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Critiques de Albert Cossery (132)
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Les fainéants dans la vallée fertile

Oblomov sous sarcophage ou le conte apathique de Cossery,



Dans une rare interview en ligne, on peut découvrir le sourire fripon et le regard rutilant du dandy parisien qu'était Albert Cossery, le séducteur de Saint Germain des Près, l'ami de Modigliani et le résidant toujours précaire d'un petit hôtel du quartier latin jusqu'à sa mort à la fin des années deux-milles.



Il écrivait très peu, les écrivains qui écrivent beaucoup sont ceux qui sont contents d'eux-mêmes disait-il, or il n'était jamais satisfait de son travail et écrivait moins d'une ligne par jour.

Aussi, en cinquante ou soixante ans de carrière il n'a publié que très peu de livres car, citons-le à nouveau, un écrivain écrit toujours le même livre et donc pas besoin de multiplier les avatars pour une même idée…



“J'aime tes soupirs ; c'est comme si le monde entier s'ennuyait en toi”



Les fainéants dans la vallée fertile, publié en 1948, se situe dans l'Egypte de l'enfance de Cossery et prend presque des allures de fable, la couverture du livre couleur “Nil Bleu” invite à se laisser porter par le courant léthargique de cette histoire amorale et déroutante.



“J'ai peur des hommes. Ce sont tous des criminels qui veulent toujours faire travailler les autres.”



Cette fresque de la fainéantise est tout à fait singulière, dans un style goguenard et épuré, avec force description, Cossery nous introduit dans l'antre de cette famille aboulique, embaumée vivante, qui a renoncé à la vitalité, presque philosophiquement, et que la vaine soif de connaître le monde du travail du plus jeune, Serag, vient perturber dans sa quiète atonie.



On entre dans ce roman un peu comme dans un conte des Mille et Une Nuits, la narration de l'auteur rappelle un peu la fantasmagorie de ces légendes, que l'on retrouve aussi dans les descriptions de la langueur, la pesenteur des chairs flasques, l'avachissement des corps, la sensualité, et, dans la monstruosité car Albert Cossery voulait verser dans sa prose une “goutte d'ammoniaque qui tire les gens de leur torpeur.”



Cossery, comme son ami Jean Genet, est un auteur fasciné par les marges de la société, les difformités, le soufre que dégagent certains êtres et, outre cette famille d'engourdis marginaux, les personnages de la prostituée, de la marieuse, l'hernie d'Hafez qui est presque un personnage à part entière ou encore Mimi l'artiste homosexuel en témoignent.



J'aimerais pouvoir vous en dire plus mais vous allez devoir vous faire votre propre idée car, comme Galal le frère aîné, voilà déjà que je baille à outrance, et vous aussi d'ailleurs, vous baillez, vos paupières s'alourdissent, votre respiration se fait plus lente…

Je n'ai pas la force de terminer cette critique et m'en vais dormir, et seules les puces les plus inexpérimentées pourront, peut-être, me tirer de mon exquise torpeur…



Qu'en pensez-vous ?
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Un complot de saltimbanques

Albert Cossery fait parti de ces écrivains irrésistibles, dont chaque nouveau livre est une variation du précédent, sans que l’expérience n’en devienne répétitive.

L’élégance de son écriture, savante et discrète, reste un enchantement. Ses histoires se lisent quasiment d’une traite, leur justesse semblant parfaitement naturelle.

Ce complot de saltimbanques lui permet de développer comme rarement sa philosophie, l’exposant de manière plus profonde qu’à l’accoutumé, au risque d’y enfermer son intrigue et ses personnages, privant le lecteur d’un dénouement davantage construit.

Son humour féroce y est bien présent, ainsi que ses personnages archétypaux, savant dosage d’humanisme et de misanthropie.

J’avais souligné certains passages afin de vous les reproduire… et puis je me suis souvenu de son sourire, de son regard… d’un signe de la main… n’en faites pas plus…

Indispensable.
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Les fainéants dans la vallée fertile

Peut-être le chef-d’oeuvre d’Albert Cossery, le livre qui colle le plus à sa pensée, résonnant, sans toutefois sonner juste, avec notre chère décroissance.

Toujours cette gourmande et élégante façon d’interroger les valeurs, en les retournant façon crêpe au miel de nigelle.

Ici une famille dont la valeur cardinale est le sommeil, l’inactivité élevée au rang de science.

Situé sans plus de précision dans une prospère banlieue du Caire ; écrit du temps où imposer le port du voile aux femmes faisait rire toute l’assemblé de Gamal Abdel Nasser.



Un patriarche tyrannique que ses trois fils ne prennent plus au sérieux.

Un oncle — punit par son existence passée pleine d’envies et de frivolités — et une servante comme seuls marques de la normalité dans cette maisonnée.

Une fratrie comme variation des possibles, de l’aîné champion de la sieste, au cadet chantre de l’ironie, jusqu’au benjamin, seul volontaire hésitant à un changement de vie, rivalisant da mauvaise foi comme de sable dans les yeux…



Un véritable bijou, à relire sans se soucier de ses possibles interprétations anachroniques, de Diogène à Nietzsche, le regard fuyant, le fond des pages se confondant avec la couleur du plafo……………..zzzzzzzz.



« À la question : « Pourquoi écrivez-vous ? », Albert Cossery répond : « Pour que quelqu'un qui vient de me lire n'aille pas travailler le lendemain ». », nous rappelle wikipedia… mission accomplie ?

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Mendiants et orgueilleux

Le Caire. Une ville divisee en quartiers pratiquement etanches. La ville europeenne et d'autres beaux quartiers sont terra incognita pour le petit peuple, qui vit retranche dans un environnement delabre et insalubre.

C'est dans ce decor qu'Albert Cossery place ses personnages: Gohar, un intellectuel desabuse qui a abandonne une chaire d'universite pour vivre dans un denuement qu'il idealise; et ceux qui se veulent ses disciples: Yeghen, un petit dealer de hashish, El Kordi, un fonctionnaire qui met son point d'honneur a ne rien faire, strictement rien, par haine de l'administration qui l'emploie et de la societe en general. Face a eux Cossery place un inspecteur de police, Nour el Dine, qui vit mal son homosexualite et finit destabilise. Ce sont les quatre piliers du livre, parfaitement rendus dans leur psychologie.



La misere circule dans les pages a travers d'etroites ruelles, des drogues, des ramasseurs professionnels de megots, des enfants aux yeux pleins de mouches. Leur precarite ne les rend pas malheureux, leur joie de vivre explose a la face du lecteur.



Gohar est un personage inoubliable, un maitre qui frequente les bordels pour y pratiquer la litterature, ecrivant les lettres des prostituees. Son addiction au hashish le fait rever a un voyage en Syrie, pays de cocagne ou on peut cultiver l'herbe a loisir. Nour el Dine, l'inspecteur, hait la mediocrite des crimes qu'il enquete et reve d'un criminel intelligent a qui se mesurer. Son addiction a lui, les jeunes ephebes, ne lui procure que souffrance. Plutot que comme des marginaux , les personnages doivent etre vus comme des reveurs sur qui la decadence n'a pas de prise. Ils assument leur tragedie, leur abjection, avec optimisme. Ce sont des survivants. C'est la vie meme qui importe, pas les choses de la vie. La strategie de vie de Gohar et de ses disciples se decline sous forme d'oisivete (pas forcement de paresse), ce qui permet de sentir et de ressentir le monde plus pleinement. Cela entraine une derision sans bornes face a la societe "bien-pensante" et aux pouvoirs etablis, qu'ils voient comme hypocrites et surtout ridicules. La dérision, cet instrument de non-violence et de plaisir, poursuit un double objectif: primo, elle prend le sens d'une attitude contestatrice et de remise en cause de l'ordre politique et social établi; secundo, c'est un moyen d'affirmation de soi et de développement personnel qui permet a ces individus de rire de tout, de se detacher du monde materiel, de se distraire, d'etre soi-même et de vivre libres. de rompre avec la domination, les hypocrisies, les leurres, les faux semblants.



N'allons pas croire que leur vie est un long fleuve tranquille. Tout n'est pas parfait. Gohar, un jour que sa drogue tarde a arriver, commet un crime, gratuit, que lui-meme ne comprend pas, mais qu'il accepte, comme il accepte l'idee de se faire arreter et emprisonner. C'est une des facettes de la vie. Je ne raconterai pas le denouement, quoiqu'en fait cela n'ait aucune importance: ce livre n'est pas un polar.





Est-ce qu'a travers ses personnages Cossery nous transmet sa propre philosophie de vie? Il faut croire que oui, des qu'on sait quelque chose de lui. C'est un egyptien qui a beaucoup bourlingue avant de se fixer definitivement en France. Plus exactement a Paris. Plus exactement a Saint Germain des Pres, dans un petit hotel, La Louisiane, ou il a passé les derniers 55 ans de sa vie. Sans jamais rien posseder, rien avoir, a part ses nombreux costards. Sans jamais quitter le quartier. Il sortait tous les jours, tire a quatre epingles, vers 1 ou 2 heures de l'apres-midi, prenait son aperitif au café de Flore, dejeunait chez Lipp, et faisait sa digestion aux jardins du Luxembourg. Une vraie legende: un mélange de dandy et de revolutionnaire, de moine et de satyre, ses deux seules occupations etant l'ecriture et la conquete de femmes, vivant du peu que lui rapportaient ses livres et surtout de l'aide de ses amis.



Il a peu ecrit. Moins d'une dizaine de courts livres. Il se targait de ne produire que deux pages par semaine. A sa mort, on l'a salue comme "prince de la paresse". Je crois quant a moi que ce titre nobiliaire donne une fausse image de lui. Deux pages, d'accord, mais quelles pages! Forgees a la main (Il ecrivait en effet a la main, ne sachant pas utiliser ou ne possedant pas de machine a ecrire), ciselees dans tous ses details. Et si l'on croit la rumeur qui le dit avoir "conquis" pres de 2000 femmes, quand on sait le temps, la perseverance, l'energie qu'il faut deployer pour en seduire une seule, la derniere qualite qu'on peut lui attributer c'est la paresse. Il croyait plutot en l'oisivete, comme affirmation d'un certain anarchisme de bon aloi.



Le jour de sa mort, les gens de l'hotel monterent voir pourquoi il n'etait pas descendu de sa chambre. Ils le trouverent etendu par terre, entierement couvert par un drap. Un paresseux, sentant l'heure de ses adieux, n'aurait pas pris la peine de descendre du lit et de se couvrir d'un linceul a la mode arabe. Non. C'etait un homme pour qui l'oisivete etait un art, une forme de civilisation. Un dandy raffine, un anarchiste qui rejetait l'idee meme de possession. Et un grand auteur. Auteur de haute couture, quoique ses livres soient d'une accessibilite de prêt-a-porter.



Ne soyez pas paresseux. Cherchez ce livre. Mendiez-le. Vous pourrez vous enorgueuillir de l'avoir lu.

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La violence et la dérision

Albert Cossery, génial chroniqueur de cette « comédie pleine de fureurs dérisoires » qu'est la société humaine, offre avec ce roman un très savoureux moment de littérature.

Avec une plume d'une grande justesse, il nous plonge dans une société orientale pré-fondamentaliste et despotique, sans éléments folkloriques pouvant nuire au caractère universelle de cette fable.

Les personnages sont construits comme de fines caricatures; bien identifiables dans leurs aspirations, ils incarnent les facettes d'une résistance plus ou moins « active » face cet oppresseur informe, jusqu'à interroger la responsabilité de chacun dans cet état de fait.

La réponse par la dérision et l'ambivalence, de ce cynisme non encore totalement résigné, permet d'ouvrir les pensées vers une nécessaire complexité, le tout dans une grande légèreté.

Doutes parfumés… Dangereux conspirateurs ou facétieux cabotins ? Elévation féminine ou petite misogynie ? A vous d'y répondre, si vous le voulez…

L'originalité, ainsi que la qualité de lecture proposée, garantissent à cet Egyptien d'expression française une place de choix dans notre paysage littéraire. On l'imagine ricanant intérieurement de ses histoires où rien n'est véritablement établi…

Indispensable.
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Mendiants et orgueilleux

Mendiants et orgueilleux est un roman d'Albert Cossery, écrivain égyptien de langue française, né au Caire en 1913 et qui vécut une grande partie de sa vie à Paris, du côté de Saint-Germain-des-Prés.

J'en avais entendu parler depuis longtemps, bien avant sa mort. Il y a quelques temps de cela, la médiathèque de ma commune a mis quelques auteurs méditerranéens en lumière, dont ce livre sous sa réédition, aux éditions Joëlle Losfeld. La lecture de ce roman fut pour moi un vrai bonheur.

Un meurtre a eu lieu dans un quartier pauvre du Caire, celui d'une jeune prostituée Arnaba... Un policier homosexuel et autoritaire Nour El Dine, est dépêché sur les lieux pour enquêter. Son chemin va très vite rencontrer celui de Gohar, un ancien professeur d'université devenu mendiant par choix philosophique, ce dernier devient très vite le suspect principal, et pour cause, puisque c'est lui qui a assassiné la jeune fille, poussé dans son acte par la nécessité de se procurer de l'argent à cause de sa dépendance au haschich. C'est là toute l'intrigue. Je vous en révèle le coupable puisqu'on l'apprend dès les premières lignes et que l'intrigue de l'histoire n'est pas importante. D'ailleurs, à force de côtoyer ce personnage insolite qu'est Gohar, le policier finit par abandonner purement et simplement l'enquête.

Non ici ce roman est plutôt prétexte à se délecter d'autres choses et je m'en suis délecté : les histoires, les parcours, les descriptions des personnages, leur manière touchante et pittoresque de vouloir former une sorte de communauté solidaire, généreuse, détachée des préoccupations du monde. Ce sont tous des personnages hauts en couleur, quelques mendiants auxquels l'auteur donne toutes leurs lettres de noblesse.

Raconter ce livre, c'est aussi raconter la rue, ses bruits, ses parfums, ses chants, sa misère et sa joie.

Ici le bruit de la rue arrive sur la page comme au bord d'une fenêtre ouverte.

Chaque chapitre du livre est unique, on dirait que chacun d'entre eux a été écrit un peu comme un conte, ce livre est une succession de petits contes qui pourraient se lire chacun à part.

Bien sûr, il y a quelques liens qui tissent une continuité et Gohar fait partie de ce lien.

La rue est une révolte. Ici devenir mendiant c'est résister à un monde qui est mal fait et cela en devient un art de vivre. C'est le refus d'un monde qu'ils ne veulent pas, celui des nantis, des ambitieux, ceux qui exploitent les autres ; c'est un renoncement à ce monde. Toute l'histoire de ce roman tient à cela.

Gohar, le personnage principal, gît dans un dénuement extrême, dormant sur des piles de journaux, vivant dans une chambre sommaire, avec pour unique mobilier une chaise.

Mais Gohar est devenu mendiant parce qu'il le voulait. C'est un professeur qui a commencé à avoir honte de son enseignement. Pour cela, il a renoncé à avoir une existence sociale.

D'ailleurs, le titre pose d'emblée ce message comme un acte très fort, une manière d'affirmer une présence sur cette terre : comment être Prince sans la richesse et sans le titre. C'est l'élégance des pauvres.

Non seulement, Albert Cossery nous met en lumière l'ordinaire silence des écrasés, des oubliés, mais il nous montre que la misère n'est pas un obstacle en soi, que l'orgueil n'est pas l'apanage des riches.

Ici c'est l'orgueil de ne rien posséder, ne pas avoir envie de posséder. c'est une revendication comme un cri de joie, c'est être libre.

Ne pas se compromettre avec ce monde où il faut travailler.

Travailler c'est être soumis à l'exploitation de quelqu'un, c'est se compromettre avec ce qu'il y a de plus mauvais dans le monde.

À chaque page, il y a le plaisir et le luxe de dire qu'on ne travaille pas, le goût de bien vivre.

C'est le personnage de Gohar qui porte toute la philosophie attenante à cette condition humaine et ce désir de vivre en marge de la société.

Ne rien faire, c'est ainsi qu'on vit comme un Prince.

Mais ces oisifs n'en demeurent pas moins des penseurs, des philosophes... Leur misère est à la fois une sagesse et une révolte.

Lors d'une interview, un journaliste demandait à Albert Cossery ce qui avait inspiré les personnages de ses romans. Il avoua alors que tous ces personnages existaient réellement, il n'avait même pas eu l'envie de leur changer de nom de peur de les dépouiller de leur identité...

Un écrivain est quelqu'un qui a l'art de ne rien inventer, il observe autour de lui, s'inspire de la rue, de personnages existants qu'il connaît peut-être. S'il faut cependant lui reconnaître un art c'est celui de savoir poser une passerelle entre la rue et la page du livre qu'il écrit et guider ces personnages un à un vers l'histoire qu'il est en train d'écrire.

Mendiants et orgueilleux, c'est aussi une histoire d'hommes. Les femmes sont peu présentes. Quelques femmes croisent le texte, elles apparaissent, disparaissent, réapparaissent.

lci ce sont avant tout des histoires d'hommes. Des histoires d'amours blessés où les hommes sont présents et se consolent entre eux. Il y a cette amitié qui apaise, ce sont des joyeux drilles qui se fréquentent, ils iraient jusqu'à donner leur vie pour l'un des autres membres du groupe si celui-ci était malheureux ou en danger, on sent l'amour à fleur de peau, le désir d'aimer et être aimé, franchir le gué, ne serait-ce que pour cela...

J'ai découvert dans l'écriture d'Albert Cossery une langue très belle, c'est une langue de l'exil et du souvenir. Il y a de la poésie à chaque page de ce récit. Et de la générosité aussi.

Albert Cossery confiait lors d'une interview à la radio : « Je n'ai pas besoin d'être riche pour attester de ma présence sur cette terre ; même sans le sceau, je suis un Prince. »

C'est l'ode du peuple d'en bas, des miséreux, des laissés-pour compte. Peut-être pour cela aussi ce livre demeure universel et actuel et n'a pas pris une ride.
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Les Couleurs de l'infamie

Apres Mendiants et orgueilleux j'ai eu envie de relire un autre Cossery. Encore une pepite, relativement courte cette fois.



Albert Cossery, le plus francais des egyptiens, le citoyen de St Germain des pres, l'homme qui n'a jamais voulu posseder quoi que ce soit, nous offre un texte hilarant, et se sert de l'humour pour faire passer sa critique de la societe.



Ca se passe au Caire, ville ou la chaleur n'a de concurrent que la poussiere. Cossery peint le paysage: "La vetuste de ces habitations evoquait l'image de futurs tombeaux et donnait l'impression, dans ce pays hautement touristique, que toutes ces ruines en suspens avaient acquis par tradition valeur d'antiquites et demeuraient par consequent intouchables". Il evoque la population qui y deambule: " Ouvriers en chomage, artisans sans clientele, intellectuels desabuses sur la gloire, fonctionnaires administratifs chasses de leurs bureaux par manque de chaises, diplomes d’université ployant sous le poids de leur science sterile, enfin les eternels ricaneurs, philosophes amoureux de l’ombre et de leur quietude".

C'est une histoire de resistance. Resistance et debrouillardise du petit peuple, ici incarne par un voleur a la tire, face au "systeme". Cossery nous le presente: "Ossama etait un voleur; non pas un voleur legaliste tel que ministre, banquier, affairiste, speculateur ou promoteur immobilier; c'etait un modeste voleur aux revenus aleatoires, mais dont les activites – sans doute parce que d'un rendement limite – etaient considerees de tous temps et sous toutes les latitudes comme une offense a la regle morale des nantis".



Ossama est un hedoniste. Son pays peut tourner au desastre, mais lui, bien habille pour ne pas se faire arreter a chaque coin de rue sur sa mise, est convaincu que "rien sur terre ne peut etre tragique pour un homme intelligent". Il rode dans les beaux quartiers, humant ses proies. Par un heureux hasard, il s'empare du portefeuille d'un gros bonnet. Qui ne contient pas que de l'argent, mais comme son nom l'indique, une feuille aussi, une lettre qui compromet le gros bonnet (un promoteur vereux) et des membres du gouvernement.



Comment Ossama va tirer parti de la lettre comprommettante? Pour le savoir il faut lire le livre. J'ai promis aux manes de Cossery de ne rien devoiler. Un indice quand meme: c'est hilarant. Bon, ce n'est pas vraiment un indice, tout le livre est hilarant.



Et je ne peux m'empecher de penser que Cossery s'est mire dans la glace de son hotel pour decrire Ossama: un homme qui ne possede rien, mais toujours tire a quatre epingles.

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Mendiants et orgueilleux

Je suis ravi de faire la connaissance de la prose langoureuse d’Albert Cossery.

Dans "Mendiants et Orgueilleux", paru en 1955, le meurtre d’une prostituée dérange à peine la douce torpeur des quartiers les plus pauvres du Caire et de ses habitants, aussi pittoresques que pauvres.

Dans ce roman, l’enquête fait de la figuration, vague arrière-plan d’une toile débordante de vie où les personnages phagocytent l’espace.

Il y a Gohar, intellectuel qui a abandonné sa charge universitaire pour mener une vie de mendiant. Un philosophe du dénuement qui ne veut plus être complice d’une société qui prive les hommes de leur liberté. Impossible d’exercer une quelconque pression sur ceux qui n'ont plus rien. Gohar, qui vit dans un « démeublé » et dort sur un tas de journaux, sanctuarise sa quiétude en mâchant du haschich. Tel un philosophe grec, il tient des audiences au gré de ses flâneries dans les rues du Caire.

Son dealer, Yéghen, est son premier disciple. La nature l’a paré d’un visage disgracieux mais il n’est pas rancunier et savoure chaque instant de sa vie.

Son voisin, un manchot, cul de jatte, vient se réfugier chez lui pour se protéger des crises de jalousie de son épouse.

El Kordi est un fonctionnaire, révolutionnaire frustré, amoureux d’une prostituée, prêt à s’accuser du meurtre pour la cause des misérables, et dont le chef a volé la plume « sous le fallacieux prétexte qu’elle se rouillait par manque d’usage ».

Il y a aussi Nour El dine, policier homosexuel chargé de l’enquête, fasciné et contaminé par ce biotope si fier de sa marginalité.

Poète de l’oisiveté, l’empathie d’Albert Cossery pour ses personnages est contagieuse et je suis tombé sous le charme de ses phrases qui s’écoulent au rythme d’un sablier. Miracle de fluidité, ce texte chasse l’ennui par une dérision permanente. Aussi exquis qu’une sieste dans un hamac, bercée par une brise légère.

Dandy parisien né au Caire en 1913, mort en 2008 à l’âge de 95 ans, Albert Cossery vécut comme il a écrit, comme ce qu’il a écrit.

Comme son grand-père et son père avant lui, il ne travailla jamais vraiment, traversa la vie avec nonchalance et consacra son œuvre aux intouchables... pour les rendre touchants.

Seul bémol à ce concert de louanges, le peu de place et de considérations faites aux femmes dans le roman.

Je finirai ce billet par la première strophe de la chanson éponyme Mendiants et orgueilleux de Georges Moustaki, écrite pour un film tiré du roman :

A regarder le monde s’agiter et paraître

En habit d’imposture et de supercherie

On peut être mendiant et orgueilleux de l’être

Porter ses guenilles sans en être appauvri.



Vous ne perdrez pas votre temps à lire ce roman. Ne serait-ce que pour profiter pleinement du temps qui passe.

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Mendiants et orgueilleux

Quel bonheur de lecture ! Albert Cossery est un seigneur. Il fait des oubliés de Dieu, mendiants et fainéants, fumeurs de hashish et autres ramasseurs de mégots qui peuplent les bas-fonds du Caire, des princes et des sages. Cossery l'Egyptien écrit dans un français ciselé. La narration est élégante et claire, le ton balance entre compassion et dérision. Les dialogues réinventent le langage coloré et excessif du petit peuple cairote. Cossery croque en quelques lignes les pleureuses professionnelles, les habitués bigarrés du café des Miroirs, la salle d'attente minable et les prostituées illettrées du bordel, le tramway puant plein de promiscuité qui relie les deux côtés de la ville. Il évoque furtivement la ville lumière, celle des grandes avenues, des vastes appartements et s'attarde sur la ville de l'ombre, celle des ruelles sordides et des taudis. Cossery est indigné, révolté contre le système matérialiste risible et détestable. Pourtant ses héros ne choisissent pas de le transformer par l'action politique et encore moins par la violence. Ils choisissent la voie marginale, oisive et immobile. Ils se dépouillent, mendient et cherchent la jouissance.

Gohar le héros antihéroïque du livre a abandonné depuis longtemps l'université où il enseignait la philosophie parce que « enseigner la vie sans la vivre est le crime de l'ignorance le plus détestable.» Il a décidé de ne plus collaborer au système et a renoncé définitivement aux biens matériels ainsi qu'au travail. Au début du récit, Il dort à même le sol sur un tas de vieux journaux dans une misérable chambre en passe d'être inondée. Alors il s'assoit sur l'unique chaise et contemple le désastre avec le sourire. Il n'a plus rien à perdre. Son dénuement le rend invulnérable. Mais Gohar n'est pas complètement en paix tant qu'il n'a pas avalé sa boulette de haschisch. Il nourrit même le vague désir de s'installer en Syrie où la consommation de haschich est autorisée. Nous le suivons à travers les ruelles tortueuses qui nous mènent au café des Miroirs. Celui qui le fournit d'habitude est un jeune poète très laid qui l'a pris en modèle. Yeghen a honte de sa laideur et méprise sa mère. Celle-ci est une veuve tombée dans la misère par la faute de son défunt mari. Elle encense pourtant sa mémoire et trouve son fils indigne. Yeghen est orgueilleux. Il hait sa fausse dignité drapée dans les convenances. Gohar et Yeghen se retrouvent souvent au bordel tenu par Set Amina la mère maquerelle. Gohar y tient les comptes et écrit des lettres pour les filles. Parmi les prostituées il y a la jeune Arnaba qui va être étranglée et puis une vieille très malade. El Kordi un jeune client idéaliste s'est mis en tête de la sauver. Il est en mission contre l'injustice. C'est un tout petit fonctionnaire croquignolet qui met un point d'honneur à en faire le moins possible au bureau quitte à payer ses collègues pour le travail effectué à sa place. Tous ont des problèmes avec l'autorité et la morale. Même Nour el dine le policier autoritaire chargé de l'enquête sur la jeune prostituée assassinée semble faire son devoir à reculons, il voudrait être libre lui aussi et ne plus avoir à cacher ses moeurs.

Le livre date de 1955 et n'a rien perdu de sa qualité subversive.

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La violence et la dérision

La violence et la dérision est un récit incisif et drôle. Il a été publié en 1964 et n'a rien perdu de sa force subversive, grâce à une langue française magnifique qui mêle narration très classique et dialogues savoureux recréant le parler cairote. Mais ce récit n'est en aucun cas réaliste. Il s'agit davantage d'un conte philosophique.

Dans une ville indéfinie aux accents orientaux, un gouverneur grotesque veut nettoyer les rues des mendiants qu'aucun conquérant n'a réussi jusqu'alors à exterminer. Comment s'opposer à cette infamie ?

En ouverture du livre, nous assistons à une bonne farce aux dépens d'un gendarme venu déloger avec brutalité un mendiant. Karim l'auteur de la bouffonnerie vit sur la terrasse stratégique d'un immeuble et travaille dans l'aéronautique. Il confectionne des cerfs-volants pour les enfants. Il néglige Amar la jeune prostituée qui semble l'aimer sincèrement. Karim a d'autres préoccupations excitantes en tête. Ancien révolutionnaire repenti, il doit rejoindre son mentor Heykal maître ès dérision qui par la seule force du mépris railleur se fait fort de destituer le dictateur. Karim a un plan secret qui demande des compétences particulières que lui fourniront des amis hauts en couleurs. Celle de l'illettré richissime Khaled Omar qui a découvert en prison le secret du négoce juteux. Et puis celle du lettré Urfy qui alphabétise les petits au sous-sol de sa maison grâce à une pédagogie tout à fait singulière. Urfy est accablé par une mère folle dont il a la charge. Cette dernière tourmente son fils et fascine Heykal à tel point qu'il lui offre des fleurs. Heykal est un dandy aussi cynique que séducteur. Il reçoit également l'aide de Soad une jeune rebelle espiègle, fille gâtée d'un ami du gouverneur qui le renseignera. Leur principal ennemi n'est pas le gendarme mais un ancien camarade de Karim, poseur de bombes fanatique...

Je suis contente. J'ai encore quelques Cossery à découvrir !
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Les fainéants dans la vallée fertile

J'ai lu avec plaisir Les fainéants dans la Vallée fertile (1948). Je le trouve cependant moins riche que Mendiants et orgueilleux (1955). Mais il est original, absurde et décapant.

Albert Cossery (1913-2008) refusait toute forme d'aliénation. Dans ce roman sarcastique, il s'attaque à la valeur travail. La narration est limpide et ciselée. Les dialogues réinventent l'arabe populaire de son enfance.



Le livre s'ouvre sur une scène dans la solitude d'un champs de maïs. Un enfant en guenilles d'une dizaine d'années s'obstine à chasser des moineaux avec sa fronde. Il enrage et recommence sans répit comme si une force démoniaque l'agitait. Serag est empêché de somnoler et effrayé par l'hyper-activité de l'enfant ; Est-ce cela le travail ? Serag est perplexe car depuis longtemps, il rêve de travailler de ses mains et de « porter les stygmates d'un vrai labeur ». L'enfant qui se nomme Antar accepte de l'accompagner contre quelques piécettes, jusqu' à une usine en construction abandonnée. Serag s'y rend chaque jour, comme on va en pèlerinage. L'enfant ne comprend pas son désir de travailler. « Tu es fou. Tu veux travailler dans une usine ! C'est un jour noir pour ta mère ! « . Serag rencontre ensuite un pauvre commerçant qui le dissuade de suivre son exemple : « Qu'Allah maudisse le commerce et ceux qui l'ont inventé ! répondit Abou Zeid. C'est un malheur pour mes vieux ans. Je ne parviens pas seulement à tirer le loyer de cette maudit boutique. » le pauvre homme a eu le tort de se marier. Serag rentre chez lui épuisé par sa promenade méditative. le vieil Hafez son père réside seul à l'étage de leur maison délabrée et ne quitte jamais son lit. C'est lui qui a appris à ses fils à bien se tenir. «Qu'est-ce que j'entends ? Tu veux travailler! Qu'est-ce qui te déplaît dans cette maison? Fils ingrat ! Je t'ai nourri et habillé pendant des années et voilà tes remerciements !  »Le vieil Hafez a décidé de se remarier par l'intermédiaire de l'entremetteuse Haga Zohra, histoire d'assoir son autorité sur ses fils. L'aîné Galal passe sa vie sous son édredon, ce qui le préoccupe, c'est avant tout la souris qui perturbe sa pratique professionnelle du sommeil. Rafik le cadet est beaucoup plus soucieux. Il veut empêcher son père de convoler et dissuader son petit frère de travailler. Il a failli lui-même devenir ingénieur mais a renoncé quand il a reconnu lors d'une visite dans une usine, « le désespoir inscrit sur les visages des ouvriers ». Depuis, entre deux siestes sur le canapé crasseux, il vitupère méchamment contre Hoda, la jeune servante et surveille d'un oeil mauvais l'arrivée de l'entremetteuse. Rafik voulait se marier avec Itmissal la prostituée du quartier, mais, au dernier moment , il a changé d'avis sans lui fournir d'explications...
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Un complot de saltimbanques

Je découvre l'univers d'Albert Cossery ( 1913-2008) écrivain égyptien d'expression française avec ce Complot de saltimbanques paru en 1975.

Teymour un jeune homme de vingt-six ans à l'élégance raffinée, a dû revenir dans sa petite ville natale après avoir mené joyeuse vie à l'étranger pendant six ans. Il a acheté un beau diplôme d'ingénieur chimiste pour justifier sa longue absence. Son père à moitié gâteux peut alors l'afficher ostensiblement dans sa demeure et épater les gens du pays. le spleen de Teymour est de courte durée. Il retrouve en effet très vite une bande de joyeux fumistes qui ont élevé l'oisiveté et le plaisir des sens au rang des beaux-arts. Mais, de mystérieuses disparitions de notables inquiètent la police qui fait suivre la bande. Ne seraient-ils pas en train de comploter ?



J'ai souri mais je m'attendais à m'amuser davantage avec cette bande de joyeux drilles. J'ai aimé l'écriture classique, élégante et claire à l'ironie légère. J'ai aimé le traitement carnavalesque de l'ordre social et moral, la dénonciation moqueuse de la comédie humaine à travers le personnage du policier et celui du gros propriétaire lubrique. Mais je les ai trouvés bien cyniques et surtout très donneurs de leçon ces petits bourgeois instruits et entretenus qui jouent aux aristocrates. Ils trouvent le monde abject et révoltant mais ne se révoltent pas. A quoi bon. Ils n'espèrent déjà plus rien, seule la jouissance immédiate les intéresse. Les femmes, souvent très jeunes, demeurant dans ce récit, du début à la fin, de purs accessoires.

Je lirai Mendiants et Orgueilleux qui paraît-il est son chef d'oeuvre pour me faire une opinion plus précise de l'univers très particulier d'Albert Cossery.

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Mendiants et orgueilleux

Le roman de Cossery m’avait marqué quand j’avais vingt ans. J’ai toujours pensé que je le lirai, mais de peur que la magie s’en aille... Alors quand j’ai vu qu’une BD existait... Le meurtre d’une belle prostituée est le prétexte pour mettre en valeur l’Egypte, les pauvres et leurs qualités : liberté, solidarité, grandeur d’âme, libérés des obligations et contraintes. C’est fin, drôle, une myriade de personnages atypiques. Les écrivains contemporains qui pensent avoir inventer quelque chose n’ont qu’à lire Cossery avec ce roman publié en 1955.
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Les fainéants dans la vallée fertile

Une fable, une ode à la paresse, cette famille de glandeurs professionnels, le vieux Hafez calfeutré à l'étage et les trois fils, Galal capable de dormir tout un mois sans se réveiller, le casanier Rafik mais qui stresse car son frère Serag voudrait travailler dans l'usine pour être libre et le vieux, lui, a décidé de se marier mais fini la tranquillité si une femme entre dans la famille!



Autour, toute une bassecour colorée, l'entremetteuse Haga Zohra, la boniche Hoda amoureuse de Serag, l'inverti Mimi, et le jeune Antar si fier dans son misérable pagne, l'oncle Mustapha ménageant la chèvre et le chou, le commerçant raté Abou Zeid.



Une drôle d'histoire dont on aimerait savoir la suite.

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Les Couleurs de l'infamie

Coup de coeur pour ce court roman plein de malice. Ossama, jeune voleur malin et décontracté, sapé comme un prince, dépouille les riches de leur argent, faisant ainsi circuler la monnaie. Voilà que dans un portefeuille il trouve une lettre qui fait le lien entre un ministre et un promoteur immobilier véreux. Que va-t-il en faire ? L’intrigue de ce court roman est simple et efficace. L’auteur a réussi à écrire une histoire très contemporaine en lui donnant des airs de conte traditionnel oriental : Ossama va en effet rencontrer son maître qui l’oriente vers une sorte de « vieux sage » qui n’est autre qu’un journaliste d’opposition qui n’a plus un sou et vit dans son caveau familial au cimetière. La ville du Caire, grouillante d’un petit peuple miséreux mais débrouillard, est remarquablement dépeinte, les personnages sont malicieux, ironiques et inventifs, tous, même quand ils sont secondaires (une prostituée, une femme de ménage, le père aveugle du héros, une étudiante), remarquablement croqués. Ce texte plein d’ironie et d’humour est une jolie mise en lumière de l’état de corruption et de cynisme des dirigeants et des puissants, et le lecteur rit avec Ossama et Karamallah du tour joué au promoteur après lui avoir fait dévoiler toutes les couleurs de son infamie. Le promoteur m’a fait penser à cet autre promoteur, turc, qui avait construit à Antakya une résidence de luxe et aux normes antisismiques, quasiment sans fondations ! La plume d’Albert Cossery est élégante, voire raffinée et le résultat est un régal, une délicieuse petite pâtisserie orientale à déguster.
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Les fainéants dans la vallée fertile

Un homme, ses trois fils et son frère vivent ensemble.

Leur préoccupation essentielle est de dormir.

Mais Serag, le plus jeune des frères fait leur désolation. Il ne rêve que de travailler.

Quel scandale pour la famille !

Et bien, je n’ai pas été sensible à cette histoire.

L’humour m’a échappé.

J’ai trouvé cela long et fastidieux et mon plus grand plaisir a été de refermer le livre.

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Les Couleurs de l'infamie (BD)

On est dans la ville grouillante du Caire, Ossama est un pickpocket un peu guindé, c’est plus pratique pour sévir dans les quartiers riches. Une de ses rapines lui fait découvrir un courrier très compromettant entre un promoteur immobilier véreux et un membre du gouvernement. C’est le Caire, il fait chaux, on palabre dans des rues surpeuplées ou au café et même au cimetière, et il y a un humour léger, qui se moque des valeurs de l’argent, de la réussite sociale. Les couleurs de l’infamie est une fable sociale pleine d’ironie, d’insouciance, de nonchalance.

Golo qui s’est installé en Egypte depuis une trentaine d’années, rend un hommage plein d’admiration et de tendresse à Albert Cossery, auteur satirique égyptien. Peut-être que la nécessité de l’adaptation n’est pas justifiée d’un point de vue littéraire, mais le bonheur et l'ironie se dégagent généreusement de cette lecture plutôt réjouissante qui donne envie de découvrir Albert Cossery d’un peu plus près.
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Un complot de saltimbanques

Teymour de retour dans sa triste ville après six années de pseudo-études à la capitale. Pas si triste sa ville où avec son ami Medhat, l'acteur Imtaz, ils vont se complaire dans l'oisiveté et la luxure avec de jeunes écolières ou des farces contre le méchant Chawki.



Au fur et à meure qu'il invente de nouveaux personnages, Cossery crée une ambiance, une douce lubricité avec les jeunes recrues de madame Wataniya ou la candide étoile du cirque Felfel.



Mais le récit, bien que d'une écriture travaillée, ne m'a pas rassasié, ressemblant plus à un tableau impressionniste avec des personnages, leur passé, leurs pensées, qu'à une intrigue sur de mystérieuses disparitions.

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Les affamés ne rêvent que de pain - Danger de l..

"L’origine de ces histoires remonte à une discussion qui eut lieu il y a quelque temps, au café du Pacha, entre le professeur de mendicité Abou Chawali et le lettré Tewfik Gad. Car c’est à l’issue de cette discussion que furent colportés d’innombrables détails, touchant une prétendue innovation, d’ordre esthétique, qui allait, paraît-il, révolutionner l’art de demander l’aumône, sur tout le territoire."



"Les affamés ne rêvent que de pain" et "Danger de la fantaisie" sont deux nouvelles écrites par Albert Cossery, un auteur égyptien contemporain que je découvre avec cette lecture.



Ce sont deux textes dans lesquels il parle de pauvreté et de misère dans l'Égypte de son enfance, celle où il est né et où il a grandi. C'est très imagé. On visualise les lieux, on entend les sons de la ville et les odeurs qui s'y dégagent.



La plume de l'auteur est assez directe et percutante. Les nouvelles se lisent bien, mais un peu trop courtes pour moi.



A connaître !
Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Les hommes oubliés de Dieu

Les livres d'Albert Cossery sont tous un peu les mêmes. Ils nous parlent des laissés pour compte du Caire.



Cette ville, dont on a arrêté de compter les habitants, comprend un centre-ville moderne et une ville "indigène" qui s'étend de façon anarchique. C'est là que Cossery nous fait découvrir toute une galerie de personnages plus ou moins loufoques. Ces héros sont toujours en marge de la société. On comprend vite qu'ils n'ont pas vraiment le choix tant la corruption règne en maître. L'homme "honnête" est souvent voué à la pauvreté et à l'inverse l'homme "parvenu" a dû se livrer à bien des compromissions.



Mais si la vie est difficile dans ces bidonvilles, leurs habitants ont développé un solide sens de l'humour pour y faire face. Cossery a l'art de décrire ses personnages dans des situations les plus cocasses à la limite du surréalisme.



Ainsi de cet homme, qui aspire à dormir toute la journée, et qui a chassé tous les bruits néfastes de sa rue afin de s'adonner à son seul plaisir : la sieste! L'infortuné est inopinément réveillé par un facteur (c'est à dire un fonctionnaire vendu au gouvernement) bouffi d'orgueil et qui se sent investi d'une mission civilisatrice à porter le courrier à des analphabètes. Leur dialogue vous fera pleurer de rire.



Ou bien encore deux mendiants qui ont chacun créé une école de mendicité, comme s'il s'agissait là d'une profession comme une autre, que l'on peut enseigner. L'un professant qu'il faut avoir l'air le plus misérable possible pour attirer la générosité du bon musulman, l'autre qu'il faut au contraire sauver les apparences pour ne pas effrayer le donneur potentiel...



Ou encore cet homme qui voit son fils revenir le jour de l'Aïd avec des herbes aromatiques en espérant qu'ils pourront manger du mouton. L'enfant demande naïvement à son père pourquoi tout le monde festoie alors qu'ils meurent de faim. Le père prend alors conscience de sa pauvreté et n'a aucune explication rationnelle à donner à son fils si ce n'est qu'ils sont "oubliés de Dieu".



La force de cet auteur est de vous faire rire des choses les plus graves. Il nous fait découvrir la puissance de la dérision. Les "faibles", qui n'ont rien, l'emporteront toujours sur les riches qui ont tout à perdre. La seule chose que désirent nos gouvernants est qu'on les prenne au sérieux. Cossery nous montre combien ils deviennent risibles lorsqu'on les considère pour ce qu'ils sont : des pantins. Nous ne sommes pas loin de l'anarchisme car rien n'a d'importance pour Cossery.



Le plus étonnant est que l'auteur a vécu conformément aux préceptes qu'il défendait. Il a vécu pendant 50 ans dans un hôtel à Saint Germain des près sans jamais vraiment travailler. Il a écrit 8 livres en 50 ans ce qui est finalement assez peu. Il disait qu'il n'écrivait pas plus d'une phrase par jour et qu'il la peaufinait jusqu'à ce qu'elle soit parfaite. Il réussit parfaitement car ses 8 livres sont des bijoux de concision.



Si vous avez la chance de ne pas encore avoir lu Albert Cossery jetez-vous dessus. C'est selon moi un auteur majeur du XX ème siècle. J'aimerais parfois avoir le bonheur de le redécouvrir comme si c'était la première fois.

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Albert Cossery, l'Egyptien de Saint-Germain des Prés

Il faisait terriblement chaud. Rue de la femme-Enceinte, le facteur s'arrêta, comme il le faisait chaque matin, devant la boutique de Hanafi le repasseur.

Les hommes oubliés de Dieu
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