Mes étoiles filantes,
C'est étrange... Dans le vocabulaire courant, quand on perd son père, sa mère ou ses deux parents, on dit qu'on est "orphelin". Quand on perd sa femme, on dit qu'on est "veuf". Ou "veuve", quand c'est son époux. En revanche, quand on perd ses enfants on ne dit rien. Il n'y a pas de mot pour désigner cet état.
Eh bien, tous ces gens portent des aptonymes ! C'est-à-dire des patronymes en rapport avec leur métier, leurs qualités ou leurs fonctions. C'est M. André qui m'a expliqué ce néologisme québécois un jour que, cherchant dans l'annuaire un plombier pour réparer sa chaudière à charbon, nous sommes tombés sur un dénommé Roger Fossile. [...]
Depuis que j'ai compris le sens de ce mot, j'en ai trouvé plein d'autres très rigolos. De tête me reviennent :
- Charles de Gaulle, président de la France.
- La boucherie Sanzot dans Les Bijoux de la Castafiore d'Hergé.
- Le Professeur Ducrotté, gastro-entérologue au CHU de Rouen.
- Thierry Le Luron, humoriste français.
- Gina Lollobrigida, l'actrice italienne au vertigineux décolleté.
- Jacques Delors, ministre de l'Économie et des finances.
- Benjamin Millepied, danseur, chorégraphe et directeur de ballet.
- Christian Leloup, taxidermiste.
Un aptonyme un peu plus tiré par les cheveux :
- Au 122, rue du Château-des-Rentiers siège la Brigade financière.
Et l'aptonyme le plus croustillant :
- La brasserie Mollard, à Saint-Lazare, spécialisée dans les huîtres.
Mes Brioches Dorées,
Pour beaucoup, nous devrions être réduits à l'état de zombies alors que nous sommes bien vivants. Affirmer que nous sommes gais toute la sainte journée serait exagéré mais, depuis quelques mois, disons cet hiver, nous sommes heureux 80 % du temps. Si les 20 % restants sont des instants de vie misérables, en dépit de l'horreur de votre mort, Papa et moi sommes encore capables, avec une bonne dose de volonté, de nous enthousiasmer, de faire les idiots, de nous moquer, voire d'être carrément méchants ! Je me demande vraiment comment nos cerveaux sont construits. Cet été de fait est gênant, "malaisant"... Pourtant, et bien que cela me défrise, je suis obligée d'admettre que c'est ainsi : nous sommes debout, face au vent et on avance.
Mes mélodies du bonheur...
c'était comment déjà?
la couleur de vos yeux,
la douceur de vos bras,
la forme de vos doigts?
c'était comment déjà...
quand vous disiez "maman" ,
quand vous disiez " papa",
quand vous disiez "ça va" ,
c'était comment déjà...
vos petites manies,
vos mines de bandits,
vos sourires matois?
c'était comment déjà...
quand vous vous disputiez,
quand vous nous embrassiez,
quand vous chantiez pour moi?
c'était comment déjà...
la rondeur de vos joues,
la galbe de vos cous,
la trace de vos pas ?
Vos rires me manquent. Vos bras me manquent. Vos caprices me manquent. Ce qui nous est arrivé est effroyable. Epouvantable. Nous étions tellement bien tous les quatre. Ou est-ce qu'on a déconné. Qu'est-ce qu'on a fait pour mériter ça? Ou êtes-vous mes tendresses? Je n'en ai aucune idée. La seule chose dont je sois certaine c'est que vos lits sont vides tandis que vos cercueils sont pleins.
" Papa est un métier qui ne s'oublie pas. Un titre de noblesse qui se perd pas..."
Deux mois que vous êtes mortes. Contre toute attente, la terre ne s'est pas arrêtée de tourner. La semaine dernière, je me suis fâchée avec le postier qui refusait de me monter un paquet. Hier, votre père m'a morigénée pour avoir cassé trois verres à pied : "Tu me soûles, Marie, c'est tout ce qui me reste de ma mère !" Et cet après-midi je me suis offert une paire - hors de prix - de bottes Roger Vivier. Il y a vraiment de quoi rire. Ou pleurer. Au choix."
Le bonheur est une chose fragile dont il faut profiter sans compter. La vie est monstrueuse.
"elle a le QI d'une huître morte et peine à aligner sujet-verbe-complément !"
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Plus le temps passe et plus vous nous semblez loin. Plus vous nous semblez loin et plus vous nous manquez. Plus vous nous manquez et plus nous nous sentons pitoyables. Plus nous nous sentons pitoyables et moins nous avons la force d'espérer, d'avancer, d'envisager notre avenir sans vous. Nous sommes au creux de la vague et nous ne faisons que nous enfoncer. Sans bouée. La chagrin nous vampirise. Il nous aspire et nous laisse exsangues sur le bord de la grève.