Maintenant, quand un problème se présente à moi, la première question que je me pose est la suivante : "Est-ce qu'on en meurt ?" Mis à part le ridicule qui peut parfois tuer sauvagement, si la réponse à la question est oui, je lance le plan Orsec. Si la réponse est non, je calme les esprits en me disant qu'il y a certainement des choses plus graves que celles que je suis en train de traiter ou de vivre et qu'il n'y a donc vraiment pas lieu de s'affoler. Cela me donne une force inouïe qui, à l'occasion,me surprend moi-même. J' ai l'impression d'avancer tel un rouleau compresseur. Plus rien ne m' arrête.
François nous a concocté une petite tarte normande à sa façon. Quelque chose de très léger à base de pâte feuilletée au beurre, de pommes, de sucre, de crème fraiche, de calva et je me demande si ce soir-là il n'aurait pas, en outre, ajouté quelques noix. Quelque chose qui vous tombe sur les hanches avec un bruit mat et qui y reste pour l'éternité.
Je vois d'ici la tête de ma mère si elle apprenait l'existence de Marcel (prénom dont l'auteure a affublé son cancer). Drame dans les chaumières. On convoque Cosette, on implore la grotte de Lourdes, on appelle le Saint-Siège. D' ailleurs, je le vois bien : depuis hier, chaque fois que le prononce le mot "cancer" au téléphone avec mes amis, j'ai comme un "glurp" à l'autre bout du fil. Alors avec ma mère, ça ne serait plus un "glurp", ça serait les chutes du Niagara doublées du mur des Lamentations.