Conversation entre Bernard d’Espagnat et Étienne Klein à propos du livre « A la recherche du réel »
À la recherche du réel - le regard d'un physicien Qu'est-ce que la réalité? le physicien Bernard d'Espagnat aborde ici la question du « réel », défendant l'idée qu'il est...
D’une façon générale, il ne faut pas confondre une représentation de la réalité avec la réalité elle-même : « le concept de chien n’aboie pas », remarquait déjà Spinoza…
(page 82)
Toutes les particules, qu’elles soient de lumière ou de matière, présentent une face qui dépend de notre manière de les regarder.
Elles nous apparaissent soit comme des ondes, soit comme des corpuscules, mais elles ne sont ni des ondes ni des corpuscules.
On ne peut donc les réduire au seul aspect de leurs apparences.
De ce constat est venue l’idée, émise par Niels Bohr en 1927, que les deux faces de la dualité onde-corpuscule sont « complémentaires ».
(page 49)
Retenons simplement que le formalisme quantique est limpide, mais que son interprétation reste une énigme.
Les relations qu’il y a entre la réalité et le savoir que nous avons sur elle ont perdu les couleurs de fausse évidence qui étaient les leurs aux siècles passés.
Il semble que la physique quantique attende toujours sa péroraison, avec une impatience grandissante.
(page 23
Dès ses premiers balbutiements, la physique quantique avait jeté le trouble dans l’esprit cartésien des physiciens.
« La physique n’est plus ce qu’elle était », furent-ils quelques-uns à soupirer.
(page 24)
En science, les idées vitales sont plus souvent les idées créatrices que les idées chargées de bon sens.
La mécanique quantique l’a bien montré, qui apparaît comme une rupture nette et flagrante avec le sens commun.
Toutes ses « prises » ont été des surprises.
Elle a révélé que des idées élémentaires au point de sembler refléter la pure logique, ne sont en réalité dans notre esprit que les sédiments stériles d’expériences de la vie courante.
(page 14)
Nous pouvons renoncer à la vision mécaniste du Monde.
La métaphysique de l’objet est périmée.
À nouveau et avec joie, nous pouvons poser en toute légitimité la question de l’Être.
Dans les zones tout à fait supérieures de la pensée, je fais une place à certains discrets intuitifs - et intuitives - au moins à tels ou tels moments privilégiés qu'ils ont connus. Un nombre infime d'entre eux est parvenu à s'exprimer par le moyen de la grande littérature. Les autres gardent le silence : mais je sais qu'ils sont là, présents
Une autre objection est que nous ne sommes pas capables d’appréhensions sensibles directes des faits passés. S’il est vrai qu’une affirmation n’acquiert en définitive un sens que par référence aux possibilités de vérification fournies par nos organes sensoriels, quel est donc au juste le sens que peut avoir une affirmation portant sur le passé ? Comment, aux fins de vérification, se transporter dans le passé ?
Il ne faudrait pas croire que l'existence d'influences plus rapides que la lumière implique la possibilité d'envoyer des signaux utilisables qui soient plus rapides que celle-ci. Il n'en est rien et même il est possible de montrer que les expériences que j'ai décrites ne permettent en fait rien de tel. La non-séparabilité doit donc captiver l'attention de ceux qui se soucient essentiellement de connaître. Mais ceux qui se soucient d'abord de faire peuvent s'en désintéresser.
La distance n'est pas de façon intrinsèque entre tel et tel élément de la réalité indépendante. C'est nous qui la mettons d'une certaine manière entre tels et tels éléments de la réalité empirique, ou, autrement-dit, de l'image de la réalité que nous construisons pour nos échanges et notre usage.