Asa Hellberg

Même si on se plaint de temps à autre, la routine est très rassurante.

Le monde regorge d’hommes merveilleux. Des hommes bons avec qui tu n’es pas obligée de coucher, dont il te suffit de faire la connaissance et peut-être de devenir l’amie. Il y a une vie en dehors des avions. Découvre-la. Découvre-toi. Ne t’embête pas à actualiser ton statut Facebook quand tu es libre, rencontre tes proches, dans la vraie vie, de préférence.

L’astuce était de se focaliser sur les femmes et d’ignorer les hommes poliment mais fermement. Il lui était arrivé de passer des bagues pour ne pas paraître disponible, mais à présent, elle savait exactement comment se débarrasser d’un admirateur indésirable sans mettre en avant un anneau de fiançailles ni se montrer désagréable.

Aujourd'hui, je sais tout de l'affection car vous m'en avez témoigné.

Aujourd'hui, je sais tout de l'amour car vous m'en avez donné.

Aujourd'hui, je sais tout de ma propre valeur car vous me l'avez enseignée.

Il déborde de phéromones. Enfin, ça ne veut pas dire que je vais me battre pour lui, je n’en ai ni le temps ni l’envie. Ma nouvelle vie de célibataire me plaît.
Susanne pensait vraiment ces mots. Moins elle avait d’aventures, moins elle en avait besoin. Elle avait laissé sa sexualité à Stockholm. A Londres, elle était débarrassée des hommes, et même si elle éveillait autant d’intérêt qu’avant, elle s’en moquait. Elle était ici pour ouvrir un hôtel, elle verrait ensuite si elle avait encore une libido ou si elle devrait finir ses jours sans orgasmes.

Elle avait troqué ses éternelles jupes droites contre un tailleur noir. Plusieurs participants du cours avaient manifesté un peu trop d’intérêt pour ses jambes et cela avait tant duré que c’en était devenu gênant. Dans d’autres circonstances, les regards la dérangeaient rarement, elle y était habituée et n’y prêtait plus attention. Elle n’était ni flattée ni contrariée, cela renforçait seulement son opinion que les hommes étaient des créatures simples. Beaucoup trop simples.

Elle aspirait depuis longtemps à mener une autre vie, mais avait réprimé très habilement ce désir. Que ferait-elle le reste de ses jours, elle, célibataire de cinquante-cinq ans sans enfants ni petits-enfants, si elle ne travaillait pas ? Coudre ? Tricoter ? Jouer au golf ? Elle n’en avait pas la moindre idée. Vouloir s’affranchir était terriblement plus douloureux que vouloir acquérir et elle devrait trouver un but à son existence au cours des cinq années suivantes.

Ce n’est pas plus compliqué que ça : les ressources et les dépenses. Il suffit de les avoir sous contrôle pour être en sécurité. Il faut ensuite savoir qu’elles sont réparties sur tout un tas de comptes bancaires différents, mais ce n’est pas le plus important. Ce sont les chiffres de la dernière ligne qui nous apprennent si les choses se passent bien ou mal.

S’il y avait une chose qu’elle avait apprise, c’était que l’on devenait rarement la personne que l’on imaginait. La vie détournait les gens de leurs objectifs. Son radar à hommes l’avait guidée dans des relations malencontreuses, mais elle s’en était aperçue avant de commettre l’erreur de s’abandonner à ses émotions.

Michael se mit à rire quand Paul entra dans la cuisine.
_ Tu crois vraiment que les personnes âgées devraient faire ce genre de choses en pleine journée ?
_ Non, pas les personnes âgées. Ça serait épouvantable. Tout simplement écœurant.