Je sais bien que les gens continuent à lire des livres aujourd'hui et que certains adorent ça, mais en 1946 dans le Village nos sentiments pour les livres - je parle de mes amis et moi-même - allaient au-delà de l'amour. C'était comme si nous ne savions pas où nous finissions et où eux commençaient. Les livres étaient notre climat ambiant, notre environnement, nos vêtements. (...) Ils étaient pour nous ce que furent les drogues pour les jeunes des années soixante.
« Delmore et Clem étaient différents. Plus jeunes Dwight, ils faisaient partie de la première génération livresque d’auteurs américains. C’étaient des intellectuels-écrivains au sens où Faulkner, Hemmingway, Fitzerald – et la génération avant eux – ne l’étaient pas. Même Joyce n’était pas un intellectuel à ce point-là.
Ca m’inquiétait, ce côté érudit chez eux. J’avais peur de ne jamais pouvoir être au niveau. Je n’avais pas la patience de passer des journées entières à lire. J’étais trop agité. Et trop attiré par le monde. Je lisais seulement pour ce que j’avais besoin de savoir, ou ce qui me procurait du plaisir ; jamais par une sorte de faim abstraite de connaissance. Et puis je me méfiais de l’érudition. »
"En 1946 dans le Village nos sentiments pour les livres - je parle de mes amis et de moi-même - allaient au-delà de l'amour. C'était comme si nous ne savions pas ou nous finissions et où eux commençaient. Les livres étaient notre climat ambiant, notre environnement, nos vêtements. Nous ne nous contentions pas de lire des livres : nous devenions ce qu'ils étaient. Nous les absorbions et en faisions l'étoffe de nos propres vies. Il serait facile dire que nous nous évadions en nous. Ils étaient pour nous ce que furent les drogues pour les jeunes des années soixante. »