TOUT VERDI par Betrand Dermoncourt et Jérémie Rousseau
2013, Année Verdi. La collection « Bouquins » propose un ouvrage inédit et unique en son genre, faisant le tour complet de l'homme et de son oeuvre à l'occas...
À cette époque, l’URSS se désagrégeait…
Oui. Et, comme le pays, notre organisation risquait à tout moment d’imploser. L’administration du Kirov fonctionnait très mal. Le directeur, un gestionnaire célèbre dans le milieu de la culture, avait été nommé par Moscou et se moquait éperdument du théâtre et de ses artistes. J’ai d’abord voulu faire équipe avec lui, puis j’ai compris qu’il ne s’intéressait qu’au pouvoir et à l’argent : la musique n’était rien pour lui.
Quel est au fond le secret d’un orchestre ? Que le chef fasse en sorte que tout le monde s’écoute… Alors, et seulement à cette condition, le son d’ensemble sera bon. Voilà une leçon pour le monde, la vie en général, et les relations internationales en particulier.
Chaque fois que je découvre de nouveaux rivages, un pays inconnu, une ville encore jamais visitée, chaque fois que je me lance dans une aventure improbable, je pense à la première fois où j’ai vu la mer. J’avais douze ans, c’était en Géorgie. Nous avons entrepris un long voyage avec mes parents, pour aller voir des amis à Batoumi, une ville proche de la frontière turque. J’ai couru comme un fou pour apercevoir la mer. J’ai découvert un autre monde, incroyable. J’ai été sidéré par l’immensité des flots, cet espace qui paraît sans limites. Un profond mystère s’en dégageait.
“J’achèterai tout”, a dit l’or;
“Je prendrai tout”, a dit l’épée.
Alexandre Pouchkine, L’Or et l’Épée.
Frapper fort, sans peur de choquer, à l’aide des effets théâtraux les plus impressionnants : l’éloquence dramatique du premier opéra de Krzysztof Penderecki (1969) a peu d’équivalents. Une certaine folie, même, émane de ces trente scènes qui mêlent l’obscénité, la bouffonnerie, la cruauté et les prières.
Les Diables de Loudun
Frapper fort, sans peur de choquer, à l’aide des effets théâtraux les plus impressionnants : l’éloquence dramatique du premier opéra de Krzysztof Penderecki (1969) a peu d’équivalents. Une certaine folie, même, émane de ces trente scènes qui mêlent l’obscénité, la bouffonnerie, la cruauté et les prières.
Chez Chostakovitch, cette présence du monde fut plus sensible et plus impérieuse que chez tout autre artiste. La violence et l'angoisse exprimée par ses grandes symphonies, ses quatuors, ses mélodies ou ses opéras ne sont donc pas seulement la marque d'une vie gagnée par l'amertume et la peur. Ses œuvres témoignent aussi de la grandeur des hommes, dont les hésitations et les compromis sont le signe d'un combat durement mené. Là se trouve le véritable Chostakovitch, avec ses contradictions et ses faiblesses mais aussi des gestes décisifs qui appartiennent autant à l'Histoire de la musique qu'à celle du destin tragique des hommes de Russie.
Billy Budd est, avec Peter Grimes, le plus « humain » des opéras de Britten, celui dont le plaidoyer pour la liberté est le plus aveuglant. L’action se passe à bord d’un voilier de la marine de guerre anglaise. Billy, jeune marin victime des circonstances, sera sacrifié au seul respect des règles et de l’ordre militaire. Cet opéra réussit la gageure de tenir deux heures trente sans une voix féminine. Son admirable atmosphère, sa véracité, sa vie intense en font une œuvre majeure.
À Rostropovitch qui lui demandait pourquoi il signait les textes de propagande, Chostakovitch fit la réponse suivante: Quand on me donne ces lettres à signer voilà ce que je fais: je les mets la tête en bas et je les signe à l'envers. Les gens apprendront beaucoup plus à travers ma musique qu'a travers ma signature.
En 1786, Mozart entendit à Leipzig le Motet BWV 225 et fut, semble-t-il, à nouveau si stupéfait, qu'il demanda à lire l'ensemble des motets de la bibliothèque. Il écrivit alors : "Pour la première fois de ma vie, j'apprends quelque chose !"