AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.86/5 (sur 128 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1972
Biographie :

Né en 1972, écrivain, poète, Antoine de Meaux est l’auteur de L’Ultime désert, vie et mort de Michel Vieuchange (Phébus, 2004) et de Charles de Foucauld, l’explorateur fraternel (Points sagesse, 2008).
Egalement réalisateur, il a signé plusieurs documentaires pour la télévision, tels que Simone et Jean, chronique de la compagnie Renaud-Barrault, A la Recherche de Michel Vieuchange (avec Jacques Tréfouël), ou encore Patrick Modiano, je me souviens de tout (pour la collection « Empreintes » de France 5, avec Bernard Pivot). Après avoir été le compagnon de plume de Philippe Noiret pour la rédaction de son ouvrage posthume, Mémoire cavalière (Robert Laffont, 2007), il vient d’achever un portrait du comédien pour Arte, intitulé Philippe Noiret, gentleman saltimbanque. Depuis 2004, il est membre des conseils éditoriaux de la collection Bouquins (Robert Laffont) et de la revue Nunc.
En 2020, l'auteur revient sur la femme qu'était Denise Jacob avec la biographie Miarka.
+ Voir plus
Source : //colloqueuspa.wordpress.com/
Ajouter des informations
Bibliographie de Antoine de Meaux   (7)Voir plus


Entretien avec Antoine de Meaux pour son roman Le fleuve guillotine


Le récit de votre roman Le fleuve guillotine se déroule pendant la Révolution française et commence même très précisément le 10 août 1792. Que représente cette date dans la chronologie de la Révolution ? Pourquoi en avoir fait le point de départ de votre roman ?

La prise du palais des Tuileries à Paris, le 10 août 1792, est à la fois un aboutissement et un commencement. Ce n`est pas n`importe quelle journée de la Révolution : c`est le jour où la vénérable monarchie française, âgée de 800 ans, s`écroule comme un château de carte. A partir de ce moment, on bascule dans l`inconnu de la guerre civile. Il y aura désormais deux France, et cette séparation fait partie de nos gènes jusqu`à aujourd`hui.


Les personnages principaux ont été inventés par vos soins. Vous êtes-vous cependant basés sur des vies et parcours de personnages réels ?

Les personnages principaux, les frères Jean et Camille de Pierrebelle, le marquis du Torbeil, Irénée et Rambert Conche, mais aussi le Chancru, Jeanne ou encore Sophie de Pale, sont des personnages fictifs : je les ai nourris de hantises, de paysages et d`obsessions qui me sont propres. Pour autant, pendant plusieurs années, je me suis plongé dans les mémoires, biographies et études historiques publiés ou réédités sur cette période. Et par bien des aspects, les parcours de mes personnages sont représentatifs des nombreux destins brisés, transcendés, « révolutionnés » par cette époque troublée, dont nous sommes encore loin d`avoir fait le tour.


Ces personnages semblent peu de choses face à ce "cataclysme" qu`est la Révolution. Qui est le véritable héros de ce roman ?

Mes personnages appartiennent dans leur majorité à la petite noblesse, à la moyenne bourgeoisie, au clergé, ce sont des hommes et des femmes des Lumières, mais aussi des gens de « la base ». Avec cette révolution, ils voient le monde dans lequel ils vivent, qui paraissait devoir durer toujours, tomber à la renverse, pour ne pas se relever. Les uns le déplorent et cherchent à se mettre en travers, les autres accompagnent le mouvement avec enthousiasme, mais tous sont balayés comme des fétus par ce flot qui déferle, qui emporte tout dans sa violence, destinée à changer le cours du monde.
Le véritable héros de ce roman ? Tel un Deus ex-machina, il se cache peut-être derrière le décor, bien au-delà de nos médiocrités… Vous lui donnerez le nom que vous voudrez. Je ne crois pas tellement au hasard, et suis un lecteur de Joseph de Maistre : « Ce qu`il y a de plus admirable dans l`ordre universel des choses, c`est l`action des êtres libres sous la main divine… »


Une grande partie de votre roman se déroule à Lyon lors du soulèvement de la ville contre la Convention puis pendant le siège sanglant qu`elle subit pendant deux mois. Les deux camps qui se font face ont pourtant tous les deux prêté serment de fidélité à la République. Comment expliquer un tel affrontement entre ces deux camps ? Celui-ci était-il inévitable ?

L`affrontement entre Paris et Lyon, à l`été 1793, est d`abord dû à un concours de circonstances. Fin mai à Paris, les jacobins radicaux prennent le pouvoir par une sorte de coup d`Etat, tandis qu`à Lyon se produit un mouvement exactement inverse : l`insurrection des modérés fait tomber le pouvoir local, la municipalité, dominée par les jacobins de Chalier. Parmi ces insurgés, tous donnent leur consentement, à quelques nuances près, au nouvel état des choses. Les deux camps qui s`affrontent sont donc « révolutionnaires ». Seulement, les uns pensent que la révolution doit s`arrêter, qu`elle a atteint ses objectifs, et les autres veulent aller encore plus loin, toujours plus loin... Ajoutez à cela le mépris traditionnel des gens de Paris pour la province, de laquelle on attend une soumission aveugle au pouvoir central, la surenchère des radicaux (ceux du camp jacobin de loin les plus enragés), l`absence de mécanisme démocratique et l`effet d`aubaine que représente cette insurrection providentielle pour les tenants de l`ancien monde, vous trouvez réunis tous les ingrédients de la guerre civile.


Pourquoi d`autres villes n`ont-elles pas connu de situations comparables à ce siège lyonnais ? Quelle était la particularité de Lyon en ces temps révolutionnaires ?

L`exemple de Lyon est loin d`être isolé. Au printemps et à l`été 1793, en réaction au coup d`Etat des Montagnards contre les Girondins, de nombreuses villes de France se sont soulevées contre Paris. On peut citer les exemples de Caen, Bordeaux, Marseille (soulèvement évoqué par Joseph Conrad dans son roman le Frère de la Côte) ou encore Toulon, qui fut réprimée au canon par un certain général Bonaparte. A chaque fois, les partisans modérés de la révolution se retrouvent aux côtés de ceux que j`appelle les « tenants de l`ancien monde », ceux qui formaient les cadres de la monarchie dans les provinces. On dénombre également de nombreuses « petites Vendée » paysannes, dans l`ouest bien sûr, mais aussi dans le Forez, en Lozère, dans le midi et même dans le Nord. Ceci est connu, mais rarement enseigné dans les manuels d`histoire…
La particularité de Lyon est d`être une ville bourgeoise et laborieuse, modérée, dotée d`une tradition industrielle et ouvrière qui est une exception dans la France de l`époque. Assez naturellement républicaine, la ville ne se laisse pas intimider par l`accusation de contre-révolution. Et l`asphyxie économique provoquée par la politique étrangère de la Convention ne prédispose pas les esprits en faveur de Paris...


Pour parler de faits réels, parfois méconnus, vous avez utilisé le prisme de la fiction et du roman. Pourquoi ce choix ? La fiction permet-elle de retranscrire fidèlement des événements historiques ?

Mon livre n`est pas un « livre d`histoire », et d`ailleurs –comme Louis Aragon au début de La Semaine sainte- je récuse le terme de « roman historique », que je trouve trop réducteur. Il ne s`agit pas pour moi de proposer une promenade plaisante et neutre dans un passé pittoresque. En ressuscitant cette Histoire refoulée, mon livre veut aussi contribuer à dire notre temps. Le roman, pour aborder l`Histoire, dispose de moyens qui lui sont propres. A travers l`exploration des sentiments, des émotions, des passions, il peut aller très loin dans la poésie d`une époque. Pour ceux qui la vécurent, la Révolution ne fut pas l`avènement bien ordonné d`une nouvelle ère, mais bien un temps d`angoisse, de chaos et de frénésie.


Antoine de Meaux et ses lectures


Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?

Sans doute Les Misérables, de Victor Hugo, lu à l`école primaire avec les encouragements de mon instituteur laïc et républicain. Victor Hugo, c`est un peu le patron. Même si, sur le plan politique, j`aurais adoré rompre des lances avec lui.


Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?

Aucun auteur ne m`a jamais donné envie d`arrêter d`écrire, bien au contraire. Mais j`avoue avoir été époustouflé ces dernières années par Les Maïa du Portugais Eça de Queiroz, ou encore par Anna Karénine, qui me fait rêver aussi puissamment qu`A la recherche du temps perdu de Proust. Bien plus qu`un grand roman sur l`adultère, c`est le chant du cygne d`une aristocratie, dernier inventaire d`un monde sur le point de disparaître.


Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Peut-être le Père Goriot de Balzac, à l`adolescence. J`étais sûr de m`ennuyer, le livre m`a subjugué. Depuis, j`ai contracté la joyeuse ambition de lire tous les livres.


Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

La Bible, bien sûr. En France, on ne lit pas assez la Bible, contrairement à ce qui est de tradition dans les pays anglo-saxons. Il y a là pourtant une source inépuisable de poésie, de violence, de liberté, sans compter la confrontation avec la Vérité, qui ne va pas sans risque... Avec les éditions de Corlevour, nous rééditons en format de poche, livre par livre, la Bible de Port-Royal, dans la traduction de Lemaître de Sacy. Un joyau de la prose française.


Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

J`ose à peine le dire : Guerre et paix de Léon Tolstoï. Cette lacune sera comblée dès cet automne. A trente ans, je préférais Dostoïevski, Tolstoï me tombait des mains. J`ai changé…


Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Smara, bien sûr, de Michel Vieuchange (Libretto). Sous le patronage duquel j`ai placé, il y a dix ans, mon désir de cheminer en littérature…


Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Ce qui est surfait, en littérature, se trouve rarement parmi les classiques. Heureusement, on peut encore faire confiance au travail du temps…


Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

Il y en aurait des milliers. Peut-être celle-ci, du cardinal de Retz, qui est très valable pour le romancier : « on ne sort de l`ambigüité qu`à son détriment »…


Et en ce moment que lisez-vous ?

Les Forestiers, de Thomas Hardy (trad. Antoinette Six, Libretto). Un magnifique roman, par l`auteur de Tess d’Urberville et de Jude l`obscur. Le destin amoureux d`une jeune femme éduquée en demoiselle, quoiqu`issue de la paysannerie, dans les tréfonds d`une Angleterre sauvage.



Découvrez Le fleuve guillotine d`Antoine de Meaux aux éditions Phébus :




étiquettes
Videos et interviews (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de

Essentiel, Annette Wieviorka reçoit Antoine de Meaux sur RCJ


Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
...elle était restée fidèle à la devise de Miarka, l'éclaireuse des années 1930 : aider les autres le plus possible. Pendant longtemps, Denise ne parle pas de la déportation. Elle ne voit pas ou peu, ses anciennes camarades. Son mari, qui la couve, n'est guère favorable à ce qu'elle parle du passé, craignant que cela ne soit cause de souffrance.
Commenter  J’apprécie          201
Déjà, avant même la Libération, elle et ses amies se demandaient comment elles allaient pouvoir vivre, après : “Serons-nous sensibles à chaque geste, à chaque evenement, ou bien complètement insensibles et indifférentes ?”. Nous rentrions en plus ou moins bonne santé, mais comment pourrions-nous accepter de vivre après avoir vu ce que nous avons vu ?
Commenter  J’apprécie          171
Denise se méfiait des mots. Elle n’était pas sûre qu’on puisse leur faire confiance pour dire ce qui ne pouvait, au fond, pas se dire. Dès le retour, ses souvenirs du camp ont commencé à se dérober. La faim, pour ne citer que cette cause-là, produit des troubles de la mémoire.
Commenter  J’apprécie          171
Bornes étranges qui réconcilient le heaume du Moyen-Âge et le masque africain, mieux que la mitraillette Sten, les boîtes aux lettres sont l'une des armes les plus efficaces de la Résistance.
Commenter  J’apprécie          160
"Lire un chef-d'oeuvre dans une mauvaise édition, c'est causer avec un homme d'esprit qui pue de la bouche." (15 octobre 1918.)
Commenter  J’apprécie          140
Sur le coup de minuit, ce fut le tocsin. On s'y attendait. Des affiches placardées la veille l'avaient annoncé. D'abord au loin, du côté des Enfants-Trouvés, de Saint-Paul, de Notre-Dame, du faubourg Saint-Marceau, et puis se rapporchant, section après section. La ville résonnait de toutes ses cloches. Des coups réguliers, qui semblaient réclamer la peste et l'incendie. Des coups enragés qui exigeaient le glas. On apercevait des ombres aller de portes en porte, comme les anges de la Bible, et cogner à coups légers. La ville obscure battait la générale : les combattants, qui se rassemblaient à même sa peau, la faisaient frémir. Le roi contre son sein ne pouvait dormir. Une bête immense comptait ses membres épars ; lentement, au fil des heures, deux colonnes s'agglutinaient. L'une à l'Hôtel de Ville, l'autre place du Théâtre-Français. La foule était armée, elle avait les clefs des arsenaux. Depuis plusieurs jours, on avait distribué des cartouches à balle. Et la rumeur courait qu'un complot d'aristocrates était déjoué, que les patriotes avaient fait des prisonniers.
Commenter  J’apprécie          110
Toute cette affaire, au fond, n'était pas compliquée. La nation sécrétait en son sein un corps étranger. Afin d'assurer l'ablation de cette tumeur, il fallait charcuter. Le sang giclerait, çà et là. Il serait toujours temps, plus tard, de faire le tri entre le bon grain et l'ivraie, entre ceux qui, par niaiserie, s'étaient laissés entraîner, et les meneurs, qui connaîtraient bientôt le glaive de la nation, ou plutôt son rasoir.
Commenter  J’apprécie          110
Parvenir à vivre, c'est sans doute arriver à établir une juste distance avec le malheur. Lui assigner une place. A moins que ce ne soit de réussir à marcher en équilibre, sur un très long fil invisible.
Commenter  J’apprécie          90
Du Torbeil, en chemise, fut attaché à la planche de chêne, Ripet bascula le tout en avant comme s'il voulait verser son patient dans le fleuve. Le collier de bois le retint, enserrant le cou comme un joug de pilori, la lourde lame d'acier se fit libre, et déjà, la tête avait roulé au fond du panier, dans la sciure et le sang séché. Le corps, libéré de son chef, se vidait maintenant comme une outre, et le sang de Du Torbeil se répandait généreusement, peignant le bois et le pavé, glissant vers le fleuve, en contrebas, comme une irrésistible caresse. Il y avait tant de condamnés, ceux qui attendaient dans les prisons, ceux qui, cet après-midi, seraient enfermés dans la mauvaise cave, ceux qui n'étaient pas encore capturés, ni dénoncés, qui ignoraient encore l'heure et que pourtant l'on avait marqués comme des agneaux pour ce lieu, ceux qui allaient mourir dans les guerres à venir, non plus pour le roi, mais au nom de la nation conquérante, et plus loin encore dans le temps, ceux qui seraient mangés par les démons sortis de ces années originelles. La consigne était de se débarrasser promptement des corps, de les jeter dans le fleuve. Après tout, de combien de noyés ne devenait-il pas chaque année la sépulture ? Un de plus ou un de moins n'y changerait rien. On n'apercevrait pas le flot, on entendait seulement son tumulte.
Commenter  J’apprécie          70
L’odeur de l’herbe sèche
Venait jusqu’à nous
Et nous nous sommes couchées
Nous étions deux : la terre et moi
Nous n’étions qu’un
Mon corps moulé au sol
Ne sentait que la terre qui tournait
Un bataillon de graminées
Sèches et légères.
Au travers
Le clocher pointu d’une église
Et plus loin la ligne des champs
Horizons infinis
La terre tournait et je la sentais
La rosée et les ombrelles
Je me relève et nous sommes deux
La terre et moi
La terre tourne je le sais
Je respire, je la sens
Volonté, rien ne rien vouloir:
Admirer et aimer
Tout et rien
Splendeur de vivre
Quand on sait qu’on pourra mourir
Nous sommes deux, nous ne sommes qu’un, je ne sais plus.
Commenter  J’apprécie          71

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Antoine de Meaux (171)Voir plus

Quiz Voir plus

La Vénus d'lle

'L'histoire se déroule à Ille, petite commune du sud de la France dans :

Le Rousillon
Le Rouergue
Le Midi Pyrénée
Le Limousin

10 questions
1196 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *} .._..