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4.25/5 (sur 4 notes)

Nationalité : Russie
Né(e) à : Moscou , le 10/04/1937
Mort(e) le : 29/11/2010
Biographie :

Bella Akhmadoulina (en russe : Белла Ахмадулина; née le 10 avril 1937 à Moscou - morte le 29 novembre 2010) est une poétesse, scénariste et actrice russe.

Elle a dix-huit ans quand paraissent ses premiers poèmes. En 1959 elle est sanctionnée pour s’être opposée à la persécution de Boris Pasternak. Son premier recueil paraît en 1962. C’est l’époque où elle participe au mouvement des « poètes des tribunes » : ces poètes qui dans les années 1960 lisent leurs oeuvres devant des milliers d’auditeurs. Le plus connu d’entre eux en Occident est Evguéni Evtouchenko. Dans ses écrits Akhmadoulina est moins politisée que ses compagnons même si elle a toujours soutenu les dissidents. Depuis ses premiers écrits elle n’a cessé de produire et de publier. Et en dépit du foisonnement de la poésie russe aujourd’hui, qui vit un véritable âge d’or, elle est une référence et fait toujours partie du paysage poétique actuel.
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Source : Wikipedia+Buchet Chastel
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
PLUIE ET JARDIN (1967)
     
Pluie et jardin confondus :
deux éléments célèbrent leurs noces,
coïncidence que le regard
d'un témoin ne saurait séparer.
     
Ils s'enlacent si fort qu'une paume
ne peut s'insérer entre eux,
ils ne voient pas la chute des fruits
gorgés de miel qu'écrase leur étreinte.
     
Le jardin est en pluie ! La pluie est en jardin !
Pluie et jardin périssent l'un dans l'autre,
me laissant seule décider du destin
de l'hiver du Sud qui s'annonce.
     
Comment disjoindre jardin et pluie
pour une brève brèche de lumière,
pour que le menu frisson d'un oiseau
trouve place entre gouttes et branche ?

     
Extrait, traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs - p. 61
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Hiver

Ô geste de l’hiver,
d’une froideur appliquée.
L’hiver a quelque chose
d’ine tendre médecine.

Puisque la maladie
lui tend les mains, confiante,
du fond de sa souffrance
et de l’obscurité.

Cher hiver, soigne-moi,
mon front sera marqué
du baiser curatif
de ton anneau glacé.

La tentation grandit
de me fier aux mensonges.
Dévisager les chiens
et enlacer les arbres.

Pardonner, comme par jeu,
d’un élan, dans un virage,
finir de pardonner
pour pardonner à d’autres.

Copier ce jour d’hiver
et son ovale vide,
Être à jamais en lui,
comme une simple nuance.
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Sonorité pressante

Sonorité pressante, depuis dix jours
je t’attends sur une route de campagne.
Et je t’attends encore sous la pleine lune.
Sonorité pressante, tu est là, tout près.
Viens tomber dans la fécondité de ma blessure.
Pourquoi te caches-tu en m’épiant?

Sonorité pressante, si lourde soit
ma faute, bien grande est ma douleur.
Quelle ouïe apprécies-tu, sinon la mienne?
La pleine lune me pardonne.
Mais nulle sonorité ne vient pour me guider.
Elle est absente. Pourquoi me dut-elle donnée?

Je ne partagerai ma lune avec personne,
elle n’aimera jamais que moi.
La lune découvre qu’elle est une avant-mort,
Sonorité pressante, je m’adonne
au jeu avec ton absence lunaire.
Sonorité pressante, pardonne-moi.
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Nocturne
Idées nocturnes, qui êtes-vous, qu’êtes-vous?
J’ai pitié de votre nudité timide.
Dommage, je n’ai pas la force de clore
les stores sur la pluie et les fleurs humides.

J’essaye d’écarter les ailes d’un chérubin
du minuscule enfer de la veilleuse.
Une branche de merisier, danseuse aveugle,
entame tristement son dernier acte.

Écrits nocturnes, qu,est-ce qui nous relie?
Vous êtes le discours de la nuit blanche.
Elle passée, vous n’appartenez à personne.
Faut-il vous conserver en sa mémoire?

Le jour aussi est blanc de brume, blanc de nuit.
Et regarder en bas de la falaise revient
à sortir un poignard de son souple fourreau :
tant paraît aiguisé l’argente de ces eaux froides.

La vie diurne est ruse, stratagème
pour rapprocher la nuit. Mais ma crainte grandit :
Et si la veille, dans la combe au-dessus du Ladoga,
le rossignol avait brûlé?

Non, mon Phénix est indemne, il sifflote :
Syllabe, syllabe — tiret, syllabe, tiret — tiret, tiret.
Le pointillé tâtonne, en quête d’un sens obscur,
et l’embarras des mots est plus doux que les mots.

Minuit tout rond. Chaque chose est neuve et fraîche.
Je sors des terres étrangères qui nous sont communes
pour revenir chez moi, dans le nocturne… quoi?
Dans le nocturne de ce qui me plaît.
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LEÇONS DE MUSIQUE

Dédié à Marina Tsvetaïva

J’aime ceci : comme à tout un chacun, Marina,
comme à moi,
d’un gosier frissonnant –
je ne dis pas : comme à la lumière, à la neige -,
cou tendu : on dirait que j’avale de la glace,
j’essaye de prononcer : comme à tout un
chacun,
on t’enseignait la musique. (Apprentissage vain !
faisant pleurer et rire Dieu,
vouloir apprendre au cierge les lois de l’éclairage.)

Deux obscurités égales ne s’entendaient pas :
le piano et toi, deux cercles impeccables,
dans le chagrin d’un sourd mutisme réciproque
supportant le langage étranger l’un de l’autre.

Deux sombres froncements unis
dans une rencontre insoluble et hostile :
le piano et toi : deux silences puissants,
deux faibles gorges : musique et parole.

Mais la prépondérance de ta solitude
est décisive. Le piano et toi ? Un prisonnier
de l’aphonie tant que dans le do dièse
un allié ne trempe pas son petit doigt.

Toi tu es seule. Personne pour t’aider.
Pour la musique ta leçon est difficile :
sans importuner d’objet blessant
ouvrir en soi le saignement du son.

Marina, prélude à l’enfance, au destin,
do mi, avant l’or des paroles amies,
ré, prélude à tout ce qui viendra après,
inclinaison commune de nos fronts pianistiques,

agrippée comme toi au tabouret,
ô carrousel, inanité de Gedike !
Faire tourner le rond qui siffle
autour du crâne et qui arrache le béret.

Marina, tout ça, c’est inventé pour faire joli,
au petit bonheur, en comptant sur la chance
de pouvoir crier pour une fois : je suis comme
toi !

Je crierais volontiers, mais voici que je pleure.

(octobre 1961)
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Dans ma rue depuis des années

Dans ma rue depuis des années
j’entends des pas : mes amis s’en vont.
Le lent départ de mes amis convient
à l’obscurité derrière la vitre.

Mes amis ne s’occupent plus de rien,
chez eux plus de musique ni de chants,
et seules les fillettes de Degas
lissent encore leur plumage bleu.

Mais pourvu que la peur ne vous réveille pas
désarmés au milieu de cette nuit.
Une passion étrange pour la trahison,
mes amis, vous embrume les yeux.

Solitude, ton caractère est rude !
Faisant luire l’éclat de ton compas de fer,
si froidement tu refermes le cercle,
sans écouter les promesses vaines.

Appelle-moi et récompense-moi !
Cajole-moi, ainsi choyée
je me consolerai, pressée contre ton sein,
ton froid d’azur me lavera.

Laisse-moi me dresser sur la pointe des pieds
dans ta forêt, au bout d’un geste ralenti
trouver des feuilles qui toucheront mon visage
pour sentir le délice de mon abandon.

Offre-moi le silence de tes bibliothèques,
les thèmes rigoureux de tes concerts :
devenue sage, j’oublierai les morts
et ceux qui sont toujours en vie.

Je connaîtrai la sagesse et la peine,
chaque chose me confiera son sens caché.
Prenant appui sur mes épaules, la nature
m’apprendra ses secrets d’enfant.

Alors, du fond des larmes, de la nuit
et de la pauvre ignorance du passé,
les merveilleux visages de mes amis
m’apparaîtront avant de s’effacer encore.

(1959)
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La Cerisaie (extrait)

Décrirai-je cela ? Je ne sais plus écrire…
Le monde est prisme, somme de disputes et d’hostilités.
La cerisaie fleurit à ma fenêtre :
ce jour de février si blanc en sept couleurs,
Jardin d’un jour despote à floraison précieuse.
Les yeux fermés que vois-je à la fenêtre ?
La neige du Jardin, plus audible que l’humaine sottise.
La Cerisaie ne berce pas de cerises,
non que le bûcheron lui promette l’éclosion d’un désert désolé.
Dès le début, l’union paraissait condamnée :
de la pensée et des inflorescences du décor visible.
Ainsi pensait Bounine : chacun pourra le lire
s’il le désire. Je le lis à cette heure.
Et plus le spectateur contemple le Jardin,
plus le Jardin conserve son secret.
Et peu importe ce que je lis dans la nuit,
qu’on le comprenne ou pas,
Le secret se révèle et se ferme. Combien de
temps peut-on se désoler sur le mystère que la nacre referme ?...

(février 2006)
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Histoire de pluie partie 5

L’hôtesse...

L’hôtesse, à dire vrai,
n’aurait pas dû m’aimer en toute logique,
mais la timidité de se montrer vieux-jeu
l’en empêchait un peu, en quoi elle avait tort.

- Comment vous portez-vous ? (Ah, l’éclat de l’orage
dompté dans la fine gorge de l’orgueilleuse !)
- Merci, dis-je, je me suis roulée dans la fièvre
comme une truie se roule dans la boue.

(Quelque chose ne va pas chez moi. Pourtant,
je m’apprêtais à dire en inclinant la tête :
- Ma vie est agitée, mais cependant glorieuse,
d’autant que je vous vois une nouvelle fois.)

Elle énonce :
- Il faut que je vous gronde.
Avec un tel talent !
Venir à travers pluie ! Et marcher aussi loin !
Et tous de s’exclamer :
- Au feu. Conduisez-la au feu !

- Un jour, en d’autres temps,
sur une place parmi la musique et les cris,
nous aurions pu nous voir au roulement du tambour,
et vous auriez crié :
« Au feu, jetez-la donc au feu ! »

Pour tout ! Et pour la pluie ! Pour l’après et l’avant !
Pour la nécromancie de deux prunelles noires,
et pour les sons, tels des noyaux de cerises,
qui jaillissent des lèvres sans effort.

Je te salue ! Vise-moi de tes bonds.
Mon frère feu, mon chien aux mille langues !
Lèche mes mains dans ta grande tendresse :
toi aussi tu es Pluie ! Humide est ta brûlure !

- Ce monologue est quelque peu bizarre,
réplique mon hôte vaguement offusqué.
Mais après tout : vive la jeunesse en herbe !
La nouvelle génération me plaît.

- Surtout ne m’écoutez pas ! je délire !
dis-je. La Pluie en est fautive.
Tout ce jour, elle m’a tourmentée comme un démon.
Oui, cette Pluie est cause de mes ennuis.

Soudain, je vois à la fenêtre
ma Pluie fidèle et seule, sanglotante.
Et vient nager dans mes yeux en deux larmes
la trace de la Pluie restée en moi."

(Tbilissi-Moscou1962)
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à la mémoire d’Ossip Mandelstam

À l’époque où le scélérat
est un banal habitant des rues,
si dangereusement fragile, un Juif
en qui Russie et musique s’éveillent.

Introduction : une silhouette cassante,
coupable d’esbroufe gracieuse.
L’orée du siècle. Jeunes années.
Été humide à Helsingfors.

Est-elle Dieu ou demoiselle ? Prière
à des centaines de verstes d’un amour confus.
Il l’admire ! Le génie de son front
est voilé d’une mèche timide.

Mais le siècle veut festoyer !
Torturé, il cherche un prétexte :
et Petrograd à Pétersbourg
ne laisse que l’agonie de Blok.

Il le savait, il a parlé d’un signe,
du siècle bondissant sur ses épaules.
Que pouvait-il ? Pauvre et nu,
face au miracle de ses mots accomplis.

Son gosier, entamant une parole
inouïe, s’ouvrait si grand
qu’il suffisait pour le couper
d’un moindre effort du quotidien.
Pour lui : un honneur tout particulier,
à la double joie mauvaise des cieux :
un poète à la bouche bâillonnée,
et un gourmand privé de pain.
Les mémoires le disent : « Mandelstam
aimait les gâteaux. » Quel bonheur
de l’apprendre. Mais je n’ai plus envie
de respirer. C’est d’ailleurs inutile.
Ainsi donc, être un créateur
aux mains tordues derrière le dos
et un cadavre dépourvu de nom
semblait insuffisant pour son martyre ?
Jusque dans la mort, connaître
le malheur des appétits d’enfant
toujours inassouvis, frivoles
au point de survivre à l’enfer ?
Dans mon cauchemar, au paradis
où il habite, où je le cache,
il est rassasié ! Je le nourris
d’immenses pâtisseries. Et je pleure.

(1967)
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DORMIR

(Poème écrit à Tbilissi durant une insomnie.)

Moi qui danse sous la lune de Mtskheta,
qui pleure par tous les muscles de mon corps,
devenue une ombre rétrécie,
qui n’entre pas dans l’église de Sveti-Tskhoveli,
moi, fil d’argent nu qui s’enfile
dans ton aiguille, Tbilissi,
moi qui vis sous les astres dans l’attente de l’aube,
gelée jusqu’au sang dans ta serre,
qui ne sais pas m’endormir dans tes nuits,
dont la folie pervertit mes amis,
qui possède une prunelle de cheval dans les yeux,
et rue aux brancards des rêves,
moi qui chante à l’aube sur le pont :
«Pardonne-nous tous nos péchés, matin,
et dore la misère de nos ventres brûlés
de ton présent, soupe aux tripes khachi»,
moi qui galope de travers et recule
dans l’insomnie, dans son méchant canular,
Seigneur, comme je voudrais dormir
au sein du lit profond tel un berceau.
Dormir en m’endormant. Dormir en m’éveillant.
D’un sommeil lent, comme on goûte une boisson.
Dormir et sucer le bonbon du sommeil,
versant l’excès de douceur en salive.
Et me réveiller tard sans ouvrir les yeux,
prolonger la tentation du secret de la météo qui illumine le lit
d’un salut pour l’heure ajourné.
Le cerveau non voyant comme une étoile morte.
Le pouls doux comme la sève d’un arbre endormi.
O dormir à nouveau ! Longtemps. Dormir toujours.
D’un sommeil aussi clos qu’au ventre maternel.

(I960)
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