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4.15/5 (sur 69 notes)

Nationalité : Grèce
Né(e) à : Maroussi, près d'Athènes , 1935
Mort(e) à : Montreuil (Seine-Saint-Denis) , le 03/05/1998
Biographie :

Aris Fakinos s'est installé à Paris en 1967 après le coup d'État des colonels qui avaient interdit ses livres. Ancien professeur à l'Institut français d'Athènes, il avait abandonné l'enseignement dans les années 1960 pour se consacrer à la littérature et au journalisme. Jusqu’à la chute de la junte, en 1974, Aris Fakinos mènera de Paris la lutte pour le retour à la démocratie en Grèce.
En 1969, paraît en France son premier roman, Derniers barbares, bien qu'écrit en grec et traduit en français, il ne sera publié en Grèce que dix ans plus tard.
Les romans se succèdent, ils sont traduits par sa compagne Roselyne Majesté-Larrouy et sont publiés au Seuil et chez Fayard. Son œuvre qui puise dans la mémoire collective du peuple grec est faite d'épopée, document historique, tradition orale. Éditorialiste au quotidien Ta Nea, Aris Fakinos était aussi producteur à Radio-France, spécialiste de la musique traditionnelle.

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Source : www.bibliomonde.net
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
A cause de moi, une fin tragique et sans gloire attendait Ulysse et ses compagnons cette poignée de Danaens qui risquaient de connaître mon sort, de subir mes épreuves, qui sans l'avoir voulu, sans même le soupçonner, avaient leur vie liée à la mienne.
Je les imaginais déjà tous fin prêts, en position de combat, avec leurs cuirasses et leurs casques antiques, avec leurs armes . En quelques secondes, ils avaient oublié leur détresse et leur désarroi, rien dans leur attitude ne rappelait les hommes découragés qui se traînaient tout récemment encore dans l'intérieur négligé du cheval, qui se lamentaient sur leur destinée. En un clin d'œil, ils avaient retrouvé leur vaillance d'antan, ils étaient redevenus les farouches et invincibles Achéens que j'aimais et admirais dans mon enfance, les guerriers intrépides qui avaient tant de fois animé mes rêves d'adolescent. Quoi qu'il arrivât, si les Troyens découvraient leur ruse, ils ne jetteraient pas leurs boucliers, ils ne se rendraient pas sans combattre, ils vendraient cher leur peau.
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L'influence qu'lle exerçait sur moi grandissait de jour en jour, son charme jetait en moi des racines d eplus en plus profondes. Tandis qu'elle se démenait pour remettre en état son jardin si longtemps délaissé, j'observais ses belles mains industrieuses, j'admirais leurs doigts fins et habiles - je savais qu'elles avaient tenu pistolets, fusils, mitraillettes, que du sang avait coulé sur elles ; et voilà qu'à présent elles plantaient du jasmin et du chèvrefeuille, soignaient des jacinthes, je les voyais tantôt couvertes de terre, tantôt saupoudrées du pollen des fleurs.
Elle ne ressemblait en rien à mes pauvres camarades de classe, pour la plupart malingres, décharnées, osseuses. Dans son enfance, elle ne s'était pas nourrie d'épluchures, d'herbes sauvages et de pain moisi, on ne lui avait pas donné d'os à lécher. Son corps à elle avait été semé en des temps heureux, il s'était épanoui à loisir avant d'être rongé par les privations, par les famines. Athéna m'apparaissait comme le dernier échantillon vivant d'un monde lointain et oublié - je n'aurais pas été surpris d'apprendre qu'elle était tombé là d'une étoile inaccessible.
Je me demandais ce que je ressentirais si je la serrais dans mes bras, je laissais mes doigts rêver qu'ils se promenaient sur sa peau, qu'ils folâtraient dans ses cheveux. Quand je l'aidais à déplacer un lourd pot de fleurs, je faisais tout mon possible pour que nos mains se retrouvent entremêlées, je trébuchais exprès pour la faire trébucher à son tour, espérant que nous perdrions tous les deux l'équilibre et que nous roulerions ensemble par terre...
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Tu ne peux pas imaginer quelle belle femme c'était, ta grand-mère ... La première fois que je l'ai vue, elle cueillait des olives. J'étais allongé derrière les roseaux et j'ai levé la tête ... Dans le village, elle était la seule à ne pas s'attacher les cheveux. Tu sais, c'était une fille de famille, elle faisait ce qu'elle voulait, en quoi elle n'a jamais changé ...
Figure-toi qu'un jour elle m'a demandé de lui peigner les cheveux un à un, et pas avec un peigne, non c'est avec les doigts qu'elle voulait ! ... J'étais tout à ma tâche, quand elle se retourne, me regarde et me dit : "Celui-ci, tu l'as oublié." Oui, elle a toujours été comme ça cette femme, et c'est comme ça qu'elle me plaisait ... Je me disais : s'il m'arrive un jour d'oublier un seul cheveu, je suis fichu ! Mais je n'en ai pas encore oublié ...
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Elle a la cinquantaine bien sonnée, son vernis est encore reluisant, sa beauté résiste toujours. Le feu du soleil, les innombrables journées de labeur avec leurs flots de sueur lui ont par endroits marqué la peau, mais les recoins les plus importants de sa chair demeurent encore intacts. LE corps de cette paysanne n'est pas de ceux qui se livrent facilement à la déchéance. Un jour, bien sûr, le temps finira par le grignoter, mails il ne le vaincra pas. Le le vois lutter jusqu'à l'ultime instant, reculer pas à pas, sans panique, sans désespoir.
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"Bien calé sur son âne, un vieil homme aux cheveux blancs revient du travail en chantant un très vieil amané : il entonne un ou deux vers puis s'arrête, ferme les yeux, les pas cadencés de l'animal le bercent et le pauvre paysan s'endort. Au moment où il te croise, il se réveille et te dit bonsoir, il reprend son amané mais tandis qu'il s'éloigne le sommeil s'empare de lui. la route est longue jusqu'au village. le vieillard a du temps devant lui, il poussera plusieurs fois sa romance et il retombera souvent dans le sommeil. Ainsi, il ne se rendra pas compte du chemin parcouru. C'est un peu ce qui se passe avec la vie de l'homme songes-tu ; il peut être beau et doux le voyage que Dieu nous a donné à accomplir, pourvu qu'on ait le temps de chantonner ci et là un amané tant que l'on est assis sur son âne, de s'assoupir un peu , puis d'aiguillonner sa bête, et de continuer. 

Lorsque que tu aperçois au loin les arbrisseaux, fraîchement plantés, ton cœur se met à battre, tu fermes les yeux, tu rêves...Devant toi, s'étend déjà une immense oliveraie, les troncs des arbres sont énormes, couverts de nœuds par les années, les branches sont lourdes de fruits noirs gorgés d'huile; Là-bas, au village on nettoie le pressoir, on lessive à l'eau bouillante les sacs réservés au marc, on récure le fond des jarres. Les femmes aiguisent les canifs pour fendre les olives...."
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Mais toi, tu sentais que les temps avaient commencé à changer, et avec eux les hommes et les guerres. Si les Turcs avaient quitté votre sol, à leur place avaient surgi d'autres maîtres, plus cruels, plus sournois, qui n'usaient pas du sabre et du poignard, qui n'entassaient pas les têtes des raïas en pyramides sur les routes et les places. Les nouveaux patrons du pays gouvernaient avec de l'encre et du papier, avec une arme jusque-là inconnue, dont personne ne soupçonnait la force réelle. C'était une grande boîte en bois que l'on appelait urne. C'est elle qui renversait à tout bout de champ gouvernements, ministres, généraux. Personne ne savait ni comment ni pourquoi, tout cela se déroulait loin, dans la capitale. La boîte passait de main en main, de parti en parti, comme la putain au lit : chacun la prend à sa façon, mais tous s'accommodent du même trou.
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- Dis-moi, reprit Vanguélis, tu as déjà tué un homme ?
- Je n'ai pas eu le temps, murmure Yorghis. Dieu m'a pris la vue, je n'ai pas eu le temps...Mais il m'a donné une lyre. Dans ce monde, Dieu met toujours quelque chose dans les mains de l'homme, un couteau pour l'un, une lyre pour l'autre...
Depuis ce jour-là, la lyre et l'arme se retrouvèrent côté à côté au fond de la besace. Parfois, quand Yorghis fouillait dedans pour trouver quelque chose, l'acier de la baïonnette touchait les cordes de la lyre et l'instrument poussait un sanglot étouffé, comme un bébé soudain blessé par une épingle de nourrice qui s'ouvre et transperce ses langes.
Une nuit sans lune, ils chargèrent leur charrette près d'un moulin.
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Les autres Grecs pouvaient bien se précipiter dans les écoles pour recevoir un peu d'instruction, devenir de nouveaux esclaves dans des bureaux obscurs, se faire traîneurs de sabre, avocats, petits commerçants. Ils étaient déjà nombreux ceux qui rêvaient pour leurs enfants d'une place de fonctionnaire, d'un salaire et d'allocations. Au tain où allaient les choses, tôt ou tard l'Etat finirait par être maître de tout, il prendrait la place du propriétaire d'autrefois, du seigneur, il distribuerait des pensions, des indemnités, des primes. Comment ferait le malheureux homme pour garder sa dignité et sa liberté ? Que resterait-il de toutes ces luttes, de tout le sang versé, quelle joie éprouveraient dans la l'autre monde les ancêtres qui s'étaient battus pour ces terres contre mille ennemis et autant d'envahisseurs ?
Quel intérêt pouvait avoir ce coin de terre pour les gens instruits, pour les savants, pour les professeurs avec leurs papiers et leurs encriers, leurs gros manuels ? Ils ne cessaient jamais de discourir sur les gloires antiques, de s'extasier en effleurant les marbres et les colonnes effondrées, de montrer avec une ridicule fierté aux visiteurs étrangers les temples en ruine et les statues que déterraient les paysans avec leurs charrues et leurs pioches. Peut-être devinais-tu déjà, aïeul Photinos, que tous dans ce pays nous finirions un jour hôteliers ou guides pour touristes, que nous creuserions partout afin de dénicher encore d'autres vieilles pierres, que nous irions jusqu'à racler le fond de la mer. Peut-être même imaginais-tu que nous deviendrions aussi des mendiants, que notre gouvernement irait à l'étranger faire la quête, non pas pour retaper la maison du paysan inconnu d'aujourd'hui, mais pour maintenir debout les ruines des glorieux ancêtres.
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"mais toi tu sentais que les temps avaient commencé à changer; et avec eux les hommes et les guerres. Si les Turcs avaient quitté votre sol, à leur place avaient surgi d'autres maîtres plus cruels, plus sournois, qui n'usaient pas du sabre et du poignard, qui n'entassaient pas les têtes des raïas en pyramides sur les routes et les places. les nouveaux patrons du pays gouvernaient avec de l'encre et du papier, avec une arme inconnue dont personne ne soupçonnait la force réelle. C'est une grande boîte en bois que l'on appelait urne. c'est elle qui renversait à tout bout de champ gouvernements, ministres, généraux. Personne ne savait pourquoi tout cela se déroulait loin dans la capitale.

Ainsi parlas-tu de la terre.

Pourtant elle n'était pas à toi, ni à aucun d'entre vous. Vous n'aviez ni papier s ni contrats. Ces usages étaient pour les "culs blancs comme vous nommiez cette bâtarde engeance d'Athènes, ces aristocrates qui suivaient  comme des chiens affamés les troupes bavaroises, anglaises et  françaises, tous les parvenus du pays. Pour vous les "sauvages", les "béotiens" les "voleurs" et "barbares" ainsi qu'ils vous appelaient, la parole donnée suffisait, et encore plus le respect du serment séculaire et sacré de l'homme"
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...Peut-être bien qu'on s'est privé de beaucoup de choses dans notre vie, mais vois tu, ça ne nous gênait pas.Il nous suffisait d'avoir a la maison de l'huile pour le repas et pour la veilleuse.En ce temps-là, tant qu'il y avait de l'huile dans un foyer, les gens ne se disaient pas pauvres...
La lampe que nous avait installée ton père nous a éclairés pas mal de temps, mais plus tard les choses se sont gâtées, tout est devenu très cher, la lumière nous coûtait les yeux de la tête et on ne l'allumait plus tous les soirs.On s'y était pourtant habitués et ça nous manquait un peu.On s'est alors remis, comme autrefois, a dîner au coucher du soleil et a veiller dans le noir, jusqu'au moment d'aller dormir.C'est à cette époque que j'ai commencé a comprendre que la pauvreté est une chose qui ressort bien plus dans l'obscurité que dans la lumière...
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