11 juin. Quelque part en Anatectique - 13h13
Inès Etchegoyen poussa la manette des gaz à fond pour dépasser les canons à eau que l'énorme baleinier japonais pointait désormais vers son zodiac.
Les deux gros moteurs jumelés du petit Sea Hawk hurlèrent en propulsant l'embarcation à structure gonflable à la proue d'acier du Shonan Maru 2. En précédant ainsi le bateau braconnier, les membres de l'association Sea Shepherd se trouvaient hors de portée des lances à incendie capables de projeter un homme à la mer sans difficulté.
Le Shonan pourchassait une baleine de Mink. Cela faisait quinze minutes qu'Inès et l'équipage du Sea Hawk l'empêchaient de tirer son fichu harpon, en zigzaguant devant lui. Dans leurs tenues noires de grand froid, les trois activistes de l'ONG de protection des mammifères marins ressemblaient à un groupe de guerriers pacifiques refusant de voir l'océan se transformer à nouveau en bain de sang.
Curtis, le plus corpulent des deux hommes, s'accrocha au filet de maintien à l'avant du Zodiac et leva un poing rageur en direction de la cabine du baleinier. Il pointa son laser sur le tireur abrité derrière la vitre. C'était la meilleure technique pour l'aveugler et lui faire rater le rorqual bleu fuyant à 60 brasses de là.
Sur leur gauche, leurs coéquipiers de l'Ady-Gil, le magnifique trimaran futuriste de l'association de protection des océans, les imitèrent. Ainsi, comme contaminée par la varicelle, la superstructure du baleinier fut bientôt mouchetée de centaines de boutons rouges.
Il fallait être malade pour braver les traités...
La pêche commerciale des cétacés était interdite depuis 1986, mais les Japonais continuaient à chasser dans le sanctuaire de l'Antarctique en contournant les lois au prétexte que leur activité avait des mobiles scientifiques... Absurde, car loin de finir dans des laboratoires, le produit de leur traque était vendu sur les étals clandestins des poissonniers nippons ou chinois.