Il pourrait aller jusqu'à la Meuse, la regarder ténébreuse et plate, serpenter nonchalamment en silence au milieu de la ville et se perdre quelque part entre maintenant et demain. Il y jetterait ses idées noires et les laisserait couler bien profond dans le lit boueux.
Le Belge est un fêtard exceptionnel. Un épicurien. User sans abuser n'est pas sa maxime préférée. Le Belge, il abuse des bonnes choses. La Bière. Mais aussi la gastronomie. Et qu'on ne vienne pas me ressortir le traditionnel frites et moules. Il n'y a pas que cela dans la vie. Et dans la grande famille belge, il me semble que le Liégeois excelle.
Ainsi l'Outremeuse n'était pas la seule île que nous avions. Il y en avait plusieurs autres. Imagines donc Etienne, Liège insulaire. Que ça devait être beau. La Meuse et Liège étaient liées, imbriquées l'une dans l'autre. Enlacées sous le ciel étoilé, elles faisaient l'amour sous les fenêtres du Prince Eveque. Mais sur les bras du fleuve, majestueux et sensuels, l'homme industrieux a fait couler du béton et bitume. Ils sont devenus des routes, larges, puantes, sur lesquelles nous piétinons d'impatience, pissons de joie et vomissons nos surplus de bière.
... Ah bien sûr, il y a aussi des vieux cons. Ceux-là, je ne les supporte pas. Ils râlent sur tout. Ils pinaillent sur le coût de la course, sur le confort du taxi, sur les jeunes qui ne respectent rien. Mais les vieux gentils ont une tendresse, une douceur qui se ressent dans tous leurs gestes, toutes leurs paroles. En leur compagnie, j'ai souvent l'impression d'être un chat en boule flatté par une main douce et fripée.
Liège, Lidge comme on dit, ce n'est pas une ville que tu visites le jour. Ce n'est même pas une ville dans laquelle tu déambules la nuit; à moins d'être saoul. Je vais te dire, Liège est laide le jour. Il y a bien des jolis coins, mais si tu veux l'aimer vraiment, la posséder toute entière dans ta paume pour mieux pouvoir l'embrasser, il faut la vivre la nuit. Et de la bonne Jupiler ou un bon verre de pékèt, comme guide, c'est ce qu'il y a de mieux. Paris est une putain qui s'offre à ceux qui payent. Mais Liège, Liège, ahah… Liège, elle ne se donne pas. C'est une demoiselle, avec de l'expérience. Une demoiselle libre, farouche qui ne cède pas devant quelques billets. Elle est réservée à quelques-uns. A ceux qui savent prendre le temps de lui faire la cour. A ceux qui font l'effort. Et là, là, mon vieux, là c'est le paradis. L'alcool et les filles en plus.
Je regrette juste que les spectateurs tournent le dos à l'Outremeuse, à Amercoeur, à Fétinne, à Grivegnée, à tous ces quartiers, tous faubourgs qui sont autant Liège que le cœur de la Cité ardente.
Non mais je vous jure, parler de Charleroi à Liège un soir de 15 août... il y a des baffes qui se perdent !
Il n'y a pas un homme de pouvoir qui vaille peine qu'on s'arrête sur lui. Pas un. Tous, tous ils sont corrompus par le pouvoir; tous, ils s'aiment avant d'aimer ceux qu'ils gouvernent….
... On meurt tous. Mais ce n'est pas une égalité humaine, c'est une fatalité. Ah, oui, sûrement que la mort joue un rôle dans les doutes qui assaillent ceux qui vivent le mal-être. Elle reste l'inéluctable horloge qui nous rappelle l'éphémère de notre vie.
Les gars, il faut vraiment que vous appreniez à prendre le temps de vivre. C'est pas quand vous aurez des gosses, une femme, deux ou trois maîtresses, une maison à payer et un boulot stressant que vous pourrez en profiter.