Les Ennemis de l'Esprit sont d'opinion que la partie saine, bonne, innocente, inoffensive de l'homme, c'est la chair. La chair n'a d'elle-même aucun mauvais instinct, aucune tendance perverse. Se nourrir, se reproduire, se reposer, ce sont ses fonctions : Dieu les lui a données et les lui rappelle sans cesse par les appétits. Tant qu'elle n'est pas corrompue, elle recherche purement et simplement les occasions de se satisfaire ; ce qui est marcher dans les voies de la justice céleste ; et plus elle se satisfait, plus elle abonde dans le sens de la sainteté. Ce qui la corrompt, c'est l'Esprit. L'Esprit est d'origine diabolique. Il est parfaitement inutile au développement et au maintien de l'Humanité. Lui seul invente des passions, de prétendus devoirs qui, contrariant à tort et à travers la vocation de la chair, engendrent des maux sans fin. L'Esprit a introduit dans le monde le génie de la contradiction, de la controverse, de l'ambition et de la haine. C'est de l'Esprit que vient le meurtre : car la chair ne vit que pour se conserver et nullement pour détruire. L'Esprit est le père de la sottise, de l'hypocrisie, des exagérations dans tous les sens, et partant, des abus et des excès que l'on a coutume de reprocher à la chair, excellente personne, facile à entraîner à cause de son innocence même ; et c'est pourquoi les hommes vraiment religieux et vraiment éclairés doivent défendre cette pauvre enfant en bannissant vivement les séductions de l'Esprit. Dès lors, plus de religion positive pour éviter de devenir intolérant et persécuteur ; plus de mariage pour n'avoir plus d'adultère ; plus de contraintes dans aucun goût pour supprimer radicalement les révoltes de la chair, et, enfin, l'abandon de toute culture intellectuelle, occupation odieuse qui, n'aboutissant qu'au triomphe de la méchanceté, n'a opéré jusqu'ici qu'en faveur de la puissance du diable.
La danseuse de Shamakha
À vingt ans j'étais laid et le savais; jugez si à quarante-cinq j'ai des prétentions à me mettre à côté d'Adonis ! Cependant j'ai eu quelquefois en ma vie occasion de reconnaître que la beauté ne fait pas la séduction, ou du moins que la séduction s'en passe aisément.
La foi, en somme, ne m’est pas difficile du tout ; j’admets tout en principe et le plus surnaturel du surnaturel ne me fâche pas ; je trouve tout simple que la science et la raison n’y puissent mordre, et science et raison je les renvoie à leur cuisine. Mais la grande difficulté est, au fond, que cela m’est parfaitement égal. Toutes les vérités théologiques admises ou rejetées n’ont pas la moindre influence sur mon cœur, tout en pouvant en avoir beaucoup sur mon esprit.
"N'est-ce pas que vous autres gens de l'Iran, vous êtes plus bêtes que nos chevaux ?
— Oui, maîtresse, répondais-je avec humilité, c'est bien vrai. Dieu l'a voulu ainsi !
— Les Turcomans, continuait-elle, vous pillent, vous volent, vous emportent vous-mêmes, et vous vendent à qui ils veulent, et vous ne savez pas trouver un moyen de les en empêcher.
— C'est vrai, maîtresse, répliquais-je encore ; mais c'est que les Turcomans sont des gens d'esprit, et nous nous sommes des ânes."
Alors elle recommençait à rire aux éclats et ne s'apercevait jamais que son lait et son beurre diminuaient à mon profit. J'ai toujours remarqué que les gens les plus forts sont toujours les moins intelligents. Ainsi voyez les Européens ! On les trompe tant que l'on veut, et, partout où ils vont, ils s'imaginent qu'ils sont supérieurs à nous, parce qu'ils sont les maîtres ; ils ne savent pas et ne sauront jamais apprécier cette vérité que l'esprit est bien au-dessus de la matière.
"Le salut soit sur toi, fils de mon oncle ! lui dit-elle, tu viens pour tuer Elèm !"
Mohsèn eut un éblouissement et ses yeux se troublèrent. Depuis cinq ans, il n'avait pas vu sa cousine. Comme l'enfant, devenue femme, était changée ! Elle se tenait devant lui dans toute la perfection d'une beauté qu'il n'avait imaginée jamais, ravissante par elle-même, adorable dans sa robe de gaze rouge à fleurs d'or, ses beaux cheveux entourés, il ne savait comment, dans des voiles bleus, transparents, brodés d'argent, éclairés d'une rose. Son cœur battit, son âme s'enivra, il ne put répondre un seul mot. Elle, d'une voix claire, pénétrante, douce, irrésistible, continua :
"Ne le tue pas ! C'est mon favori ; c'est celui de mes frères que j'aime le plus. Je t'aime aussi ; je t'aime davantage, prends-moi pour ta rançon ! Prends-moi, fils de mon oncle, je serai ta femme, je te suivrai, je deviendrai tienne, me veux-tu ?"
Depuis qu'il existe des sociétés humaines, on sait que les populations du Phase sont belles. On leur a prouvé ce qu'on en pensait en les enlevant, en les vendant, en les adorant, en les massacrant, parce que les hommes, pris en masse ou en particulier, n'ont pas reçu du ciel d'autre façon de démontrer leur amour.
Nous discutions sur la nature de l'âme et sur les rapports de Dieu avec l'homme. Il n'y avait rien de plus ravissant. Je commençai alors à fréquenter la société des gens doctes et vertueux. Je me procurai la connaissance de quelques personnages taciturnes qui me communiquèrent certaines doctrines d'une grande portée, et je commençai à comprendre, ce que je n'avais pas fait jusque là, que tout va de travers dans le monde. Il est incontestable que les empires sont gouvernés par d'horribles coquins, et si on mettait à tous ces gens-là une balle dans la tête, on ne ferait que leur rendre justice ; mais, à quoi bon ? Ceux qui viendraient après seraient pires. Gloire à Dieu qui a voulu, pour des raisons que nous ne connaissons pas, que la méchanceté et la bêtise conduisissent l'univers !
Les militaires considèrent la vie d’une façon spéciale ; si on leur donnait à choisir entre le paradis, en perdant leur ancienneté, et l’enfer avec le grade supérieur, fort peu hésiteraient ; et quant à ceux qui choisiraient la présence de Dieu, nul doute que leur éternité ne se passât à déplorer leur sacrifice.
Le patient, qui avait jeté des cris à fendre l’âme, baisa la main de son chef quand tout fut fini.
Le felekèh est un bâton assez gros où l’on attache les jambes du condamné puis on met l’homme sur le dos et les exécuteurs appliquent alors commodément avec des baguettes, sur la plante des pieds, le nombre de coups ordonnés par le juge.