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Critiques de Andrea Camilleri (997)
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Le toutamoi

Point de Montalbano et son équipe, ici, mais Arianna et son Giulio...et ses gigolos.

Arianna et Giulio ont trouvé un arrangement pour vivre heureux et épanouis malgré l'impuissance de Giulio.: Un joli garçon pour Arianna le jeudi, et pas plus de deux fois le même! Mais mais mais, il va y avoir un os nommé Mario! Le bougre de frais dépucelé s'accroche comme une moule à un rocher. C'est un enfant qui découvre ou croit découvrir l'amour. Aïe! le mélange Mario-Arianna risque de donner un explosif instable et dangereux...

Arianna est encore, elle aussi, une enfant avec un lourd passé en italiques.

Un passé rempli d'ombres sordides et terribles.

Arianna va transgresser les règles établies entre elle et son mari. re-Aïe!

Un noir prenant, que nous offre-là le maître Camilleri. Une histoire limpide et tragique, dont le dénouement est un peu subodoré tout de même.

Un bon Camilleri, cependant!



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Le Roi Zosimo

Un vieux billet, deterre… Aucun Camilleri ne merite de rester enterre.



Le mélange de langues et de patois utilise par Camilleri (fort ingenieusement traduit du reste) peut se reveler d'une lecture ardue, mais seduisante en fin de compte. Je croyais savoir a quoi m'en tenir, après avoir lu La saison de la chasse. Mais j'ai quand meme ete desarconne un peu au debut. Car ici l'auteur force la dose. A l'italien et au sicilien, surabondant, tres augmente d'apres mes souvenirs par rapport a "La saison" (traduit pour le public francais par un patois Lyonnais tombe en desuetude), il ajoute de l'espagnol. Choix evident pour une histoire du temps de l'occupation espagnole de la Sicile. Mais bon…



En fait je suis vite remonte en selle. Et je me suis regale moi aussi de la truculence du texte. On peut tout comprendre sans avoir besoin de se referer au glossaire propose en fin de livre. La phrase entiere et le contexte aident a saisir au vol le sens des mots. Et certains ont leur logique: c'est assez clair qu'une plamuse est une baffe assenee du plat de la main (pla…main…?!).



La "difficulte" de la langue surmontee, nous assistons, fin 18e siècle, a la prise de pouvoir d'une ville (l'Agrigente d'aujourd'hui) par le petit peuple, paysans des alentours et citadins confondus; a leurs essais d'amelioration des conditions de vie des plus demunis, de reformes agraires et autres, avant d'etre vite renverses par une coalition de nobles qui ont beaucoup plus d'experience politique, c.a.d. qui sont beaucoup plus cyniques et plus rouards.

C'est l'occasion pour Camilleri de brosser magistralement un tableau de la societe sicilienne aux siècles passes, la famine endemique dans les campagnes, l'asservissement du petit peuple, l'accumulation des biens – rectification: l'accaparation de pratiquement tous les biens – par la noblesse et l'Eglise (pas le clerge, vu que les petits cures meurent aussi de faim, mais l'Eglise centralisee et ses magnats). L'occasion pour Camilleri de clamer son aversion, son mepris, son execration (ce mot existe-t-il ou viens-je de l'inventer?) pour ces accapareurs sans foi ni loi, sans peur et avec reproche. Pour tout dire, l'homme Camilleri qui apparait derriere ses lignes me plait beaucoup. J'etais fan de son oeuvre, maintenant j'admire l'homme.



Bref, j'ai pris du plaisir. Comme quoi meme un mecreant de mon espece fait bien de temps en temps de s'en remettre aux conseils du clerge (pour les profanes, ma conseillere a l'epoque etait la regrettee ClaireG).



P.S.: J'oubliais le plus important: lisez ce livre!

P.P.S.: Euh… Mettez plutot ce livre dans votre PAL et commencez par La saison de la chasse, qui est encore meilleur a mon avis.



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Le cours des choses

Admirez-moi cette couverture! C'est Saint Calogero en personne, expliquant les saintes ecritures a deux pigeons! Saint Calogero, ce saint noir venu d'Ethiopie ou d'une quelconque autre contree exotique, le patron de la petite ville dont je ne sais le nom, vu que c'est le premier roman ecrit par Camilleri et qu'il ne l'a pas encore baptisee Vigata! Et il n'en est pas devenu le patron pour rien: “Du vivant de saint Calogero, une terrible peste avait commencé à décimer la population qui, à cette époque-là, était entièrement composée de paysans, et le saint s'était coupé en quatre pour soigner les malades ; mais ceux qu'il réussissait à guérir mouraient quand même, faibles comme ils l'étaient, par manque de nourriture. Les riches et les nobles en effet, effrayés par la contagion, avaient muré portes et fenêtres de leurs rez-de-chaussée après les avoir remplis à craquer de farine et de blé. Saint Calogero avait eu alors une idée astucieuse : il avait rassemblé chèvres, mulets et chevaux, il les avait attachés les uns aux autres et il avait ouvert le cortège en frappant désespérément sur un tambour. Il demandait aux riches, que la curiosité poussait à se pencher à leur fenêtre, de lui lancer du pain et des sacs de farine par leur balcon, de façon à éviter tout contact entre eux et lui. Les nobles s'étaient laissé convaincre et le saint avait pu sauver ses malades”.

Depuis, lors de sa procession annuelle, on jette depuis les balcons pains et billets de mille lires. Les pauvres mangent le pain et le Saint ramasse les billets. C'est qu'il exauce tous les voeux de ses ouailles, mais moyennant offrandes. Parce qu'il ne faut pas lui en promettre, il faut lui en donner! Et on n'a pas interet a biaiser, d'une main il tient un livre mais de l'autre un baton. Vous ne me croyez pas? Ecoutez plutot Camilleri: “Saint Calogero, c'est bien connu, piquait des colères noires pour les voeux non respectés : comme tous les méridionaux, il ne supportait pas qu'on le couillonne, et on pouvait difficilement trouver plus méridional que ce saint noir de peau, venu des contrées arabes. Si saint Calogero s'apercevait qu'un fidèle mégotait sur un voeu, ou pire, ne s'y conformait pas, il était capable du pire, comme n'importe quel être humain. C'est justement ce qu'avait expérimenté don Giacomino Rappolo qui avait promis cinquante mille lires au saint s'il guérissait sa jambe cassée qui ne voulait pas se recoller. Au bout de deux mois, la jambe avait guéri, recta, mais don Giacomino avait bien réfléchi et il en avait conclu que ce service ne valait pas plus de vingt-cinq mille lires parce qu'il était resté un peu bancane. Il était entré dans l'église, avait épinglé ses vingt-cinq mille lires sur un des rubans qui pendaient à la manche de la statue, puis il était ressorti. Il n'avait pas mis le pied dehors que, faisant un faux pas, il débaroulait une à une les quinze marches du perron de l'église : il avait écopé de deux jambes cassées”.





Mais laissant le Saint a sa saintete, Camilleri nous raconte une histoire de meurtre non resolu qui n'est que le debut d'une embrouille ou il est question de maffiosi de villes differentes qui se querellent jusqu'en Amerique, d'anciens fascistes et de communistes, de contestation du pouvoir en place, d'amities indefectibles qui peuvent devenir ameres a boire et de comment la peur se tourne des fois courage et rage. Tout ca finit par d'autres morts, mais qui en est responsable? La maffia et sa loi du silence? La politique locale? Des interets economiques? D'anciennes histoires de vendetta? le sanguinaire sens de l'honneur? Va savoir… C'est peut-etre Camilleri qui a raison quand il nous confie: “Chez nous, on ne meurt que pour des histoires de fesses”. Heureusement qu'est plonge dans cette affaire un enqueteur a qui on ne la fait pas, un policier du nom de Corbo, qui prefigure deja le celebre Montalbano. Ruse et tetu derriere une fausse nonchalance, un homme qui connait bien son pays, et qui l'aime. Il faut le voir (et l'entendre) manger une tranche du bon pain de la procession!





C'est un livre au suspense haletant: c'est qu'il fait chaud et des qu'il parcourt quelques pages en courant le suspense est en sueur, le pouls tout saccade. Il y a bien un docteur dans l'histoire, mais il n'exerce plus, et notre suspense reste la langue pendante, echine, haletant.



Au fait cette langue est le meilleur atout du livre. Truffee d'un dialecte tres particulier, que le traducteur, Dominique Vittoz, a bien rendu. Pas une langue de bois, dure a avaler, mais une langue spongieuse, tendre, savoureuse a souhait. Camilleri la parfaira dans ses futurs ecrits, mais pour un premier jet c'est une reussite. Il faut croire qu'il a graisse a Saint Calogero la main qui tient le baton.





P.S. Pour celuicelle qui ne connaitrait pas Camilleri, je le laisse se presenter tout seul: “Je ne me considere pas un grand ecrivain. En Italie on cultive l'ambition d'elever des cathedrales; moi, a la place, j'aime construire de petites et sobres eglises rurales".

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Le ciel volé : Dossier Renoir

Notaire à Girgenti (aujourd’hui Agrigente) Michele Riotta répond aux questions d’une femme dont nous ne connaissons que le nom : Madame Alma Corradi.

Lui fait-elle des avances, lui envoie-t-elle des photos d’elle un peu dénudées, ses questions sont-elles trop personnelles, ou bien l’homme qui se dit vieillissant se précipite-t-il dans un dernier et pathétique amour, avec la force de son imagination ?

Le fait est qu’il se passionne, qu’il veut voir cette Alma : elle s’intéresse à la venue hypothétique de Renoir à Girgenti en 1882, se basant sur l’affirmation de son fils Jean, le réalisateur de la Grande illusion, ce qui voudrait dire qu’étant officiellement à Alger avec Aline, il s’en est échappé rapidement.

Pourtant aucune peinture de cette ville n’a été retrouvée, alors que Renoir a beaucoup peint l’Italie.

Puis, comme Alma lui pose tellement de question, il avoue avoir vu quatre toiles de Renoir, toiles qui ont disparu et qui d’ailleurs ne représentaient rien, pas un personnage, pas un paysage, sinon le bleu du ciel de Sicile.



Deux solutions s’offrent à vous :

- Ou vous relisez la biographie de Renoir écrite par son fils, vous vous rendez à Capistrano, là où le peintre a retouché des fresques, vous enquêtez auprès des villageois de la région, vous consultez les archives d’Agrigente, vous reprenez la correspondance entre Renoir et Durand-Ruel, dans le but de dénouer non pas la relation passionnelle mais le mystère posé par Andrea Camilleri dans ce « dossier Renoir ».



- Ou bien vous lisez ce court, astucieux, érudit, facétieux, pour ne pas dire primesautier, récit.







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La Pyramide de boue

Je me répète mais c'est toujours ainsi avec Andréa Camilleri: une excellente lecture encore une fois .Un langage fleuri, une narration vivante, des dialogues truculents et que dire de la réjouissante gourmandise de son personnage: Salvo Montalbano. Un régal! Mais surtout, surtout, merci à Serge Quadruppani pour sa traduction qui laisse la place aux régionalismes, aux accents et à une syntaxe hors norme. On comprend cette langue avec toute sa saveur. Dans La pyramide de boue, nous sommes en pleine construction, octroi de contrats, collusion et autres corruptions. Ha mais là, on le sent bien présent le pays mafieux ! Mais mais Montalbano et son équipe ont plus d'un tour dans leur sac pour arriver à prendre ceux qui ne sont jamais pris. Et la douce Livia, l'amoureuse de notre commissaire, qui se languit et qui l'inquiète tant, et lui qui n'a pas le temps...Ben voilà pour moi, c'est encore une fois un plaisir authentique de lecture, un moment bienfaisant et délicieux . Une lecture sourire aux lèvres des plus réjouissantes.
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Le Tour de la Bouée

Ce Tour de la bouée est ma deuxième lecture d'Andrea Camilleri.

Ce Tour de la bouée me fait aimer et respecter encore davantage la voix que l'auteur disparu a donnée, à travers son personnage emblématique du commissaire Montalbano.

Ce Tour de la bouée, est nourri d'indignation, de dégout et de colère. De rencontres, aussi: L'une avec un cadavre lors du bain de mer matinal du commissaire, et l'autre avec un enfant immigré que le commissaire ne saura pas sauver... Deux affaires qui se relient et que Montalbano va se faire un devoir sacré de résoudre.

Dans ce livre, dont certains aperçus plongent dans l'abomination et la pestilence humaine (le trafic d'enfants...) Montalbano peut compter sur son équipe, son ami suédoise et d'autres alliés de circonstance comme un pêcheur qui connait parfaitement son "bout de mer", ou un journaliste multicolore.

Le tour de la bouée est un livre qui remue, qui secoue, et qui fait du bien!

C'est la bonne cuisine de Camilleri, généreuse et raffinée comme celle dont Montalnano se cale les joues. C'est ce parler typique de la Sicile, traduit par Serge Quadrupani, et qui anime singulièrement les dialogues et réflexions du récit. C'est cet humour-malgré tout, qui éclate lorsque Montalbano sort nu de la mer avec un cadavre attaché à son poignet et passe au journal télévisé!... ou le comportement "hénaurme" de Catarella, sorte de flic enfantin aux intuitions parfois géniales et prince du comique qui s'ignore.

Vos cinq étoiles vous reviennent pleinement, Andrea Camilleri! Elles font partie d'une galaxie des autres soleil qui me sont à découvrir de votre si belle plume.

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L'Âge du doute

Cela commence par un cauchemar du tonnerre , une nuit d'orage « avec un ciel, bien comme il faut, uniformément peinturluré de noir ». Salvo Montalbano, 58 ans se rend à son commissariat et Flavio lui apprend qu'il a défunté. Une attaque apoplectique pendant qu'il tiliphonait avec monsieur le Questeur. Et bien sûr, celui-ci, « ce grandissime cornard » de Bonetti Alderighi a confié l'enquête au nouveau chef de la brigade criminelle. Mais ce qui est le plus terrible, c'est que Livia, l'éternelle fiancée de Salvo ne sait pas si elle pourra se rendre à ses funérailles car une occasion s'est présentée à l'improviste. le commissaire est bien vivant mais tout tourneboulé et broie du noir.

Et puis il y a une vraie tempête, la route est quasi inondée, et Montalbano ramène chez lui une pauvre conductrice échouée. Elle s'appelle Vanna Digiulio, elle est étudiante, vit à Palerme et elle est censée rencontrer sa tante dans l'après-midi du lendemain sur le bateau de cette dernière - appelé Vanna - lorsqu'il arrivera au port de Vigata. Lorsque le yacht arrive, la police portuaire appelle Montalbano pour le prévenir qu'un homme a été trouvé mort dans un canot du Vanna en entrant au port. Montalbano, inspectant le corps, constate que le visage a été écrasé, rendant l'identification impossible. Il fait alors connaissance avec la riche propriétaire du yacht, une certaine Livia Giovannini une veuve genre croqueuse et de son Commandant genre cool. Et puis de Laura Belladonna la bien nommée, belle comme un sonnet de Pétrarque et lieutenante à la Capitainerie du port. le commissaire pourra-t-il résister au chant des sirènes et mener son enquête sérieusement ?

Ce policier de 2008 m'a beaucoup plu. Il est bien ficelé. Et tragi-comique avec une alternance de monologues, de narration et de dialogues. On suit l'enquête de Montalbano avec ses petits clins d'oeil à Simenon et puis surtout on guette l'évolution de l' humeur de Salvo . Il est tantôt acteur, tantôt spectateur mélancolique de lui-même. Il n'est jamais serein le quinquagénaire avancé ni en paix avec sa conscience. le ton est drôle et en même temps mélancolique. Salvo ment, s'enferre comme un collégien dans des mensonges dramatiques et grotesques pour échapper aux coups de fil du Questeur et de son impayable adjoint. Et aussi à ceux de sa fiancée qui l'appelle alors qu'il pense à une autre.

L'écriture est savoureuse comme les petits rougets d'Adelina. Je me suis régalée.
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L'autre bout du fil

Une fois de plus , je me suis lancé en terre italienne , cette fois pour y retrouver le célèbre dottore Montalbano .Je savais que la mission la plus stressante de Montalbano était de gérer l'arrivée de malheureux migrants et de les guider vers les centres d'accueil , les encadrer , les soigner .Au passage , on pourra noter quelques coups de griffes sur la gestion de ces mouvements de population par les états européens .Courage , fuyons . Bon . On retrouvera du reste plusieurs assertions de bon aloi sur le sujet , sujet qui n'a pas fini d'alimenter les débats dans lesquels chacun cherche à ...s'en éloigner .Vous savez , " la patate chaude "...

Bon , ça , c'est fait , concentrons nous sur Montalbano qui , poussé par sa délicieuse fiancée , va se faire " tailler un costume " chez une trés appétissante couturière que l'on retrouve ...morte , lardée de coups de ciseaux ...

Bon , je ne vous apprends rien , tout est noté sur la quatrième et ...je n'en dirai pas plus sauf que , naturellement , Montalbano et ses hommes vont " faire le job ". La quëte de la vérité ne sera pas aisée , Andréa Camillieri s'en donnant à coeur joie pour brouiller les pistes , corser l'affaire de façon à nous réduire à l'état de détective amateur qui voit tout mais ...ne trouve rien .Lecteur actif mais lecteur promené au gré de l'imagination d'un auteur particulièrement doué ." Racontez moi simplement votre histoire , je me charge de l'embrouiller " disait l'avocat de Coluche .Et bien , Camillieri , c'est un peu ça et l'effet est saisissant .

Allez y , amies et amis , vous allez passer un bon moment et vous pourrez même profiter de certaines délicieuses spécialités culinaires , Montalbano sait recevoir ...et s'avère être un fin gourmet !

Un petit bémol .La traduction réalisée par Serge Quadruppani use et abuse de niveaux de langue divers .Transposés en français , ceux -ci ne m'ont pas convaincu , voire même géné dans ma lecture . Je trouve que l'on tombe un peu dans une caricature qui pourrait passer à l'oral , dans un film , par exemple , mais dans un récit écrit , bof . Bon , moi je n'aime pas mais ce n'est pas pour autant qu'il faut bouder ce trés bon roman et puis , je ne prétends pas avoir raison non plus mais , sur Babelio , il est de bon ton de se montrer sincère , non ?

Allez , à plus , amies et amis .Passez une bonne journée ensoleillée .A trés bientôt.
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La Saison de la chasse

C'est une intrigue policiere. C'est une etude de moeurs. C'est dans la veine du realisme magique. C'est d'une recherche linguistique tres poussee. C'est inclassable. Bref, c'est du Camilleri (et sans son inspecteur fetiche, Montalbano. Il n'existait pas encore).



Je crois que c'est la premiere fois (la deuxieme au plus) qu'apparait dans l'oeuvre de Camilleri la petite ville de Vigata, en laquelle n'importe quelle reelle petite ville de Sicile peut se reconnaitre.



Ca se passe fin 19e siècle. le marquis Filippo, l'homme le plus important du lieu, perd son unique fils,un garcon un peu demeure qui s'est empoisonne en mangeant des champignons veneneux et laisse derriere lui une amante eploree, une truie (une vraie… moeurs campagnardes…). Voulant s'assurer une progeniture a tout prix, le marquis rend folle sa femme qui succombe sous la multiplicite de ses ebats. Il cherche alors d'autres recipients pour sa semence. Ce qui se passa entre le marquis et l'epouse d'un garde-champs ne le surent que Dieu, le complaisant garde-champs et tout Vigata. Une petite marquise naitra, assurant le repos spirituel de son pere.



Dans tout cela arrive en ville un nouveau pharmacien, dont les ancetres avaient ete chasses de la ville, qui s'avere maître dans l'art de concocter des potions medicinales avec des herbes locales. Et dans cette bourgade il se trouvera des affinities intellectuelles avec la jeune marquise, qui s'est fait coutume de mepriser les soupirants nobles qu'on lui presente. Amour quand tu nous tiens…



Lors commence une serie de morts misterieuses. Beaucoup d'elles naturelles ou qui semblent naturelles au premier abord. Mais trop c'est trop et on commence a penser qu'il y a anguille sous roche, roche et bobois, meurtrier sous bois. Des meurtres? Pour quelle raison? Pour quell motif? Qui en tire profit?



Arrivera-t-on a demasquer le meurtrier? Et qu'en sera-t-il de la jeune marquise? Et du petit pharmacien? Laissons Camilleri debloquer tout ca de plume de maître… La saison de la chasse est un portrait caustique et hilarant de l'univers semi-rural sicilien, ses aristocrates et ses paysans, ses disputes d'heritage, ses privileges, ses vendettas, ses truies affectueuses.





Camilleri a truffe son texte de mots et d'expressions en dialecte sicilien. La traduction francaise les a rendus en utilisant un ancient parler Lyonnais. Certains lecteurs ont donc trouve la lecture un peu ardue. Moi, cela ne m'a pas gene, bien au contaire. J'ai trouve ce metissage linguistique savoureux. Je me suis regale (delectable, ce dialecte… dialectable…).



Beaucoup de morts peuplent ce livre. de la litterature noire, donc? Non, de la coloriee, au contraire! de la multicolore! Truculente de couleurs! Savoureuse de couleurs! Pour terminer les vacances en beaute! Pour retourner au travail avec le sourire!



Il me faut donc conseiller sa lecture. C'est mon devoir, c'est un des meilleurs de Camilleri.

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La révolution de la Lune

UN REGAL !

Ainsi comme ainsi, j'ai besoin de m'acasser dans le fauteuil le plus proche pour arriver de trou ou de brou à démêler les pensées et contre-pensées de ma cocuce, ne sachant quelle pièce coudre pour entamer cette critique.



Pas la peine de touiller autour du buisson, je vais m'y lancer à toute éreinte et l'écrire sans détarder. J'espère que vous avez compris chat sans que je dise minon sinon je devrai ritouler alors que j'ai la gargate nouée.



Première lecture d'Andrea Camilleri, écrivain italien qui joue de la langue et de la syntaxe comme Mozart du piano et du violon. Toutes les expressions, siciliennes, italiennes ou espagnoles, sont comprises aisément grâce au contexte. C'est surprenant, très vivant et imagé et, surtout, totalement différent de ce que je lis habituellement. Bravo à la traductrice, Dominique Vittoz, dont le rendu fait oublier la traduction.



L'histoire est une partie de l'Histoire de la Sicile, alors sous occupation espagnole. A la fin du 17e s., le vice-roi vient de défunter et a désigné son épouse pour lui succéder. Celle-ci, que personne n'a jamais vue, prend la charge à coeur et décide de combattre la corruption et la luxure de ses conseillers. D'une intelligence redoutable, donna Eleonora, "sans prendre merle pour renard", s'entoure de conseillers intègres, civils, militaires et ecclésiastiques. Elle dénoue un à un les fils de la malhonnêteté des uns et des autres et condamne sans remords, en toute légalité, les princes du sang et le prince de l'Eglise.



Son règne ne dura que 27 jours et elle eut le temps

- d'édicter une loi pour que chaque corporation désigne et délègue un représentant placé sous l'autorité d'un prévôt qui jugerait les différends comme le ferait un tribunal,

- de faire baisser le prix du pain de moitié,

- de faire rouvrir un hospice pour les "vierges en danger" et un autre pour les prostituées âgées,

- d'exonérer d'impôts les "pères surchargés" de huit enfants au lieu de douze,

- de constituer une dot sur les deniers attribués au vice-roi pour les jeunes filles nécessiteuses, etc.



L'évêque de Palerme ne voulant perdre aucune de ses prérogatives ni suivre la voie de la destitution et de la ruine comme ses anciens camarades, écrivit au pape qu'il était impossible qu'une femme revête la dignité de légat-né de Sa Sainteté alors que cette fonction était indissociable de celle de vice-roi.



De fil en aiguille, le roi d'Espagne et de Sicile, Charles II, fit savoir à son vice-roi, donna Eleonora, que ses fonctions prendraient fin le 1 octobre 1677 mais que tous ses actes et décisions resteraient en vigueur et ne pourraient être annulés.



Lecture époustouflante qui m'a laissée bauchée en place comme pique-plante et que je vous recommande allègrement.



Un tout grand merci à Szramowo qui m'a conseillé cet auteur que je vais continuer à lire pour la couleur de ses mots et pour la vibration de son style.









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La pension Eva

Ma troisième lecture d'Andrea Camilleri m'a emmené chez Montalbano, mais sans Montalbano.

... Toujours dans l'excellente traduction de Serge Quadruppani qui s'efforce et réussi à nous faire partager ce parler si spécial à la Sicile.

La pension Eva n'est pas sans me rappeler l' Amarcord de Fédérico Fellini et sa profonde nostalgie. Un rêve latin.

Il y a cette ambiance particulière de l'enfance qui s'achève et de l'adolescence avec ses brulures et impatiences.

Il y a ce monde féminin, comme une terre promise dont l'épicentre est ce bordel. Un bordel, comme paradis aux codes et tarifs établis. C'est un temple, avec ses prêtresses qui ne manquent ni de courage , ni de foi ni de bienveillance.

Camilleri nous régale d'insolites portraits de clients et de filles de la Pension.

D' histoires d'amour, aussi, tragiques ou cocasses.

Nené va faire son apprentissage d'homme à la pension Eva.

Bien sûr, c'est la guerre, et les bombes pleuvent. Le monde de Nené s'écroule en décombres... Les américains vont débarquer, la vie repartira.

La Pension Eva survivra-t-elle?

Et Camilleri n'oublie jamais de nous faire partager, humer, la savoureuse cuisine sicilienne. Car manger fait partie de la vie.

Décidément, je n'ai pas fini de déguster l'œuvre d'Andrea Camilleri.
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Le Roi Zosimo

En fouinant dans sa librairie habituelle, Andrea Camilleri tombe en arrêt devant un entrefilet consacré à un élément mineur de l’histoire d’Agrigente où il a fait ses études : un paysan a été nommé roi au début du XVIIIe s. Elément mineur pour l’Histoire mais majeur pour l’auteur qui connaît sa Sicile natale comme le fond de sa poche et qui ignorait ce détail.



Pas moyen de moyenner, il faut absolument qu’il connaisse les tenants et aboutissants d’une existence hors du commun… mais dont rien d’autre n’existe que ce « fait divers » paru dans les « Mémoires historiques d’Agrigente » en 1866.



Et voilà notre auteur, tout sensipoté, prit à scrutiner l’époque peu enviable de la succession d’Espagne dont la Sicile est un enjeu important. Tous les éléments historiques qui entourent les personnages du roman sont rigoureusement exacts. La biographie du paysan devenu roi est rigoureusement inventée. Avec quelle verve !



Or donc, l’enfantelet Michele Zosimo naquit de parents pauvres de génération en génération. Précoce et coquin, le petit Zosimo refuse le lait maternel au profit d’une sardine et de quelques miettes de pain, se met à parler dès sept mois et est enseigné par un ermite extravagant qui en fait un amoureux des livres et un « pagan savant » qui mettra son érudition et son bon sens au service de ses semblables.



Alors que le roi d’Espagne cède la Sicile à la Maison de Savoie non sans échauffourées continuelles, alors que les armées s’étripent, que les grands propriétaires terriens s’écharpent et que l’évêque manipule ses ouailles à la venvole, seule la vie misérable des paysans connaît la stabilité. S’y ajoutent de temps à autre sécheresse, famine, épidémies et inversement.



Dans ce climat tendu et terriblement injuste pour les populations, naissent nombre de jacqueries, de troubles et de tohu-bohus où des ordres contradictoires d’un régent ou l’autre viennent souvent affaiblir le pouvoir des roitelets locaux. C’est ainsi qu’un jour, Zosimo devint roi. Ephémère, mais roi quand même.



A son habitude des plus originales et des plus inventives, Camilleri mélange l’italien moderne et les dialectes siciliens à la verve espagnole pour colorer les dialogues et les scènes de la vie quotidienne. Cela confère au texte un rythme musical très savoureux, métissé d’un langage suranné sans doute, mais tellement vivant. Il faut épingler le talent de la traductrice, Dominique Vittoz, qui a fait un travail de recherche considérable en adaptant la langue de Camilleri en français ancien et en français régional de Lyon. Un glossaire très étoffé en fin d’ouvrage mérite le détour même si la compréhension de cette fourchelangue intervient d’elle-même après quelques pages.



Pour l’instant, je n’ai pas encore trouvé l’inspecteur Montalbano qui pourrait me faire apprécier les enquêtes policières d’Andrea Camilleri mais en ce qui concerne ses romans historiques, je leur suis acquise à 100%.

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Le Coup du Cavalier

Debouchant d'une pause forcee, il me fallait un remontant. Je me suis tourne vers une recette de grand-pere, validee mille fois: contre le marasme ambiant, Camilleri! Indisposition passagere ou malaise permanent? Camilleri! Creve-coeur ou autres tourments? Camilleri! Camilleri, la panacee ideale pour maux physiques ou mentaux.





Ledit Camilleri nous offre ici un de ces polars picaresques dont il a le secret, qu'il situe, comme souvent, dans la Sicile du 19e siecle.



Un inspecteur des finances venu du nord (genois, mais de peres siciliens) arrive a Vigata et y constate une fraude generalisee sur la redevance des moulins, dirigee par les grands propietaires terriens. Meme son superieur sur place y est implique. S'evertuant a devoiler l'organisation et a la demanteler, il est menace puis tres vite accuse d'un meurtre et mis en prison. Et c'est en prison que, se rappelant ses origines siciliennes, il se remet au patois de la region. L'utilisation de ce patois, d'une facon que ses detracteurs n'auraient pu soupconner (c'est “le coup du cavalier"), lui permet de renverser la situation et de se liberer. Mais il devra quand meme quitter la Sicile ou il n'a jamais ete le bienvenu.





Camilleri excelle, dans ce livre comme en d'autres, a confronter gens du Nord et gens du Sud. La diversite des dialectes et l'incomprehension qui en resulte rend facilement des effets comiques, dont Camilleri se sert non seulement pour opposer les diverses mentalites, mais surtout pour essayer de refleter le choc entre de “modernes” normes de gouvernance et les habitudes ancestrales d’une societe fermee sur elle-meme, hermetique, insulaire par destin et par volonte.





Camilleri n'accorde l'imprimatur a une de ses oeuvres qu'apres y avoir malmene (il aurait prefere que j'ecrive etrille) un des membres du clerge. Ici il tisse une intrigue secondaire ou un cure rapace use de tous les moyens possibles pour deposseder de ses terres sa propre famille, et, a ses moments libres, fait monter dans ses appartements de belles femmes a qui il offre les tresors de son eglise pour essayer de les “tringler” (sic.). Il sera decouvert un beau jour mort, assassine, ce qui n'est que justice.





Le livre finit en beaute: un epilogue ou les personnages principaux racontent leurs reves. Chaque reve plagie un auteur different, des plus patriciens, Joyce, Kafka et consorts, jusqu'a des plebeiens comme Sciascia et Hammett. Un bel hommage.





Camilleri s'amuse? Camilleri nous amuse! Sans pour autant cesser sa critique de la societe. Enfin… pour notre grande peine Il a malheureusement cesse. Ite missa est. Sa messe est finie (ou comme lui l'ecrit, en un latin sicilianise: Itivinni la missa e).



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Chien de faïence

C’est le troisième Montalbano que je lis et je commence à l’apprécier. Cette série, elle n’est pas du genre à soulever l’enthousiasme immédiat mais, petit à petit, elle bâtit sa réputation. Un peu à l’image de son détective vedette, qui n’a l’air de rien à première vue mais qui se révèle particulièrement efficace. Et ce roman, Chien de faïence, suit la même logique : mine de rien, un crime en apparence facile à classer en cache un autre plus important et ardu.



En effet, un important mafieux qui se livre aux policiers est exécuté par ses anciens complices. Assez simple, non ? Une affaire presque classée d’avance… si l’on croyait que c’était le crime principal, que l’enquête tournerait autour de ce règlement de compte. Eh bien, non ! C’est mal connaitre l’auteur Andrea Camilleri. Avant de mourir, le mafieux a révélé l’existence d’une cache et, là, on découvre deux cadavres emmurés depuis une cinquantaine d’années.



Donc, Salvo Montalbano mène son enquête, parfois en dépit de l’obstruction de ses supérieurs. Heureusement, son entêtement et son sens aigu du devoir l’emportent toujours. Je commence à peine à me familiariser avec lui (et avec son équipe), mais peut-être pas autant que je l’aurais souhaité. En effet, je n’ai pas l’impression de l’avoir saisi aussi rapidement que Holmes, Poirot, Wallander, Erlendur ou même Pepe Carvalho. Eh oui, je n’avais pas remarqué la similitude avant que Montalbano ne se mette à lire les romans de Vasquez Montalban. J’adore quand des auteurs font référence à d’autres œuvres, surtout dans un cas comme celui-ci où les deux traitent de romans policiers.



Évidemment, une critique d’un roman d’Andrea Camilleri ne saurait être complète sans mentionner la ville de Vigàta (en fait, Porto Empedocle, le vilalge natal de l’auteur) et le peuple sicilien, qui forment un personnage en soi, haut en couleur, qui aide autant qu’il nuit aux enquêtes de Montalbano. Et, avec lui, toutes les traditions millénaires, la culture, la cuisine… les plats simples et typiques mais tout de même alléchants me donnaient la fringale.
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La prise de Makalé

Le petit Tambour de Günther Grass vous a laissé une impression de malaise et de perversion?



Le petit Michelino est la version fasciste, sicilienne et truculente du nabot nazillon inquiétant de Grass, mais une version si outrancière et cocasse que les situations les plus scabreuses -et dieu sait s'il y en a!- ne font guère que vous dilater la rate!



Avec Andrea Camilleri , on est dans la farce, dans la grosse artillerie à dégonfler les baudruches, dans la dérision tous azimuts!



Le petit Michilino a un papa très fasciste, très viril, très macho.



Le petit Michilino a une maman très jolie, très catholique, très empressée auprès du curé du village et très pressée voire compressée par lui.



Le petit Michilino a une cousine très délurée, Marietta, qui adore chauffer son "petit oiseau" quand elle dort en levrette avec lui.



Le petit Michilino a un petit mousqueton de parade à la baïonnette émoussée, mais il en a aussi un autre, dangereusement pointu, caché dans son casier d'école, destiné à pourfendre les ennemis du Duce et ceux du Christ, ces vilains communistes qui se rient de toutes les valeurs de papa et de maman.



Le petit Michilino a un petit uniforme fasciste à sa taille, mais un pantalon taillé comme celui des hommes.



En effet, le petit Michilino est amplement doté par la nature , ce qui lui vaut les attentions gourmandes de sa cousine, on l'a vu, mais aussi celles des veuves en manque, celles des instituteurs fascistes admirateurs de viriles empoignades spartiates, celles des pédophiles de cinéma, et j'en passe.



C'est que son "petit oiseau" , déjà si étonnamment disproportionné au repos, atteint une envergure aquiléenne quand il est chatouillé par la voix virile du Duce!



Tous aux abris!



Tandis que la guerre en Abyssinie et la prise de Makalé suscitent fêtes et commémorations -Marietta y a perdu son amoureux, une aubaine pour le "petit oiseau" de Michilino qui va trouver où se nicher pour la consoler! -, le petit Michilino lui aussi fait sa guerre, contre les communistes, les parjures, les adultères, les fornicateurs de tout poil!



Ça va saigner!



Le petit monstre priapique va faire bien des dégâts..



Avec la bénédiction de la Sainte Eglise et du Duce, ses saints patrons!



On est beaucoup plus mort de rire que de peur!

La satire est virulente et joyeusement iconoclaste.

Comme le satyre, son petit héros ...



Un Camilleri très rabelaisien, très politique et très politiquement incorrect !



Bégueules s'abstenir!
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Pirandello : Biographie de l'enfant échangé

Triste coïncidence! Au moment où je m'apprête à chroniquer sa biographie de Pirandello, chaudement recommandée par notre Booky , cette dernière m'apprend que le célèbre père du commissaire Montalbano vient de ranger définitivement ses plumes : il  est mort, aujourd'hui, tout auréolé de gloire,  à  93 ans.



J'avoue n'avoir lu qu'un seul Montalbano, La Concession du téléphone, sans avoir été  le moins du monde séduite.. Je n'avais pas récidivé : il y a tant de choses à lire et tant d'auteurs à découvrir...



Mais qu'il fût l'auteur d'une biographie ou plutôt d'un essai -roman biographique sur Pirandello m'a intriguée. J'ai appris au passage qu'avant d'être un célébrissime auteur de "giallo" Camilleri était un dramaturge, un scénariste et un critique dramatique fort brillant.



Donc, Pirandello, ok, ce n'était plus une surprise mais une rencontre un peu "arrangée "de deux  dramaturges, tous deux siciliens, et du même patelin qui plus est!



L'entreprise de Camilleri est originale: il revit de façon d'abord un peu lointaine, en adoptant les codes et registre du critique, le parcours de Luigi Pirandello.



Mais progressivement, son angle de vue se resserre, sa vision personnelle empiète sur le recul critique , et le registre devient celui d'un romancier.



Comme si Luigi Pirandello, objet de l'ouvrage,  était devenu Personnage à part entière, et s'était trouvé un auteur en la personne d'Andrea Camilleri, écrivain, dramaturge, et sicilien. Une sorte de  double lointain. Une étrange répétition.. .. ..



Se trouver, personnage en quête d'auteur, répétition ....Suivez mon regard: on est en pleine mise en abyme, là, non?



Sollicitant abondamment l'oeuvre, la citant, l'interrogeant, l'appelant à la barre comme pour la faire  témoigner du bien-fondé de ses hypothèses,  Camilleri cible toute cette biographie inspirée et  intériorisée autour d'un point focal classique: la (mauvaise) relation entre un père,- don Stefano Pirandello, négociant en soufre, affairiste agité et violent-,  et Luigi Pirandello, son fils, réservé voire mutique, littéraire et sourdement hostile.



 Si mauvaise, la relation, que Luigi nourrira le fantasme, entretenu par une légende sicilienne racontée par sa nourrice,- La Fable de l'enfant échangé-  qu'il n'est pas le fils de son père, qu'il n'est que le rejeton disgracieux laissé en otage à ses parents par les "donni", les dames-

sorcières en sicilien, qui ont mis le vrai fils en bonne place afin qu'il fût honoré comme un roi. A charge pour les parents de faire contre mauvaise fortune, bon coeur et de gâter l'enfant de paille pour que tout le bénéfice en retombe,  loin de leurs yeux, sur leur vrai fils , l'enfant-roi! Un thème freudien!



Toute la vie de Pirandello, vue à travers ce prisme, est une longue, lente, éprouvante démarche du fantasme à la réalité,  de la haine et de la rancune, à la réconciliation.. .et ,hélas, au mimétisme, car le fils pardonnant au père s'avère être, à son tour , aussi mauvais père, aussi mauvais mari, que ne l'avait été son propre père, c'est bien connu, les chiens ne font pas des chats!



Mais c'est passionnant de dechiffrer l'oeuvre et de découvrir l'homme  à travers cet objectif-là.



-Alors, Michfred, pourquoi ne pas avoir mis 5 étoiles -cinque stelle..- à ce petit bijou ingénieux, convaincant, passionnant?

- Pour une bien mauvaise raison, en fait, et dont j'ai honte, mais qui prouve qu'à sa manière, le récit  autobiographique a fait mouche: Luigi Pirandello, rancunier, narcissique, despotique, sûr de son charme,  intéressé , impecunieux et égoïste, m'a parfaitement déplu.. .il a même, un court moment, mais mal placé,  été membre du parti fasciste..



Camilleri l'Auteur a si bien trouvé son Personnage qu'on y croirait!



Quatre étoiles, là,  et c'est mon dernier mot!



Ps: Merci Booky, j'ai dévoré en deux jours, quand même!



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Ne me touche pas

Laura a disparu. Comme elle est la jeune et belle épouse d'un grand écrivain riche, célèbre et plus âgé qu'elle, la nouvelle ne passe pas inaperçue, la police et la presse s'en mêlent. Il apparaît très vite qu'il ne s'agit pas d'un enlèvement, mais d'une disparition volontaire. Et pas sur un coup de tête, loin s'en faut, puisque Laura a tout organisé au millimètre, dans le plus grand secret.



Même si, dans un cas pareil, la police n'a plus aucune raison d'enquêter, le commissaire Maurizi, par égard pour la réputation du mari délaissé, poursuit néanmoins ses investigations. En interrogeant le passé de Laura, il lui découvre des amours tumultueuses et des amants en pagaille. Des témoignages qu'il recueille, il se dégage une femme à la personnalité complexe, tour à tour sans coeur et sans cerveau, égoïste et vaine, ou au contraire passionnée, tourmentée, déprimée, à la recherche d'elle-même.



Ceci n'est pas un roman policier, c'est le portrait d'une femme difficile à cerner, mais peut-être « pas si inhabituel qu'il peut apparaître à première vue », comme le dit l'auteur dans une note finale. Ceci n'a rien d'un récit linéaire, c'est un puzzle exclusivement constitué de dialogues, de coupures de presse et de courriers dont l'agencement restitue progressivement la personnalité de Laura.



Une histoire pliée en 140 pages très aérées, une disparition à la motivation un brin improbable, un prétexte à l'évocation savante de la fresque « Noli me tangere » de Fra Angelico, une héroïne qui fait figure de pauvre petite fille riche incomprise, tout cela ne m'a guère touchée...



En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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La prise de Makalé

Horreur et damnation!

Dans quel cabinet d'horreurs ce rustre de Camilleri m'a entraine!

Dans quel bain de turpitudes m'a-t-il plonge!

A-t-il voulu accabler mes nuits de cauchemars?

Qu'ai-je fait pour meriter un tel traitement?

C'est comme cela qu'il entend recompenser un lecteur fidele?



Je m'explique: Camilleri se sert dans ce roman d'un gosse de 6 ans, celui qui est normalement considere symbole d'innocence, pour deverser des quantites considerables de sang et de sexe. Et ce n'est pas un polar! Quelle abomination!



Mai qu'est-ce qui m'est arrive? Comment, au lieu d'un rictus vomitif, ma bouche a arbore force sourires en coin? Ah! Ca c'est le secret Camilleri. La touche Camilleri. Il reussit a ourdir d'une longue liste de monstruosites, d'obscenites, une farce espiegle. Une farce au dessein tres serieux, comme toujours dans les farces classiques. Camilleri se sert d'un grotesque exagere (jusque dans l'horrible) pour ridiculiser et pourfendre de vieux fantomes, comme le fascisme mussolinien, et d'autres toujours actuels, comme les manipulateurs de tout poil attisant un fanatisme qui deshumanise tout adversaire, comme les hypocrites aux preches a l'antithese de leurs actions (Camilleri a un faible pour les cures qui trompent leur legitime Jesus avec la femme d'autrui...), comme ceux qui suivent le plus grand nombre simplement parce que c'est le plus grand nombre. Et c'est un cri d'alarme: l'innocence peut devenir un des chemins qui menent a la barbarie.



Et en une phrase: La prise de Makale est une farce "henaurme", atroce, jouissive au plus haut point. A ne pas rater. (Cela fait deux phrases? A cause d'un point? Soit.)
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La Forme de l'Eau

En bon écrivain, Camilleri sait l'importance de la forme.

En bon flic, Montalbano sait qu'il faut se méfier de la forme.



Une mort accidentelle, c'est comme l'eau qui épouse la forme qui la contient. Autant de recipients, autant de formes.. On peut tout lui faire dire, même ce qu'elle n'est pas.



Alors,  quand deux géomètres au chômage devenus par nécessité  éboueurs du Bercail, un site industriel abandonné devenu point de rencontre de la pègre et de la prostitution, quand ces deux géomètres déclassés  découvrent le cadavre de l'ingénieur Luparello, homme d'influence et de pouvoir, en bien honteuse posture, Montalbano, malgré les experts qui concluent à une mort naturelle, malgré les pressions politiques, religieuses et hiérarchiques qui le pressent de fermer ce dossier scandaleux, traîne les pieds et "rousine" dans son coin.



À cause de la forme de l'eau.



 Et quand, fermant enfin  le dossier, au grand soulagement de tous, il  trouve une explication, comme Hercule Poirot, il l'expose à sa hiérarchie.  La voilà rassurée.



L'eau est rentrée au bocal sans faire de vagues.



C'est mal la connaître et surtout mal connaître Montalbano. 

Montalbano n'est pas- fort heureusement- Hercule Poirot.



Communiste, il est, Montalbano,-voilà que je me mets à parler comme ceux de Vigàta - la forme de l'eau sicilienne m'aurait-elle captée à son tour?-  lui qui préfère aller aider les chômeurs qui paralysent la gare plutôt que d'aller prêter main forte aux carabiniers.



Et pour habiller l'eau, il sait y faire, Montalbano.  Pour ça, il faut parfois jouer à Dieu le père  et forcer la main au destin.Un dieu de quatrième zone, mais un dieu quand même.



C'est  ce que lui fait remarquer la douce Livia, sa maîtresse quand Salvo - le beau prénom du commissaire-  lui livre, enfin, sur l'oreiller, le secret des formes de l'eau.

.

Le premier Montalbano de Camilleri.



Tout y est déjà : Montalbano, humain, ironique , indépendant et observateur;  l'indic' précieux, le fidèle acolyte du milieu-  l'inénarrable  Gegè- ,  les personnages du commissariat, les femmes de Montalbano, Livia, Anna et Ingrid. Une eau vive, jaillissante, celle du premier cercle .



Plus loin, l'eau est glauque, et a tout du marigot:  magouilles politico mafieuses, jeux de sexe, jeux d'argent, jeux de  pouvoir. Jeux de mort.



Et puis il y a l'eau mythique, la mer qui entoure Trinacra, le triangle  -  cette Sicile brûlée, volcanique, pleine de chaleur et de passions.



Et , prise dans ce triangle, il y a Vigàta,  petite ville parcourue de tensions, agitée de pulsions, frémissante de cancans- entourée de silence.



Et d'eau.

 

Encore elle,  trompeuse et polymorphe.

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Une voix dans l'ombre

Qu'est-ce qui fut ?



Le commissaire Salvo Montalbano est attaqué par un poulpe féroce qui le regardait de travers depuis l'évier de sa cuisine. Sur la route où il roule pépère, Montalbano est traité de vieux débris par un jeune chauffard en BMW. Salvo le serre à l' américaine à la station service pour se venger. Un supermarché est cambriolé sans trace d'effraction. le gérant est interrogé par son adjoint Augiello. le gérant du supermarché est retrouvé pendu. « Televigàta" raconte que c'est la police qui l'a poussé à bout. L’irascible légiste Pasquano sait qu'il ne s'agit pas d'un suicide mais ne l'écrit pas dans son rapport d'expertise. Le supermarché appartient à l'honorable famille Cuffaro. Un témoin, agent de sécurité, est abattu. La petite amie du chauffard est poignardée et le commissaire oublie son anniversaire. Il a 58 ans.



Montalbano doit faire à des supérieurs hypocrites et à une presse aux ordres de politiciens corrompus par la Mafia. Andrea Camilleri souligne les interactions de la Mafia avec des hommes politiques non seulement provinciaux mais nationaux, comme le faisait Leonardo Sciascia avant lui. Son commissaire s'oppose à un pouvoir politique qui lui donne la nausée. Et il s'expose aux obstacles que le pouvoir judiciaire représenté par le Questeur Bonetti-Alderighi met en place pour masquer la vérité.

Heureusement Montalbano peut compter sur sa fine équipe soudée comme celle des Incorruptibles. Même le brave Catarella s'y met. Qui l'eut cru ? Catarella est le roi de la èmepétroi. Et nous lecteurs, au milieu de ce policier tendu et très pessimiste, nous pouvons toujours compter sur le Maestro pour déclencher de grands éclats de rire.



Un excellent cru, c'est.
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Andrea Camilleri est né en Sicile en 1925. Il s'est mis au polar sur le tard, avec un très grand succès. C'était en :

1985
1992
1994
1998

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