LA NUIT VIENT EN DORMANT…
La nuit vient en dormant
pour s’emparer
de nos lointains enfouis
D’elle quelques mots
feraient
belle présence
la neige des saisons
renonçant à effacer ce tout dont on dit
qu’il a une fin
Parenthèse à intermittence
qui exhale lumière
souffle léger
la nuit – chant
de basse
en sa proximité
soit l’heure où l’on regarde les âmes
Le soir âpre emporte les scories
qui obscurcissent le chemin
Au petit jour
le jardin déplie ses jambes
en une mélodie
mouillée qui donne
légèreté
de pouliche
(" Eclats")
Alep, août 2015
Le ciel a feulé
la terre se soulève
le cœur bat dans le ventre
lumière grise comme après
un feu de feuilles
la rue sans bouger
La lumière/a changé ce matin…
La lumière
a changé ce matin.
On ne sait quoi
nous fait désirer
une course
sur l’herbe encore couchée
et plutôt que les mots d’un désastre
des parfums de la mer
Prendre la mesure
du plus petit coquillage face au ciel
ciel absolument
bleu ciel
comme lui se retirer
d’une enveloppe trop juste
et laisser monter la marée
du silence
« Les bombes tombent comme de la pluie. Sans travail, sans ressources, sans eau, sans sécurité, privés de toute pitié espérée et du secours attendu de l’Occident chrétien. »
Alep, août 2015
Hurlements sirènes
la nuit s’est abattue sur la peur d’Alep
et la soif et la mort
ont plaqué leurs masques sur les regards
les lampes se sont éteintes
le soleil s’est réfugié dans les cailloux
Sans fracas les enfants d’Alep
se faufilent entre les brûlures
venues du ciel
le souvenir de l’eau
écarquille les gorges écourte
les rues où fleurissent de petits cercueils
D’où nous sommes
nous avons déjà oublié
la mémorable Hellab
à peine distinguons-nous des mots
descellés de leurs sens
des mots qui ne disent plus rien
à cause de l’étrange musique
ruisselant sur nos écrans
qui efface la ligne du temps
Voilà Alep
à la blancheur de lait
devenue ce lointain mouroir
sans fin ni commencement
COMBIEN DE JOIES VIVONS-NOUS EN UNE VIE ?
Extrait 3
Elle ralentit le pas. Elle se laisse distancer, elle n’est pas pressée. Elle regarde tout ce vert, tout ce rose qui se précipite sur le chemin. Une telle éclosion est comme une offrande à l’amour qui la balaie. C’est un chœur chatoyant dont elle veut qu’il persiste. Elle limite son vœu à un an, elle se résigne. Elle n’ose pas être excessive avec le bonheur. Elle le voit enfin qui surgit après un massif de rhododendrons. Elle le regarde avancer d’un pas têtu, paysan. Pourtant aérien. Il lui fait un petit signe de la main. Il avance les mains croisées, les pouces dans les passants des bretelles du sac. Il dépose un baiser dans son cou. Le soleil se fait plus doux sur ses épaules. Avec soin il rajuste son sac. Elle se laisse faire dans une sorte d’extase. Elle aime regarder ses gestes, sa façon de réfléchir en même temps. Rester là à le regarder. Dans la profusion des couleurs. Pour ne pas avoir peur d’une fin.
De petits bras d'enfants
enlacent silence et ciel
si clair est le jour
A Maloula le ciel
est descendu sur terre
et pique d'étoiles la montagne
Ce soir de Noël
est comme le premier chant
de l'oiseau au printemps
comme l'odeur du jasmin
après la pluie matinale
et dans les sombres ruelles
bruisse la joie des enfants
de Maloula
(Vigile de Noël 2014)
ELLE EST À MARÉE
Elle est à marée
basse
sans odeur
ni chant
ni sang qui affabule
elle s’épuise à
remonter
en courant
un lait de fange
jusqu’au corps de
la lettre dont elle ne peut
dans son résidu
syllabique
que tenter d’encore
tenir la couleur
(anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines publiée par Voix d’encre en juillet 2012)
Surgis du sable
des villages couleur sable
à l'unisson d'un bleu
brûlant
bruissant de la naissance
du monde
et cette heure qui vient
se tait
tout à l'écoute
du jeune garçon
debout face à sa blessure
dans le brasier
de la steppe
(Sadad, juin 2016)