Albert Paraz raconte...
Émission « Les chemins de la connaissance » : « Douleurs, une littérature de francs-tireurs » réalisée par Catherine Soullard. Troisième volet consacré à Albert Paraz. Avec Alphonse Boudard et Raphaël Sorin. France Culture, 27 mars 1991.
Et :
Émission « Un livre, des voix » de Pierre Sipriot consacrée à la correspondance de Céline avec Albert Paraz publiée dans Cahiers Céline, 6. Avec Jean-Paul Louis, éditeur de ce Cahier. Lettres de Céline lues par Pascal Mazzotti et René Renot. Réalisation : Claude-Roland Manuel. France Culture, 12 mars 1981.
Il faudra écrire et distribuer un petit manuel à l'usage des malades. Leur expliquer un peu comment fonctionnent les services. Leur apprendre que les infirmières ne sont pas à leur disposition, bien au contraire. Ce sont eux qui sont à leur disposition de ces dames et tout se paye. Ce ne sont pas des saintes, des mères pélicans, ce sont des fonctionnaires et des syndiquées.. D'abord l'après-midi, quand il y a réunion des délégués, vous pouvez sonner, tintin. Heureusement qu'il y a d'autres malades à demi-valides pour faire le service, donner le bassin, à boire, frictionner, refiler au page celui qui est tombé par terre, etc...
Reçu la visite ce matin de Mandiargues. Son intelligence est un enchantement. Je me rappelle les premières fois, je croyais qu'il avait étudié un numéro, tellement il était parfait, sûr de lui, trapéziste.
Ce soir-là, j'avais rendez vous avec un saucisson quelconque et je lui répondis : qu'est-ce que j'en ai à foutre, de ton lithuanien. S'il écrit en français , ça doit être du propre !
Il est mort maintenant, et il s'appelait Milocz. Quand je pense que j'aurais pu connaître ce grand bonhomme et que j'ai laissé le plaisir de le voir pour tirer un coup déprimant dans un hôtel moisi, près de la porte Saint-Denis, j'en pleure de rage.
J'ai vu un de ceux-là, un cancéreux jaune, ratatiné, couvert d'escarres, dont la grimace de douleur contenue, de larmes refoulées, exprime toute la dignité de la souffrance quand il appelle sans prendre une voix suppliante. Il voudrait sa piqûre. Il est huit heures et quart. Je vais voir pourquoi Mme Loiseau ne se dérange pas. Je la trouve derrière la cloison EN TRAIN DE TRICOTER.
Je lui demande si elle n'entend pas, elle me répond : "Laissez-le gueuler, les soins ne commencent qu'à huit heures et demie !"
Leur conviction politique était simple. Simple, pimpante et furieuse : la France est pourrie, le front populaire et son ministre des loisirs, je vous demande un peu ! L'ont achevée. Ce qui ne les empêchait pas de jouir des avantages de ce régime.
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C'est le même mocrasni (garde Marocain) qui est malade le lendemain de son mariage. Son ventre enfle. Il va voir le toubib qui dit : Hydropisie.
- Comment j'ai trop bisi ! j'ai tiré qu'un coup !
Ils sont tous cinglés... Tous! le directeur! les professeurs!... les élèves! le jardinier!... Vous allez avoir un mal effrayant pour vous adapter. Tenez, moi cela fait six ans que je professe ici... six ans! Et je ne puis affirmer que je sois encore parfaitement habitué à cette vie délirante... Ah je vous plains! Oui de tout coeur... C'est un travail surhumain que d'enseigner quoique ce soit à ces déments. Ils se battent quand ils jouent au ping pong... oui... oui .. avec les raquettes ils se tapent sur la gueule...
Il fallait qu'elles se mêlent à ce point, qu'on ne sache plus qui l'emporte, de la méchanceté ou de la sottise des hommes vertueux.
Nous parlons d'un auteur ( que je n'ose nommer ).
C'est un porc, dit Mandiargues, un abominable goret. Son livre est à vomir...
- vous savez, dis-je, que ce monsieur tient la rubrique littéraire dans LE SOIR sous le pseudonyme de Vadius !
-Tiens, tiens, faites bien de me le dire, je vais lui écrire tout de suite que son livre est admirable.
J'ai rencontré une femme du monde très séduisante nommée mademoiselle Caron. Elle me plaisait surtout parce qu'elle avait parait-il le casse-noisette .
Je lui ai demandé si elle était parente avec Beaumarchais.
Elle m'a dit : - Beaumarchais ? Non . Pourquoi ?