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Critiques de André Blanchard (19)
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A la demande générale : Carnets 2009-2011

Je poursuis avec beaucoup d'attention et de plaisir la lecture de cet auteur "fou- passionné" , "doux-dingue" de littérature, d'écriture...en décalage volontaire de la société et de ses congénères !....



"2011-Puisons dans la littérature, elle qui est le répertoire universel de la vie." (p. 149)



C'est l'une des grandes jubilations des carnets de cet écrivain de lire ses émotions et et ses réactions très enthousiastes ou virulentes, à ses nombreuses lectures. Gardien dans une galerie d'art contemporain, dont il se moque allègrement... lui permettant toutefois de "gagner sa vie" et d'avoir un poste d'observation privilégié vis à vis de ses contemporains !!



Amoureux des chats, d'écriture et de littérature, l'auteur épingle aussi ses congénères ainsi que les dysfonctionnements , les injustices de son époque...



Il détaille plus longuement dans ces carnets , ses lectures, revient à ses "chouchous":

Proust, Montherlant, Mauriac, Flaubert, Baudelaire, Julien Green, Calaferte...sans omettre des découvertes personnelles que j'ai faites:

-"Frappes chirurgicales" de l'écrivain roumain, Dumitru Tsepeneag

-"Ce camp retranché en France" de Jean-Pierre Otte

-"Bonjour Monsieur Courbet" de Jean-Pierre Ferrini

-"Le Marécage" d'Alain Dulot

- "Fleurs et couronnes" d'Ariane Chemin, etc.



Un ton toujours aussi caustique, critique tant sur notre société que sur le monde des Lettres et de l'édition. ...Un plaisir constant à lire cet écrivain marginal ...à l'humour "décoiffant"...



"2010-Le ciel n'est pas au-dessus de nos têtes pour que nous la baissions. Capito ? " (p. 122)



"2011-C'est avec ce que nous n'avons pas eu, que nous écrivons. (p. 237)"



@Françoise Boucard-Décembre 2019
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Bon qu'à ça

Librairie- édition du Dilettante- Plade de l'Odéon- Parus - 8 juillet 2023



Quelle ne fut pas ma joie de découvrir, en rentrant dans la librairie de Dominique Gaultier

( fondateur des éditions du Dilettante ) une nouveauté ayant

vraiment " son pesant d'or": l'intégrale d'un écrivain que j'affectionne tout particulièrement : André Blanchard, une sorte de

" voisin solidaire " et souvent proche de Paul Léautaud !



Je vais pouvoir découvrir les textes publiés par Erti entre 1992 et 2004..qui me sont inconnus, ayant fait connaissance avec cet écrivain atypique, (*descripteur lucide et fort caustique de notre société et de ses travers..) à travers les seuls "Carnets de bord" édités par le Dilettante....

Ce qui représente déjà plusieurs volumes foisonnants d'amour de la Littérature et des écrivains, sans omettre ses flots de mots d'humeur tonitruanrs envers une société trop formatée , trop uniforme...où rien ne dout dépasser !

Un homme inclassable, qui ne souhaitait surtout pas rentrer dans une case quelconque...



Seuls phares dans sa semi- traversée du désert du monde des Lettres : ses passions exclusives pour l'Écriture , son travail d'écrivain qui le tient debout....son enthousiasme inaltérable pour les Livres et la Lecture...dont il nous fait partager ses coups de coeur ainsi que ses auteurs préférés l'accompagnant depuis toujours....(** parmi ceux- ci: Mauriac et Léautaud).



D'ailleurs, il y a une sorte de Dictionnaire très personnel et jubilatoire "Un siècle d'ecrivains", fort jubilatoire , allant des figures les plus célèbres à ceux oubliés ou tombés dans de durables " purgatoires" de Romain Gary, Albert Camus en passant par Paul Benoit, Suarès, André de Richaud , Roger Martin du Gard., Étiemble...en ne se privant pas de se moquer des modes littéraires et des goûts du moment...ainsi nous trouvons à



"Paul Jammes : le croirait-on, qu'il fut vénéré et par Proust, et par Gide, et par Mauriac!

Il aura suffi qu'après lui surgisse un Valéry, et que la France de l'Angélus se meure, pour qu' Orthez disparaisse des hauts -lieux littéraires. Comme quoi, il ne faut jurer de rien ! Et peut-être pas qu'un jour ses Élégies et autres poésies bucoliques n'attirent à nouveau un public, comme les ruines antiques."



Ce précieux " Pavé " iconoclaste...aussitôt acquis , a pris depuis le 8 juillet et ceci pour quelque temps la place unique et très spéciale de

" LIVRE de CHEVET "...dans lequel je me plonge au hasard...

Son caractère rebelle , réactif , lucide , souvent grinçant à tout ce qui l'entoure , et ce qu'il observe et lit...garde une fraîcheur incroyable et réveille bénéfiquement " nos assoupissements" éventuels !!?



Je laisse la parole à son deuxième éditeur, Dominique Gaultier, dont la déclaration ne peut qu'émouvoir , tant elle exprime le fort acrobatique travail d'éditeur devant défendre les écrivains de son choix tout en étant " talonné " par les pressions économiques et nécessité de rentabilité minima !!



"Cher André,



Voilà près de 40 ans que je frime en rappelant ce qu'est un dilettante sur tous les rabats de livres que je publie:

" Personne qui s'adonne à une occupation, à un art en amateur, pour son seul plaisir. Personne qui ne fie qu'à l'impulsion de ses

goûts. "

Avec vous, pourtant, j'ai dérogé à cette règle : je me suis préoccupé de trésorerie plutôt que de plaisir et vous avez pâti de ma mesquinerie.

En 1988, petit éditeur famélique, j'ai reçu votre premier manuscrit par la poste.j'ai été emballé, je l'ai publié.

C'était un carnet de pensées, de lectures, de réflexions, de libertés, autant dire le carnet d'un dilettante. D'ailleurs c'était son titre: " En dilettante ".

Nous le rebaptisâmes " Entre chien et loup"



J'étais emballé, mais j'étais fauché, et lucide aussi, il faut bien l'avouer- Des carnets, les carnets d'un inconnu...à qui diable allais- je pouvoir les fourguer ?- Aussi vous ai- je demandé, à l'avenir, de songer plutôt à un roman.

Vous demander un roman ! Qu'est-ce qui m'a pris ?

Vous avez essayé, je vous ai refusé et je vous ai perdu.Vous avez écrit d'autres carnets que d'autres ont publiés et que personne ou presque n'a lus.Quel dommage ! J'aurais dû vous faire confiance. Je n'aurais sans doute pas réussi beaucoup mieux sur le plan commercial, mais, du moins, vous aurais-je épargné cet humiliant refus, et à moi, le ridicule.



Aujourd'hui que je suis moins fauché grâce à des romans que je n'ai jamais eu à réclamer, je peux enfin réparer cette bévue : ce précieux volume contient tout ce j'aurais dû éditer. Vous n'êtes plus là pour le voir, hélas, mais je vais me battre pour vous trouver les lecteurs que vous méritez.



Pardonnez- moi, cher André, tout ce temps perdu.



Dominique Gaultier "



*** un texte bouleversant d'honnêteté ,de désir de" réparation ", et d'hommage d'un éditeur à un de ses auteurs toujours dans son estime et son admiration.un Mea culpa suffisamment rarissime de la part d'un éditeur pour le souligner.. !



Mon souhait le plus vif serait que cette intégrale d'André Blanchard connaisse une augmentation d'audience, le double bonheur, certes, pour les anciens " aficionados "fidèles et l'émergence de nouveaux lecteurs ...



C'est dans cet espoir que je rédige rapidement, bien que ma lecture soit toujours en cours, ce billet...

Rien de tel qu'un temps de vacances ou de plus grande disponibilité pour ne pas être " terrorisé " par les presque 1000 pages" de cet écrivain, à l'esprit mordant irrésistible ...esprit caustique, grinçant dont il ne s'épargne pas lui-même...
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Autres directions : Carnets 2006-2008

« C'est cela, lire: être accueillant, tout visiter afin de mater nos préjugés, voire en débusquer, sans quoi on reste et crotté et encroûté. (p. 27)”. Juste cette simple phrase…et tout est dit de l'Amour fou d'André Blanchard pour la Littérature !



Je replonge avec jubilation dans sa prose , tour à tour, acide , ironique, tonique , moqueuse, exaltée, polémique, passionnée, rieuse, désabusée …Pas de temps mort !!!



Humour potache, mauvaise foi dans ses coups de coeur ou de coups de gueule, mais ce n'est pas grave… C'est tout le charme de cet écrivain aussi talentueux que discret et rebelle. Ce n'est pas pour rien qu'on le qualifie de digne «petit- neveu de Léautaud » !!...



Lui aussi, amoureux des chats, chineur invétéré des brocantes [ nous offrant ainsi la "résurrection" d'auteurs "mal-aimés", qu'il lit ou relit avec attention], misanthrope confirmé...,"ange-gardien" dans une galerie d'art ,municipale, pour vivre...[ce qui nous vaut des morceaux savoureux et des descriptions moqueuses des organisateurs, artistes et tutti quanti !!]



Cela reste drôle, jubilatoire, car l'auteur égratigne tout et tous : nos comportements quotidiens, les comédies du monde littéraire, la politique, … La Comédie humaine, en somme !...

Tout est passé au crible au fil de ses humeurs. Reste le bonheur absolu de son goût constant, authentique de la littérature, lisant sans cesse, relisant beaucoup (en dehors des modes et des courants du moment)… Comme à chacun des Carnets, je fais des découvertes des plus réjouissantes ; la plus savoureuse est celle de l'auteur italien, Arbasino , qui fut également l'éditeur d'italo Calvino…Et comme j'ai un goût immodéré pour les livres qui nous amènent à d'autres livres… Ma prochaîne lecture sera celle de la prose d'Arbasino ! !



« Je lis -Paris, ô Paris- d'Alberto Arbasino, l'auteur promène ses vingt-ans dans le Paris artiste des années cinquante, et du côté de chez ceux qui vitaminent son idéal: les écrivains. Cela se comprend, les écrivains tenaient encore le haut du pavé, et leur prestige semblait à jamais de l'or en barre. (...) Soyons la petite souris. -Céline (en 1957): fringué clodo mais l'esprit toujours sur son trente et un, passant au crible ce qui seul lui tient à coeur, la littérature, se désolant qu'elle soit depuis longtemps devenue chromo à cause de la langue "desséchée par les académiciens et les jésuites" (...) (p. 139)



Toutefois, si André Blanchard m'a fait découvrir un certain nombre d'écrivains méconnus ou délaissés, il aura aussi induit des relectures… et dans ce volume, cela aura été Simone de Beauvoir… dont j'ai repris la lecture de « La force de l'âge ». Si l'auteur a une mauvaise foi certaine, par moments, il possède aussi une qualité indéniable : une honnêteté intellectuelle, reconnaissant humblement que souvent on « déboulonne les idoles »…qu'il est cependant parfois nécessaire et équitable de « les re-boulonner « !!!



Fin lettré, misanthrope joyeux… et passeur de textes, des plus convaincants. .. !



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Pèlerinages

Commandé à la Librairie Caractères/ Corentin Celton- Issy- 21 décembre 2020- Relecture le 28 mars 2024



**Toujours la même jubilation à relire les carnets d' un très proche" parent d'adoption" de Paul Léautaud !...



En me plongeant dans les grands rangements de printemps, je me rends compte tardivement que j'ai omis de "poster" une chronique sur ces Carnets d'un écrivain dont j'aime beaucoup l'esprit, la causticité, la verve,et toujours Et encore son amour immodéré pour la Littérature, qu'il nous fait partager , avec jubilation...



Il nous redit son enthousiasme pour Léautaud, Barrès,....mais aussi et surtout son admiration sans faille pour l'écrivain rebelle , qui lui a ouvert vraiment la voie et inspiré.Des passages particulièrement émouvants sur "son idole", Louis Calaferte ..



" le Chemin de Sion" , premier volume de ses " Carnets", si j'ai pu écrire qu'il m'avait sauvé, c'est en ceci: n'arrivant à rien de valable dans mes écrits romancés alors que les années quatre-vingt étaient déjà là, et ma trentaine idem, sinon indemne, j'ai reçu ce livre comme une révélation, j'avais devant les yeux la preuve qu'il était possible, à condition que le talent suive, de composer quelque chose de costaud avec des fragments, avec des notes à partir de pensées, de lectures, d'humeurs et, d'une façon générale, à partir de ces sensations dont nous récompensent ou nous accablent la vie et le monde, bref, Calaferte m'a émancipé, m'a ouvert l'horizon, ce fût comme une bénédiction, et son livre, une sorte de viatique vers le pays d'où on ne tient pas à revenir, vers cette littérature qui démode la vie.C'est pourquoi je suis ici.



Chose originale, il n' y a pas de date sur la tombe.J'imagine très bien Calaferte avoir décidé cela dans un éclat ou de rire ou de voix:

- On s'en fout des dates ! "



Sinon, comme chaque fois, ses coups de gueule, ses mouvements d'humeur ou de joie; là, sa colère la plus véhémente est dirigée plus particulièrement contre la guerre, et nommément contre la Grande Guerre, cette horreur absolue, et ses Monuments aux Morts qui le font sortir de ses gongs...



On relit les échos d'une époque révolue, d'une actualité perçue à l'aune de l'esprit alerte et critique de notre " montagneux- écrivain ", ....



Je me permets d'ajouter une de ses longues envolées touchant un auteur qu'il affectionne et que l'on ne lit plus guère : Maurice Barrès...



"Nous ne sommes plus à l'époque où Barrès menait croisade pour la sauvegarde des églises de France, en passe d'être châteaux de cartes.Elles étaient en souffrance- d'être inscrites au patrimoine national.Ce fut à ce titre-là, tout de respect pour les monuments qui identifient

l' Histoire, et non en rabatteur de la foi, que Barrès donna de la voix.Il ne pouvait pas ne pas y toucher sa touche, d'ordre sentimental et poétique, envers la plus noble des occupations humaines, la méditation ; et la moindre église de village remplit cet office, en plus de l'autre.Illustrons.Face à ce qu'il y a " d'incompréhensible et d'implacable dans la destinée humaine", selon ses mots, Barrès s'incline, et s'il veut sauver les églises, c'est pour "laisser aux facultés émotives le temple silencieux où elles s'apaisent depuis des siècles ".C'est du Bach."



Comme on pourra le constater très vite, les pèlerinages d'André Blanchard, n'ont rien de "catho"..ni de religieux...ces pèlerinages sont joyeusement, férocement des évocations, ainsi que des exercices de mémoire" laics" et " mécréants " à souhait !!!













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Un début loin de la vie

Je poursuis avec beaucoup d'attention et de plaisir...Un auteur "fou-

passionné" , "doux-dingue" de littérature, d'écriture...en décalage volontaire de la société et de ses congénères !....

"1986-mars

Quand nous écrivons, plus rien n'existe. En somme, nous nous supprimons du monde sans avoir besoin de nous détruire. C'est un privilège qui classe la littérature." (p. 294)



Je poursuis ma lecture des carnets de André Blanchard... ceux-ci ont été récemment édités, alors qu'ils reprennent les débuts de ses carnets entre les années 1978-1986.



"Jeudi 6 juillet [1978 ]

C'est l'année de mes vingt-sept ans. Il faudrait peut-être que je me décide maintenant à accélérer le rythme, et à me coltiner la question essentielle qui m'échoit : qu'est-ce je vais bien pouvoir faire de cette vie ? (...)

Que vais-je devenir ? Cette incapacité à trancher dans le vif , c'est tout moi. En somme, il n'y a que dans l'indécision, que je ne suis pas un dilettante." (p. 79)



On retrouve ses admirations inconditionnelles pour Cioran, Flaubert, Proust, Calaferte, Mauriac, Julien Green, José Cabanis, etc., son indécision, son refus d'une carrière, la maladie qu'il doit assumer, ses grandes difficultés à être publié, ses petits boulots, son regard critique sur notre

monde, déjà en crise économique et sociale... Comme cette remarque qui date de 1982....malheureusement toujours d'une actualité brutale !



"Nous vivons une époque décidément inouïe : quelqu'un que je connais, bac + 3, qui était sans travail, vient d'entrer aux Ponts et Chaussées, sur concours, pour un poste de ...cantonnier ! Et la sélection fut des plus sévères vu le nombre de candidats pour un seul poste, et vu le niveau de ceux-ci, beaucoup de diplômés comme lui !

Tout arrive : cantonnier, naguère l'égal de l'idiot de village, devient une sorte de notable parmi les manuels..." (p. 174)



Désabusement, autodérision; Pour André Blanchard, seules, L'écriture et sa marginalité d'"observateur" font lien avec le monde extérieur...

Il n'en reste pas moins que ces carnets sont "jubilatoires" car il défend les écrivains qu'il admire ; il nous offre un regard acéré sur notre société -spectacle...celle des apparences et de la réussite sociale ! Un regard franc et tonique...qui secoue tous les petits conforts...



Une phrase a retenu mon attention, tout en me faisant sourire, car l'auteur l'a écrit alors qu'il a 34 ans ; En dehors de l'écriture , A. Blanchard ne parvenait pas à adhérer à un projet professionnel quelconque, ni à cette société dans laquelle il se sent "déplacé"....:



"J'en suis encore à me demander ce que je ferai quand je serai grand ! " [1985 ] (p. 261)



@Françoise Boucard-Décembre 2019
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Contrebande : Carnets 2003-2005

" 2004

Mes-Carnets- sont plus parents du recueil de moraliste et de chroniqueur que du journal, dont la raison d'être est de raconter des journées; moi, par le truchement des -Carnets-, je tâche au contraire d'oublier les journées en leur substituant de quoi exister sans avoir à les vivre." (p. 105)



Selon l'expression familière "Quand on aime on ne compte pas" !...

c'est le cas de mon engouement pour André Blanchard dont je poursuis la lecture des Carnets...



"2003-

Un écrivain ne vous apprend pas à vivre; au mieux vous aide-t-il à continuer." (p. 40)



Etudiant en droit, très brillant était bien parti pour avoir une position sociable enviable, mais surprise... il regimba, ne voulut d'aucune manière rentrer dans le moule, préféra les petits boulots et le chemin ingrat de l'Ecriture ! Une difficulté à vivre, à adhérer à l'existence....



"2004--Depuis que j'ai l'âge raison, s'est-il trouvé un matin où j'ai été bras ouverts, donc pote avec la vie ? Me poser la question y répond. Mon mouvement instinctif, celui où de tout temps je me suis reconnu, aura été de recul." (p. 142)





Esprit acide, caustique, ironique , il n'y a que ses lectures qui le transportent, le mettent en joie [ sans oublier une compagne aimée et

soutien discret, constant]...Sinon, il observe ses contemporains et nous offre son regard très critique sur son époque !



Comme je l'exprime très fréquemment... j'ai un faible pour les livres qui amènent à d'autres livres. André Blanchard m'aura fait découvrir Christian Guillet [ avec "L'Adoration perpétuelle"...que je note dans mes lectures de 2020...] et Colin d'Amiens, peintre-écrivain, au destin tragique...



Je réitère mes remerciements au Dilettante d'avoir publié cet esprit libre et atypique, pour qui l'Ecriture était TOUT.... !



@Françoise Boucard-Décembre 2019
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De littérature et d'eau fraîche. carnets 1988-1..

"1988- Janvier

Désormais, fini de jouer l'ingénu: je garde sous le boisseau mes voeux de premier de l'an. Que la nouvelle année

n'attende rien de moi. Faisons comme si nous ne connaissions pas- ce qui ne va pas être dur. Et si d'aventure nous avons à traiter affaire ensemble, il sera assez tôt pour les présentations :

-1988 ? Ah ! Enchanté ! Moi, c'est Blanchard, avec un d'comme déchéance , etc." (p. 9)

Cette première citation donne assez justement le ton de ces carnets de 1988-1989: l'auteur, un ancien brillant étudiant en droit abandonne l'idée de carrière, d'une vie toute tracée, en dehors des rails, obsédé par la littérature et l'écriture...marqué par une enfance dans le noir "Le noir, je suis tombé dedans quand j'étais petit, fourré dans les jupes d'une veuve et les soutanes. Qu'on n'est pas sur terre pour être heureux, me l'a-t-on assez dit. " [ "Contrebande" ,carnets 2003-2005], et la perte prématurée de son père.

On ressent très fort sa difficulté extrême à adhérer à la Vie.Seules, L'écriture et sa marginalité d'"observateur" font lien avec le monde extérieur...

Il n'en reste pas moins que ces carnets sont "jubilatoires" car il défend les écrivains qu'il admire ; il nous offre un regard acéré sur notre société -spectacle...celle des apparences et de la réussite sociale !



Une découverte assez récente [2016 ] de cet écrivain, hors des médias, mis à l'honneur et publié par le Dilettante depuis plus de 30 années...Je salue et remercie, en passant, cet éditeur !



Comme tout carnet, une large part de mauvaise foi et de subjectivité... André Blanchard parle beaucoup de l'Ecriture qui occupe sa vie, de ses lectures, de sa passion inconditionnelle pour Marcel Proust...de sa détestation des critiques littéraires, de la Littérature -spectacle, de l'actualité, des comédies représentées par tous les pouvoirs [ que cela soit le gouvernement, ou le parisianisme mondain du monde de l'édition ] ...Personne n'est épargné !!

André Blanchard a le don de la formule... de l'image qui frappe :

"Avril 1988

Ce qu'il y a de plus réussi sur terre ? le ciel. (p. 45)....



Un esprit, un ton, ...entre Jules Renard, et Léautaud !!



@Françoise Boucard-Décembre 2019



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[***ouvrage demandé à la Réserve de ma médiathèque et emprunté- Décembre 2019 ]
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Le Reste sans changement

Une découverte jubilatoire de pur hasard...au fil des flâneries papivores de toutes sortes !!



Un nom des plus communs: "André Blanchard !!"... Ce qui l'est nettement moins, c'est son ton caustique jusqu'à l'humour très, très noir...en passant par l'ironie grinçante, et le désabusement !:



"Hiver

Comme s'ils débarquaient d'une autre planète, il est des gens qui, après m'avoir dit "Il paraît que vous écrivez ?" y vont de cette question vaseuse: "Et où peut-on trouver vos livres ?"; d'où mon envie de répondre :

- Au magasin de farces et attrapes. "(p. 61)



L'auteur disparu , en septembre 2014, a visiblement noirci pendant plus de 25 ans, des carnets et des carnets, édités par le Dilettante: impressions au jour le jour, entre compte -rendus de livres, sympathies, antipathies, admirations pour des écrivains passés et présents, commentaires divers sur l'actualité, la politique, l'évolution des mentalités...



"Je trouve excessif qu'on salue chez un écrivain sa liberté de ton. C'est un minimum. Pour y prétendre, et s'y maintenir, il faut certes un postulat: se foutre des ventes et autres récompenses, ne jamais ménager quiconque a du pouvoir ou de l'entregent. Conclusion: soit être pété de thunes, sans n'avoir pas de train de vie.

Que la littérature, elle , vive à crédit. "(p.144)



Un carnet où on trouve une belle et énergique défense de la littérature; cela ne l'empêche pas d'avoir certains jugements acerbes sur certains écrivains que j'apprécie: Annie Ernaux, Charles Juliet... mais curieusement sa liberté de ton reste jubilatoire.Des "envolées enthousiastes" sur la Correspondance de Flaubert, Zola, Duteurtre(cf. "La Rebelle", plus particulièrement...),Léautaud, etc





" (22 mars) Un livre dans la boîte à lettres, c'est l'égal d'un matin au pied du sapin. "

(p. 91)

Cet écrivain ne mâche pas ses mots; il épingle ses contemporains, ainsi que toutes les conventions et l'ordre établi !!



Il est aussi beaucoup question dans ces lignes du "Spleen" dans le plus noble sens baudelairien....



[P.S: parenthèse mineure et toute personnelle, je sais gré à cet auteur d'avoir exprimé un compliment fort mérité envers une collection de Gallimard, que j'affectionne au plus haut point: "De J.B. Pontalis, mort en janvier, je n'ai rien lu.

Je n'ai donc pas d'avis sur sa postérité. Malgré quoi, ce qu'on peut d'ores et déjà porter à son avantage, décisif, ce fut d'avoir créé la plus belle collection de littérature contemporaine, "L'Un et l'Autre-" (...)Comme la collection doit compter une centaine de titres, j'ai de l'admiration qui m'attend" (p. 80)]
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Carnets, Tome 1990-1992 : Messe basse

« Juillet 1992--

J'entends bien ce qu'on veut dire par "écrivain autodidacte": celui qui s'est fait loin de toute école. Il n'empêche qu'il y a là de quoi pouffer; un vrai écrivain est par définition un autodidacte, car ce qui le distingue, c'est précisément ce qui ne s'apprend pas. « (p. 207)



Un titre des plus réussis, car il joue sur plusieurs "significations" : religieux, image ironique pour exprimer des choses en catimini, toujours jubilatoire car l'auteur est fidèle à lui-même, cultivant la mauvaise foi, comme deux de ses auteurs de prédilection: Paul Léautaud et Jules Renard....



Tout est presque dit… Notre écrivain, il s'en tape des études, des plans de carrière, des mondanités et ronds-de-jambe du Monde des lettres parisiennes !!! Il s'en tape et c'est peu de le dire… Il n'aime qu'ECRIRE… il persiste, il souffre, il dure et il s'obstine … car c'est toute sa vie… et presque tout le reste, il s'en tape… hormis sa compagne K., enseignante et sa première lectrice convaincue…son chat… ses livres… et puis pour tout le reste…BASTA… Il aime et ne peut pas vivre sans la LITTERATURE…mais les humains, et surtout la société l'enquiquinent…au plus haut point !



Ouvrage épuisé… j'ai profité de constater avec plaisir que la Réserve Centrale des Bibliothèques de la ville de Paris possédât ces carnets couvrant les années 1990-1991, alors que notre « ours mal léché » fêtait ses 40 ans, malgré de gros soucis de santé… il traversait une période de doutes plus violents, entre les refus successifs des éditeurs de publier ses « Carnets », et son obstination à « être écrivain et un écrivain de préférence publié » !!! , même si il ne veut pas se plier aux simagrées ultérieures, commerciales !!



Ce diariste et « misanthrope aimable », ainsi que l'a défini son éditeur,Dominique Gaultier [Le Dilettante ], André Blanchard est un écrivain loin des cercles parisiens, atypique, ronchon, dévoré par sa passion de l'Ecriture et de la Littérature, il n'épargne personne dans le monde des Lettres, quand il n'aime pas, il l'exprime sans ambages ; de même, quand il s'enthousiasme… Je l'ai souvent exprimé dans mes chroniques, j'ai une sympathie profonde pour les livres qui mènent à d'autres livres-trésors !!. Ce n'est pas pour rien qu'André Blanchard a eu droit à une filiation assez juste : « Petit-neveu de Léautaud »…



Comme je l'ai déjà formulé précédemment, ces années 1990-1992 sont empreintes aussi de nombreuses phases de découragement, tant par les soucis de santé ,à répétition, que par les refus des éditeurs…et la recherche de petits boulots alimentaires !

Toutefois « notre trublion » persiste, poursuit la rédaction de ces « Carnets », qui le maintiennent debout, en butte avec ce travail d'écriture, dont il ne peut se passer, qui lui offre un « destin », ce « destin » qu'il ne rêve que dans le travail avec les MOTS…, une respiration vitale !



Choix très réussi du titre, entre la consonance religieuse,et le double sens : exprimer des choses en catimini…Titre correspondant parfaitement au ton de ces « Carnets »…

Un ton jubilatoire, caustique, mordant… désabusé…polémique sur la Vie et ses congénères !! Une mauvaise foi…des antipathies aussi vives que ses enthousiasmes… Mauvaise foi parfois incroyable comme celle entretenue par certains de ses auteurs préférés : Léautaud, Jules Renard…

L'ensemble reste tonique et drôle… proclamant surtout une liberté de pensée et de parole…indéfectibles ! …

Il parle merveilleusement des textes qui le surprennent comme un écrit de Dagerman… envers lequel il exprime en très peu de lignes, un coup de coeur, le surprenant lui-même…Ses enthousiasmes deviennent « nôtres », tant ils sont communicatifs…



« -Les Ennuis de noce de Stig Dagerman. Je me suis trouvé nez à nez avec un genre d'écriture que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam, et qui, sans crier gare, vous fait circuler pleins gaz dans la tête des personnages, de but en blanc. Sont-ce des façons, être ainsi embarqué sans savoir qui est qui ! Seulement, le temps que je fulmine et songe à prendre la tangente, c'était trop tard. Et ce fut une fameuse traversée. “(p. 109)



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Pèlerinages

Lieux dits.

Revenir à André Blanchard au gré de Pèlerinages laïcs, c’est remonter à la source de ses propres souvenirs car ce que l’auteur approche de manière stylée et personnelle nous touche à bien des égards, du parcours en deuche aux rêveries bucoliques, de l’errance professionnelle au goût des mots. Tout un itinéraire se dessine à la pointe fine avec une langue bien tournée, chantournée même, la métaphore en embuscade, prompte à jaillir avec légèreté, l’humour et l’ironie en cartouchières croisées. L’auteur est un traqueur patraque. Le passé n’a pas d’épaisseur et les souvenirs ont perdu leurs points d’ancrage. Où est passé le camelot hâbleur des foires séculaires ? Qui se souvient du groupe Ange des années 70, « des troubadours, un peu allumés, des souffleurs de vers », « délocalisant la bohème en rase campagne », sorte d’« underground du terroir » ? Qui oserait placer Pierre Desproges entre Proust et Balzac dans ses préférences lors d’un pèlerinage au Père-Lachaise ? André Blanchard en parle avec justesse et avance avec lucidité : « Un tel artiste en enterre toujours d’autres, même à venir ». Le lecteur que je suis se laisse porter une nouvelle fois par une écriture vive, enjouée et maîtrisée, hors des modes et du temps mais parfaitement chevillée à son époque.
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Autres directions : Carnets 2006-2008

Flairer et dénicher les maîtres-livres.

Les carnets d’André Blanchard paressent à bonne allure. Avec ce nouvel opus intitulé Autres directions, on atteint les années littéraires 2006-2008, beaucoup plus fraîches à l’esprit. Hélas, comme l’auteur dans ses tergiversations azimutées, le lecteur marque le pas et cherche l’autre direction prônée dès le titre, mauvais au demeurant. Peut-être s’agit-il d’une pause avant une nouvelle attaque du terrain, nécessairement miné, de la vie littéraire vue depuis Vesoul ? André Blanchard reprend-il des forces avant d’amorcer un virage le propulsant dans l’actualité littéraire autrement plus délicate à commenter. Il faut atteindre la page 96 avant de goûter à la justesse du coup d’épée du Dédé qui jamais n’abolira le bazar. A propos de Nourissier, François, emporté dernièrement par Miss P., Blanchard écrit : « Nourissier, type d’écrivain au-dessus de ses moyens… ». Être lapidaire, c’est lapider et Nourissier vient de se manger une grosse pierre dans la tête, tombale, enterré avant l’heure, ici-bas. La suite des carnets devient ensuite bien plus nourricière, roborative même. On y découvre des auteurs en passant et l’envie de s’attarder devient très forte, ainsi de Kazimierz Brandys, exilé polonais, qui sait « peser au plus juste le prix des choses » et pour qui « la culture remplace la religion », ce qui « se paie par l’angoisse mais vous vaccine contre la haine ». Quand André Blanchard chine chez un libraire en liquidation de stock, on découvre ébloui des petites pépites charriées dans des flots d’inepties imprimées : « Je suis reparti avec cinq livres. 1) Lait noir de l’aube, de Jean Clair… 2) Dérive, de Vallejo… cette lecture nous laisse comme les contes : bouche bée. 3) Contre-enquête sur la mort d’Emma Bovary, de Philippe Doumenc… 4) Faits divers, de Robert Belleret… 5) Pharanoïa, de Vincent de Swarte… » Quand André Blanchard s’échine dans son musée, l’art contemporain des fonds régionaux est fustigé : « Il y eu l’art, il y aura son commerce. » On reste incrédule quand le jargon stupide, creux et prétentieux des plasticiens performers s’écrit sur les notices de présentation de leurs œuvres exposées : « Mon écriture est une glande explosive qui suinte dans les ourlets fictionnels de la langue ondoïde… ». Le lecteur glane sa glandée et glande en attendant la tannée, cette volée de bois vert qui sied si bien au fessier des outranciers plumitifs et autres vomitifs plasticiens. Blanchard vole, court et nous venge un peu, beaucoup, avec passion, contenue mais perceptible, donc transmissible et source de plaisir. C’est une des nombreuses vertus contenues dans ces carnets de franc-tireur de la littérature. En joue ! Feu ! Rouge ! Passez ! Et revenez-y !
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Le reste sans changement : Carnets 2012-2014

Parti sans laisser d’adresse.

Débuter les carnets d’André Blanchard avec en tête le décès de l’auteur survenu le 29 septembre 2014 à l’âge de 63 ans, c’est à coup sûr encaisser un sale gnon avec l’arrière-goût tenace de rester sur sa faim dans l’avenir. Il est archi faux de croire que les gens sont remplaçables. Ses goûts, son œil, sa plume demeurent uniques. Il n’y aura pas d’autre critique littéraire comme lui, niché à Vesoul, en Franche-Comté, surveillant patenté d’une galerie d’art, vivant, courant les vide-greniers et les solderies pour dénicher des bons bouquins, lisant, pestant, s’enthousiasmant, écrivant. Ses livraisons régulières étaient toujours réjouissantes avec des piques volontiers acerbes, des enthousiasmes communicatifs. L’ultime carnet du preux chevalier des lettres démarre par une remarque printanière avec le renouveau de la nature que le passage des saisons n’entame jamais au contraire de l’homme. Juste après, on apprend qu’il aurait pu se crever un œil avec des ciseaux par une maladresse déconcertante. Viennent ensuite des petites joies confiées en passant au lecteur, glanées chez Mona Ozouf, Hubert-Félix Thiéfaine, Léautaud, Balzac, Green, Flaubert, Proust… L’intellectuel footeux Lilian Thuram se fait tacler tout comme le chanteur Alain Souchon qui se compare à Céline sans sourciller. On apprend aussi que sous le déluge de feu, « les fennecs, terrorisés, venaient se réfugier » près des soldats enfouis dans le sable lors de la bataille de Bir Hakeim. Il y a encore des salves réjouissantes car chantournées envers l’inquiétante Marcela Iacub ou le multirécidiviste pédagogue patenté Philippe Meirieu, ou bien Philippe Claudel, « retors… direction le putassier », Pierre Assouline « spécialiste du remplissage », etc. La distinction faite parmi les écrits de Guy Debord, théoriques et polémiques, est pertinente. Fustigeant les premiers, privilégiant les seconds, il écrit : « […] il a une façon définitive de poser la phrase afin qu’elle tombe d’aplomb, et pile dans le mille, c’est-à-dire là où l’ennemi ne se méfiait pas. C’est ainsi que les autres sont d’abord gens à passer au fil de la plume ». Le recueil se clôture magistralement avec Madame Bovary à la poursuite de toutes les ivresses afin d’essayer de conjurer la « pourriture instantanée des choses où elle s’appuyait ». Les remarques tirées de la vie quotidienne, politique, littéraire, artistique d’André Blanchard sont autant de facettes qui construisent une vision kaléidoscopique colorée et vivante. Les pages filent trop vite et si les courts paragraphes permettent de multiples retours en arrière et des relectures toujours plus goûteuses à chaque fois, la fin se profile avec son « horrible gueule de grenouille bancroche ». L’esprit Blanchard demeure et flotte au-dessus de l’alambic des jours. C’est la part des anges.
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Un début loin de la vie

Rares sont les œuvres qui portent avec une telle incandescente, une telle naïveté peut-être aussi, au pinacle la tension vers l'écriture. Dans ses premiers carnets, dans le texte qui les accompagne et en déplie la démarche, André Blanchard la transmue en religion. Incantation de l'absence, évocation d'une formation intellectuelle à travers les lectures, la maladie et l'éloignement. Mais surtout portrait rageur, lucide, des impostures culturelles d'une époque, les années quatre-vingt, où l'écrivain est devenu un publiciste de lui-même.
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Petites nuits : Carnets 2000-2002

Armé d’une plume.

« J’ai fait ma part et ce sont mes Carnets, mes Impressions ; voilà de quoi ne pas trop rougir… » On ne peut qu’opiner vigoureusement du chef. Tel un magicien du verbe, André Blanchard possède « cette langue qui réveille les mots ». A mesure que les pages se tournent presque d’elles-mêmes, on sent la sympathie se muer en reconnaissance puis épouser la forme d’une amitié littéraire. On voit l’écrivain prendre corps à travers les mots de son journal. Bien que les années 2000-2002 paraissent maintenant lointaines, la pensée du diariste sait les rendre proches, vivantes et quasiment intemporelles. La lucidité du propos domine et on finit par adopter le point de vue de l’auteur car rien n’est imposé mais jaillit avec l’élan de la sincérité. André Blanchard, plume au poing, combat sans relâche le cliché littéraire et part en croisade pour le rétablissement du point-virgule et fustige, au passage, les impostures : « Delerm, Bobin, Ernaux, Gavalda, entre autres, quel est leur public ? Des gens qui ne lisent pas, hé oui ! et ce n’est guère étonnant que ça en fasse beaucoup. C’est à quoi sert ce genre d’écrivain, être un alibi. » Plus généralement, à lutter contre les égoïsmes, les hypocrisies, le laxisme, la débauche de vulgarité, l’écrivain est bien parti pour embrocher des moulins à vent ! Il réussit le tour de force de rendre la trivialité du quotidien jubilatoire : « …devoir se farcir un scanner jette un froid, il faut croire qu’on avait inventé ce mot avec comme seul souci qu’il rime avec cancer. Ajoutons que le patient porte bien son nom : il a tout le temps de gamberger puisqu’il faut deux mois d’attente pour le rendez-vous. » On peut encore lire quelques phrases après : « …j’avais poussé la grille du cimetière, ce qui est toujours, quel que soit notre âge, manière d’aller en repérage. » L’humour se torsade comme un thyrse à la mélancolie. La mort du chat réveille des vieilles douleurs chez le lecteur : « (4 mai 2001) Cela fait un mois que notre Grelin est mort. Je lui ai tellement dit durant vingt-trois ans « Tu me protèges, dis, d’accord ? » incantation à laquelle il semblait accéder d’un miaou très tendance, genre No problème, que, depuis qu’il est parti, je me sens à découvert. » Seul bémol mineur, la lecture est parfois heurtée car le dernier mot nécessite de reprendre toute la phrase afin d’en saisir pleinement le sens. Le principe est intéressant car le rejet est souvent un trait d’humour, jouant sur le double-sens mais la crainte est que cela vire au procédé, annihilant la fluidité de l’écriture et asséchant l’émotion : « La littérature est une sécurité qui fait souvent ceinture ». Ce n’est heureusement pas le cas mais le risque subsiste. Enfin, l’auteur a bien fait de se creuser le citron quant à son journal intitulé d’abord Mal de terre (accaparé entre temps par Hubert Reeves) afin d’émettre un nouveau jus bien plus délectable à travers le titre Petites nuits. Quoi qu’il en soit, on se dit qu’il va falloir plonger dans les autres journaux afin d’en sortir tout en nage mais ragaillardi après avoir goûté un vrai bon bain de jouvence. Tout étonné d’être encore là, on peut entonner, avec le chouette et frais Blanchard : « Vivre, c’est insister. »
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Entre chien et loup : Carnets, Avril-Septem..

Le chien en sentinelle, le loup en maraude.

Il ne faut pas hésiter à passer outre les sempiternelles lamentations de l’écrivain qui doute. Elles font partie du protocole et constituent plusieurs barrières à franchir car les plaintes s’atténuent au fil des pages mais elles sont récurrentes tout au long du premier recueil des Carnets datés d’avril à septembre 1987 et intitulés avec à-propos Entre chien et loup. Après ces sauts de « hais-moi mais aime-moi », la lecture trouve naturellement son rythme de croisière et ouvre sur des terres hospitalières, des friches littéraires que l’auteur ensemence à nouveau de sa plume ailée. Il ranime des braises, souffle légèrement dessus et réveille des auteurs oubliés ou confidentiels : Louis Calaferte, José Cabanis, Jean Rostand, Jules Renard, François Mauriac, Marcel Aymé… André Blanchard a un regard personnel et exigeant sur l’écrivain, le livre et la lecture. C’est dans ces renaissances littéraires que le lecteur est ébloui et a envie de continuer la découverte. L’utilité et la nécessité des Carnets sont ainsi pleinement justifiées. « Relevé deux bonheurs de plume… l’un est… de Dan Franck, Les Adieux : « Je suis né du pied gauche » ; l’autre, de cet amour de Jules Renard, lequel, décrivant par quelques touches allusives l’intérieur d’une église où il assiste à un enterrement, note : « Jésus-Christ mesure le plafond ». Je raffole de ces trouvailles-là, spirituelles en diable… » André Blanchard « ne se fie qu’aux impulsions de ses goûts » comme tout dilettante respectable. La littérature n’occupe pas la totalité des carnets. Des notations sur la nature colorent le recueil : « Orgies de printemps : la chaleur jouvencelle allume les bourgeons ». On peut y voir-là un haïku. Le décompte des syllabes est correct (5, 7, 5) et l’esprit y est, avec une connotation grivoise plutôt amusante. La fin de l’année 1987 se conclue par cette autre très belle phrase : « Septembre s’éloigne. Vient l’heure du lent démaquillage de la nature et déjà les vents s’occupent de cette toilette ».

On peut discutailler sur le fait que l’auteur semble davantage intéressé par des écrivains du passé et ne se mouille guère le maillot en donnant un avis sur des œuvres contemporaines mais cela paraît vain car l’homme de Vesoul se livre tout à trac et donne à voir ce qui le constitue. Il lui a fallu pour cela digérer et assimiler des livres et des couleuvres, des heurts et des bonheurs, tout un monde en vrac que les carnets ordonnent chronologiquement. Un paysage mental s’esquisse, s’estompe, se recompose, fluctue au gré du temps et des humeurs. Le lecteur peut faire provende de denrées rares, goûteuses et nourrissantes.
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A la demande générale : Carnets 2009-2011

Franc-conteur

Si Vesoul nous était conté, il est probable qu’on ne glisserait même pas un penny dans la fente quelle que soit la rengaine sortant du juke-box. Savoir qu’André Blanchard officie comme ange-gardien des salles municipales d’expositions de la très centrale préfecture de Haute-Saône et qu’à ses heures pleines il parle et critique l’art, parfois la politique et le plus souvent la littérature en y mêlant sa vie avec ses tracas quotidiens, tout cela fait qu’on est prêt à payer pour la chanson à venir. Mélodiste et parolier hors pair, l’auteur sait manier le verbe pour le faire sonner, quitte à boxer son quidam d’un mot gnon bien senti. Dans le ramassé de sa phrase, la pensée est condensée en mots dégoupillés autant dire que la formule qui en résulte est explosive : « On reconnaît une révolution à ce que le haut du panier finit au fond ». Le Clézio, tout nobélisé fusse-t-il, comparé à Maupassant, ne fera pas le poids, même léger. Entre le croqué à vif, serré comme un poing, du taureau normand et la fadasserie lardée de clichés du Breton apatride, il n’y a pas photo. Dans sa maison close (depuis sa tour d’ivoire), Monsieur Michon ramasse aussi sa claque. Il faut dire que l’infatué se la pète-sec alors que ses écrits minuscules empruntent sans guillemets aux bons auteurs d’antan. André Blanchard souligne que : « Comme peu de lecteurs sont des lettrés à l’ancienne, ça passe ». Evidemment, il y a toujours les chouchous : Mauriac, Balzac, Proust, Baudelaire « […] il eut toujours le verbe à même d’être tout à la fois, aussi bien image que sens, beauté que destin », Chateaubriand, Léautaud, Nietzsche « philosophe agréable à lire, compréhensible, qui ne nous enfume pas… », Calaferte « […] la seule littérature qui vaille… [est] celle à base « de poésie et de vie », etc. Chez un amoureux des mots tel Blanchard, les lettres comptent et racontent. Les faiseurs ont droit à une correction en règle (sur le bout des doigts), ainsi des galeries d’art contemporain avec leurs cartons d’invitation m’as-tu-vu : « Comme titres des expos, on peut lire maintenant des accroches telles que celles-ci en guise d’eau à la bouche : « Project Room », « Bookstorming », « On/Off », « Mix », « The Museum as medium », « Signs and Wonders », etc. Et, pardi, le vernissage aussi remplace son blaze ; il devient « Brunch ». Parfois, André Blanchard change son fusil d’épaule et après avoir daubé à qui mieux mieux, reconnaît des qualités à des écrivains surfaits tel Philippe Sollers, admirable par sa « passion littéraire » intacte « à plus de soixante-quinze ans » ou a des cinéastes tel Haneke « Le Ruban blanc… C’est une splendeur ». Quant à Houellebecq, il reste un « piètre bonhomme […] ayant le zizi comme fonds de commerce », Yves Simon « Comme cucuterie, ça vaut dix… », BHL « ce Tartarin », Bobin « ce gentil fêlé ». Il serait fastidieux et vain de dresser des listes. Les carnets courent sur trois années et se dévorent d’une traite en laissant comme arriérés un plaisir durable en couvée, palpitant sous la suie des jours.
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Un début loin de la vie

Le saisissement du mot et l’image du monde.

Par les bienfaits d’une édition rétrospective, en revenant à l’origine des carnets d’André Blanchard, de 1978 à 1986 et en se remémorant les bribes d’une époque révolue, les années 1980, on peut avoir la sensation de se baigner une seconde fois dans le flux du temps et de savourer en prime la verve d’un écrivain déjà affirmé. Sa ligne de conduite est tracée. Il n’en démordra pas. Les carnets s’empileront sur le même modèle, avec des envolées similaires et des aigreurs récurrentes. Nul mal de vivre existentiel pourtant chez cet auteur « inquiet endurci » sans « plan de vie en tête » mais une inaptitude à s’engager dans le corps social, l’esprit n’y étant pas. Pour André Blanchard, la littérature n’est pas un passe-temps mais une activité pleine et entière, une passion qui peut « rendre insouciant du sort de la planète ». Son impécuniosité chronique le contraint à chiner les bouquins, lisant à mesure de ses acquisitions aléatoires dans le droit fil de ses intérêts littéraires, le Journal de Léautaud, celui de Jules Renard, les Notes d’un Vaudois de Ramuz, les Carnets de Calaferte, les Mémoires intérieurs de François Mauriac mais encore Green, Flaubert, Stendhal, Montherlant (Les Célibataires son chef-d’œuvre), etc. Déjà les faiseurs se prennent quelques volées de bois vert à l’exemple de Michel Tournier qui écrit avec « les gros sabots d’un besogneux, d’un sans-grâce », de Sartre avec « ces leçons données par bourgeois et grand bourgeois au peuple, pour son bien ». Le Clézio en réchappe de justesse mais il ne perd rien pour attendre. Oscillant entre carnet et journal, les écrits d’André Blanchard font la part belle à la littérature mais l’actualité de l’époque s’immisce, des menus faits du quotidien s’égrènent, des observations paysagères traversent et vivifient l’ensemble pourtant tonique par le ton alerte, personnel et sans fard de l’auteur. On y voit entrer en scène le chat Grelin. On le verra en sortir bien des années plus tard. Le lecteur peut s’y trouver en terrain connu et ressentir bien des complicités avec un homme humble et sincère, entier et constant, lucide et sensuel. Les carnets font vivre André Blanchard au-delà des contingences et donnent voix au chapitre à toute une frange de la population laissée pour compte, en marge de la bien-pensance et des médias.
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Contrebande : Carnets 2003-2005

Trié sur le volet.

Le diariste épéiste André Blanchard, avec la densité de sa plume que l’humour allège, rend compte de la vie intellectuelle et littéraire depuis Vesoul à travers ses « Carnets », courant de 2003 à 2005 et intitulés Contrebande. Carnets commencés en 1987 sous le titre Entre chien et loup, ont suivi De littérature et d’eau fraîche : 1988-1989 ; Messe basse : 1990-1992 ; Impasse de la Défense : 1993-1995 ; Petites nuits : 2000-2002. Entre ces journaux, s’intercalent des chroniques, Impressions, siècle couchant, I & II. L’auteur a troqué l’éditeur provincial Maé-Erti, sis à Conflandey pour Le Dilettante ayant pignon sur rue à Paris, ville qui reste une place forte littéraire « la meilleure du monde », « malgré les prêchi-prêcha des ultras qui adorent aller s’agenouiller outre-Atlantique ». On ne s’ennuie jamais à la lecture des Carnets qui ne constituent donc pas à proprement parler un journal. L’auteur ne relate pas son quotidien qui est expurgé et ramené à une réflexion plus générale : « Mes Carnets sont plus parents du recueil de moraliste et de chroniqueur que du journal… ». Le style est vif, les paragraphes courts. A travers des mots bien pesés, le vinaigre gicle sur les ignares prétentieux et les baumes se répandent sur les laissés pour compte. L’auteur épingle les travers des comportements et les langues qui fourchent : « […] ceci, dit à un écrivain par un interviewer… « Vos mots, on le sent bien, peuvent sauver un lecteur de la mort. » Mais non, andouille ! La différer, tout au plus la différer ». Il sait aussi remarquablement bien parler de la littérature qu’il aime ainsi que de celle qui lui pèse. Ainsi, Montaigne a droit à sa volée de bois vert : « […] je n’ai jamais pu lire Montaigne, quelques pages et il me barbe, tant il m’en apparaît une bien vieille… ». Sous la trique d’André Blanchard, Marcel Jouhandeau trinque à son tour : « C’est tout lui, sorte de Bobin avant l’heure, en plus dessalé, pipelet de la mystique, acrobate de la prière tant elle partait des bas-fonds… ». Il y a encore Ernaux, « obscénité littéraire » ou Houellebecq avec son roman dont « le cul reste le personnage principal », « […] Houellebecq… cet auteur culte, comme ils disent, quand auteur de cul serait plus juste… ». Pour Baudelaire, la matraque se fait plume et c’est bath : « [Ses poèmes] sont tellement impériaux qu’on les dirait de toute éternité, venus de la nuit des temps. C’est cela, consubstantiels à l’origine du monde et, vers dans le fruit, qui en prophétisent la chute ». Plus loin, il dit encore : « Baudelaire… au chevet du mal, le veille à sa façon : en l’hypnotisant ». Pour Albert Cohen, la férule est en suspens : « Belle du seigneur, lu il y a vingt-cinq ans. Est-ce que je le relis ? C’est un des livres qui nous culbutèrent de joie et que nous avons peur de ne plus tant aimer ». François Mauriac tire la couverture à lui avec les louanges qu’André Blanchard lui tresse de tout temps. On ne devine jamais comment la phrase va frapper mais elle sonne toujours juste, gifle ou caresse, lancée avec l’élan de la sincérité, ce qui met le lecteur en joie et ses joues en feu. Le tout se sirote avec délectation même si le fond du propos est souvent désabusé, sombre et astringent. Il faut boire la vie jusqu’à l’hallali avec l’amertume d’en avoir déjà fini. Avec sa plume légère de médecin de l’âme atteint lui-même de mélancolie, l’auteur nous vaccine efficacement contre le mal à vivre, l’épuisant spleen baudelairien qui « nous écrase par terre » tel l’insecte que la dépression terrasse. « Un écrivain ne vous apprend pas à vivre ; au mieux vous aide-t-il à continuer. […]- Et ce ne sont pas les plus optimistes ni les bien dans leur peau qui y parviennent le mieux ! » André Blanchard, c’est parole d’évangile ! A « la cohue des jobards » qui viennent nous assassiner jusque dans nos livres, on peut penser très fort et entonner le refrain salutaire comme un hymne vengeur : « du large, les connards ! ».
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Le Reste sans changement

Un recueil de notes, un carnet, ce n'est pas la même chose qu'un journal intime, plus proche de la vie concrète. Le carnet rassemble des notations éparses, des impressions, souvent déconnectées du lieu, de l'heure et du temps. L'esprit d'André Blanchard est toujours aussi vif, et il ne ménage pas ses piques aux puissants et aux sots de son temps, à savoir les grands hommes de 2012 et de 2013. Mais la verve satirique se fait discrète, et l'on voit souvent apparaître de brèves allusions à ce qu'il appelle le spleen, de ce mot baudelairien qui désigne l'absence totale de désir et de raison de vivre. En fin de compte, un petit livre très oubliable, hélas, et qui ne marque ni par ses pages intimes, ni par ses jugements critiques.
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