L'histoire et le
roman font bon ménage
Ce numéro d'Apostrophes est consacré au
roman historique.
Barbara CHASE RIBOUD présente son livre :"
La Virginienne", relation des
amours de
Thomas JEFFERSON, un président sudiste des Etats Unis et d'une esclave Sally HEMINGS ;
Maurice DENUZIERE pour son livre : "
Bagatelle";
Marguerite GURGAND pour :"
Les Demoiselles de Beaumoreau"; à l'époque napoléonienne, trois demoiselles venues de...
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Elle-même avait préparé sa propre fille, son enfant favorite, à la triple servitude d'esclave, de femme et de concubine, ...
Comment avait-elle su que son image d'une parfaite esclave coïncidait avec l'image qu'il avait d'une femme parfaite.
Et Sally Hemings aimait Thomas Jefferson. C'était cela la tragédie. L'amour, pas l'esclavage. Et Dieu sait ce qu'il y a d'esclavage dans l'amour...
Pourquoi Jefferson avait-il cessé de s'opposer à l'esclavage après son retour de Paris ? Qu'est-ce qui l'avait enchaîné à une contradiction si profonde et si durable? Il ne croyait pas en Dieu, ses idées d'obligation et de rétribution se bornaient donc à ce monde.
Mon cercueil sortit du ventre de la machine.
Etonnée, je vis des milliers de gens de couleur...Ils se levèrent tous pour m'acclamer.
"Maman Sarah...Maman Sarah...
Un océan de sons...
Moi, Sarah Baartman, la non-humaine, devenue un symbole de toute humanité.
...Je découvris que mon squelette sans larmes pouvait quand même en verser...
Elle n'avait jamais cherché à dépasser sa triple servitude. Elle s'était attachée obstinément à la seule chose qu'elle eût jamais trouvée d'elle-même dans sa vie : l'amour, et l'amour pour elle avait été plus réel que l'esclavage. Elle avait survécu aux deux, c'était la vérité de son existence.
Les livres parlent à tout le monde, sans tenir compte de la couleur. C'est toute l'idée d'un livre. Un livre est un pays tout entier. Un livre te sort de la prison de ton esprit. Et lire, c'est écrire. Et écrire, c'est s'appartenir.
Il avait désormais une sorte d'indifférence, de calme, apporté par la satisfaction de tous ses désirs. Sous les manières suaves, sereines et glacées, sous la politesse presque exagérée, il restait cette brutalité particulière aux Virginiens habitués aux privilèges du despote n: n'être jamais contredit, mener les chevaux à coups d'éperons, contrôler les ambitieux, régner sur un royaume privé et se voir occuper une place dans l'Histoire. Il s'était tout pardonné et ne se souciait pus qu'elle pardonne ou non.
Anthologie
Extrait d' un texte de Françoise Cachin
( 1974)
Une des premières choses que revendique Chase- Riboud est l'aspect artisanal d'un travail qui cherche à concilier l'art traditionnellement noble- la sculpture sur bronze, activité virile- à l'autre, considéré comme mineur- le tissage, traditionnellement feminin- et à réinterpréter dans un sens contemporain les qualités de l'art primitif.
"Elle s'appelait Euphémia David, expliqua Naksh-i-dil à l'Eunuque noir et à la Kiaya étonnés. C'était l'Obeah la plus connue de la Martinique. C'est elle qui m'a prédit mon destin. Elle détenait le secret de la vie, de la médecine, des poisons, des remèdes contre le mauvais oeil. Elle savait lire le futur, le passé et le présent. Tous la craignaient, les Noirs comme les Blancs. Tuer un homme blanc était aussi facile pour elle que de briser un fétu de paille... avec sa magie noire..."
« D’un côté ils haïssent et méprisent les Noirs, d’un autre ils en font l’objet de leurs désirs les plus violents, de leurs obsessions les plus intimes… » p.241
Et Euphémia s'est enfin adressée à moi, Mlle de S, poursuivit Naksh-i-dil en parlant aussi bas que dans un confessionnal. J'avais dix ans. Soudain l'Ikbal prit la même voix rauque que l'Obeah.
"Votre nouveau tuteur va bientôt vous envoyer en Europe parfaire votre éducation. Votre bateau sera capturé par des pirates algériens. Vous serez faite prisonnière et rapidement enfermée dans un couvent pour femmes d'une autre nation que la vôtre, ou dans une prison... Là, vous aurez un fils. Ce fils régnera glorieusement sur un empire, mais un régicide ensanglantera les marches de son trône. Quant à vous, vous ne jouirez jamais d'honneur public ni de gloire, mais vous régnerez, Reine voilée, invisible, vous vivrez dans un vaste palais où chacun de vos souhaits sera un ordre, et des esclaves innombrables, par milliers, vous serviront. Au moment même où vous vous sentirez la plus heureuse des femmes, votre bonheur s'évanouira comme un rêve, et une longue maladie vous conduira jusqu'à la tombe."