Vidéo présentant le 20ème livre de l'auteure Amy Lachapelle sur le sujet de l'alcool au volant.
J’ai peur.
Pas peur comme les gens qui se sont rués dans les magasins pour acheter des denrées. Non, j’ai plutôt cette même crainte au fond des entrailles que lorsque ma mère m’a annoncé qu’elle avait de nouveau le cancer. La peur de perdre quelque chose d’irremplaçable, cette peur qu’on a quand on réalise que ce qui arrive est hors de notre contrôle, qu’on y peut rien, sauf vivre avec.
(Libre Expression, p.235)
Megan-Lee.
Prénom à consonance juste assez étrange pour que j’aie à le répéter plusieurs fois lorsque je me présente. Mes parents voulaient être originaux, mais pas trop. Ils voulaient aussi un nom qui se prononce bien en anglais, au cas où je souhaiterais mener une carrière in-ter-na-tio-na-le.
Pfff ! C’est un flop ! Mon nom de famille, c’est Beauvais… alors si je voulais que ça sonne international, il faudrait que je traduise par… Nicego ! Ha ! Ha ! Ha ! Ce serait tellement ridicule comme nom ! En plus, ces espoirs de calibre mondial que mes parents ont projetés sur moi ne vont pas du tout avec ma personnalité : je suis plutôt discrète, je gèle devant une classe lorsque je dois faire une présentation orale et mes ongles rongés au sang sont la preuve que je n’arrive pas à gérer mon anxiété. Je me cache continuellement derrière mes deux meilleures amies Anaëlle et Chloé – Ana et Clo pour les intimes – qui elles, n’ont aucun problème à occuper toute la scène lorsqu’il y en a une ! D’ailleurs, c’est ce qui fait que nous nous complétons si bien !
Par simplicité, la plupart des gens m’appelle Megan tout court. Pas « Megan-tout-court », mais bien juste Megan. Mais je n’aime pas trop, car il y a déjà Megane Plante dans ma classe, et il a aussi Méganne Jolicœur dans l’autre groupe. Sans compter Meg-Ann Gauthier, la nouvelle élève que j’ai rencontrée hier. Je passe donc de « Megan-Lee l’originale » à « Megan le nom le plus commun de la deuxième secondaire », et peut-être même de la ville entière ! Et si on veut exagérer un peu, j’irais dire de la planète ! Par chance, mes deux meilleures copines m’appellent Meggy. C’est cute et ça me fait sentir un peu différente !
Il n’y a pas que mon prénom qui soit ordinaire ; ma vie l’est aussi. Je vais à la polyvalente de mon quartier, un bâtiment brun et beige très banal et construit en labyrinthe, j’ai des notes acceptables dans tous mes cours, sans être la bollée ; et ça me convient, car je ne sors pas trop du lot. Comme je disais, j’aime bien passer inaperçue…
"On doit vivre avec les conséquences de ses gestes." Cette phrase de ma mère tourne en boucle en ce moment.
Nous venons de terminer de tout embarquer dans la voiture. J’ai le cœur gros. Encore une décision que mes parents ont prise sans me consulter. D’habitude, ils tiennent compte de mon avis! Semble-t-il que c’est pour notre bien, pour que mon père fasse plus de sous, que nous soyons loin de la ville, que je fasse moins de bêtises… Je ne suis plus une gamine, je ne veux pas qu’on m’impose des choses que je ne veux pas faire! J’ai 13 ans quand même. Semble-t-il qu’ils n’ont pas digéré la dernière fois que j’ai…
— Khelia, dépêche-toi! On doit partir, me répète mon père pour la dixième fois.
Je vais m’ennuyer de mes amis, de Kassandre surtout. Elle m’a fait promettre au moins mille fois de l’appeler souvent. C’est sûr que je vais l’appeler égulièrement. Elle est mon amie depuis toujours. Depuis le plus loin que je me souvienne, nous sommes voisines. Ça me rend hyper triste de la laisser ici et de déménager dans un endroit qui ne me plaira même pas, j’en suis sûre.
Les parents, des fois, ne réfléchissent pas aux conséquences de leurs gestes. Surtout que c’est ce qu’ils nous demandent de faire tout le temps.
Maman kaki
Debout
Vêtue de son uniforme
Fière
Et moi aussi je suis fière
Parce qu'elle est forte, ma mère
Comme un petit soldat de plomb
Peut-être
Qu'au coeur de la parade
Elle se fond parmi les autres militaires
Mais pour moi
Elle s'élève et brille
Ses rayons sont plus forts
Ses pouvoirs sont super
Elle me protège
Toujours en train de me rappeler que je suis plus jeune, celle-là ! Je le sais, voyons ! Et ce n'est pas parce que je suis plus jeune que mes problèmes sont moins importants !
(…) Fred et moi arrivons à oublier cette pandémie qui vient de s’immiscer sournoisement dans notre vie et à mettre nos soucis de côté pour le reste de la soirée.
Je sais très bien qu’ils seront là à nous attendre dès demain à notre lever. Parce que c’est comme ça, les soucis. Ça ne va jamais bien loin.
(…) mes yeux rencontrent les siens d’un bleu perçant. Ma mère aurait qualifié ce regard de foreur d’âme.
À Ville-Marie, il y a assez de chambres pour les patients... On ne les corde pas dans le corridor.