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Critiques de André Pieyre de Mandiargues (26)
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Ruisseau des solitudes - Jacinthes - Chapea..

Toujours sensuelle, à l'érotisme diffus, la poésie de Mandiargues cueille dans la nature, l'amour, le désir et le divin, les images de sa poésie. Car la métaphore est l'essence même de son écriture, surréaliste certes, mais surtout inspirée à la fois d'existentialisme mais aussi de sensualité ou de mélancolie. Moderne dans sa forme, sa métrique et parfois sa thématique, elle s'affirme pourtant enracinée dans la plus grande tradition romantique et symboliste pour son lyrisme et sa force d'évocation.

Même si ce poème Chapeaugaga qui termine le recueil semble lui d'inspiration dada, l'ensemble reste empreint de rêverie et de sublime.

La lecture de Mandiargues me procure toujours un grand plaisir tant le monde où habite son écriture est imagé et fascinant.

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Le musée noir

L'univers d'André Pieyre de Mandiargues est marqué du sceau de l'onirisme. Des rêves dérangeants et des cauchemars voluptueux se déploient au fil d'une plume fine et racée, voire fin-de-race. Fin de siècle assurément. L'héritage du symbolisme, et de Baudelaire en particulier, se remarquent dans la première nouvelle « le sang de l'agneau », une vraie histoire pour ovidés déviants. L'abject et le sordide y deviennent beaux, absorbés par la ouate odorante et moelleuse de moutons chamarrés, sur lesquels on peut compter pour s'endormir hypnotisé, et tomber sous le sort de la jeune héroïne engagée malgré elle dans une dialectique amorale avec le monde des adultes. Angela Carter n'aurait sans doute pas renié ce conte cruel. Pas plus que la quatrième nouvelle, « Mouton noir », qui bêle, pardon qui mêle, Sade au romantisme noir, avec un couple d'héroïnes évoquant Juliette et Justine.



En préférant le point de vue de cette dernière, André Pieyre de Mandiargues se place du côté de l'innocence trahie et dévoyée, dont les nouvelles proposent plusieurs tableaux comme dans les galeries d'un musée. Il fait partie des écrivains qui peignent avec les mots. Ses tableaux baroques s'articulent via une syntaxe parfois complexe. Dans « le pont », les excentricités gothiques et sylvestres sont dessinées par des phrases efflorescentes. Ces contorsions de la langue sont aussi des contorsions du corps tel celui de « L'homme du parc Monceau », dont les déformations organiques font moins penser à un artiste de cirque qu'à la Chose de Carpenter. Et que dire de la cinquième nouvelle « le Tombeau d'Aubrey Beardsley ou les fashionables chinois », aussi longue et tarabiscotée que son titre, un récit qui rend hommage à Dali en déclarant la guerre à la simplicité pour atteindre le paroxysme du kitsch et du grotesque en une sorte de paradis paradoxal ?



Ainsi, plus l'on avance dans le recueil et plus les histoires évoluent vers le surréalisme. L'écrivain abandonne la logique du monde éveillé, au point que la dernière nouvelle nous présente deux mondes rêvant l'un de l'autre à travers le personnage qui les parcourt simultanément. Pour ne pas finir comme lui, mieux vaut ressortir des galeries de ce musée avant que les portes ne s'en referment à la nuit tombée et nous y emprisonnent.
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Porte dévergondée

«Nous reprochera-t-on d'avoir rapporté des souvenirs d'un mauvais lieu et de le divulguer ?»

Cette question figurant dans l'introduction rappelle qu'en ouvrant la «Porte dévergondée» André Pieyre de Mandiargues veut nous emmener « sur la spirale d'un escalier par lequel on descend dans un espace qui est quelque peu au-dessous du niveau où la plupart des hommes font aller leurs pieds, leurs pensées et leurs propos ».

Les quatre récits du recueil (écrit en 1965) : Sabine, La grotte, le théâtre de Pornopapas, le fils de rat, ont été conçus pour «choquer le spectateur ou lʼauditeur. Dans ses convictions, dans ses sentiments les plus honorables, dans sa bien-aimée culture, dans sa pudeur, dans son goût, celui-là est choqué».

Le titre à lui seul mérite qu'on s'y attarde. Au-delà de la signification de dévergondée (celle qui est sans vergogne ou sans vergonde, sans honte), la porte dévergondée n'est-elle pas aussi une porte qui est sortie de ses gonds ? La question mérite d'être posée.

Autre tic littéraire de André Pieyre de Mandiargues, l'épigraphe à clefs placé en tête du recueil, suggère qu'il n'est pas écrit à destination d'un lecteur lambda :

Va, petit livre et choisis ton monde... (Töpffer)



La première nouvelle Sabine est le récit du suicide de l'héroïne dans une chambre d'hôtel :

«Et si la salle de bain, qui est une ancienne chambre qui fut transformée, paraît plus vaste que la chambre à coucher, ce nʼest pas tant lʼeffet du moindre encombrement que celui de lʼéclat des robinets et des tuyaux, celui surtout de la blancheur des murs laqués, du carrelage et des cuvettes en porcelaine. Or cette blancheur est salie, ce brillant est souillé. Les robinets, les cuvettes, les murs et le carrelage sont éclaboussés de sang, dilué à plusieurs endroits par la vapeur dʼun bain très chaud, comme lʼencre dʼun lavis sur du papier humide»

Sabine, séduite par le Lieutenant Luques, un habitué de l'Hôtel des Lavandières et sa chambre 11 dite «chambre à la loutre» se retrouve seule, abandonnée par ce séducteur vil et sadique ; elle en vient à imaginer son suicide et passe à l'acte de façon déterminée dans cette même chambre 11 où son sang a coulé une première fois.



Dans le deuxième nouvelle, La Grotte, Denis, «Un homme à l'aspect de prêtre ivre» erre dans un «quartier vétuste et galant» à la recherche d'une courtisane.

«Ne crains rien, dit-il. Ne te fâche pas. Je ne suis pas de police, je ne suis pas un truand non plus, ou ce quʼon appelle un sadique. Je nʼai pas envie de te fouetter, ni dʼêtre fouetté par toi. Je ne veux pas tʼhumilier, et je ne te demanderai pas de me cracher au visage ou de mʼinsulter. Je ne te lierai même pas. Non. Mais jʼai décidé dʼaller ce soir, pour mon plaisir et mon instruction, dans un musée fait pour moi tout seul, et dʼy voir des tableaux quʼon nʼait jamais vus. Tu es à peu près la clé quʼil faut pour mʼouvrir mon musée. Et je suis curieux de voir ce qui va pousser autour dʼune fille comme toi»



Denis emmène Mina à l'hôtel du bar du Sarcophage et là :

« Denis se voit lui-même en train de monter un immense escalier dont chaque marche correspond à un coup de reins quʼil donne, comme un coup de baguette à chaque note d'une suite de gammes [...] Mina, la fille, est support, instrument, guide »

Denis dérive vers des visions qui le conduiront dans une grotte où la fille git, enchaînée et immobile, lui-même «dans une aliénation qui diffère peu de la béatitude.»



Dans le théâtre de Pornopapas, le héros, Antonin Bisse est transporté à Salonique, en rêve, dans un «(...) bar qui s'est édifié à partir des matériaux laissés en vrac dans sa mémoire (...)» ; « anciennes machines à sous, peintes en rouge vif (...)» ; « le maquereau Criton » ; «une putain dont les cheveux teints au henné font un contraste plaisant avec les gros sourcils noirs.» ;

Criton propose de l'emmener « dans la cale de la Klytemnestra, (...) une vieille citerne (...) le rendez-vous de l'élite de la marine marchande »

«La nuit est chaude, quoiqu'il tombe quelques gouttes de pluie.»

Loin de la ville, ils trouvent le vieux rafiot et sa salle de théâtre montée dans la cale « de longues banquettes dépourvues de dossiers, rangées transversalement dans la coque, coupées depuis la proue (qui est à l'arrière du théâtre.)»

Le clou du spectacle est Oedipos, Pornopapas, qui brandit «un gros bâton, plus long qu'une canne et moins qu'une houlette.» ; «sans cesser de danser, il commence à chanter.»

C'est pour mon papa dit-il en brandissant le bâton et soudain, chante c'est pour ma maman en brandissant son sexe factice : «un tube de matière coriace et cartonneuse, pareil aux étuis phalliques dont font parade dans leurs danses les sorciers africains.»



Le fils de Rat : Venise, une gargote à poissons, un homme et une femme, des touriste, «Notre hôte eut l'air d'être flatté que nous eussions décidé de manger dans la boutique...»

Une altercation entre le «friturier» et un client : «J'avais le dos tourné, fils de rat.

Mais tu iras manger dehors. Personne ici ne veut de toi.»

La femme compatit et l'invite à sa table :

«Fils de rat ? dit-elle. Pourquoi donc te donnent-ils ce nom là ?

Et le malheureux paria raconte comment il a été sauvé de la mort par le jugement du rat. Sept hommes condamnés à mort debout sur des caisses ouvertes. Un rat lâché dans la pièce. Celui qui se tient sur la caisse dans laquelle le art se réfugiera est gracié.



La porte dévergondée : exercice de style, écriture remarquable, images volées, fantasmes retrouvés.

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Récits érotiques et fantastiques

Un jour, tandis que je cherchais une nouvelle recette pour la brandade de morue, je suis tombé(e) sur un billet...de Raphaël Sorin qui présentait un auteur inconnu pour moi. J'avais enfin un repas raffiné.
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Le Lis de mer

Vanina, en vacances en Sardaigne avec une amie, décide sur un coup de tête de se livrer à un inconnu croisé sur la plage pour vivre sa première expérience sexuelle et amoureuse. Elle bâtit néanmoins avec son amant un protocole assez élaboré qui doit aboutir au dépucelage. Les deux amants passent à l’acte dans une forêt, sorte de no man’s land coincé entre la mer et les étangs, loin du bourg où ils résident.



Dans ce court roman, Mandiargues excelle à créer une forte tension érotique, née de descriptions où s’exprime une sensualité exacerbée, et de la mise en place d’une ambiance irréelle et onirique qui n’exclut pas la précision des détails. Le récit se joue dans une zone tampon de bord de mer, en grande partie la nuit ou à des moments de la journée où la vie semble s’arrêter. Cela m’a rappelé par certains côtés la sensation de rêve éveillé que suscite Gracq dans le Rivage des Syrtes. Au-delà de l’acte physique très concret auquel se livre Vanina, le lecteur se retrouve plongé dans l’intériorité et l’imaginaire de la jeune fille, qui transforme son expérience en une manifestation d’amour quasi transcendantal.



Une courte et belle lecture.

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Arcimboldo le merveilleux

Arcimboldo, né en 1557, mort en 1593, est un peintre maniériste milanais, inspiré par les oeuves de Léonard de Vinci, "nul des élèves directs du Grand (Léonard) n'eut autant que ce disciple tardif la faculté de sentir et de rendre le mouvement des molécules, la structure interne de la forme animale. Vraiment la main de Léonard semble avoir guidé celle du peintre". Il travailla surtout à Prague à la cour de Maximilien II, puis de Rodolphe II.

Il débuta comme dessinateur ( tapisseries, vitraux, notamment ceux de la Cathédrale de Milan) puis il devint mondialement connu grâce à ses portraits composés de végétaux ou d'animaux ("têtes composées"). Les plus célèbres sont les Eléments et surtout les 4 Saisons (qui se trouvent au Louvre), et qui est l' oeuvre la plus connue tant elle fut dupliquée par lui-même, les copistes , les imitateurs. Il réalisa également des trompe-l'oeil, souvent plus proches de la caricature que du portrait, nombre de tableaux classiques et des tableaux réversibles.

Aussitôt après sa mort ses tableaux subirent une grave désaffection de la part du public qui l'avait longtemps encensé. Mal comprise des générations suivantes, son oeuvre ne fut véritablement réhabilitée qu'aux environs des années 1930 par les surréalistes qui y virent une illustration de leurs théories sur la prééminence de l'inconscient et de la subversion dans toutes les formes de l'art.

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Le Lis de mer

"Est-ce que dans toute poésie véritable, il n'y a pas un élément fantastique ?"

Écrivait André-Pieyre de Mandiargues.

Ce roman reprend les obsessions chères à l’auteur : sexualité et initiation au plaisir, attrait pour la mer, liberté totale et mépris des conventions sociales et son corollaire : le sens de la provocation, attrait du surréalisme.

La perte de la virginité accompagne ici un exorcisme pour lequel la mise en place progressive d’un réel processus liturgique doit aboutir à une double libération. La femme devient par sa seule volonté, esclave et reine captive du désir qu’elle a suscité. Eros et thanatos sont liés dans une danse macabre et érotique.

La beauté et la poésie lancinante de Mandiargues ont été qualifiées de maniérisme, elles ne sont pas sans évoquer Joris-Karl Huysmans pour son goût du baroque et de la précision.

Une adaptation cinématographique fut réalisée par Jacqueline Audry en 1970. Elle ne retrouva pas le caractère onirique du roman.
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L'anglais décrit dans le château fermé

Paru deux fois clandestinement et sous pseudonyme avant de revoir le jour chez Gallimard, ce texte sulfureux de Mandiargues est aujourd'hui aussi facilement trouvable en librairie que les oeuvres du divin marquis auxquelles il ne manquera pas de faire penser. L'histoire se déroule dans le château de Gamehuche, sur une île accessible en fonction des marées. Montcul, le propriétaire des lieux, y invite le narrateur pour un séjour très singulier, parmi des invité(e)s triés sur le volet et kidnappés parmi les plus beaux spécimens. Je vous réserve la surprise de découvrir les subtiles tortures et la perversité ingénieuse des divers "jeux" auxquels vont s'adonner les protagonistes car tout l'intérêt du livre est là... Amateurs de livres érotiques gentillets, allez donc tourner d'autres pages. Sachez que L'Anglais a inspiré Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini . La messe est dite...
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Soleil des loups

De Mandiargues, je gardais un souvenir de soleil, de pierre, de minéralité, un style recherché et des images dans la tête. J'avais très envie de retrouver le contact avec ces images, les visions de Mandiargues. Presque hanté par ces ambiances à la De Chirico ou Leonor Fini. Tout ça pour dire comment un style littéraire s'infuse en nous, et comment, peut-être, un écrivain reste. Avec lui, on fait provision de mots-visions qu'on pourrait recombiner à notre usage même si parfois on est étourdi par une telle densité.
Lien : http://killing-ego.blogspot...
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Le musée noir

Tour à tour, et parfois en même temps, baroques, décadentes, fantastiques ou surréalistes, les nouvelles de ce recueil nous emmènent dans des univers où se côtoient femmes puissantes, fascinantes et dangereuses, animaux monstrueux et inquiétants, paysages sauvages et quartiers sordides, moments gracieux et féroces. Et si l’on ne saisit pas toutes les symboliques et les références, on se délecte d’un style ciselé, foisonnant, coloré et sensuel.
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La Marée

la pauvre... et je n'ai pas pu m'empêcher de bander... tiraillé entre l'indignation de la chosification sexuelle et la soumission de la femme, et l'excitation qu'elle peut procurer.
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Le Lis de mer

Deux jeunes filles sont en vacances en Sardaigne.Très belles, elles sont remarquées. Un jeune Italien observe plus particulièrement l'une d'elles, sans toutefois l'approcher, et celle-ci décide que ce sera "lui". Elle réfléchit avec minutie au rituel de son initiation amoureuse. Elle s'offrira à "l'ancienne". Pourquoi ? On ne le sait pas, mais choisir de s'offrir, c'est encore choisir. Elle dictera donc les règles. Lui ne parlera pas ; il disparaîtra sans que les prénoms s'échangent après l'accomplissement de sa mission.



Un conte plus qu'un roman ; un hymne à la nature.

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La motocyclette

Dans ce roman, l'héroïne part rejoindre son amant, nue dans sa combinaison en cuir, sur une énorme et bruyante motocyclette, non loin de la frontière allemande. Ce roman assez coquin est également très bien écrit. Il m'a fait passer un agréable moment de lecture, et n'est pas dépourvu d'humour.
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Marbre, ou, Les mystères d'Italie

Court roman à l'intrigue insolite, qui se tient aux limites du fantastique ou du réalisme magique, sans les franchir. On se laisse fasciner par cette histoire bizarre, racontée dans un style très travaillé, d'une apparente simplicité. Chaque chapitre se présente presque comme une nouvelle indépendante du reste, bien qu'il y ait un ordre chronologique entre eux et, au final, une seule histoire. La lecture finie, il reste du récit une ambiance de perversité indéfinissable. Mon Pieyre de Mandiargues préféré jusqu'à présent !
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Ecriture ineffable : Précédé de Ruisseau des so..

André Pieyre de Mandiargues (1909-1991) a beaucoup écrit, notamment des poésies, des romans (dont "La marge" qui a obtenu le prix Goncourt), des essais… Il y a encore peu de temps, je ne connaissais pas vraiment Pieyre de Mandiargues. J’ai eu l’idée d’emprunter ce recueil à ma médiathèque. Mais, pour ce premier essai, je me suis contenté de lire "Ruisseau de solitudes", paru en 1968. Il m’apparait que ces poèmes sont d’un accès difficile. Parfois, je n’y comprends rien et, surtout, ça ne résonne pas en moi. Pourtant quelques poésies m’ont parlé, moins à mon intelligence qu’à mon oreille. J’en ai mis trois en citation sur Babelio. Je viens de voir que Wikipedia qualifie Pieyre de Mandiargues de poète surréaliste; je n’avais pas envisagé une telle dénomination mais, après ma lecture, elle me parait justifiée. Toutefois, il est moins facile à apprécier qu’Aragon, Eluard, Breton et compagnie…



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Les Petites Filles criminelles. Contes

André Pierre de Mandiargues le comparait (à la sortie de ce livre, en 1967) au jeune Gide ainsi qu'à Marcel Schwob - rien que ça. On peut rajouter que Perrelet avait quelque chose des romantiques allemands, qu'il croyait comme eux en l’absolu littéraire, à la nature ; il était la version genevoise d'Unica Zürn peut-être, mais aussi de Shelley, en plus cruel (ça c'est aussi Mandiargues qui le dit). Aujourd'hui, on pourrait le comparer à Claude Louis-Combet, malheureusement méconnu, mais dont les magnifiques écrits érotiques hantent les tables du Rameau d'Or en permanence. Avec ces courts textes, Olivier Perrelet chante Les petites filles criminelles, la découverte du corps, l'obsession de la nature, des arbres, du vent, du soleil, de la mer (ou de ce "vieil océan, aux vagues de cristal" des Chants de Maldoror) ; il décrit sobrement et si justement la solitude et la révolte qu'elle engendre. Il y a de la pureté dans ces écrits, et beaucoup de déchirement. Un trésor caché.
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La Marge

Le roman antifranquiste francophone est souvent larmoyant, grandiloquent et au final barbant.



Celui-ci fait exception, il est EX CE LLENT.



C'est un Goncourt qui clame son amour des catins qui fleurette avec le nationalisme catalan (comme qui y en aurait des bons et des mauvais?).
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Récits érotiques et fantastiques

Je suis retourné au volume de récits érotiques et fantastiques très tôt ce matin, alors qu'il faisait nuit. Lorsque mes yeux se sont détachés des pages, j’ai retrouvé les paisibles branches dénudées du parc que le jour achevait de dessiner sur l'obscur indigo. Comme chaque fois avec cet auteur, je revenais de loin, cette fois du fond d'une forêt, d’une fabuleuse et inquiétante demeure où l'on frissonne – où l'on joue à trembler, serait peut-être plus juste –, possible revivance des effrois bénins de contes d'enfance ou des atmosphères étranges de Poe, Stoker et Huysmans mêlés, initiées à l'adolescence. Dans "Vision capitale" juste terminée, Hester Algernon, hirsute sauvageonne des bois raconte au narrateur l'affreux épisode nocturne qui l'a mise en cette situation et dont une vision la hante.



Outre l'oubli de soi en lecture, c'est ici l'écriture raffinée d'André Pieyre de Mandiargues (1909-1991) qui emporte. Il décrit son élaboration : "À la recherche comme j'étais, d'un semblant de perfection du langage, prétention presque folle étant donné que je n'étais qu'un autodidacte que tout enseignement avait rebuté, je ne cessai de réécrire et de recopier mes pages de texte, de jeter au panier les feuillets trop chargés de corrections qui me faisaient l'effet de barrières quand je relisais et qui empêchaient mon émotion de se soulever en empêchant mon regard de courir de la première à la dernière ligne. Mais j'étais assez bon lecteur, tout de même, pour juger de la qualité d'un écrit, et j'avais reconnu à ma grande surprise que je possédais un don d'imagination tout à fait hors du commun. Quant au raffinement de langage, sans lequel je n'aurais pas voulu écrire, mon livre de chevet était Les Divagations ; je me serais trouvé méprisable, je me serais senti traître à mon culte de Mallarmé, si je n'avais pas été capable de lutter mot à mot pour me faire une écriture qui m'appartienne et qui fût douée de beauté. Les Divagations, les Illuminations, Le Spleen de Paris, Mallarmé, Rimbaud, Baudelaire, voilà mes grands directeurs de conscience au temps où résonnait la voix de vieille chèvre du maréchal Pétain. Et le petit Littré, au pied de la table où j'écrivais, était mon serviteur infatigable." [p 35-36 dans Vie et œuvre]



Mandiargues considérait en outre que ses grands supérieurs furent Breton, Paulhan et Michaux.



Ne cherchez pas de réalisme dans ces textes. Des histoires du premier recueil "Les années sordides", et qui vaut pour le reste, il a dit : "Ce qu'elles ont en commun, je crois, est d'être des rêveries fantastiques issues des misères de l'époque, sinon directement inspirées par elles. Ce que vous chercheriez vainement chez elles est le réalisme, et n'allez pas croire que si je m'en privais, c'était, comme beaucoup faisaient alors, afin d'évoquer les misères de l'époque en échappant à la censure." [p 78 dans Autoportrait] Pas de grand message, pas plus que de réalisme, mais quels voyages !



Ami de Breton, il fit partie du groupe des surréalistes et signa quelques manifestes, mais il ne se rangea jamais tout à fait dans leur clan. Dans ses nouvelles et romans, il n'a jamais abandonné la narration proscrite par le dogme surréaliste. Quant à l'érotisme, moins prégnant que le fantastique, et toujours subtilement donné, il apparaît comme la sublimation d'une penchant pour les choses sexuelles, souvent liées à celles de la mer, faune du jusant et monde sous-marin.







Le Quarto Gallimard "Récits érotiques et fantastiques" reprend toute la prose essentielle de l'auteur, hormis les romans comme "La motocyclette" et "La Marge", Goncourt de 1967. Gérard Macé en est le directeur de publication, associé à Sibylle, fille de Mandiargues et de sa femme, la peintre Bona Tibertelli de Pisis. Derrière une présentation de Macé, une partie reprend les dates de la vie et de l'œuvre, une seconde offre un autoportrait de l'auteur via des extraits d'entretiens ("Le désordre de la mémoire", "Un Saturne gai"), puis viennent toutes les nouvelles dans l'ordre de publication, y compris "Le Lys de mer", qui a pu être proposé en roman vu sa longueur. Le tout est imprimé sur ce papier de faible grammage, souple et agréable des Quarto. Une iconographie choisie complète l'ensemble.



"Le pont" (Recueil "Le Musée noir") figure parmi mes textes élus. Si vous souhaitez lire un texte complet pour aperçu, je conseille cette pépite très courte qu'est "Clorinde" (recueil "Soleil des loups"), où un homme désirant se voit réduit à l'entomologiste.



Au plaisir de retourner vers ces contes et de découvrir les romans et poèmes, s'ajoute celui de sortir de l'ombre un écrivain dont l'univers n'a pas d'équivalent dans l'histoire de la nouvelle du XXe siècle.
Lien : https://christianwery.blogsp..
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Le musée noir

Dans ce livre, vous trouverez : Un gros lapin roux adoré de sa jeune maîtresse, Une rencontre foudroyante dans une étrange boutique d'un passage nantais, Un homme nu et élastique dans le parc Monceau, La triste fin d'un troupeau de moutons noirs, Une maison de débauche où s'enchaînent les spectacles étranges, Des soirées macabres.



Dans ces textes, chacun dédié à des artistes, l'horreur est étrange, follement esthétique. « Un furieux désir de peau noire s'était emparé de toutes les femmes, et la jalousie des hommes crevait comme une pustule géante qui eût couvert tout le pays de débris ensanglantés. » (p. 185) L'on assiste à un défilé de monstres, à une parade sinistre d'êtres hybrides ou affreusement fardés ou dont les déviances morales effraient plus que les pires cauchemars. Le réel devient insolite, comme plus grand, plus fort ou difforme. La mesure n'a plus droit de cité. « Je me suis effrayé à l'idée de l'importance désormais acquise par tous les menus détails de cette sorte de diorama bizarre que je venais d'explorer. » (p. 108)



Le style est très tourné, avec des vocables peu communs : au-delà d'un goût certain du beau, l'auteur avait surtout la manie du mot juste et de la précision. Je retiens surtout la première nouvelle, et pas uniquement parce qu'elle parle d'un certain animal. « Cher beau lapin, je t'aime. » (p. 23) On y voit le sacrifice de l'enfance dans la violence et le sang, et la vengeance violente d'une innocence écartelée. C'est puissant et terrifiant.
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La Marge

Très touchée par le thème de ce livre dont le héros mélancolique en voyage à Barcelone reçoit une lettre dont il a l'intuition qu'il s'agit d'une très mauvaise nouvelle. N'ayant pas la force de l'affronter tout de suite, il ne l'ouvre pas et la pose, fermée, sous un vase. Alors, nous errons avec lui dans Barcelone et ses quartiers "chauds" pendant quelques jours. N'ayant pas encore ouvert la lettre, il fait comme si... rien n'était arrivé, alors qu'il pressent la catastrophe. Sa vie est-elle une vie dans laquelle le malheur n'est pas arrivé puisqu'il ne le connaît pas ? ...mais elle est déjà bouleversée. A-t-on le pouvoir de repousser le malheur en refusant de savoir, mais pendant combien de temps ? Tel est le thème de ce très beau roman et le récit de ces quelques jours dans lesquels le héros met sa vie en marge...
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