Le chemin sinueux vers la mort n'est ni long ni court. Il est indéniablement là. Sans musique, sans chant, juste un peu de souffle d'où s'élèvent des tourbillons de sable. Pas de froid, pas de chaud. Pas de cris. Des êtres marchent. Innocents. J'entends des prières. La peur martèle.
le sud existe dans la marge des mots
croûtés de sang et d’aventures
il y a des clés immenses
lourdes en fer noir
le sud regarde tomber le raisin dans les livres
caresse les dictionnaires comme on apprend à aimer
l’univers devient une fresque restaurée
autour voyelles et consonnes ont des avidités
de saisons vives
un amant à contre-jour de l’enfance
m’apprend la couleur de la neige
l’émeraude des chemins
Je ne suis pas Brigitte Bardot. Je n’ai pas assez de poitrine et de rides, je n’ai pas de villa au bord de la mer et ne suis pas poursuivie par les paparazzi. Ma mère m’a toujours dit qu’on vivait dans un monde d’ignominies et qu’il fallait tenter de s’éloigner de la purulence humaine – surtout de l’homme malveillant. Qu’à elle, et uniquement à elle, je devais faire confiance. Je lui ai toujours souri en guise d’approbation, mais… Je suis certaine que B.B. a eu la même maman que moi.
Le mieux passe parfois par un sacré choc (ou un coup de pouce), un choc qui se prolonge, qui s’insinue douloureusement, qui s’installe au fin fond des entrailles bien remplies, qui brûle, crame, anéantit toute vie intérieure – même les orbites se sont vidées de leurs deux grains de popcorn trop cuits, immangeables.
Le blanc comme s’il était parfait. Mais la pureté s’oppose au blanchiment d’argent… Pourquoi tant de faibles et tant de forts ? Il y a des marques de blancheur qui ne mentent pas. Tous les chemins blancs et purs mènent à Rome. La ville papale, celle de la trahison et de la pureté blanche.
Dans la vie de tous les jours, je suis végétarienne – sans œufs, et j’hésite pour les laits de vache et de chèvre, sachant très bien que je prive un nourrisson. J’observe les laits maternisés. Le pharmacien me dit que ce n’est pas conçu – il n’ose pas employer le mot « équilibré » – pour les adultes, que certains de mes malaises sont dus à la surconsommation impropre de ce produit. Il faudrait que je varie mon alimentation. Je mange toutes sortes de pots de bébé, y a tout là-dedans. Je suis hypervitaminée du petit pois en purée à la compote de pruneaux ou de bananes. Je ronge aussi des biscuits contre les poussées dentaires. C’est délicieux. J’aime sucer des réglisses pour me couper la faim.
Un livre ne renfermera pas plus la réalité qu’une horloge le temps. Un livre mesure sans doute autant de prétendue réalité qu’une pendule mesure de prétendu temps ; un livre peut créer une illusion de réalité comme une pendule crée une illusion de temps ; un livre est aussi vrai qu’une horloge (les deux étant peut-être plus vrais que les idées qu’ils évoquent). Mais ne nous faisons pas d’illusion – tout ce qu’une horloge contient, c’est des roues et des ressorts, et tout ce qu’un livre contient, c’est des phrases.
Tom Robbins
J’ai compris rapidement qu’il ne faut rien attendre de la maladie mentale, qu’il faut pardonner et que la vengeance est inutile et déplacée. L’oubli est nécessaire. La mémoire : une nuisance à la compassion. Je donne, je soigne, je soutiens, pas de créance, une gratuité du geste posé, aussitôt oublié. Geste pour se protéger de la hargne et du mauvais coup ou geste d’amour : un même geste.
Les faibles sentent toujours plus fort, moins distingués, que les riches ; ils n’ont pas la blancheur des désinfectants. Leur peau est blanche parce qu’ils ne connaissent pas les Clubs Med. Mais heureusement toutes les allées mènent au sarrau blanc du pharmacien. Point blanc central. L’exception n’établit pas la règle.