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Citation de Cielvariable


Les royaumes du grand continent d'Enkidiev ne connurent la paix que des centaines d'années après une terrible guerre qui les opposa à Amecareth, l'empereur des hommes-insectes. Hommes, femmes et enfants périrent sous les lances des guerriers et les crocs de leurs redoutables dragons, et les dieux eux-mêmes durent intervenir pour que les humains ne soient pas rayés de la surface de la terre. Ils ordonnèrent à l'un de leurs serviteurs immortels, le Magicien de Cristal, de lever une grande armée à laquelle il accorderait des pouvoirs magiques. Ces magnifiques soldats devinrent les premiers Chevaliers d'Émeraude et ils repoussèrent finalement l'envahisseur dans l'océan d'où il était venu.
Au fil des siècles, les hommes oublièrent peu à peu ces tragiques événements. Seuls les magiciens en gardèrent le souvenir, car les étoiles continuaient de leur parler d'une menace persistante en provenance de l'ouest. Dans sa grande sagesse, le Roi Émeraude Ier, qui régnait sur le royaume du centre, au pied de la Montagne de Cristal, résolut de fonder un nouvel ordre de chevalerie dont le principal devoir consisterait à protéger tous les sujets d'Enkidiev. Mais ne serait pas Chevalier qui le voudrait. Il dressa une longue liste de qualités qu'un enfant devrait posséder en bas âge afin d'espérer servir un jour sous le bouclier d'Émeraude.
L'aspirant pourrait être mâle ou femelle, pourvu qu'il affiche un tempérament honnête et courageux et des aptitudes à communiquer avec le monde invisible. Le roi désirait que ses Chevaliers puissent étudier sous la tutelle de son vieux complice, le magicien Élund, et apprendre à maîtriser leur environnement, lire les signes dans le ciel et se battre loyalement. Ils commenceraient donc leur vie de Chevalier dans les salles de classe du château que le roi entendait léguer à l'Ordre puisque le destin le laissait sans héritier. Les futurs défenseurs de la justice étudieraient sans arrêt jusqu'à l'âge de onze ans, après quoi ils deviendraient Écuyers et se consacreraient davantage à l'art de la guerre. Comme ils créeraient le nouvel Ordre des Chevaliers d'Émeraude, ils devraient donc se contenter d'apprendre à combattre avec les soldats du roi. Puis, à l'âge de vingt ans, ils deviendraient enfin Chevaliers et prendraient un jeune Écuyer sous leur aile. Suivant les judicieux conseils de son magicien, le roi décida qu'un Chevalier d'Émeraude ne pourrait former qu'un seul Écuyer à la fois. Il aurait l'obligation de le garder auprès de lui pendant les neuf années de son apprentissage, sauf si l'Écuyer commettait une faute grave envers l'Ordre.
Satisfait, le Roi Émeraude Ier fit alors inscrire toutes ces règles en lettres d'or sur les murs de la grande cour de son château afin que tous ses sujets puissent les voir et il envoya des messagers les proclamer aux quatre coins du continent.
Les premiers enfants arrivèrent de tous les royaumes et se soumirent aux épreuves de sélection du magicien Élund. Seulement sept les réussirent et commencèrent aussitôt leurs études au château. Une fois admis, ces enfants ne pouvaient plus jamais retourner dans leurs familles, à moins d'être congédiés par le magicien. L'Ordre devenait dès lors leur foyer et Émeraude, leur nom de famille. Ils n'appartenaient plus à une race ou à un royaume en particulier, ils devenaient les héritiers et les protecteurs du continent tout entier. Par contre, le roi n'ayant pas l'intention d'en faire des ermites ou des marginaux, il leur accorda le droit de se marier et d'avoir des enfants, mais seulement une fois qu'ils seraient adoubés et pendant une période de leur vie où aucun Écuyer ne serait sous leur tutelle. Il était entendu que si l'Ordre avait besoin d'eux, pour quelque raison que ce soit, les Chevaliers d'Émeraude devraient quitter leurs familles et servir sa cause.
Des sept premiers enfants, six garçons et une fille, quatre étaient de sang royal et trois provenaient du peuple. Ils avaient tous manifesté des talents exceptionnels dès le berceau. Certains avaient parlé presque à la naissance, d'autres avaient déplacé des objets sans les toucher ou prédit des événements importants dans leur royaume. Ils n'étaient pas des enfants ordinaires et le destin les avait choisis pour qu'ils deviennent les nouveaux Chevaliers d'Émeraude.
Le roi suivit leur évolution de près et le château résonna bientôt de leurs pas enthousiastes. Aucun autre enfant ne serait admis avant qu'il soit certain que ces premiers élèves pourraient réaliser son grand rêve de protection et de justice. Lorsqu'ils eurent tous quinze ans, le Roi Émeraude Ier permit aux sujets d'Enkidiev d'envoyer d'autres enfants parmi lesquels moins d'une dizaine furent retenus. Après l'adoubement des sept premiers, une troisième vague d'étudiants arriva, mais peu réussirent les épreuves d'entrée. Le magicien circulait désormais entre plusieurs classes de différents niveaux, composées d'enfants de toutes les races. Certains se montraient plus doués et il les sépara des autres pour leur assigner des exercices plus difficiles. Le roi n'avait jamais vu Élund aussi enthousiaste. Il le rencontrait régulièrement dans le grand hall et l'écoutait se rengorger du progrès de ses élèves. Plusieurs noms revenaient souvent dans ses louanges, surtout celui de Wellan.
Né au Royaume de Rubis, le jeune homme était le plus jeune fils du roi Burge et avait hérité de sa stature imposante et de sa force musculaire. Wellan dépassait tous ses frères d'armes d'une tête. Il maniait la plus lourde des épées avec aisance. Son courage en avait fait un chef parmi les Chevaliers de sa classe. Aucun d'eux ne prenait de décision sans le consulter. Le roi avait de bonnes raisons d'être fier de Wellan d'Émeraude et, confiant, il attendait de le voir à l'œuvre dans une situation nécessitant l'intervention de l'Ordre.
Il n'eut pas à patienter bien longtemps, mais le premier acte d'éclat de Wellan ne se produisit pas lors d'un affrontement contre un ennemi du royaume. En fait, il eut lieu dans la cour même du Château d'Émeraude. Tandis qu'ils pratiquaient les arts de la guerre entre eux, les sept jeunes Chevaliers entendirent une grande clameur à l'extérieur des murs fortifiés. Les portes du château étant toujours ouvertes au peuple, les jeunes guerriers découvrirent rapidement la source de tout ce tapage. Les paysans accompagnaient un groupe de pèlerins vêtus de tuniques amples, dissimulant leur visage sous de grands capuchons, en dépit des rayons torrides du soleil de l'après-midi.
Wellan stoppa la séance d'exercice d'un geste sec de la main et les Chevaliers se tournèrent vers la foule qui entrait dans la grande cour du château. Tendant l'oreille et ouvrant son cœur à cette marée humaine, Wellan comprit que les sujets d'Émeraude Ier étaient en colère et sur le point d'attaquer les pèlerins. N'écoutant que son courage, il brandit son épée et s'avança vers ces pauvres hères, apparemment dépourvus d'armes. Ses compagnons lui emboitèrent aussitôt le pas et ils encerclèrent les visiteurs, épée au poing. Les paysans s'arrêtèrent, sidérés par leur initiative.
— Pourquoi menacez-vous ces gens ? tonna Wellan, dardant ses yeux bleus glacés sur la foule.
— Nous ne voulons pas d'eux ici ! cria un homme.
— Ils sont de Shola ! hurla un autre en crachant par terre.
— Ont-ils fait un geste d'agression envers vous ? les questionna Wellan en se redressant de façon menaçante.
Personne ne lui répondit. Les pèlerins s'étaient arrêtés au milieu du cercle formé par les Chevaliers vêtus de leurs tuniques vertes et attendaient patiemment la suite des événements. Ils n'étaient qu'une dizaine et Wellan ne sentait aucune intention hostile dans leur cœur.
— Tous les citoyens d'Enkidiev ont le droit de demander audience au Roi d'Émeraude, poursuivit-il d'une voix autoritaire, même les Sholiens. Retournez à vos occupations, nous nous chargeons des pèlerins.
La foule commença par gronder, puis murmura et quitta finalement l'enceinte fortifiée. Wellan attendit que tous les paysans fussent partis avant de se tourner vers les étrangers.
— Nous vous remercions, Chevalier, fit la voix d'une femme sous l'un des capuchons. Nous venons de loin pour rencontrer le plus sage roi du continent.
— Qui dois-je annoncer à Sa Majesté ? chercha à savoir Wellan sur un ton plus doux mais tout de même ferme.
— La Reine Fan de Shola.
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