Golden Globe - le premier tour du monde en solitaire avec Bernard Moitessier
J'écoute la mer, j'écoute le vent, j'écoute les voiles qui parlent avec la pluie et les étoiles dans les bruits de la mer et je n'ai pas sommeil.
C'est toute la vie que je contemple, le soleil, les nuages, la mer, le temps qui passe et reste là. C'est aussi, parfois, cet autre monde devenu étranger, que j'ai quitté depuis des siècles. Ce monde moderne artificiel où l'homme a été transformé en machine à gagner de l'argent pour assouvir de faux besoins, de fausses joies.
Je continue sans escale vers les îles du Pacifique, parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme .
J’avais un tel besoin de retrouver le souffle de la haute mer, il n’a avait que Joshua et moi au monde, le reste n’existait pas, n’avait jamais existé. On ne demande pas à une mouette apprivoisée pourquoi elle éprouve le besoin de disparaître de temps en temps vers la pleine mer. Elle y va, c’est tout, et c’est aussi simple qu’un rayon de soleil, aussi normal que le bleu du ciel.
a l’instant même du Big Bang le chaos était absolu. ensuite il est devenu de moins en moins dense au cours des temps considérables ou l’univers s’organisait. puis ont surgi les premiers embryons doués du pouvoir de se reproduire sur notre Terre qui hésitait. alors dans un combat démesuré de patiences infinies et de luttes sauvages, la vie a rampé vers les hauteurs…jusqu’à ce qu’elle ait enfin réussi à créer la conscience. et avec cette conscience, la vie nous a donné le choix de construire le futur au lieu de le subir. cependant les choses ne baignent pas dans la béatitude pour autant. la science comme la philosophie reconnaissent que le chaos demeure présent à des degrés divers dans tout ce qui existe, sans aucune exception.Ainsi le feu et les ressacs de la mer conservent le chaos a l’état pur … mais le cerveau humain porte aussi dans ses meandres des traces indélébiles de ce même
chaos.
Mon intention est de continuer le voyage, toujours sans escale, vers les îles du Pacifique, où il y a plein de soleil et davantage de paix qu'en Europe. Ne pensez pas, s'il vous plaît, que j'essaye de battre un record. le mot "record" est un mot très stupide en mer. Je continue sans escale parce que je suis heureux en mer et peut-être parce que je veux sauver mon âme.
Je crois qu'à terre, comme à la mer, l'homme rencontre parfois des périodes de gros mauvais temps pendant lesquelles il doit impérativement prendre la cape s'il ne veut pas y laisser toutes ses plumes. En mer, c'est ultra simple : il suffit d'avoir de l'eau à courir, et si quelque chose lâche au-dessus du pont, on trouvera toujours un moyen pour réparer. Mais à terre, la manœuvre se complique du fait que l'eau à courir est remplacée en grande partie par les billets de banque, et l'on ne peut pas les passer à la ronéo.
C’est la Baraka, le point d’équilibre, l’exaltante cavalcade sur le dos de cette crête blanche ou la vie étincelle en me laissant les derniers doutes au loin dans le sillage.
J’ai toujours eu le sentiment que les longues traversées se traduisaient chez moi par un nettoyage en profondeur de toutes les salissures amassées pendant un séjour à terre.
La routine est notre pire ennemi parce qu’elle approche à pas de velours et sans lever la moindre vague pour vous piéger dans ses mailles.