AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Bohumil Hrabal (197)


tous les inquisiteurs du monde brûlent vainement les livres : quand ces livres ont consigné quelque chose de valable, on entend encore leur rire silencieux au milieu des flammes, parce qu'un vrai livre renvoie toujours ailleurs, hors de lui-même.
Commenter  J’apprécie          672
C'est ainsi que, pendant trente-cinq ans, je me suis branché au monde qui m'entoure : car moi, lorsque je lis, je ne lis pas vraiment, je ramasse du bec une belle phrase et la suce comme un bonbon, je la sirote comme un petit verre de liqueur jusqu'à ce que l'idée se dissolve en moi comme l'alcool ; elle s'infiltre si lentement qu'elle n'imbibe pas seulement mon cerveau et mon cœur, elle pulse cahin-caha jusqu'aux racines de mes veines, jusqu'aux radicelles des capillaires.
Commenter  J’apprécie          531
En ce temps-là, pour compresser des livres, il aurait fallu presser des têtes humaines ; mais même cela n'aurait servi à rien, parce que les véritables pensées viennent de l'extérieur, elles sont là, posées près de vous comme une gamelle de nouilles, et tous les Konias, tous les inquisiteurs du monde brûlent vainement les livres : quand ces livres ont consigné quelque chose de valable, on entend encore leur rire silencieux au milieu des flammes, parce qu'un vrai livre renvoie toujours ailleurs, hors de lui-même.
Commenter  J’apprécie          510
J'avais déjà trouvé en moi la force de fixer froidement le malheur, d'étouffer mes émotions, je commençais alors à comprendre la beauté qu'il y a à détruire.
Commenter  J’apprécie          450
Voilà trente-cinq ans que je presse des livres et du vieux papier, trente-cinq ans que, lentement, je m'encrasse de lettres, si bien que je ressemble aux encyclopédies dont pendant tout ce temps j'ai bien comprimé trois tonnes ; je suis une cruche pleine d'eau vive et d'eau morte, je n'ai qu'à me baisser un peu pour qu'un flot de belles pensées se mettes à couler de moi ; instruit malgré moi, je ne sais même pas distinguer les idées qui sont miennes de celles que j'ai lues.
Commenter  J’apprécie          440
Voilà trente-cinq ans que j'emballe des livres et du vieux papier et je vis dans un pays qui sait lire et écrire depuis quinze générations ; j'habite un ancien royaume où c'est depuis toujours l'usage et la folie de s'entasser patiemment dans la tête images et pensées porteuses de joies inexprimables et de douleurs plus fortes encore, je vis au milieu de gens prêts à donner jusqu'à leur vie pour un paquet d'idées bien ficelées.
Commenter  J’apprécie          420
Ainsi, bien malgré moi, je suis devenu sage : je découvre maintenant que mon cerveau est fait d'idées travaillées à la presse mécanique, de paquets d'idées.
Commenter  J’apprécie          340
Allongé sur le dos en travers de mon lit, une toute petite souris me tombe sur la poitrine et, dans une glissade, s'enfuit vite se cacher, j'ai dû en emporter deux ou trois dans mon cartable ou dans les poches de mon manteau ; le parfum des waters envahit la cour : il va bientôt pleuvoir, me dis-je ; abruti de bière et de travail, je ne puis remuer un seul membre, en deux jours j'ai nettoyé ma cave au dépens des souris, de ces humbles bestioles qui ne veulent rien d'autre, elles non plus, que grignoter les livres et habiter les trous du vieux papier, y mettre au monde d'autres souris et les nourrir das ce petit nid, petites souris pelotonnées en boule comme ma petite Tzigane dans le creux de mon corps quand la nuit était froide. Les cieux ne sont pas humains, mais il y a sans doute quelque chose de plus que ces cieux-là, la pitié et l'amour que j'ai depuis longtemps oubliés, effacés totalement de ma mémoire.
Commenter  J’apprécie          210
Il paraît que, quand nous en étions encore à courir avec des haches et à garder des chèvres, les Tziganes, eux, avaient un État quelque part dans le monde, une structure sociale ayant déjà connu deux fois la décadence ; et les Tziganes d'aujourd'hui, installés à Prague pour la deuxième génération seulement, aiment allumer, où qu'ils travaillent, un feu rituel, un feu de nomades joyeux et crépitant pour le plaisir uniquement, une flambée de bouts de bois grossièrement taillés, semblables à un rire d'enfant, à un symbole d'éternité, antérieur à toute pensée humaine, un feu gratuit comme un don du ciel, un signe vivant des éléments que les passants désabusés ne remarquent même plus, feu né dans les tranchées de Prague de la destruction de bouts de bois pour réchauffer les yeux et l'âme vagabonde...
Commenter  J’apprécie          210
- Alors c'est vrai, vous n'avez encore jamais couché avec une femme, dit-elle, et elle sourit et elle avait des fossettes comme en avait Macha, et ses yeux étaient tout attendris, comme si elle s'étonnait de sa chance ou comme si elle avait découvert une chose rare, et elle me plongea ses doigts dans les cheveux, comme si j'avais été un piano, puis elle regarda la porte fermée qui dormait sur le bureau de la gare et elle se pencha sur la table et tira la mèche, je l'entendis distinctement souffler la lampe et je sentis ses mains sur moi et elle m'entraîna sur le canapé du chef de gare et se renversa en arrière et m'attira contre elle, puis elle fut douce avec moi, comme quand j'étais petit et que maman m'habillait ou me déshabillait, elle me permit de l'aider à relever sa jupe, puis je sentis qu'elle levait et ouvrait les jambes, elle posa ses chaussures tyroliennes sur le canapé du chef de gare, et tout à coup je suis collé contre Viktoria, comme j'étais collé à la photo de Macha sur ma photo de garçonnet en costume marin, et je me sentis submergé par une lumière de plus en plus violente, je prenais sans cesse de la hauteur, toute la terre tremblait, ce n'était que roulement de tonnerre et grondement, c'était un bruit qui n'émanait ni de moi ni du corps de Viktoria, mais de l'extérieur, tout le bâtiment semblait frémir jusque dans ses fondations, les vitres tremblaient, jusqu'au téléphone dont le timbre se mettait à retentir en l'honneur de mon entrée victorieuse et solennelle dans la vie, les télégraphes égrenaient d'eux-mêmes leurs signaux Morse, comme il arrivait parfois dans les bureaux de gare pendant les orages, je croyais entendre les pigeons du chef de gare roucouler à l'unisson, l'horizon se soulevait et flamber de toutes les couleurs des flammes, puis à nouveau le bâtiment de la gare trembla, bougea légèrement dans ses fondations. Puis, je sentis le corps de Viktoria se tendre et s'arquer comme une voûte, j'entendis ses chaussures ferrées se planter dans le canapé de toile cirée, j'entendis la toile se déchirer, continuer de se déchirer, et je ne sais d'où, des ongles des mains et des pieds un spasme radieux affluait dans mon cerveau, tout à coup tout fut blanc, puis gris, puis brun, comme s'il était tombé de l'eau brûlante puis aussitôt de l'eau glacée et je sentis une douleur agréable dans le dos comme si l'on m'avait frappé avec une truelle de maçon.
Commenter  J’apprécie          202
Je me suis d'ailleurs mis à ressembler aux rats, depuis trente-cinq ans que je vis dans les caves, je n'aime plus guère me baigner, bien qu'il y ait une salle de bains juste derrière le bureau du chef. Si je prenais un bain, j'en tomberais malade, je dois y aller tout doucement avec l'hygiène ; comme je travaille avec mes mains, sans gants, je me les lave tous les soirs, mais je connais ça, moi ! Si je me les lavais plusieurs fois par jour, j'aurais la peau toute gercée. Parfois, pourtant, quand l'idéal grec de beauté m'envahit, je me lave un pied ou même le cou, la semaine suivante l'autre pied ou un bras, et, quand vient l'époque des grandes fêtes religieuses, je me nettoie le torse et les jambes, mais c'est prévu d'avance et je prends de l'antigrippine contre le rhume des foins que j'attrape même quand il tombe de la neige, et je connais ça, moi !
Commenter  J’apprécie          200
parce que moi, quand je me plonge dans un livre, je suis tout à fait ailleurs, dans le texte... tout étonné, il me faut bien avouer être parti dans mes songes, dans un monde plus beau, au cœur même de la vérité.
Tous les jours, dix fois par jour, je suis ébahi d'avoir pu m'en aller si loin de moi-même.
Commenter  J’apprécie          190
Hubicka était de nuit avec Zdena, et il l’a culbutée, lui a soulevé ses jupes et lui a oblitéré les fesses avec le tampon de la gare, il n’a même pas oublié le dateur. Et le lendemain matin notre petite télégraphiste est rentrée chez elle et sa maman a vu les cachets et a rappliqué en courant, elle voulait porter plainte à la Gestapo. Quelle horreur ! Et Zdena a été convoquée à la Direction où le directeur des chemins de fer d’Etat en personne a examiné les cachets. Quel scandale !
Commenter  J’apprécie          180
Un matin, je trouvai dans la cour deux jeunes membres de la brigade socialiste du travail, habillés comme pour jouer au base-ball avec leurs gants jaunes, leurs casquettes orange, leurs salopettes bleues montantes et leurs cols roulés verts sous les bretelles. Le chef exultant les mena à ma cave et leur montra ma presse ; aussitôt chez eux, très à l'aise, ils recouvrirent ma table d'une feuille de papier propre et y posèrent leur bouteille de lait ; et moi, humilié, complètement stressé, je compris soudain corps et âme que je ne pourrais jamais plus m'adapter, semblable à tous ces moines qui, incapables d'imaginer un monde différent de celui qui les avait fait vivre jusqu'alors, se suicidèrent en masse quand Copernic leur dévoila que la Terre n'était plus le centre du monde.
Commenter  J’apprécie          180
Ce n'est pas cela qui me glaçait* ; en l'espace d'une seconde, je sus exactement que cette gigantesque presse allait porter un coup mortel à toutes les autres, une ère nouvelle s'ouvrait dans ma spécialité, avec des êtres différents, une autre façon de travailler. Fini les menues joies, les ouvrages jetés là par erreur ! Fini le bon vieux temps des vieux presseurs comme moi, tous instruits malgré eux ! C’était une autre façon de penser... Même si l'on donnait, en prime, à ces ouvriers un exemplaire de tous les chargements, c'était ma fin à moi, la fin de mes amis, de nos bibliothèques entières de livres sauvés dans les dépôts avec l'espoir fou d'y trouver la possibilité d'un changement qualitatif. Mais ce qui m'acheva, ce fut de voir ces jeunes, jambes écartées, main sur la hanche, boire goulûment à la bouteille du lait et du Coca-Cola ; elle était bien finie, l'époque où le vieil ouvrier, sale, épuisé, se bagarrait à pleines mains, à bras-le-corps avec la matière ! Une ère nouvelle venait de commencer, avec ses hommes nouveaux, ses méthodes nouvelles et, quelle horreur, ses litres de lait qu'on buvait au travail alors que chacun sait qu'une vache préférerait crever de soif plutôt que d'en avaler une gorgée.


[*La découverte d'une nouvelle machine, mille fois plus performante que la sienne]
Commenter  J’apprécie          180
Je m'encrasse de lettres, si bien que je ressemble aux encyclopédies dont pendant tout ce temps j'ai bien comprimé trois tonnes : Je suis une cruche pleine d'eau vive et d'eau morte, je n'ai qu'à me baisser un peu pour qu'un flot de belles pensées se mettent à couler de moi ; instruit malgré moi, je ne sais même pas distinguer les idées qui sont miennes de celles que j'ai lues. C'est ainsi que pendant trente-cinq ans, je me suis branché au monde qui m'entoure : car moi, lorsque je lis, je ne lis pas vraiment, je ramasse du bec une belle phrase et je la suce comme un bonbon, je la sirote comme un petit verre de liqueur jusqu'à ce que l'idée se dissolve en moi comme l'alcool ; elle s'infiltre si lentement qu'elle n'imbibe pas seulement mon cerveau et mon cœur, elle pulse cahin-caha jusqu'aux racines de mes veines, jusqu'aux radicelles des capillaires.
Commenter  J’apprécie          180
...mais je souris car j'ai dans mon cartable des livres dont j'attends ce soir-même qu'ils me révèlent sur moi ce que j'ignore encore. (Laffont / Pavillons Poche, 2007, p. 16)
Commenter  J’apprécie          180
.......lui, le gardien, sous les espèce d'un ange blanc, dés avant la fin du travail faisait descendre les détenues aux douches des hommes ; elles s'asseyaient près des radiateurs, elles regardaient les murs, mais leurs yeux louchaient vers le corridor des vestiaires où passaient les métallos nus, leur serviette et le savon à la main, les femmes louchaient sur eux, elles suivaient les hommes nus au-delà du tournant, leurs yeux se changeaient en douches et leur désir lavait ces corps qui embaumaient la poussière......
...........mais plus fort que les règlements il sentait qu'à des êtres comme ceux qu'on lui avait confiés, il fallait une fois par jour au moins montrer un arbre de Noël tout illuminé.
Commenter  J’apprécie          170
Des verres ! Et la première gorgée, une gorgée délicieuse, pouvoir sentir sur sa langue le soleil, le sucre et le jus fermenté, un vin, un bon petit vin que les vieux couronnent d’un diminutif comme tout ce qui se boit. Le rhum n’est pas le rhum, mais un petit rhum, la griotte une petite griotte, et ce vin est un petit vin que les museaux avides ingurgitent dans les verres, voire au tuyau. Tu te souviens, Josef, le jour où on se faisait un petit grog et où il a pris feu sur la cuisinière ?

(p.38-39) - « Les fringants tireurs »
Commenter  J’apprécie          160
C'est encore une enfant, mais d'ici cinq ans un magnifique parasite s'éveillera peu à peu en elle, un parasite contenant des substances piquantes avec un petit goût de borax et qui inondera sa vie de bonheur.
Commenter  J’apprécie          160



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Bohumil Hrabal (1107)Voir plus

Quiz Voir plus

De Gaulle contre Mitterrand

Il a été prisonnier de guerre

De Gaulle
Mitterrand
Les deux

10 questions
38 lecteurs ont répondu
Thèmes : tribuCréer un quiz sur cet auteur

{* *}