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Citation de cjjouvet


Pierre Alfagui, tout en examinant les toiles qui tapissaient les murs de sa chambre d'hôtel, songeait à la décision qu'il avait prise ce jour même. Jusqu'alors, il n'avait vu le Maroc qu'en touriste, grâce à une bourse de voyage obtenue, pour une exposition particulièrement réussie, au Salon officiel des Artistes français. Passer trois mois "en Orient" : il avait pu enfin réaliser ce rêve, si commun aux jeunes peintres des ateliers de l'École des Beaux-Arts.

De ces quelques semaines, il gardait le souvenir d'intenses émotions d'art, mêlées à de curieuses et neuves impressions. Dérouté d'abord par la lumière trop vive, il en fut ensuite si épris qu'il pensait maintenant n'avoir jamais connu en France la jouissance de peindre.

Lorsqu'il se rappelait ses travaux d'école, les académies de modèles se détachant sur un fond sale, et même ses tentatives de plein air, ces paysannes normandes jugées hardies par le patron, le vieux peintre Maseng, Alfa-gui avait peine à s'imaginer qu'il en fut l'auteur ; pourtant elles ne dataient guère que d'un an et il les jugeait comme les oeuvres d'un confrère, sans indulgence.

Les premières pochades, faites à Rabat, rappelaient encore sa manière d'autrefois. Étant en pays arabe, il concevait naturellement la scène orientale par excellence, des bayadères sur des divans. Il voyait maintenant tout le convenu de cette interprétation, le sujet faux, les accessoires inutiles, et surtout cette peinture "au chiqué", exécutée pour obtenir l'effet facile et la réussite au Salon.

Il retourna contre le mur ces premiers cartons. Les plus récents, ceux de Meknès et surtout ceux de Fès, étaient meilleurs. Renonçant aux tableaux de genre, il peignait tout ce qui lui tombait sous les yeux, et dont il commençait à comprendre la beauté.

Un pays est comme une femme, pensa-t-il, on ne l'apprécie qu'à la longue.

Sa bourse de voyage étant épuisée il se félicita d'avoir pu trouver l'occasion de rester encore longtemps, toute une année, dans cette admirable ville de Fès
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