Citations de Andrea Camilleri (1005)
Il ouvrit le frigo et poussa un véritable hennissement de pur bonheur
La saleté, pensa le commissaire, est désormais le signe que dans un lieu donné l'homme est passé : on dit en fait que l'Everest est un dépôt d'ordures et que même l'espace est devenu une décharge.
Montalbano remercia aussi la Madone d'avoir forcé Gribaudo à ne pas pouvoir s'éloigné à plus d'un demi-mètre d'un chiotte
Et , que je sache, le socialisme, c'est contre nature.
Trop de fois, il s'était retrouvé dans le rôle de l'oiseau de malheur, trop de fois il avait été contraint d'entrer dans la vie des gens avec des mauvaises nouvelles qui détruiraient leur existence.
Et après toutes ces fois bien trop nombreuses, il n'avait toujours pas trouvé la bonne manière d'apporter c'tes nouvelles ou du moins de les rendre moins pénibles à lui-même.
Mais il n'avait envie de pinser à rien, il se sentait vide en dedans. Il resta une demi-heure à emmerder un crabe qui tenait à monter sur un rocher. A peine avait-il gagné quelques centimètres, il le ramenait au point de départ en le poussant avec le bout de bois
"Voilà où t'en est" dit Montalbano 1er "Mais t'as pas honte? Tu voir à quel point tu en es réduit? a jouer avec un crabe!
Balassonne ignorait que sous peu, s’il continuait de ce pas, il allait lui arriver une mornifle à lui piler le nez
C'était une pinsée constante, toujours présente, comme un poids sur son coeur et sa coucourde, qui ne lui permettait pas une lucidité prête à saisir jusqu'au tremblement d'une feuille, à comprendre quand deux et deux ne font pas quatre, qui ne lui permettait pas une vraie rapidité de réaction.
Et alors, comment tu t'en sors Montalbà ?
En me faisant une promesse solennelle. Voilà comment je peux m'en sortir.
Les couleurs n'existaient plus, on ne voyait plus rien qui n'ait la couleur grisâtre de la fange. Le "fang" comme disait Catarella et peut-être n'avait-il pas tort, parce que la fange avait pénétré dans notre sang, elle en était devenue partie intégrante la fange de la corruption, des dessous-de-table, des fausses factures, de l'évasion fiscale, des arnaques, des bilans truqués, des caisses noires, des paradis fiscaux, du bunga-bunga...
- Mais tout ça, ça te mène où ?
- A la catégorie la plus dangereuse, Mimì.
- A savoir ?
- Celle des gens qui par nature ne sont pas portés à faire du mal aux autres mais qui 'ne fois qu'ils ont commencé sont capables de n'importe quoi pour cacher leur mauvaise action.
- Passqu'ils vont perdre la bonne opinion que les gens ont d'eux ?
- Pour ça aussi, mais surtout passqu'ils ne supporteraient pas la honte si c'était découvert. (p.95)
- Pourquoi t'es en retard ?
- Ecoute, il y a eu tout un bazar, une fausse alerte.
- Tu es sûr qu'elle est fausse ?
- Sûr. Une voiture avec deux hommes à bord, juste après avoir dépassé la voiture, s'est mise en travers. C'était à cause de la route mouillée. Mais on a tout de suite pensé à un guet-apens et on a encerclé l'auto. Imagine-toi ça ! Ces malheureux se sont vu pointer huit armes, entre les pistolets et les mitraillettes, ils ont été obligés de descendre bras en l'air, on les a fouillés, le plus vieux, qui souffre du coeur, a eu une demi-attaque.
- Et c'était qui ?
- L'évêque de Patti et son secrétaire
- On peut essayer une autre route. Organisons une surveillance et dès que le camion frigorifique arrive avec Sinagra, on intervient et ...
- ... et on nous retire tout de suite l'affaire. Imagine-toi ! Ils vont laisser a tia e a mia, à toi et moi, à un minable commissaire et à un plus minable encore commissaire-adjoint, une enquête sur un trafic d'armes chimiques avec un pays arabe ! Les Services vont intervenir, les bons services et les services ripoux, et au bout de deux jours ...
- ... le secrétaire d'Etat Di Santo dira à la télévision qu'il s'agissait de médicaments pour les minots du Darfour et que nous nous sommes plantés dans les grandes largeurs.
- Comment ça ? Un secrétaire d'Etat qui va manger avec un mafieux du calibre de Franco Sinagra ?
- Ah, tu parles d'un scandale, d'une honte ! Quoi qu'ils fassent désormais, nos députés s'en foutent, de l'opinion publique ! Ils se droguent, ils se tapent des putes, ils volent, magouillent, se vendent, parjurent, font des affaires avec la Mafia et qu'est-ce qui peut leur arriver ? Au grand maximum, les journaux en parlent pendant trois jours; puis tout le monde les oublie. Mas eux, de toi, qui a déclenché le scandale, ils se souviendront tu peux être sûr, et ils te le feront payer .
A la fin, elle éclata :
- Je peux savoir ce que vous cherchez?
[...]
- Je n'ai pas de difficulté à vous répondre, madame. Nous cherchons une femme.
- Une femme ? Quelle femme ? demanda, abasourdie, l'épouse.
- Il s'agit d'un transsexuel, dénommé Giovanna Lonero, avec lequel votre mari Franco entretient depuis longtemps une relation et ...
- Ahhhhhhhhhhhh !
Ce fut une espèce de rugissement, mais si fort et soudain que Montalbano bondit sur ses pieds et qu'à l'étage on entendit les pas des trois qui dégringolaient l'escalier pour venir voir ce qui se passait.
- On me l'avait dit ! Ahhhhhhhhh ! On me l'avait dit ! Ahhhhhhhhhh ! Et moi, comme une conne, j'avais pas voulu y croire ! Ahhhhhhh !
- Calmez-vous, madame, ne faites pas ça !
- 'stu grannissimu figlio di 'na tappinara buttana ! C'te grandissime fils de putain tapineuse ! Sainte Mère, quelle saleté ! Quelle pourriture ! Ahhhhhh ! Avec un qu'on ne sait même pas si c'est un homme ou une femme ! Ma iu a'stu grannissimu fituso l'ammazu cu le mè mano ! Mais moi, ce très grand pourri, je vais le tuer de mes propres mains !
Dans les jours qui suivirent, il lui serait impossible de s'arappeler comment il passa cet après-midi là au commissariat. Une chose était sûre, Fazio était venu lui parler de quelque chose, mais il n'y compris que dalle. Son corps était assis sur le siège derrière le bureau, ça, tout le monde pouvait le voir, mais ce qu'ils ne voyaient pas, c'était que sa tête, comme un ballon gonflable, s'était détachée de son corps et restait collée au plafond.
Il disait oui oui et non non n'importe comment. Fazio entra 'ne deuxième fois, le vit, regard perdu, et préféra s'en retourner d'où il était venu.
Angelica se mit à rire.
Mon Dieu, quel rire !
Le cœur de Montalbano, qui jusque-là se comportait comme 'ne locomotive à vapeur, se transforma tout à coup en motrice de TGV.
Les trains arrivent en retard, les avions aussi, les ferries, il fallait une intervention divine pour qu'ils larguent les amarres ; le courrier, n'en parlons pas ; les autobus se perdaient carrément dans la circulation ; les chantiers publics manquaient la date de livraison de cinq ou six ans ; n'importe quelle loi mettait des années avant d'être approuvées ; les procès traînaient ; même les émissions de télé commençaient toujours avec une demi-heure de retard sur l'horaire
Ce matin-là, Grasso, qui avait pris la place de Catarella, faisait des mots croisés, Gallo et Galluzzo s’affrontaient à la scopa, Giallombardo et Tortorella jouaient aux dames, les autres lisaient ou contemplaient le mur. En somme, ça bouillonnait d’activité.
Dans une revue, il avait lu qu'on rêve toujours et que si on a l'impression de ne pas l'avoir fait, c'est parce qu'en s'aréveillant, ce qu'on a rêvé, on l'oublie.
Et peut-être cette perte du souvenir des songes était-elle due aussi à l'âge : de fait, jusqu'à un certain moment de sa vie, dès qu'il ouvrait les yeux, les rêves qu'il avait faits lui revenaient aussitôt en tête et, lui, il se les voyait défiler l'un derrière l'autre comme au cinéma.
Il retourna se coucher, il n'y avait pas de besogne au bureau et donc il pouvait y aller doucement.
Est-ce qu'il avait rêvé ?