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Critiques de Atiq Rahimi (517)
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Les porteurs d'eau

Atiq Rahimi, couronné en 2008 par le Prix Goncourt pour Synghé Sabour. Pierre de patience, un roman très fort, nous en offre un nouveau en ce début 2019, intitulé Les Porteurs d'eau.

C'est le récit de deux destins. Ils sont Afghans. L'un, Tom, vit à Paris avec Rina, Afghane elle aussi, et leur fille Lola. L'autre, Yûsef, est à Kaboul, en charge de protéger sa belle-soeur, Shirine. Tom a, semble-t-il, tout abandonné en partant de Kaboul, jusqu'à son prénom d'origine, Tamim. Un matin, il part pour Amsterdam pour tenter de couper avec ses racines et retrouver Nuria, une jeune femme qu'il a rencontrée à plusieurs reprises et c'est sous un vrai déluge qu'il va quitter Paris.

Quant à Yûsef, il est porteur d'eau à Kaboul et tente de repousser au fin fond de son esprit, l'amour qu'il porte à Shirine. C'est en sortant de la grotte avec son outre pleine d'eau que deux jeunes talibans lui apprennent que les deux Bouddhas de Bâmiyân ont été détruits.

C'est donc ce 11 mars 2001, jour de destruction des Bouddhas, que la vie de ces deux hommes bascule. Cette destruction est la trame du roman durant lequel se succèdent les pensées de Tom/Tamim et Yûsef.

Atiq Rahimi, écrivain franco-afghan qui a quitté l'Afghanistan en 1984, plonge dans les racines de son pays, décrit la violence des Talibans et leur entreprise folle pour éradiquer une histoire qui les a précédés.

Ce roman sur la liberté, l'amour, l'exil, nous interroge sur plusieurs points. Quels sont les effets de l'exil ? Comment vivre avec ses racines dans un nouveau monde ? Quel rôle joue la langue ? Comment se construit le récit d'une vie d'exilé ?

L'auteur parle d'ailleurs de : «… l'infernal vertige de l'abîme que creuse l'exil entre les mots et la pensée. »

C'est un roman magnifique où la poésie l'emporte face à l'intégrisme, à l'intolérance, à la mort. Grâce aux récits alternés de ces deux protagonistes, Atiq Rahimi réussit un tour de force en nous obligeant à réfléchir à ces questions si importantes avec un récit captivant, plein de suspense, du début à la fin.

Un roman puissant qui interpelle !


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Syngué Sabour : Pierre de patience

La femme musulmane dans toute son intériorité splendide face à l’homme diminué et muet.



Quelle belle revanche sur le destin de cette femme afghane (ou d’une autre nationalité, mais dans ces pays loin là-bas) !

Elle qui a dû subir le joug de son mari tout entier voué au djihad, tout entier irrespectueux de la « viande » que constitue le corps de son épouse (c’est lui qui l’a dit !), elle qui a dû obéir à ses beaux-parents en attendant que son mari revienne de la guerre, elle se déchaine, ici. Entendons-nous bien, se déchainer n’est pas à prendre au sens premier. Elle se dit, plutôt. Elle ose se dire. Elle clame ses secrets. Son mari tient le rôle de la pierre noire qui, dans la tradition, absorbe les souffrances cachées pour soulager celui qui s’en délivre.



Et je jubile. Ah ça oui, je jubile, car cette femme prend une belle revanche sur le destin de toutes ces épouses et jeunes filles musulmanes considérées comme des marchandises, des esclaves, ou autre chose d’encore plus avilissant. Je parle ici de l’islam radical tel qu’il est décrit dans ce roman-choc.



Et dieu que c’est poétique, que c’est bien écrit !

De petites phrases qui sonnent ou qui se font désirer dans un murmure...

De courtes descriptions du seul lieu mis en scène, la chambre, le huis-clos.

La vue, le toucher, l’ouïe nous font accéder au monde tout autour, et quel monde ! Les tanks, les tirs, la prière lancée à toute vitesse par le mollah qui a peur, les coups frappés à la porte et qui précèdent des arrivées coup de poing, les cris, les pleurs...



Au milieu de tout cela, la femme. Et puis l’homme par terre. Son mari qui a été atteint à la nuque par une balle quelques semaines avant et qui survit, malgré tout, dans un état végétatif.

La femme qui parle, qui parle, qui parle. Qui prie, aussi. Ou qui priait.

L’homme au regard fixe et vide, un tuyau dans la bouche, un dans le bras, des gouttes dans les yeux et parfois même une mouche dans la bouche.



Où tout cela nous mène-t-il, LA mène-t-il ? La fin est inattendue et me laisse dubitative.

Mais quand même....quelle femme !

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Syngué Sabour : Pierre de patience

Il y a quelques mois, la lecture de « Terre et cendres » d’ Atiq Rahimi m’avait profondément touché et je m’étais promis de revenir visiter les pages de cet homme. Voila qui est fait.

Syngué sabour… à tes souhaits, j’ai bon? C’est quoi ce titre? Pierre de patience (le caillou pas le saint) c’est marqué en sous titre.

Comme souvent, ayant renoncé à me laisser allumer par une quatrième de couverture affriolante, je me fie à mon flair et l’odeur de terre cendrée ayant laissé une empreinte profonde, j’ai plongé. En tant qu’enrhumé chronique, j’ai plus souvent qu’à mon tour un excellent feeling avec le plantage quand je laisse parler l’instinct mais cette fois, comme ça m’arrive quand même parfois, jackpot, j’ai fait sauter la banque.

Première surprise, pas forcément bonne, je m’aperçois mais un peu tard, qu’il s’agit d’un prix Goncourt, le 2008. Arf, une bête à concours, je crains le pire. Pas forcément dans l’écriture mais dans l’idée de compétition et de verdict de gens autorisés (ceux qui savent…) à dire quel est le meilleur le tout couronné par le coté commercial qui est en fait le seul but de ces petits arrangements entre amis. Mon dernier Goncourt (lu pas reçu, c’était celui des nouvelles ou de je ne sais plus quelle catégorie, lourde si ça existe) s’étant révélé une bouse indigeste (Raphael si tu passes par ici… ce n’est que mon avis, copyright je sais plus qui…) j’ai un peu flippé.

Et bien là, ce cru 2008 est une pure merveille.

Déjà 217 critiques faites donc là, je meuble un peu parce que si tout n’a pas été dit c’est à désespérer.

Prenez l’Afghanistan (ou tout autre région ayant les mêmes caractéristiques de stabilité quant à la notion de paix), la religion (dans le cas présent, l’islam dans ce qu’il a de plus radical) et cerise sur le gâteau… la condition de la femme. Un ménage à trois pas très catholique si je peux dire, cherchez l’intrus. Le bordel quoi, si je peux dire encore (pardonnez moi saigneurs de tout poil). Liez les ingrédients avec de l’encre à la façon Rahimi et consommez sans modération.

Atiq Rahimi nous fait entrer au cœur de l’âme d’une femme qui va, pendant les 138 trop courtes pages, se libérer du poids des non dits dans un monologue adressé à son mari plongé dans le coma après avoir reçu une balle, le tout dans un climat d’insécurité totale.

Ce livre a été adapté au cinéma (c’est marqué derrière, j’étais passé à coté à l’époque mais je crois que je vais rester sur l’impression du bouquin) et ce n’est pas une surprise tant l’écriture est cinématographique (ça m’avait marqué aussi dans terre et cendres), ponctuée de plans séquences.

J’ai lu plusieurs billets sur ce titre, surtout des billets négatifs dont certains reconnaissant avoir abandonné en cours. J’ai cherché ces critiques négatives pour essayer de comprendre ce qui rebutait. J’ai renoncé parce que c’est comme demander à quelques personnes de désigner le bouquin de l’année. Tout n’est que question de sensibilité et de moment, alors comprendre le gout des autres…

Perso, j’ai adoré au-delà du raisonnable et j’encourage fortement à vous faire votre idée si vous ne faites pas partie des 217 autres coupables d’avis ici et autres lecteurs n’ayant pas fait de billet.

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Syngué Sabour : Pierre de patience

En Afghanistan en temps de guerre, une femme veille son époux dans le coma, le mot n'est jamais prononcé mais il est inconscient, paralysé, sans réaction ; il est sous perfusion et quand elle manque de Baxter, elle insère le tuyau dans l'oesophage et remplace le produit par de l'eau sucrée et salée. Le mari est dans sa maison, couché sur un matelas et caché à tous. Le quartier est déserté, de temps en temps des tirs rompent le silence.

Elle est seule, abandonnée par la famille du mari, ses deux filles confiées à une tante qu'elle rejoint la nuit venue, juste avant le couvre-feu. Lorsqu'elle est au côté de son mari inerte, elle lui livre ses pensées secrètes, toutes choses qu'elle n'a jamais dites ; un monologue criant de vérité.

Très belle écriture pour un petit livre de 138 pages qui a obtenu le Prix Goncourt en 2008.



Challenge Atout Prix 2015-2016
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Les porteurs d'eau

S’il y a bien un livre dont j’attendais impatiemment la parution, c’était bien le nouveau d’Atiq Rahimi. Sitôt paru, sitôt lu. Quelques jours de réflexion plus tard, pour savoir si je fais un p’tit billet ou pas, j’hésite encore.



Atiq Rahimi, j’aime.

Maudit soit Dostoïevski, Syngué sabour et surtout Terre et cendres m’ont laissés des souvenirs tenaces. Mon hésitation vient du fait que je ne me vois pas tailler un de ses livres (alors que je n’aurai aucun scrupule avec un deuxième bouquin de Raphaël par exemple).

Fin du suspens, j’ai pas aimé.



Je n’ai pas aimé qu’on me vende un bouquin sur l’exil, sur la destruction des bouddhas en Afghanistan, sur la liberté et me retrouver avec l’histoire de cul d’un Afghan vivant en France qui trompe sa femme à Amsterdam. En plus pour une histoire de cul (d’amour diront certains en quête d’alibi) y a pas la moindre scène un peu chaude, pas même tiède, nada, que dalle, peau d’zob si je puis dire dans de telles circonstances.

Je n’ai pas aimé qu’on m’appâte avec ces destructions de Bouddhas en 2001, par les Talibans, qui avaient émues le monde entier, qui avaient scandalisées la planète alors que dans le même temps « l’oxydant » se foutait pas mal de la terreur du peuple Afghan soumis à ces mêmes tarés, et me retrouver avec une deuxième histoire d’amour (pas de cul là parce le cul c’est pécho ou pêcher selon l’endroit du monde où tu es né) d’un Afghan en Afghanistan. L’histoire d’un jeune puceau amoureux de sa belle sœur aux pays des barbus, ça aurait pu m’intéresser si j’avais acheté ça mais là, non.

Dans ces histoires de cul sans cul, j’ai l’impression que c’est moi qui me suis fait niquer et je suis pas fan.

Quel rapport entre ces deux histoires et la destruction des statues ? Aucun si ce n’est que les 283 pages se passent le même jour, le 11 mars 2001. La destruction n’est qu’un prétexte pour attirer le lecteur, elle est mise en avant dans la promo alors qu’elle est pratiquement inexistante dans le bouquin. Une évocation de ci de là et basta.



Une fois de plus j’attendais trop d’un bouquin dont je m’étais fait un beau film avant d’avoir ouvert la première page. Des livres sur l’exil, j’en ai enchainé quelques uns ces derniers temps et ce « Porteurs d’eau » fait pâle figure à coté d’un « Eldorado » de Gaudé par exemple. Limite hors sujet.

Ne retenant que rarement les leçons, j’attends déjà avec impatience son prochain livre parce que même si je suis resté hors des histoires de « porteurs d’eau », Atiq Rahimi a une écriture qui me parle et qu’être aphone comme cette fois ci, ou sourd de mon coté, ça arrive.

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Syngué Sabour : Pierre de patience

Une femme veille sur son mari dans le coma après avoir reçu une balle dans la nuque lors d'un combat.

Elle lui livre ses réflexions sur sa condition de femme, sur les souffrances qu'elle a endurées pendant sa vie d'épouse, les maltraitances, les vulgarités cruelles.

Elle utilise une coutume persane qui utilise une pierre noire, Syngué Sabour, à laquelle on confie ses secrets jusqu'à ce qu'elle implose à force de contenir trop de douleurs.

C'est un roman à la lourde ambiance mais combien révélatrice de tout ce que les femmes enduraient à cette époque de la guerre en Afghanistan au début des années 1980.

Je l'ai lu à sa sortie en 2008 et quelques mois plus tard le roman recevait le prix Goncourt.

Quelques années plus tard, j'ai vu le film qui m'a beaucoup moins plu que le livre car traduire une telle ambiance n'était pas une mince affaire.

J'ai cru pendant quelques temps qu'Atiq Rahimi était une femme pour comprendre ainsi la douleur de ces femmes contraintes à se marier sans connaître leurs maris, contraintes à accepter le bon vouloir des hommes. L'auteur décrit les femmes comme des objets maltraités par leurs maris.

Après la relecture de ces derniers jours, j'ai mieux ressenti le mal-être que devait éprouver Atiq Rahimi pendant cette guerre en Afghanistan. Lui qui s'est d'abord réfugié au Pakistan, puis en Europe, à Paris où il a pu faire des études à la Sorbonne et obtenir un doctorat.

Il a maintenant la double nationalité , française et afghane . Ses livres sont actuellement écrits directement en français.

J'étais à ce moment et dans les années 90, très intéressée par ces auteurs comme lui, Yasmina Khadra aussi et tous ces problèmes me semblaient loin mais terribles en même temps. J'ai continué à lire sur la condition de la femme dans les pays musulmans et sans vouloir leur imposer notre culture, je crois pouvoir affirmer que les pauvres viennent vraiment de subir un bond en arrière avec la victoire des talibans déjà bien présents en 1980.
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Syngué Sabour : Pierre de patience

« Syngué Sabour, Pierre de patience » quatrième livre de Atiq Rahimi, mais premier écrit en français, obtint le prix Goncourt 2008.

Afghanistan, pendant la guerre, depuis deux semaines une jeune femme veille seule son mari blessé, immobile et inconscient. le mari et la femme ne se connaissent pas vraiment. A 17 ans elle a épousé un inconnu parti à la guerre, elle va l'attendre patiemment, constamment surveillée par sa belle-mère. En dix ans de mariage, ils n'ont partagé que trois ans de vie commune où toute communication était impossible.



L'imam avait prédit le réveil de l'homme, mais celui-ci dort toujours, seulement maintenu en vie grâce à des perfusions d'eau sucrée-salée. Au fil des jours, la femme se décourage, son dévouement lui pèse et l'impatience monte en elle. Elle se trouve seule face au corps d'un homme tyrannique, jadis souvent violent, jamais à l'écoute : « Tu ne m'as jamais écoutée, tu ne m'as jamais entendue ! »



Dans cette terrible solitude, pour meubler le silence, elle commence à lui parler et entame un long monologue. Sa voix, d'abord timide et anxieuse, s'affirme. La femme ose enfin dire ce que l'épouse soumise n'a jamais pu exprimer, raconte ses doutes, ses illusions perdues, ses angoisses et ses rancoeurs ; elle va se dévoiler et se révéler à elle-même. Les confessions se succèdent, de plus en plus violentes et dévastatrices…



Dans un style efficace et sobre, Atiq Rahimi propose un long monologue dans un Afghanistan dévasté par la guerre. "Il me fallait une autre langue que la mienne pour parler des tabous", dit-il pour expliquer l'abandon du persan au profit du français. Il donne la parole à une femme musulmane contrainte au silence et à la soumission dans un pays où la femme n'existe qu'en tant qu'épouse soumise et silencieuse.



Le roman fait référence à Nadia Anjuman, une poétesse afghane, sauvagement assassinée par son mari qui la trouvait trop libre ; le destin tragique de cette femme avait profondément choqué Rahimi qui décida d'en faire un livre.

Un prix Goncourt qui vient récompenser un écrivain engagé contre les oppressions.

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Syngué Sabour : Pierre de patience

Une chambre,

un homme dans le coma.



Respirations



Sa femme prend soin de lui…



Une deux. Une deux.

Gouttes de collyre.



Le mollah a dit, pour le sauver



prier,

chapelet



chapelet

tous les noms de dieu



Là, seule avec lui



respirations



chapelet



une, deux... gouttes. Une, deux... gouttes.



Respirations



Explosions !



Elle devient folle

elle grommelle

elle parle

elle lui parle

elle dit

elle le lui dit

elle lui dit tout…





L'histoire d'une de ces femmes dont on nie la vie. Terrorisée par la guerre à l'extérieur, elle se sacrifie encore, elle qui s'est toujours tu se mettra à parler à son mari dans le coma.



Fort ! Intense !
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Terre et cendres

Afghanistan, quand cette terre était sous le joug de l'occupation russe...



Au milieu de nulle part, un désert, deux êtres en errance, et isolés de tout et tous... Un homme âgé, Dastaguir, et son petit fils, Yassin, qui ont marché pour parvenir à cette baraque dans laquelle officie un préposé rugueux dont la rudesse n'a d'égale que son silence...

C'est la porte d'entrée du territoire minier, de cette mine dans laquelle le fils de l'homme et le père de l'enfant travaille, s'escrime... loin de chez lui, seul, pour faire vivre les siens.



Pour tout bagage, l'homme âgé ne traîne qu'un baluchon : un ancien foulard de son épouse, noué, d'où il extrait des pommes pour sustenter le petit ou du pain, encore celui-ci n'est-il que le souvenir de cette denrée précieuse tant il s'est desséché et est devenu immangeable : un pain comme le devenir du coeur des hommes...

L'homme espère, patiente fougueusement, attend l'apparition d'un véhicule qui, au lieu des cinq heures de marche qu'il ne veut plus imposer à son petit fils, les mènera vers son fils à qui il doit se confier…

Son attente est si impatiente, si pleine de crainte, qu'il ne goutte l'empathie du marchand qui offre thé et fruits, et surtout l'écoute attentive de celui qui a déjà tout perdu et qui connaît la terreur de l'abîme qui s'ouvre soudain. Alors, il est celui qui offre humanité et bonté pour panser les plaies de l'esprit de celui qu'il accueille...



Ce que l'homme âgé a à annoncer, il ne parvient pas à le formuler, il dénoue et remue cet écheveau de détresse dans son âme, il ne parvient pas à s'en saisir et à dompter les effrayantes paroles pour relater, pour dire l'atrocité, à trouver ces mots qui devront être siens...

Lui, les songes l'engloutissent, quand le naswar le fait passer dans un autre monde, quand l'imagination devient une porte vers un ailleurs parfois encore plus terrifiant, parfois encore plus incompréhensible, lui faisant revivre la folie des hommes. Son petit-fils, lui, vit désormais dans un monde en retrait, ne percevant plus les bruits, le chant des derniers oiseaux, les voix dont il imagine que leur don est la rançon exigée pour échapper à la mort, les mots contre la vie… Une culture qui se tait, qu'on bâillonne, pour un territoire qu'un autre s'approprie...



Tous les personnages de ce récit souffrent, tous ont les larmes qui brillent au bord des yeux... Parfois ils choisissent la bienveillance pour écraser ce chagrin et s'en détourner, parfois, ils sont devenus comme le pain dans le foulard aimé et les toucher, les côtoyer fait mal, bouscule, ils sont désormais trop raides, trop résistants pour accorder un regard, une écoute, un geste de compassion envers celui qui souffre comme eux…

La détresse habite chaque fibre de ces êtres, celle de la perte, celle de l'absence désormais compagne, celle des décisions trop lourdes, celle des mots qui manquent, celle des valeurs qu'on croyait inébranlables et qui ont été mises à terre.





C'est un tout petit livre mais qui pèse si lourd d'émotion, de larmes, de chagrin, de colère amère parfois quand l'incompréhension se mêle aux sentiments. Un petit livre duquel, à l'image de l'univers de Yassin, aucun pépiement d'oiseau, aucune parole inutile ne surgiront, tout est dans l'esprit, à refouler sans cesse  à l'image du style de l'écrivain dont on ressent intensément la houle et le fracas proche : que faire, que dire quand la peine et la barbarie sont trop lourdes pour être traduites.



Un tout petit livre à lire doucement, la main glissée dans celle de Yassin, l'écoute attentionnée vers Dastaguir, et les larmes partagées avec ces deux êtres, tout au long de ces phrases.

Ce texte est un hurlement silencieux… le drame d'un peuple qui se dit à à travers deux êtres...



Une écriture qui bouleverse, une écriture qui fait chanceler…



Comment se tenir debout quand on ne possède plus rien, quand toutes les certitudes ont été détruites, quand l'humanité disparaît peu à peu ?
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Les porteurs d'eau

Le onze mars 2001 les deux Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan sont détruits par les Talibans, geste symbolique de leur fanatisme et de leur détermination à vouloir détruire tout ce qui n'est pas compatible avec leur vision de l'Islam. C'est une période de grande souffrance pour le peuple Afghan qui subit la terreur et la famine dans l'indifférence générale.



On se dit alors que ce roman va être une réflexion sur ce sujet pour mieux nous faire comprendre comment ont vécu ceux qui ont choisi l'exil et comment ont vécu ceux qui sont restés.

Hélas pour moi, ce livre a été un malentendu certes poétique, mais là où j'attendais un roman je n'ai trouvé qu'un conte à dormir debout. Une sorte de dialogue de chapitre à chapitre entre Tom et Yûsef qui donne à peu près ça :



- Je suis Afghan, mais je suis Français.

- Je suis Afghan, j'habite Kaboul.



- Je m'appelle Tamim, mais je m'appelle Tom.

- Je m'appelle Yûsef, juste Yûsef.



- Je suis commercial, je voyage entre Paris et Amsterdam et son quartier rouge.

- Je suis porteur d'eau, je voyage entre une source dont moi seul connaît le chemin et mes compatriotes assoiffés par deux ans de sécheresse.



- Je suis un exilé.

- Moi, je suis resté.



- Je cours après l'amour, je cours après moi. L'Afghanistan, les Bouddhas, je sais pas, je crois que je m'en fous, mais peut-être pas en fait. Je ne sais plus vraiment qui je suis. Je baise Rina ou Nuria, qui j'aime je sais pas, je me suis perdu, c'est l'amour que je cherche... je crois.

- Moi aussi je cours, de jour comme de nuit, avec mon outre sur le dos. Je suis porteur d'eau et ça me suffit. Je dis ça mais c'est pas tout à fait vrai, ce qui me travaille vraiment c'est Shirine, la femme de mon frère qui est parti. Je suis pas trop sûr, ça me fait des trucs bizarres quand je pense à elle.



Tout ça sur une seule journée, celle de la destruction des Bouddhas. Je ne vous divulgâche pas la suite de la journée qui n'est guère plus exaltante, les tribulations d'un exilé de l'amour et d'un kabouli enseveli sous son outre de routine, ni la fin de cette journée qui apporte un peu de suspense au livre ce qui m'a aidée à le terminer.



La date choisie est symbolique alors je m'interroge sur le choix de l'auteur qui nous fait passer cette journée avec ces deux hommes soi disant en pleine introspection, préoccupés par leur croyance, leur appartenance à un peuple, leur quête d'exister, mais qui finalement passent réellement l'essentiel de leur temps à réfléchir avec leur... comment on dit déjà ? Avec leur cerveau, euh non c'est pas ça, avec aisance, non plus, ah oui je sais... avec leur queue et avec une réussite pas vraiment bandante.



Et L'Afghanistan dans tout ça ? Et les talibans qui fouettent, qui pendent, qui lapident ?

Ben c'est pas le livre qui vous donnera la réponse, même pas l'ombre d'un indice, à moins que je n'aie pas su lire entre les lignes, je suis restée hermétique à l'écriture d'Atiq Rahimi.

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Terre et cendres

Lu dans le cadre du prochain club-lecture de la médiathèque auquel j'appartiens et dont le thème est celui des éditions P.O.L, j'ai eu une merveilleuse surprise en découvrant cet ouvrage vers lequel je ne me serais probablement jamais penché...et pourtant, le lecteur découvre ici une histoire bouleversante !



Nous sommes en Afghanistan, dans un petit village qui vient d'être bombardé et les habitants massacrés par l'armée soviétique, à l'époque où les deux pays étaient en guerre. Dastaguir, notre narrateur, vient de voir sa femme, sa bru et l'un de ses fils mourir sous ses yeux. Cependant, il se doit de partir du village car il lui reste une terrible mission : annoncer cette terrible nouvelle à Mourad, son autre fils qui travaille actuellement à la mine en emmenant avec lui son petit-fils Yassin, qui est devenu sourd suite aux terribles bombardements. Comment déclamer devant la chair de sa chair l'indicible ? Comment lui donner la force de continuer à vivre après un tel drame ? Dastaguir, devant son immense tristesse n'en sait rien. Il est perdu et marche résolu à se rendre à la mine mais aura-t-il réellement le courage d'aller jusqu'au bout ?



Un roman poignant, déchirant même, avec des phrases très courtes, comme lorsque l'on voit la mort arriver devant soi et que l'on ne peut rien faire. Une lecture que je ne peux que fortement vous recommander en vous prévenant cependant que vous n'en sortirez pas indemne !



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L'invité du miroir

Miroir mon beau miroir, dis moi où va se nicher l’infâme de la nature humaine ?

Miroir mon beau miroir, dis moi qui invite le souvenir commun de terres souillées de sang à partager quelques pages d’histoire ?

Atiq Rahimi.

Actualité très chargée pour lui puisque la semaine dernière est sorti son nouveau film « Notre-Dame du Nil » ainsi que « L’Invité du miroir » son nouveau livre.

Le film raconte les prémices du génocide au Rwanda, le livre est un témoignage poétique d’une rencontre au cours du tournage.

La rencontre de deux blessures, le tête à tête de deux traumatismes, un rendez vous des souffrances profondes, des douleurs sourdes, latentes.

La rencontre des tourments et des angoisses de terres abandonnées des dieux. Le pays des mille et une montagnes et le pays des mille collines. L’Afghanistan et le Rwanda.

Atiq Rahimi voit dans les conséquences de l’horreur de 1994 au Rwanda, le reflet de ce qui se passe chez lui, en Afghanistan, là où les décennies de guerres fratricides deviennent habitude.

Ce petit recueil est étonnant à tout point de vue. Que ce soit par son format, par la qualité du papier ou bien par le contenu qui diffuse intensément l’émotion, par les dessins de l’auteur qui illustrent des maux en apnée, des esquisses, des aquarelles, des croquis, comme une respiration, j’ai été pris dans ce conte des mille et une vies.

L’auteur a choisi de s’inspirer de contes Africains pour nous livrer ce qu’il a vécu pendant le tournage de son film. Un conte où viennent se mêler les rencontres locales avec ceux qui lui ont « appris à lire avant de tourner une page de l’histoire » ou encore avec les poètes qui « changent les mots en larmes ».

L’écriture est fine, précise sans être chirurgicale. Elle appelle à suspendre le temps pour s’imprégner de mots qui résonnent au creux du ressenti du lecteur sensible à l’Afrique, à la poésie, à la poésie Africaine, à la poésie de l’Afrique. Elle incite à respecter quelques pauses pour se recueillir l’espace d’un souffle à la mémoire de ces territoires meurtris, de ces Hommes niés, effacés, oubliés.

Un conte Africain écrit par un Afghan, il n’y a rien de plus beau que le métissage dans le sang, la culture, l’écriture.



« Il faut nommer l’horreur,

Sinon

Elle reviendra.

Elle reviendra sous le nom qu’elle voudra

Sous le masque qui l’enchantera ».

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Terre et cendres

Kaboul avant-hier, attentat au camion piégé, 90 morts. Kaboul aujourd’hui, manifestation, la police tire à balles réelles, 4 morts. Kaboul 1979 – 1989, occupation Russe, guerre, entre 850 000 et 1 500 000 civils tués.

Il est des lieux où il faut bien se rendre à l’évidence, ce que certains nomment « dieu », a déserté.

L’Afghanistan fait partie de ces endroits abandonnés aux guerres entretenues pour des intérêts stratégiques, économiques, religieux.

C’est dans la période d’occupation Soviétique qu’Atiq Rahimi nous emmène. Il nous fait partager quelques heures de la vie de Dastaguir, vieil homme parti retrouver son fils Mourad, travaillant dans une mine de charbon, pour lui annoncer la plus terrible des nouvelles qui puisse être, la perte de sa famille dans le bombardement de son village par les Russes. Seul survivant, Yassin, fils de Mourad devenu sourd à la suite du bombardement.

Terre et cendres, poussières d’éternité, débris d’amour, des bris de vie. L’écriture d’Atiq Rahimi est tout simplement remarquable. Pas dans le sens littéraire (je n’ai aucune compétence pour juger de la qualité littéraire d’un texte, des spécialistes sont là pour disséquer, commenter, analyser et le font très bien) mais dans le ressenti. En tournant les pages, j’ai eu la main tremblotante de Dastaguir, j’ai eu le regard triste se frayant un chemin vers la lumière à travers les paupières mi closes du vieil homme, j’ai eu l’aride du front accablé par la douleur, l’alarme à l’œil celle qui prévient qu’une goutte de vie va venir mouiller le cil, la gorge sèche et nouée par l’émotion.

Un huis clos entre une dure réalité et des souvenirs mêlés de rêves et puis ces questions qui se bousculent sur l’attitude à avoir avec son fils, dire ou ne pas dire, le voir ou renoncer au dernier moment pour l’épargner quelques temps encore, ne pas être le messager du malheur.

Et puis il y a Yassin qui ne comprend pas pourquoi les Russes ont pris les bruits et les voix des vivants.

Ce livre est bouleversant, si fort en ressenti…

Atiq Rahimi a adapté son livre au cinéma et obtenu le prix « Regard vers l’avenir » au festival de Cannes en 2004. Pas vu et pas certain d’avoir envie de le voir tant je reste sur une impression d’une puissance qui risquerait d’en pâtir.

Dis madame Babélio, dessine moi une sixième étoile.

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Terre et cendres

Un vieil homme, accompagné de son petit-fils, attend un transport pour la mine où travaille son fils pour l'avertir du drame qui vient de toucher tout le reste de la famille.

Il est encore en état de choc, totalement perturbé... il pense et redoute surtout d'être en face de son fils et avoir à lui dire l'indicible.



Quel que soit le prétexte, quel que soit le pays, la guerre fait douloureusement souffrir des individus qui ne demandaient rien.

Petit livre de moins de cent pages, mais un moment intense et poignant.
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Syngué Sabour : Pierre de patience

Un livre que je n'ai pas apprécié plus que cela. Je trouve qu'il manque quelque chose au texte, il pêche par une absence de saveur. C'est regrettable mais j'ai souvent un peu de mal avec les prix littéraires et le Goncourt en particulier. Un roman un peu particulier, mais qui ne me laisse pas un souvenir impérissable.
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Terre et cendres

Après avoir lu Syngué Sabour à sa sortie , j'avais hâte de retrouver la plume d'Atiq Rahimi, et je n'ai pas été déçue du voyage.



Quel plaisir de retrouver cette langue à la fois très retenue, poétique, pleine de silences et d'émotions !

Le narrateur interpelle sans arrêt avec un "tu" énigmatique qui rend le récit très familier et mystérieux à la fois. A qui s'adresse-t-il ? Au lecteur ? Peu probable. Au personnage ? Sans doute, mais ce dernier ne répond jamais. Peut-être l'auteur s'adresse-t-il en vérité à l'Afghanistan ?



Terres et cendres pourraient être un conte - du moins une parabole - si le sujet n'était pas si grave. C'est un texte où le motif du feu/des flammes est omniprésent. C'est une histoire très "masculine", encore plus que Syngué Sabour.

Terres et cendres met en scène des dialogues de de sourds. Tout d'abord entre Dastaguir, le grand-père qui ne sait pas (comment) dire les choses et Yassin, le petit-fils devenu sourd après l'explosion d'une bombe. Chacun de ces personnages est conscient du fait que quelque chose ne va pas, mais aucun ne cherche à dire clairement ce quelque chose.



Ce récit interroge sur ce qui fait la masculinité à l'afghane en ces temps de guerre et de deuil. Comme Khaled Hosseini dans le roman qui l'a rendu célèbre, Atiq Rahimi cite Le Livre des Rois. Mythe fondateur de l'identité persane dans lequel le père tue son fils sur un champ de bataille. Une histoire tragique qui trouve un écho dans le contexte de cette guerre - qui comme tous les conflits a quelque chose d'absurde.



Ni l'auteur ni ses personnages n'offre de solution à ce drame, un seul constat en refermant ce livre : l'impuissance des hommes face à des événements qui le dépassent. Car entre vouloir et pouvoir, il y a parfois un gouffre...
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Syngué Sabour : Pierre de patience

Un homme se meurt plongé dans le coma. Auprès de lui, son épouse le veille.

On devine le chagrin et le désarroi qui agite cette femme. Sauf qu'ici, on est en Afghanistan, et cette épouse à travers un long monologue, trop long monologue ?, va retrouver une parole bafouée, interdite. Et au fil des heures qui passent c'est la condition de la femme dans l'extrémisme et la radicalité qui est dévoilée, comme un cri de colère et de souffrance trop longtemps retenu. De part le sujet, bien évidemment le roman d'Atiq Rahimi à de quoi nous intéresser, nous occidentaux par cet octracisme insupportable et cette violence faite aux femmes au nom d'une religion ou d'une idéologie. Et pourtant, je sors frustré de cette lecture, de par d'abord son écriture séche, moi qui généralement suis sensible à ce style littéraire. Là, je n'ai été touché que par instants, comme si la narration minimaliste m'empéchait d'adhérer complètement à l'histoire. Alors bien sur, on se doit de saluer ce texte puisque écrit par un homme, afghan de surcroit et voir dans le prix Goncourt, un geste symbolique mais pour moi le récit ne m'a pas bouleversé comme je m'y attendais. Peut-être qu'une deuxième lecture s'impose ?
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Syngué Sabour : Pierre de patience

Quelque part en Afghanistan.

Dans une chambre vide de tout ornement ou presque, un homme est allongé, inerte, moribond.

C'est un ancien guerrier qu'une balle dans la nuque a laissé à demi-mort.

Son épouse est auprès de lui, elle le soigne, le lave, le veille. Et surtout, elle lui parle, comme jamais elle n'a pu le faire.

L'homme devient sa "syngué sabour", la pierre magique sur laquelle, selon la mythologie perse, elle peut déverser toute sa colère, ses douleurs, ses souffrances de femme humiliée, brimée par sa condition.



Un roman qui s’apparente au théâtre, par le lieu unique où se situe l'action, par les phrases brèves, factuelles, qui ressemblent à des didascalies, par le coup de projecteur dirigé sur le personnage féminin, cette femme belle et désespérée qui fait entendre sa voix avec la force d'une tragédienne.

Remarqué avec le très beau "Terre et cendres", qu’il a lui-même adapté au cinéma, Atiq Rahimi tient davantage du dramaturge que du romancier dans ce texte intense, dont l'économie de mots et l'écriture dépouillée, sobre, démunie de tout artifice, confère à l’œuvre une dimension universelle, intemporelle sur l’asservissement des femmes d’Orient et d’ailleurs.

Pour la toute première fois, c’est en français que l’auteur d’origine afghane a décidé d’écrire.

Une façon de saluer son pays d’adoption et une bonne idée puisque l’œuvre a remporté le prix Goncourt en 2008.

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Syngué Sabour : Pierre de patience

J'ai rangé à nouveau mes livres. J’ai créé une étagère à Goncourt. Comme beaucoup, ils sont en P.A.L.. "Syngué Sabour" traduit par "Pierre de patience" en fait partie. Tout maigre, à côté des «Bienveillantes», il était tentant...



Nous partageons les pensées d'une femme afghane sous le poids des bombardements et de la violence des hommes en noir. Son mari est dans le coma, il servira de déversoir passif des violences subies par sa femme. Progressivement, celle-ci affirme son identité.



Le ton est très distancié et personne n'est nommé.



Je sais, c'est un peu court pour un Goncourt, mais ce livre ne m'a pas retourné, je ne suis pas vraiment "entré" dedans et n'ai pas su apprécier la qualité d'écriture, tant vantée par d'autres Babeliotes dithyrambiques, sauf à considérer que c'est le premier texte d'Atiq Rahimi écrit directement en français.



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Syngué Sabour : Pierre de patience

Je viens de relire Syngué Sabour et mon émotion est restée identique à celle de ma première lecture. J’ai tout accepté de cette femme, ses paroles comme ses actes. Je me suis fondue en elle et ai ressenti ses humiliations, ses frustrations, sa colère, son abnégation mais aussi ses désirs et sa force.



Dans un pays en guerre, qui pourrait être l’Afghanistan, une jeune femme veille le corps de son mari. Celui-ci est plongé dans le coma suite à une balle reçue dans la nuque lors d’une bagarre, comble de l’ironie, avec ses propres miliciens. Elle va alors entamer un long monologue dans lequel elle lui révélera tous ses secrets. Et cette parole libérée est magique, puissante mais surtout dévastatrice.

Le corps de son mari inerte va prendre la valeur de la pierre de patience : syngué sabour. « C’est une pierre magique que l’on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères… On lui confie tout ce qu’on ne peut pas révéler aux autres… Et la pierre écoute, absorbe comme une éponge tous les mots, tous les secrets jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate… Et ce jour-là, on est délivré. »



Sous le voile, la femme cachée va révéler sa personnalité, mais aussi ses désirs, ses rêves et ses frustrations. C’est un très beau texte sur la condition féminine en Afghanistan (société phallocratique), mais aussi sur le désir féminin.



Le début du roman est lent, les phrases sont courtes. Il est rythmé par le souffle de l’homme et le compte-gouttes qui lui est relié. Puis au fur et à mesure que la parole se libère, le rythme va s’accélérer.

L’unité du lieu (la pièce avec un matelas) rend l’atmosphère lourde et angoissante.

Les rares autres personnages du roman interviennent pour souligner les conditions de vie dans ce pays : le mollah et le fanatisme religieux, le jeune soldat et la sexualité, la barbarie humaine.



Encore une fois, c’est une lecture qui m’a ravie. Mais j’espère que l’image de l’homme afghan n’est pas seulement celle décrite dans ce court roman…

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