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Citation de Rusen


Rusen
05 décembre 2016
Le gardien me dit : « En voici un qui ne pourra pas vous parler, mais il vous montrera sa langue. »

– Montrez votre langue !

L’homme ouvre la bouche. Je ne vois rien. J’avance un œil. Cet homme n’a plus qu’une moitié de langue. Voici comment la chose s’est passée. Il était là, immobile, dans la cour, la langue sortie. Un de ses compagnons, les mains aux poches, à pas lents, s’avança vers lui. Il colla doucement son menton au menton de l’homme, il prit dans sa bouche la langue qui pendait et, d’un coup de mâchoire il la trancha. C’est tout.

Un autre a l’oreille mangée. C’est un camarade également qui lui rendit ce service.

– Et regardez celui-là qui s’use le coude, là-bas !

C’en était un, en effet, qui, sérieusement, et sans précipitation, se servait du mur comme d’une meule pour donner de l’air à son os du coude. C’est sa manie. On pourrait dire : c’est son plaisir.

La peau de son coude était passablement entamée. On lui remettra la camisole.

Les fous résistent à la douleur de façon surhumaine. Ils avalent des cuillers comme nous autres un cachet. L’un de ces messieurs s’était, un jour, procuré une scie. Il s’attaqua sous le sein gauche. Quand le docteur arriva, il put voir, par l’ouverture, battre la pointe du cœur. L’homme se sciait, sourire aux lèvres.

(Chez les fous)
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