Citations de André Maurois (304)
[Balzac s’inspire de la vie réelle en la transfigurant]
Rastignac n’est pas Thiers ; Joseph Bridau n’est pas Delacroix ; la marquise de Castries n’est pas la duchesse de Langeais ; Mme de Berny n’est pas Mme de Mortsauf. Mais de traits de Thiers, des frères Delacroix, entrent dans la composition de Rastignace et des Bridau. Rastignac, comme Bridau, épouse la fille de sa maîtresse. Sandeau n’est ni Lousteau, ni Rubempré ; chacun de ces deux personnages lui doit une étincelle de vie. Camille Maupin n’existerait pas sans Georges Sand, mais Camille Maupin n’est pas Georges Sand. [ ] La nature propose des éléments ; l’artiste en dispose. P492
« Le bonheur n'est pas dans les événements. Il est dans le cœur de ceux qui les vivent. »
Disraëli fut un jeune homme insolent, dont la famille, originaire d'Italie, abandonnera le judaïsme par amour des traditions anglaises. Au collège il fut le premier de sa classe, tout en étant champion de boxe. Il écrivit, et ses romans eurent du succès. Quand il voyage, c'est en disciple de Byron et de Brummell. Mais c'était avant tout le plus grand homme politique de tous les temps. Sa vie correspond à l'époque la plus brillante de l'Empire britannique.
Que le docteur O'Grady n'est-il ici, il me réciterait l'Ecclésiaste.
Il essaya de se souvenir:
"Quel avantage à l'homme de tout le travail qu'il fait sous le soleil?
"Une génération passe et l'autre génération vient, mais la terre demeure toujours aussi ferme.
"Ce qui a été, c'est ce qui sera; ce qui a été fait, c'est ce qui se fera, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil..."
Shelley cherchait dans les femmes une source d'exaltation, Byron un prétexte de repos. Shelley ,angélique, par trop angélique, les vénérait ; Byron humain, par trop humain, les désiraient et tenaient sur elles les discours les plus méprisants. Il disait :
"Ce qu'il y a de terrible dans les femmes, c'est qu'on ne peut vivre avec elles, ni sans elles" Et aussi, "Mon idéal est une femme qui est assez d'esprit pour comprendre qu'elle doit m'admirer, mais pas assez pour souhaiter être admirée elle-même" . Le résultat de quelques conversations fut surprenant: Shelley, mystique sans le savoir, choqua Byron, Don Juan malgré lui.
Il avait besoin, pour être heureux, d'incarner dans un beau visage les Forces mystérieuses et bienveillantes qu'il croyait éparses dans l'Univers ; l'amour était pour lui une admiration passionnée, un acte de foi total, un mélange exquis et parfait du sensuel et de l'intellectuel.
L'amour supporte mieux l'absence ou la mort que le doute ou la trahison.
Non, mon ami Bernard, non, rien n'est plus difficile à réfuter que ce qui est entièrement faux... C'est une très sale histoire, très embêtante... vous ne connaissez pas l'aventure du soldat Vibulénus ?... Non ? Ah ! ces jeune gens n'ont pas le "pied d'indigo"... Eh bien, mon ami, lisez-la dans Tacite ce soir avant de vous endormir... Et vous verrez comment un général romain eut les plus grands ennuis pour avoir fait mettre à mort un légionnaire qui n'avait jamais existé !
Le bonheur c'est le répit dans l'inquiétude.
Le Padre, qui vient des Highlands, montre un patriotisme local farouche et exclusif. Il est convaincu que seuls les Écossais jouent le jeu et se font réellement tuer.
" Si l'histoire est juste, dit-il, cette guerre ne s'appellera pas la guerre européenne, mais la guerre de l'Écosse contre l' Allemagne."
Non, moi, je ne peux pas me transformer. Vous dites toujours que ce que vous aimez en moi, c'est mon naturel. Si je changeais, je cesserais d'être naturelle.
Il est injuste et absurde de rendre les êtres comptables de leurs promesses.
Je me propose d'étudier, sur trois générations, les formes successives d'un tempérament fabuleux, né de l'union d'un gentilhomme français et d'une esclave noire de Saint-Domingue.
Les trois hommes dont je conterai la vie eurent tous, à des degrés différents, et sous des aspects divers, les mêmes qualités : force, courage, dévouement chevaleresque, horreur active des méchants, et un même défaut : besoin, par désir de revanche, d'étonner.
Mais un tempérament ne suffit pas à expliquer un destin.
Sur ce canevas initial brodent les événements et la volonté.
Voici donc mon monument aux trois Dumas....
(extrait de "Villers-Cotterets", première partie du volume paru chez "Hachette" en 1957)
Le bonheur ? Après tout, qu'est-ce que c'est, le bonheur ? Sinon cet effort continu pour créer le bonheur.
La jeunesse a tellement besoin de hiérarchie et d'autorité que, même révoltée, elle adopte un directeur de conscience devant lequel elle s'abaisse avec délices Plus que toute autre, l'âme mystique de Shelley avait besoin d'adorer. " Je ne demande, répéta t'il, qu'à être un élève; mon humilité et ma confiance sont complètes, quand je suis certain qu'on ne cherche pas à me tromper et que je me trouve en présence d'un talent indiscutablement supérieur".
Un soir consacré à la lecture des grands livres est pour l'esprit ce qu'un séjour en montagne est pour l'âme.
Pendant près de trois siècles, l'anglais sera une langue sans littérature, sans grammaire, langue populaire et parlée. Cette langue se transformera très vite, car seules les classes dirigeantes sont conservatrices en matière de langage. Le saxon des lettrés avait été une langue germanique, aux cas compliqués. Mais le peuple simplifie et, très vite, l'anglais, affranchi de la tutelle des élites, acquiert son étonnante souplesse. Les mots prononcés par des hommes sans culture ou par des étrangers ne conservent que leur syllabe accentuée. De là le grand nombre de mots d'une syllabe, qui donne à la poésie anglaise son inimitable densité.
Être exigeant, c'est montrer de l'intérêt.
Depuis 1913, Céleste Albaret gouvernait l'intérieur de Proust. C'était une jeune femme belle et bien faite, qui parlait un français agréable et reposait par une sorte de calme autorité. Elle était entrée dans la vie de Proust en épousant le chauffeur Odilon Albaret, dont le taxi entièrement au service de Proust, qui s'en servait tantôt pour sortir lui-même, tantôt pour faire porter à la main ses lettres, tantôt pour chercher et ramener, à toute heure de la nuit, ceux qu'une soudaine fantaisie lui inspirait le désir de voir.
1768 - [p. 81]
Le mélange de l'admiration et de la pitié est une des plus sûres recettes de l'affection.