Le temps détruit tout ce qu’il crée, et la fin de toute séquence temporelle est, pour l’entité qui y est impliquée, la mort, sous une forme ou une autre. La mort n’est entièrement transcendée que lorsque le temps est transcendé ; l’immortalité est pour le conscient qui s’est évadé hors du temporel jusque dans l’intemporel. Pour tous les autres conscients, il y a tout au plus survie ou naissance nouvelle ; et celle-ci entraînent de nouvelles séquences temporelles et la récurrence périodique morts et de nouvelles dissolutions. Dans toutes les philosophies et religions traditionnelles du monde, le temps est considéré comme le trompeur, la prison, et la chambre de torture. C’est seulement en qualité d’instrument, de moyen pour parvenir à autre chose, qu’il possède une valeur positive ; car le temps fournit à l’âme incarnée des occasions de transcender le temps ; chaque instant de chaque séquence temporelle est, en puissance, la porte par laquelle nous pouvons, si nous le désirons, nous échapper dans l’éternel. Tous les biens temporels sont des moyens en vue d’une fin qui les dépasse ; ils ne doivent pas être traités comme des fins en soi. Les biens matériels doivent être prisés parce qu’ils soutiennent le corps qui, dans notre existence présente, est nécessaire à la réalisation de la fin ultime de l’homme. Les biens moraux ont de nombreuses valeurs utilitaires fort évidentes ; mais leur valeur la plus élevé, leur valeur ultime, réside en ce fait qu’ils sont des moyens en vue de cette absence du moi, qui est la condition préalable de la conscience de éternel.