Politique, polyglotte, polygame,
Trop poli, pour être Mahomet,
Faudrait pas qu'on me condamne,
je ne voudrais pas être un sultan,
Qu'il continue notre prof-être,
selon l'Hégire qui fut son temps. :-)
A découvrir ABSOLUMENT, riche en enseignement
Même si ton héros participe à l'anti-Babel,
Mérite, avec mes amis Babelios, tous nos compliments
Je te pressens Amin Maalouf, comme un futur Nobel.
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Coup de coeur !!!
Qui sont les désorientés ? Certainement ceux qui ont perdu leur Orient. Magnifique jeu de mots d'Amin Malouf.
Un groupe d'amis va se retrouver après 25 ans d'éloignement, pour évoquer la mémoire d'un des leurs qui vient de mourir, mais aussi pour évoquer leurs souvenirs communs et parler de leur parcours. Certains ont quitté leur pays et fui la guerre, d'autres sont restés, d'autres ont pris les armes ou sont entrés en religion.
C'est un très beau récit que nous offre l'auteur, un récit choral où les différents personnages sont mis en lumière en alternance avec le journal intime d'Adam, le narrateur. C'est donc à la fois une histoire contée à la troisième personne et à la première personne : un jeu de ping pong entre ce que croit savoir Adam et la réalité des parcours de ses amis.
Grâce à cette diversité de caractères, Amin Malouf ne nous impose rien. Il diversifie les opinions et notre regard. Il nous apprend à vivre l'histoire du Liban et à ressentir les évènements de l'intérieur et de l'extérieur. Il nourrit notre réflexion sur de nombreux sujets : la guerre, l'exil, l'amitié, l'amour, la religion, le rapport Juifs et Arabes, celui de l'Orient et l'Occident…
C'est brillant, subtil, enrichissant.
Remarque supplémentaire : Dans ce roman, Amin Malouf ne cite jamais le Liban. Ici, il le nomme le Levant. Sans doute par pudeur (ne pas parler de soi) et pour occulter la douleur (quitter sa terre natale).
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Adam vit à Paris et se sent parfaitement intégré dans son pays d’adoption. Il retourne dans son pays d’origine à la demande de Mourad le plus âgé de ses amis qui y est resté et veut le revoir avant de mourir.
Le départ d’Adam en 1976 les avait éloignés mais c’est le comportement trouble de Mourad durant la guerre qui les a définitivement coupés l’un de l’autre en le blessant profondément.
Adam n’est pas retourné dans son pays depuis son départ quand il reçoit cet appel téléphonique qui va l’entraîner, pendant seize jours, du 20 avril au 5 mai 2001, à confronter au présent le souvenir des liens lumineux des idéaux de sa jeunesse étudiante, vécue avec enthousiasme, en compagnie d’une bande d’amis qui désiraient ensemble mettre à exécution leurs généreux projets d’avenir.
«Nous nous proclamions voltairiens, camusiens, sartriens, nietzschéens ou surréalistes, nous sommes redevenus chrétiens, musulmans ou juifs, suivant des dénominations précises, un martyrologue abondant, et les pieuses détestations qui vont avec.»
A la demande de Tania la veuve de Mourad, Adam va renouer avec les amis dispersés et les survivants restés au pays pour les inviter à se retrouver et tenter une réconciliation autour du souvenir du disparu.
Tous désirent ces retrouvailles mais savent que ce qui les réunissait, leur monde a disparu. Une faille s’est créée entre ceux qui sont restés et ceux qui sont partis, un malaise difficile à dissiper.
Quelques beaux moments émouvants où renaît passagèrement leur joie de vivre ancienne, quand ils revisitent les lieux et les souvenirs de leur enfance et de leur adolescence, leur donnent l’illusion passagère de pouvoir renouer mais ils sont obligés de constatés que leur idéal est bien mort. Les années ont passées et la guerre s’est chargée de tuer dans l’oeuf l’avenir qu’ils espéraient, qui était en gestation en chacun d’eux.
«...la guerre est passée par là. Aucune maison ni aucune réminiscence n’est restée indemne. Tout s’est corrompu --- l’amitié, l’amour, le dévouement, la parenté, la foi, comme la fidélité. Et aussi la mort. Oui, aujourd’hui, la mort elle-même me semble souillée, dénaturée."
Les femmes qui traversent ce livre Dolorès la compagne d’Adam, Sémiramis son amour de jeunesse retrouvée qui lui offre l’hospitalité de son auberge et une belle parenthèse amoureuse, Tania la femme de Mourad.... occupent une grande place et savent préserver malgré leur déceptions, leurs regrets ou leur amertume la générosité et la chaleur de la vie.
Amine Maalouf ne nomme pas le pays où se déroule son roman comme il évite de parler directement des guerres qui l’ont ravagé si ce n’est à travers les retentissements qu’elles ont eu dans la vie des différents amis d’Adam.
C’est sans doute le premier livre où Amin Maalouf offre le plus de lui-même mais c’est aussi à mes yeux, son livre le plus sombre où filtre une rage contenue face à ce qui aurait pu être, le développement d’une civilisation levantine, qui semble se déliter et disparaître désormais.
J’ai écouté la video de l’entretien passionnant de Amin Maalouf sur France Culture qui est joint à la présentation du livre sur Babelio après avoir achever sa lecture et je conseille de ne pas le faire avant pour que ce livre garde toute sa saveur et afin de préserver l'envie de le découvrir.
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Léon l'Africain, c'est le livre qui m'a le plus touchée, lors de la première lecture je savais que je le relirais. Donc après une seconde lecture je me sens capable de le critiquer. L'histoire de Léon est tout d'abord fascinante, personnage historique qui a parcouru une bonne partie de l'Afrique et du bassin méditerranéen. Léon m'a rendue nostalgique de mon enfance, d'origine tunisienne je n'ai eu la chance qu'à de rare fois d'aller en Tunisie. Maalouf m'a bluffée, c'est un conteur hors pair, dans ce livre on y trouve de l'Histoire, de la philosophie, de la poésie, de l'aventure et l'histoire d'un homme extraordinaire. Une chose est sûr, c'est un livre que je relirai encore et encore comme on retourne à une source pour se désaltérer. Maalouf a trouvé une pépite et en a fait un diamant. J'ai compris bien plus tard pourquoi une telle fascination pour Léon l'Africain et pourquoi il m'était si proche, lui comme moi sommes riche de deux cultures.
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♫Enfin j'allais pouvoir enfin vous revenir
Avec l'œil alangui, vague de souvenirs
Et j'étais l'ouragan et la rage de vivre
Et j'étais le torrent et la force de vivre
J'ai aimé, j'ai brûlé, rattrapé mon retard
Que la vie était belle et folle mon histoire
Mais la terre s'est ouverte
Là-bas, quelque part
Mais la terre s'est ouverte
Et le soleil est noir
Des hommes sont murés
Tout là-bas, quelque part
Des hommes sont murés
Et c'est le désespoir
J'ai conjuré le sort, j'ai recherché l'oubli
J'ai refusé la mort, j'ai rejeté l'ennui
Et j'ai serré les poings pour m'ordonner de croire
Que la vie était belle, fascinant le hasard
Qui me menait ici, ailleurs ou autre part
Où la fleur était rouge, où le sable était blond
Où le bruit de la mer était une chanson
Oui, le bruit de la mer était une chanson♫
-Barbara- Le soleil noir - 1968 -
----♪----♫----👳♂️----🌟----👳♂️----♫----♪----
Titre oxymorique, tiré d'un poème vague à l'âme
El Desdichado de Gérard de Nerval :
Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie...
Négociant en curiosités, Baldassare !
T'as du sang d'Gênes, t'as vu le Bazar !?
Lutte mais pourquoi est-il parti sitar !?
Fallait pas qu'il s'en aille
C'était même pas son fils, Sabbataï !!?
"Toute famille devrait avoir quelque part sur terre une tour à son nom." p 487
Ordre des choses, tolérance et religions
Devenu exilé sans avoir quitté son pays
Certes guidé par quelque envie,
Pendant que d'autres ont simples lubies...
Le plus simple à Libye où t'as Liban
Aussi Tripoli chez les Ottomans
Trip au Liban à la mode de Khan
Honnête mais sans grande piété
Quête d'une Very Fiable Vérité
Guère Catholiques vs Huguenautiques
Mais non, messie, raison à l'ère éthique
Même en Coran, si Grand qu'il en perd Cent
99 epithètes ou à tribu Heth = Hittites
Jean pose un, Prophétie Apocalyptique
Une ombre à la poursuite d'un ombre !
C'est la peur qui m'fait écrire ces lignes insensées.
Je vais sécher mon encre et ranger mon cahier.
MDCLXVI, les nombres sont au complet !
1666, 11 Septembre ! Mièvre journée !
Amin Maalouf,
nous l'avait pourtant annoncé !!!?
Pas sioniste
mais passionnant 🌟🌟🌟🌟🌟
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Ne connaissant toujours pas Amin Maalouf, j’ai donc jeté mon dévolu sur Le Rocher de Tanios.
Et je ne le regrette absolument pas !
La construction du récit est originale, la plume de l’auteur est fluide et sans fioritures et le sujet ne pouvait qu’attiser ma curiosité.
Dès les premières pages, le lecteur mord à l’hameçon que lui tend Amin Maalouf : d’où vient donc cette étrange légende qui interdit à quiconque de s’asseoir sur le rocher de Tanios sous peine de disparaître ?
C’est ce que le narrateur va chercher à savoir. S’appuyant sur la mémoire d’un ancien du village et sur des documents historiques, il fera revivre l’histoire de son village au XIXème siècle. Attention car l’auteur précise bien que ces sources historiques et la légende en question sont purement fictives bien que le récit soit basé sur un fait réel. Mais pourtant, le talent de l’auteur fait que l’on y croit malgré tout.
J’ai donc été charmée par ce roman aux allures de conte avec en toile de fond le conflit entre l’empire ottoman et l’Egypte, conflit arbitré par les puissances européennes qui cherchent leur part de gâteau. L’influence britannique et sa concrétisation sur le terrain dont Amin Maalouf nous dévoile certains aspects est particulièrement intéressante. Les enjeux de pouvoir et la lutte entre les différentes hiérarchies de la politique locale sont expliquées de façon très simple et j’ai beaucoup apprécié cette imbrication du récit fictif dans un contexte historique réel. Sous ses allures de conte , c’est donc une parcelle de l’histoire du Liban qu’illustre ce roman.
Les personnages sont attachants et tous profondément humains, l’importance accordée à l’honneur est bien mise en évidence et sert de fil rouge tout au long du récit, chaque personnage cherchant à le défendre et à garder tête haute en toutes circonstances mais est contraint malgré lui de subir son destin et les épreuves qu’il lui impose. Quête d’identité, amour et exil attendent Tanios et bien d’autres personnages. C’est donc aussi toute la mentalité d’un peuple attaché à ses croyances, à ses traditions et à sa terre qui nous est montrée que ce soit dans ses travers ou dans sa grandeur.
Le roman est court et s’engloutit rapidement. Une fois en main, j’ai eu du mal à le reposer prolongeant ma lecture jusqu’aux petites heures du matin.
Bref c’est un très beau voyage auquel nous invite Amin Maalouf et je suis prête à repartir en sa compagnie à tout moment.
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Trente-cinq ans après l’avoir quitté précipitamment, Amin Maalouf ne peut toujours pas se résoudre à écrire le nom de son pays natal. Il a en lui un amour intact pour le Liban, une souffrance toujours vive et une grande nostalgie pour sa jeunesse dont il n’avait peut-être jamais aussi bien parlé que dans ce roman.
C’était les années 1970 dans un des plus beaux pays du monde, la perle de l’Orient. Ils avaient 20 ans et formaient une bande, surnommée "le club des Byzantins". Ils étaient juifs, chrétiens, musulmans et surtout, ils étaient inséparables et s’étaient promis une amitié éternelle en voulant croire en un monde meilleur. Et puis la guerre avait éclaté. Les amis s’étaient perdus de vue, chacun suivant sa voie, taisant les souffrances de l’exil pour certains et celles du doute et des rancœurs pour tous. Après des décennies d’absence, Adam, historien vivant depuis longtemps en France, revient sur la terre de ses origines. C’est l’appel de Mourad, à l’agonie mais avec lequel il est brouillé, qui le décide à faire le voyage. Adam arrivera trop tard, mais son voyage deviendra l’occasion pour lui de renouer les liens à ses racines, et surtout aux hommes et aux femmes auxquels il fut le plus attaché, quand ils étaient tous étudiants. Il tentera de les réunir de nouveau.
Certains sont restés, d’autres sont partis comme lui loin de ce qui fait souffrir (ou vers ce qui fait rêver ?). Cependant, qu’ont-ils encore en commun ces quinquagénaires aux parcours si différents ? À l’heure des bilans naissent les confidences, ressurgissent les souvenirs et cette terrible question : fallait-il rester ou ont-ils eu raison de partir ?
Amin Maalouf prend le parti d’un découpage quotidien, seize journées où se mêlent les événements que traverse le narrateur, ses échanges avec les amis perdus de vue et les notes qu’il en retient sur un carnet.
Une construction en finesse, sans pause, qui maintient le lecteur en équilibre.
Un roman, qui au fil des retrouvailles entre les protagonistes, aborde avec intelligence la mémoire, le chaos, la foi, l’argent, les pouvoirs, l’honnêteté, les trahisons, les amitiés, l’amour, les religions, les origines, la fidélité, la sensualité, la maturité, et tout ce qui peut construire un être humain et un peuple au travers de ces trente dernières années.
Un superbe roman, intimiste, dense, émouvant qui suscite bien des réflexions et qui devrait parler à tout le monde.
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♫Peut-être je vais rencontrer une dame
Quand j'irai accrocher mon âme
Sur les arêtes des rochers
Les hommes politiques l'ont bien compris
Ils promettent de beaux lendemains
Une fois au pouvoir, ils nous oublient,
ils disent "laisse faire, t'occupe de rien"
Et on attend toujours le génie,
celui qui sauve, loyal et bon
On peut faire une croix sur ce Messie,
y'a qu'un Jésus digne de ce nom
On veut des légendes, des légendes
On est en manque, on en redemande
Quitte à entrer en religion
Les sectes nourrissent nos illusions
Comme à un rocher comme à un péché
Je suis accroché à toi
Je suis fatigué je suis épuisé
De faire semblant d'être heureux
quand ils sont là ♫
Dans l'ordre, Extrait de :
Je rêve - Francis Cabrel - 1979
On veut des légendes - Eddy Mitchell & Johnny - 2006
Je suis malade - Serge Lama - 1973
Méga confusion
Paroles d'une vieille tête, un sage fou !?
Personnage de légende
chevelure blanchie
prématurement
depuis l'aube du temps
Prendre pour acquis
ce qui n'a pas encore été accordé
Présomption
que le Ciel n'apprécie guère...
L'année ou les figues mûriront en janvier
Pouvoir, puissances européennes
1840 - les faits se passent au Liban
Alliance, Druze et Chrétien
contre Empire Ottoman
Abolition des privilèges
Exécrable féodal est à terre
et le cheik est en bois
Passer des journées devant la tawlé
ou faire tric trac dans un lupanar
Tanios a teint Thamar
en jaune et l'a laissée au milieu d'un rond point
encore beaucoup de bruit pour rien...
"Toutes les voluptés se paient,
ne méprise pas celles qui disent leur prix."
p196
Aujourd'hui ton destin est clos, ta vie enfin commence
Inspirée d'une histoire vraie
meurtre d'un patriarche commis par un certain Abou-Kich Maalouf,
réfugié à Chypre avec son fils
ramené au pays par ruse d'un agent espion de l'Emir
Le reste n'est qu'impure -fiction....
Comme pour "le juif errant", se lit comme une romance
comme une pluie d'étoiles tombées du ciel,
je t'en retiens cinq et c'est mon essentiel ...
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L’année 2015 avec son lot de malheurs est dans le droit fil de ses devancières et confirme, s’il en était besoin, l’impression générale d’un 3ème millénaire débutant sous de fâcheux auspices.
L’homme de la rue est abreuvé en temps réel de nouvelles du monde entier qui se télescopent à la une de l’actualité. Démêler le vrai du faux n’est pas chose aisée et le savoir d’un homme de lettres est souvent le meilleur antidote à un début de perplexité.
Paru en 2009, “Le dérèglement du monde” de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf est à ce titre éclairant.
Le maître-mot de cet essai est celui de “légitimité”. S’appuyant sur une analyse très fine des relations Nord-Sud post seconde guerre mondiale, l’auteur affirme :
“La légitimité, c’est ce qui permet aux peuples et aux individus d’accepter, sans contrainte excessive, l’autorité d’une institution, personnifiée par des hommes et considérée comme porteuse de valeurs partagées.”
De la légitimité morale dont se croient investis les Etats-Unis du fait de leur prééminence à la crise de légitimité que vivent aujourd’hui les Arabes, Amin Maalouf s’appuie sur un véritable travail d’historien avec le Moyen-Orient pour domaine de prédilection.
Son inquiétude quant à la montée en puissance des communautarismes se complaisant dans le radicalisme religieux est très vive. La cassure entre l’Occident et le monde arabo-musulman semble difficilement réparable à court terme et la fin de “la trop longue Préhistoire” que l’auteur appelle de ses vœux n’est assurément pas pour tout de suite.
Il égrène pourtant en conclusion un certain nombre de facteurs d’espoir permettant de conjurer la régression qui s’annonce.
“Le dérèglement du monde” n’a pas pris une ride depuis six ans. Cette synthèse géopolitique se rapportant à l'histoire contemporaine, écrite avec un souci évident de vulgarisation, permet de terminer cette triste année 2015 avec peut-être un peu moins de questionnements sur le village global qu’est devenue la planète.
Rien n’est pire qu’un excès de pessimisme. Nous n’avons pas le choix : il faut croire en l’Homme coûte que coûte !
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Samarcande est avant tout un hommage au poète perse du 11ème siècle Omar Khayyam, dont les célèbres Robâiyât chantent le vin et la contemplation.
La première partie du roman concerne la vie du poète lui-même, et la rédaction de ses quatrains. Bien qu'étant l'un des hommes les plus érudits de son temps, il se tient éloigné des conflits politiques. Il ne peut cependant pas s'en couper complètement : pas toujours très bien vu parmi le peuple à cause de sa conception très personnelle de la religion, il lui faudra toujours un puissant protecteur qui lui permettra de réaliser ses travaux au calme. La vie de Khayyam est également liée aux Assassins, fanatiques religieux qui bouleversent l'équilibre politique de la région en ôtant la vie à plusieurs dirigeants pas assez souples à leur goût.
La seconde partie du livre nous emmène dans l'Iran du 19ème siècle, à la recherche du manuscrit de Khayyam. Pillée à la fois par la Russie et par l'Angleterre, le pays connaît une grande période de trouble, et est déstabilisé à chaque fois qu'il tente de s'émanciper de ses deux « protecteurs ».
Maalouf a toujours le don de nous faire vivre les événements de l'intérieur, quelles que soient la période et la région concernées, expérience d'autant plus intéressante pour un européen qui ne connaît pas grand chose de l'histoire de l'Orient. Agréable à lire, instructif : n'hésitez pas à vous y plonger !
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Le passé ne nous quitte jamais.
Adam, historien, est, de par sa profession, fervent du passé très lointain et non de ses origines ; pourtant lors du décès de l’un de ses amis d’enfance, Mourad, il va été contraint de s’y « replonger ».
Il va même « tenter » de réunir « ses » amis pourtant éparpillés de par le monde.
Les déchirements d’un pays (non nommé) par les religions.
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♪ "Il a du bobo Léon
Il porte un bandeau Léon
Il a du bobo Léon
Oh, pauvre Léon..." ♪
Une chanson m'a accompagné comme une ritournelle à la lecture de ce roman : Bobo Léon, de Boby Lapointe. Le rapport ? Aucun, si ce n'est le prénom.
Quoique...
♪ "D'abord il ne s'appelle pas Léon
Mais je ne me souviens plus de son nom" ♪
Euh... Moi si je m'en souviens (merci la couv') : Hassan al-Wazzan. Mais appelons le Léon, c'est plus simple. (♪ "J'peux pourtant pas l'appeler Hortense, Et puis ça n'a pas d'importance" ♪ )
Et puis notre Léon l'Africain a lui aussi du bobo. Obligé de s'exiler très tôt de sa Grenade natale, Reconquista oblige. De Grenade à Rome, en passant par Fès, Tombouctou, le Caire, une vie marquée du sceau de l'immigration forcée, du malheur qu'il croisera sur sa route, sous formes diverses et variées : peste, incendie, guerres, esclavagisme. Une sombre épopée dans un monde tourmenté, celui du 16ème siècle soumis à l'hégémonie des différents empires.
Un roman historique, avec une résonance dans notre société actuelle, où la question des religions n'est toujours pas stabilisée. On s'étonne même de ne pas être si surpris que ça par la barbarie de certaines scènes du passé. Résonance aussi sur la question épineuse de l'identité : "A Rome, tu étais "le fils de l'africain"; en Afrique tu seras "le fils du Roumi". Où que tu sois, certains voudront fouiller ta peau et tes prières. Garde-toi de flatter leurs instincts, mon fils, garde-toi de ployer sous la multitude ! Musulman, juif ou chrétien, ils devront te prendre comme tu es, ou te perdre."
Il y a tant à dire sur ce roman fabuleux (encore faut-il s'en sentir capable). Il est à la croisée de divers courants, philosophiques, religieux, historique... A l'image de son héros aux multiples vies, protéiforme presque : "Messire Jean-Léon, géographe, poète, diplomate à la cour pontificale". Explorateur aussi.
Le Léon de Boby termine mal :
♪ "Il s'était fait mal dans la rue
Mais on l'a soigné autre part
Et il est mort !... " ♪
Je ne dirai rien du sort du Léon d'Amin Maalouf, suspense oblige, mais je peux vous conseiller de le découvrir si ce n'est déjà fait. Un pur régal de lecture, cette biographie historique !
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♫And the Buffaloes used to say "be proud of your name"
Et les bisons disaient "Sois fier de ton nom"
The Buffaloes used to say "be what you are"
Les bisons disaient "Sois fidèle à toi-même"
The Buffaloes used to say "roam where you roam"
Les bisons disaient "Va où tes pas te mènent"
The Buffaloes used to say "do what you do"
Les bisons disaient "Fais comme tu le sens"♫
Extrait de Jimmy, Moriarty, 2007, Paroles et traduction
Je vous rappelle mon dernier livre lu,
signé du même nom que cette chanson entendue
https://www.babelio.com/livres/Moriarty-Le-secret-du-mari/697024/critiques/1463741
homonymie et traduction
véritables transitions
pour vous faire la présentation
de notre académicien et de ses plus belles convictions
sur l'Identité, du simple individu à toute une population
la Génèse et toutes les conceptions,
du cas particulier (les secrets ! que les parents taisent) à la généralisation,
terminer sur la mondialisation, et
l'hégémonisation
et les enjeux pour notre civilisation...
Mr Amin Maalouf
ou Les prémisses à une Revendication :
"Identifions-nous"
tel un certain devoir d'indignation écrit en 2010 par Stephane Hessel
ouvert à l'universalité, combat l'uniformité
Je te pressens toujours comme un futur Nobel...
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« D'un instant à l'autre, on bascule. Vers une autre vie, vers une autre mort. Vers la gloire ou vers l'oubli. Qui dira jamais à la suite de quel regard, de quelle parole, de quel ricanement, un homme se découvre soudain étranger au milieu des siens ? Pour que naisse en lui cette urgence de s'éloigner, ou de disparaitre ».
Tanios l'a ressentie, cette sensation d'être étranger. Il l'a ressentie plus d'une fois depuis son enfance. Depuis qu'on lui a lancé au visage un surnom étrange lui faisant comprendre qu'il n'était peut-être pas le fils de Gérios, l'intendant du cheikh Francis, mais le fils de celui-ci.
Il faut dire que Tanios est un habitant de la Montagne du Liban, ce territoire où se disputaient, au 19e siècle, les Egyptiens soutenus par les Français, les Ottomans soutenus par les Anglais, et l'émir à la solde du vice-roi d'Egypte. Les Montagnards, druzes ou chrétiens, se dressaient les uns contre les autres et les petits chefs des villages, les cheikhs, s'entre-tuaient ou s'alliaient.
La grande Histoire s'allie à la petite, la vérité se mêle à la fiction, et malin celui qui arrivera à dénouer cet embrouillamini.
Pas moi, en tout cas, qui ai assisté bouche bée à cet enchevêtrement de querelles, d'insultes, de coups portés en douce ou au grand jour. La vengeance n'est jamais loin, dans ce pays rude, mais l'amour y est doux et rempli de miel.
Tanios aux cheveux précocement blanchis a été mon fil rouge, et je l'ai suivi fidèlement.
Tanios, curieux de tout et au coeur pur, mêlé malgré lui au destin de ceux qui ont fait l'Histoire.
Tanios, ce jeune homme dont la légende s'est répandue et dont un rocher porte le nom.
La langue d'Amin Maalouf, toute en verve et en nuances, m'émerveille. Cet auteur libanais raconte comme personne le destin de son pays, en imaginant des stratégies de narration tout à fait vraisemblables mais en y insufflant son imagination magnifiée par des années de légendes.
Clarté et précision lorsqu'il s'agit de conflits et envolées lyriques pour parler de la nature et de l'amour, tout en Amin Maalouf me convainc que l'Orient est une contrée riche de rêves et de désillusions, de coups du sort et de batailles rangées, de vengeance et de passion.
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J'ai perdu mon Orient...
Voilà qui résume bien le bouquin et jette un coup de projecteur au titre, "Les Désorientés".
Quand avons-nous perdu la direction se demande l'auteur ?
Mais le monde a-t-il jamais suivi une direction ? Le chaos et la fureur ne résument-ils pas à eux-seuls la façon dont le chemin s'est tracé à travers les siècles ?
L'histoire se passe au Liban même si Amin Maalouf ne le cite jamais, lui préférant le terme de Levant. Mais l'histoire aurait pu se passer ailleurs, nous souffle l'écrivain.
Les bonheurs, rires, déchirements et déceptions étant apatrides.
On s'était dit rendez-vous dans 25 ans...
Portrait de la génération soixante-huitarde libanaise, éprise de liberté, d'envies, de passions, d'espoir. Une parenthèse enchantée où tout semblait possible. Les probables changements, les promesses de jours meilleurs, les révolutions pacifiques... Et qu'en est-il maintenant ?
Tant de gâchis et de renoncements...
Il ne faut pas que je vous donne l'impression que ce livre est triste et pessimiste. Ce livre ne l'est pas, toujours teinté d'ironie salvatrice et de regards optimistes sur les individus. Même les plus discutables. Partant du principe que chacun a du bon en lui.
Et c'est une magnifique galerie de personnages que nous croque l'auteur. Masculin ou féminin, chacun apporte au livre sa touche personnelle et ses couleurs.
Empreints d'humanisme et de pétillance les écrits d'Amin Maalouf, il permet à chacun d'y projeter sa vie, ses pensées, ses espérances, de s'y glisser avec délectation.
Tellement de sagesse, de profondeur et de pertinence dans les réflexions et les mots choisis.
Il faudrait que ce livre soit lu dans toutes les écoles du monde, à minima dans celles des 3 religions à Dieu unique.
L'apaisement donné pourrait y faire des miracles. D'autant que l'auteur n'épargne pas non plus son personnage principal, Adam, qui ne détient pas toutes les vérités, ne les imposent pas et se conduit, lui aussi, de façon totalement imparfaite. Ce qui rend le bouquin crédible et attachant.
D'après Amin Maalouf, le XXIe siècle sera celui de la régression. Morale notamment. Ces 14 dernières années lui donnent-elles tort ? 4/5
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Quel fabuleux périple que celui de Baldassare écrit avec un talent de virtuose et une documentation fouillée sur une époque cruelle en même temps que séduisante!
La fin de l’année 1665 annonce l’arrivée prochaine de celle qui va afficher le chiffre de la Bête et donc, peut-être l’Apocalypse. Baldassare, un génois qui vit au Liban, veut à tout pris retrouver un livre qu’il a perdu en acceptant de le vendre, livre qui doit renfermer le centième nom de Dieu qui assure salut et désirs exaucés à ceux qui le prononceraient.
Si l’intrigue est quelque peu cousue de fil blanc, la mise en scène du voyage de Baldassare par Amin Maalouf est remarquable. Il a donné l’idée à son héros de tenir un journal de voyage et celui-ci livre donc les détails du périple, les aventures multiples, mais aussi toutes les perceptions et ressentis de Baldassare. Celui-ci d’ailleurs ne cherche-t-il pas en fait le vrai sens de sa vie?
Ce livre foisonne de personnages, d'intrigues humaines, politiques, amoureuses. Il fait parcourir au lecteur une grande partie de l'Europe de Constantinople à Gênes en passant par Londres et Amsterdam.
L’écriture d’Amin Maalouf est d’une très belle ampleur, elle donne une dimension extraordinaire aux moindres faits, au moindre geste d’amour, à tous les refus et risques qui jalonnent le voyage, elle emporte le lecteur dans un univers passionnant, même si la fin ne répond pas, ainsi que c’est le cas trop souvent dans ce genre d’épopée, à toutes ses attentes.
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Je lisais les robaïats d’Omar Khayyam en me disant que ce serait bien quand même d’être moins ignare sur le contexte de son écriture, la Perse du XIème siècle, quand je me suis souvenue qu’Amin Maalouf avait écrit un livre-hommage au poète.
La première partie est biographique. Omar Khayyam n’est pas seulement poète, c’est un éminent filassouf (=philosophe), un astrologue, un mathématicien (c’est de lui que nous vient ce x symbole de l'inconnu sur lequel nous avons tant sué du temps de notre scolaire jeunesse).
S’il côtoie les puissants, Omar Khayyam a peu de goût pour les intrigues, le pouvoir. Il préfère observer les étoiles, boire du vin, écrire des robaïats. C’est bien dommage mais assez fréquent, les plus sympas répugnent à exercer le pouvoir et laissent la place aux plus terribles. Ici le refus de s’engager d’Omar fait le lit de l’implacable et fascinant chef des Assassins, Hassan Sabbah.
Et puis cette machine à remonter le temps qu’est ce roman nous transporte 8 siècles plus tard, et nous nous retrouvons aux côtés de Benjamin Omar Lesage, en quête du manuscrit de Samarcande, écrit de la main du poète.
Benjamin doit son second prénom, et peut-être même la vie à Khayyam: la première fois qu’ils se retrouvent seuls, ses futurs parents, découvrant avec ravissement qu’ils sont tous deux en train de lire les Robaïats, ont la sensation que leurs «lignes de vie venaient de se rejoindre», et c’est entre deux poèmes qu’ils se donnent leur premier baiser.
Son périple dans l’univers oriental est particulièrement intéressant lorsqu’il nous entraîne dans les turbulences politiques de la Perse, nous faisant assister à la brève victoire des démocrates, que le Tsar russe et le gouvernement anglais vont s’empresser de contrer pour préserver leur mainmise sur les richesses du pays.
J’ai aimé le côté instructif et dépaysant, je mourrai moins bête - mais, comme Omar Khayyam le disait bien avant Marion Montaigne, je mourrai quand même.
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Voilà déjà achevée ma deuxième lecture d'Amin Maalouf, et non la dernière.
L'ouvrage date de 1998, mais se montre prophétique au vu d'un vingt-et-unième siècle de tous les dangers et de tous les défis.
Amin Maalouf, dans ces Identités de lecture limpides, s'interroge sur le délicat et difficile problème du vivre ensemble dans notre village planétaire.
Comment s'assimiler sans disparaître et renier ses origine?
Est-ce que tout est à secouer du vieux tapis des traditions?
Que se passe-t-il lorsque le sentiment d'humiliation atteint son paroxysme et fait prendre feu aux peuples?
Prudence, habileté, bon sens et intelligence sont-elles encore de mise dans un monde qui galope, éclate, et dont certains points se replient?
Amine Maalouf trace des pistes, indique les panneaux dans lesquels il est si facile de retomber par facilité ou clientélisme politique.
Surtout, Amin Maalouf insiste sur la multi-identité de chacun d'entre nous, de son unicité et de son appartenance intimement liées: Toutes choses qui appellent la protection et le respect absolu des droits de l'homme et de la stricte égalité.
Tout cela semble si simple, mais apparaît comme d'une effarante complexité... Paradoxe de nos diversités.
Un livre précieux pour moi, ces identités meurtrières, comme l'est Les croisades vues par les Arabes d'un même auteur clair, érudit et inspiré.
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L'état du monde inquiète Amin Maalouf qui dans cet essai se questionne sur les raisons pour lesquelles celui-ci a tant dérivé. Où est passé le monde de nos rêves ? Pour quelles raisons, dans cette période d'évolution scientifique, technologique et économique sans précédent, se retrouve-t-on dans une telle situation de malaise moral et politique ?
Amin Maalouf appartient à une famille déracinée contrainte d'errer entre l'Égypte et le Liban, du Caire à Beyrouth, dans un Moyen-Orient désorienté. Il va s'installer en France en 1976.
L'essai commence par une courte partie autobiographique, afin d'expliquer comment l'auteur va livrer sa réflexion. Il s'inquiète de voir la dégradation qui s'est propagée partout dans le monde, à partir de son cher « Levant ». Il évoque les causes historiques de la radicalisation de l'Islam dans certains pays musulmans et son inquiétude se porte en particulier sur le monde arabe : « Ce qu'il y a de pire pour un perdant, ce n'est pas la défaite elle-même, c'est d'en concevoir le syndrome de l'éternel perdant. On finit par détester l'humanité entière et par se démolir soi-même. » Selon Amin Maalouf, c'est en 1967, avec la guerre des Six Jours, que tout a commencé. «Il y a […] un événement qui se détache de tout le reste, et qui marque un tournant décisif dans l'histoire de cette région du monde, et au-delà ; un affrontement militaire qui s'est déroulé sur une période incroyablement brève, et dont les répercussions vont pourtant se révéler durables : la guerre israélo-arabe de juin 1967.» Le monde arabe n'a jamais pu surmonter cette défaite, remplacé par un nationalisme fondé sur la religion qui a provoqué la montée de la violence et les attentats que l'on connaît, dont l’événement emblématique est le 11-Septembre. Amin Maalouf souligne l'influence accablante des appartenances religieuses qui rendent presque impossible toute tentative d'équilibre et d'harmonie.
Le livre oscille entre espoir, pessimisme et mélancolie. Lucide sur une réalité qui semble éloignée de nous, Amin Maalouf est capable de tirer une grande leçon de vie à partir de sa « petite » expérience de vie, et se livre à une réflexion concernant cette rage identitaire qui déchire la planète. Il fait une analyse assez pessimiste de la crise que traversent les mondes occidental et arabe. "Quels sont les tournants qu'il aurait fallu prendre ? Aurait-on pu les éviter ? Est-il encore possible aujourd'hui de redresser la barre ?"
La question fondamentale est celle de l'identité. Selon Amin Maalouf tous les problèmes que nous vivons sont dérivés de cette question. Il faut que les gens soient encouragés à assumer l'ensemble de leurs appartenances. Si l'on n'arrive pas à résoudre cela, comme c'est le cas aujourd'hui, on se dirige vers un naufrage. Il est plus que jamais nécessaire de tisser des liens solides entre les personnes afin de développer le sentiment d'une appartenance commune à une nation, un continent, un monde, où on peut être citoyen de plusieurs lieux à la fois.
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