Voici un témoignage percutant qui doit être entendu. Non, l'adoption n'est certainement pas un acte de charité : si on adopte, c'est pour satisfaire notre besoin (envie ?) d'être parent. Non, l'adoption n'est pas sans risque pour l'enfant adopté : il subit des décisions d'adultes qui vont impacter toute sa vie, de son estime de soi à sa façon d'entrer en relation avec les autres.
Au travers de ce récit, on suit une petite fille de 4 ans et demi, depuis le foyer dans lequel elle a été placée, jusqu'au foyer dans lequel elle va grandir. On vit ses incompréhensions, ses angoisses, ses attentes, ses demandes, ses espoirs, ses déceptions, ses rejets... Et dans cet environnement où l'adulte apparaît comme déficitaire, indigne de confiance, surgissent comme des rayons de soleil, des personnes qui arrivent à la voir, à l'aimer, à lui faire confiance, et auxquelles elle peut se raccrocher auprès desquelles elle peut se construire, trouver une forme d'apaisement.
Son témoignage est nécessaire, il m'a fait réfléchir et posé beaucoup de questions sur notre responsabilité en tant qu'adulte, et sur notre positionnement en tant que parent adoptant.
Avec beaucoup de précautions, Veronica essaie de me décrire ce que peuvent endurer ces femmes contraintes d'abandonner leur enfant. Elle ne leur pardonne pas, mais elle les comprend. La différence est de taille.
Je suis leur toute petite fille, ils sont mes parents, et si l'on me demande encore si ce sont mes vrais parents, je dirai : "Faites le test du coeur, et vous verrez!"
"Tu sais, tu es une personne qui perçoit très bien les gens. Tu es lucide. Mais il est dangereux d'avoir la langue trop bien pendue."
Qu'est-ce que le bonheur? Où est-il? Est-il identique pour tous? Se donne-t-il? Se prend-il?
Quelle chose étrange que l'adoption. Comme elle change tout, non seulement en nous mais surtout autour de nous.
La maison n'était pas grande, mais comme j'étais très petite, elle l'était suffisamment pour moi.
Le jour de la rentrée, un peu timide, je restais assise à mon bureau. Je me souviens qu'une fille de type arabe a pénétré dans la classe avec une amie et lui a murmuré: «Tu vois, la nouvelle, elle est typée, on va devenir copines. » Aussitôt, je me suis dit qu'il faudrait que je me méfie d'elle. Les origines d'une personne ne me semblaient pas une bonne raison de devenir amies. La suite me prouverait que mon intuition était juste : lorsque plus tard, en confiance, je lui révélerais mon adoption et mon origine chilienne, elle me reprocherait mon attitude « complaisante » avec les gens d'ici , me traitant de « petite bourgeoise francaise » ingrate envers son pays natal. C'en serait fini de notre amitié.
Certains souvenirs s'estompent avec le temps. Mais les sensations demeurent.
Pourtant, l'année suivante, il récidiva sur un élève de sixième. Le garçon ne voulait plus aller au dortoir et restait des heures à l'infimerie. L'infirmière s'en inquièta. Alors l'enfant exprima ses craintes envers le surveillant du dortoir. Cette fois-ci, une enquête plus approfondie eut lieu, l'incriminant enfin.
Il avait fallu plusieurs victimes pour que certains prêtent foi aux dires des enfants. J'étais révoltée. Cette histoire me confirma qu'il y avait un fossé immense entre nous et les adultes.