des feuilles.

Elle s'humilie devant Dieu qui, le pense-t-elle, lui dicte son cheminement artistique. Elle peint sans véritable technique, sans avoir jamais appris, au Ripolin, pratique des mélanges inattendus et improbables mais reste à l'écoute exclusive de cet « ange » qui la guide. C'est un peu comme si, en elle, se révélait une sorte de « mémoire héréditaire » dont elle était l'expression, la manifestation, avec en plus la main de Dieu pour la soutenir. La folie mystique qui l'habite et dont elle ne cache rien, la fait déjà considérée par la rumeur publique comme une folle. Elle se compare à Jeanne d'Arc, à Bernadette de Lourdes, se définie comme une « voyante de Dieu », prétend entendre des voix qui lui intiment l'ordre de peindre, ce qu'elle fait comme un devoir sacré.



Après la guerre de 14-18, Uhde revient s'occuper d'elle et la révèle au grand public, organise des expositions. Son style, naïf et primitif, s'inspire d'une nature luxuriante semblable à celle qu'elle imagine au Paradis Terrestre. On la compare déjà au Douanier Rousseau et les surréalistes s'intéressent à ses œuvres. Elle-même se reconnaît une parenté artistique avec Van Gogh. La notoriété aidant, elle devient imbue d'elle-même, et elle qui avait toujours vécu de peu, se met à faire des dépenses inutiles et coûteuses malgré les mises en garde de Udhe. Son style change et se surcharge de pierreries et de plumes, les couleurs, vives au départ, s'assombrissent mais elle continue d'exploiter les thèmes bibliques ... Sa peinture est, d'une certaine façon, la synthèse entre Dieu et les hommes, se définissant elle-même comme une médium solitaire et secrète, investie par les puissances surnaturelles. Dès lors, elle se prétend « l 'élue de Dieu », sa servante, son instrument, s'affirme cependant « sans rivâle » et s'enfonce de plus en plus dans une folie irréversible.



La grande dépression des années trente met fin à ses ventes ce qui affecte sa santé mentale et physique au point qu'on songe de plus en plus sérieusement à un internement. Les symptômes délirants s'accentuent avec la perspective de la guerre qui s'annonce, Uhde, juif, anti-nazi et homosexuel, disparaît, et avec lui sa source de revenus. Son discours mystique s'accentue, elle parle de la mort, abandonne la peinture, s'enfonce de plus en plus dans un dénuement moral dont elle ne sortira plus. Des plaintes sont déposées et, possédée par un délire définitif, finit par troubler l'ordre public, ce qui la précipite à l'hôpital psychiatrique de Clermont en 1932. Elle perd complètement la tête ainsi que l'atteste un rapport de police. Dès lors personne n'entendra jamais plus parler d'elle, elle ne fera jamais plus partie de ce décor provincial où elle dérangeait. Elle y restera dix ans sans jamais reprendre la peinture, prostrée, comme si cette vibration qui avait guidé sa main l'avait définitivement quittée. Elle est victime de délires hallucinatoires, de psychoses, l'hystérie la gagne et elle souffre de persécutions. Uhde retrouve sa trace et l'aide financièrement pour adoucir son sort, mais dans cet univers, la peinture qui a été toute sa vie n'a plus d'importance.

Son délire s'accentue dangereusement, elle se croit enceinte et la deuxième guerre mondiale éclate la précipitant dans un état de dénuement physique et mental alarmant que les restrictions alimentaires et un cancer aggravent. La politique d'extermination des nazis à l'égard des malades mentaux la précipite, fin 1942, dans la mort solitaire, mais c'est aussi de faim qu'elle meurt. Personne ne réclamant son corps, elle sera ensevelie à la fosse commune.



C'est un livre passionnant et agréablement écrit que j'ai lu d'un trait tant l'histoire de cette femme est inattendue mais pourtant si commune à celle de bien des artistes, et comme le note l'auteur « Comme Camille Claudel morte dix mois seulement après elle et dans les mêmes circonstances, elle a été de ces artistes qui ont été au bout d'eux-mêmes, à l'extrême de leurs limites et qui ont accepté la plus grande violence contre eux » .



De nombreux musées, celui de Nice, de Senlis mais aussi le musée Maillol à Paris exposent ses œuvres.







©Hervé GAUTIER – Septembre 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
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