S'il est un nom particulièrement populaire et aimé au pays de Montbéliard, c'est bien celui de Tante Arie, cette bonne fée sans baguette magique, sans apparat d'aucune sorte, vêtue comme la plus modeste paysanne de chez nous, avec son bonnet à diairi, sa "frileuse", sa jupe assez courte pour laisser voir ses souliers bas à boucles et lui permettre l'activité qui caractérise nos vieilles grands-mamans.
Ah! la bonne Tante Arie. Comme elle a rempli , dans les siècles écoulés, et comme elle remplit encore aujourd'hui les rêves de nos petits! C'est qu'ils savent bien que dans toute la contrée existent des lieux secrets où la Tante Arie s'abrite et les surveille. Combien elle a fourni à l'imagination de thèmes à légendes! L'histoire qui se raconte aux villages des bois n'est pas la même que celles qui courent aux flancs du Lomont ou encore dans la vallée du Rupt.
En ce temps là, donc, la Beuse ne connaissait pas seulement la visite des hommes, toutes les bêtes des bois venaient s'y abreuver. Le jour : les biches, les cerfs, les lièvres, les oiseaux se penchaient sur son miroir, toujours prêts à prendre la fuite; et, à la nuit tombée, d'autres visiteurs les remplaçaient. C'était alors le défilé des bêtes cruelles : un vieux solitaire, une laie maussade avec ses petits. Le menu peuple des sanguinaires s'y rinçait les dents entre deux assassinats. Les bêtes puantes : les blaireaux, les putois, y laissaient leurs traces. Des familles de renards y passaient furtivement, et enfin, les loups à la démarche de rôdeurs y poussaient parfois de longs hurlements.