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Critiques de Boris Pasternak (107)
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Le Docteur Jivago

Un roman tel que celui-ci me place devant le miroir de ma propre ambition littéraire et en m'y regardant avec sincérité et sans concession, je ne peux qu'admettre que je suis encore très loin de posséder cette maturité d'esprit qui me permettrait de véritablement en faire la critique. Avec humilité, je reconnais que ce roman, écrit par un lauréat du Nobel de littérature, est un superbe roman, un grand roman. Je déplore seulement de n'avoir pas encore la capacité de l'apprécier entièrement comme tel.



L'adaptation cinématographique de David Lean est en bonne place dans mon Top 10 depuis toujours ; aimant tant le film, je me disais que lire le livre serait encore plus enrichissant. J'avais raison, le livre est 10 fois plus complet que le film mais, en contrepartie, son rythme est 10 fois plus lent également.



L'histoire est passionnante mais il faut vous attendre à être emporté(e) loin, très loin dans l'Histoire, dans les profondeurs de la Russie d'une part mais également dans les méandres de son histoire sociale et politique d'autre part. J'ai rarement lu un roman d'une telle complexité avec, parfois, la sensation que ça part dans tous les sens, qu'on est emporté au milieu d'un tourbillon de neige, qu'on perd son chemin, qu'on ne distingue plus personne dans le blizzard ! Et puis, tout à coup, deux chapitres plus loin, on retombe abruptement sur ses pieds, on se retrouve et on repère dans la foule des protagonistes des êtres qu'on connaît, certains sont même devenus familiers.



A lire les autres avis, il apparaît clairement que beaucoup de lecteurs sont désorientés par la multiplicité des patronymes russes et c'est vrai que ce n'est jamais évident, mais avec la littérature russe c'est un postulat de base, cela fait partie intégrante de l'identité russe, donc on ne peut pas le déplorer, il n'y a qu'à s'accrocher et s'y faire.



L'oeuvre en elle-même propose la biographie fictive de Iouri Andreïevitch Jivago, orphelin issu du milieu russe favorisé (ses parents étaient des notables, pas des moujiks), de la fin du XIXème siècle aux années 30. Bien que de formation scientifique, Iouri Jivago est un poète. Comme bien des intellectuels russes, son intérêt pour les arts, la poésie, la pensée sociale et philosophique et les sciences est exacerbé et est étroitement lié à la conviction tendrement patriotique que la Russie est une très grande nation de laquelle doit fatalement émerger une civilisation nouvelle et s'épanouir la toute-puissance d'un peuple profondément attaché à sa terre et à son identité.



***ALERT SPOILER***

Toute l'action du roman se situe à la période oh combien charnière entre l'ancienne Russie, celle de Pierre-le-Grand et de Catherine-la-Grande, des tsars, des armées cosaques, des moujiks asservis et des koulaks enrichis, et la Russie bolchevique, ayant opéré son renversement révolutionnaire, la mère-Patrie offrant en sacrifice ses enfants pour prix d'une utopie politique sanglante mais dite nécessaire. 1905, première révolution ; 1917, seconde révolution.



L'existence entière de Iouri correspond à cette période trouble. Jamais il n'aura connu de "vitesse de croisière" dans une vie entièrement chahutée et altérée par les évènements qu'il subit de plein fouet, avec sa famille, ses amis et ses amours. Son existence est une survie, le continuel besoin de se mettre à l'abri et d'improviser les moyens de subsistance. Au quotidien, c'est l'instabilité et la précarité. Aucun repère, le risque omniprésent des renversements de situations, des séparations...



Et Lara dans tout ça ? Et oui, Larissa Fiodorovna, la blonde Lara incarnée à l'écran par la sublime Julie Christie ? Et bien Lara incarne quant à elle une autre condition humaine, plus pragmatique que celle de Iouri. Elle est femme et sera très tôt exposée aux épreuves réservées à son sexe. Elle est belle, elle déchaînera des passions, elle-même possédant un tempérament passionné.



Tout au long du roman, les destins de Iouri et de Lara, mais également ceux de nombreux autres personnages, vont se croiser et se décroiser dans l'immensité de la Sainte-Russie, de Moscou à Vladivostok, en passant par l'Oural et l'infinie taïga.



"Le Docteur Jivago" est le roman du malaise, celui des personnages principaux qui doivent s'adapter à une nouvelle société dont les leviers sont pour la plupart conformes à ce à quoi ils aspirent mais diamétralement opposés à ce à quoi ils ont été préparés par leur éducation, leur patrimoine intellectuel et leur nature profonde. Malaise également du côté du lecteur qui suit de près leurs efforts, souffre avec eux des heurts continuels de leur existence et pressent au final qu'ils ne seront que les embryons avortés d'une société pas encore assez structurée pour leur laisser la possibilité d'y trouver le bonheur.



Je finirai en disant que le style de Boris Pasternak est magnifique, pas toujours évident à suivre ; oui, il faut souvent s'accrocher mais il s'en dégage toute la force et la poésie qui caractérisent si bien l'âme russe.



Amateurs de littérature "fluide" s’abstenir !





Challenge ABC 2012/2013

Challenge NOBEL 2013/2014
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Le Docteur Jivago

Voilà, une grande page de lecture est tournée. Mes liens avec Pasternak remontent à plus de 25 ans, j'avais eu la chance par deux fois de me rendre à Peredelkino, dans la banlieue de Moscou, visiter la maison, de Boris Pasternak. J'avais été éblouie par cette maison avec une magnifique rotonde composée de baies vitrées face à une forêt. C'est là que j'ai vu le bureau où il a écrit le livre de sa vie: Le Docteur Jivago.

Bien sûr comme la plupart d'entre nous, avant de lire ce roman fabuleux, j'ai vu plusieurs fois le film splendide dont est tiré le livre.

Souvent, je préfère voir le film après la lecture, là, il y a un avantage indéniable à le voir avant.

Cela permet de nous situer géographiquement, de Moscou à l'Oural et la Sibérie orientale. Également, il nous sert d'appui pour comprendre tous ces personnages secondaires qui sont pour tant déterminants.

L'écriture de Pasternak nous entraîne dans le tumulte de la première guerre mondiale puis celui de la révolution bolchevique qui conduit la destinée du docteur Jivago.

On ne s'ennuie pas un instant, pour tous les amoureux de la littérature russe, c'est une nécessité que de lire ce livre.

La poésie n'est pas en reste, chère à Pasternak dans la description des paysages, dans l'amour pour Lara.

Un immense bonheur de lecture, que je vous conseille vivement.
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Le Docteur Jivago

Je suis tombée très jeune sous le charme de Tolstoï à la lecture d'« Anna Karénine » et de ses oeuvres principales puis ce fut la découverte de l'univers de Dostoïevski, plus déprimant, ensuite les vers merveilleux de Pouchkine , jusqu'à cette année, la découverte de la sublime plume d'Ivan Bounine. Leur écriture me transporte, je suis comme un ectoplasme, je disparais dans leur roman. La Russie ou leur écriture m'envoûte, me fascine. Aussi ai-je décidé de combler ma méconnaissance des auteurs russes en glissant de temps à autre dans mes intentions livresques, l'oeuvre d'un grand romancier russe.



Mon choix s'est porté sur l'oeuvre de Boris Pasternak, « le docteur Jivago, » dont je n'ai pas vu l'adaptation au cinéma de David Lean, mais dont l'inoubliable musique de Maurice Jarre résonne toujours dans ma tête comme je conserve l'image de l'affiche avec le bel Omar Sharif.



Bref, je suis partie avec l'idée préconçue que j'allais savourer une belle histoire à la mode Tolstoï. Que nenni ! La magie n'a pas opéré faute à "préconçue".



C'est une oeuvre politico-historique et philosophique avec en pointillé, une histoire d'amour impossible qui n'est pas le sujet essentiel mais qui sert à illustrer la société civile de l'époque et ses moeurs ainsi que les difficultés de l'individu à trouver une once de bonheur alors que tout est pulvérisé autour de lui.



Boris Pasternak nous dépeint une extraordinaire saga à travers l'histoire de son pays, de très beaux paysages, leur immensité, leur impressionnant hiver, et une palette d'existences individuelles d'hommes et de femmes.



Né en 1890 à Moscou, dans une famille juive, il quittera ce monde, dans la misère, en 1960. Il nous lègue une oeuvre littéraire qui balaie l'histoire de la grande Russie tsariste qui après s'être épuisée dans la guerre contre le Japon en 1905, connaîtra ensuite l'enlisement dans la première guerre mondiale, puis la guerre civile, jusqu'à l'avènement de la dictature communiste.



Il imagine un personnage romanesque, Iouri Andréiévitch, « le Docteur JIVAGO », qui lui ressemble un peu j'imagine. Un être enthousiasmé, au début, par les idées révolutionnaires mais d'une telle humanité qu'il ne peut adhérer totalement à ces idées tant sa désillusion est au rendez-vous. La destinée de ce médecin sera hors du commun, dramatique. Il sera projeté avec sa famille ainsi que Larissa Fiodorovna Antipova « Lara », à l'image d'un fétu de paille, dans les tourments de l'histoire de la Russie et tous ses bouleversements.



Il fallait bien une telle oeuvre pour laisser à la postérité cette fresque qui se veut un témoignage du quotidien des russes dont la vie ne valait pas grand-chose à cette époque. Tous les personnages de ce roman représentent un concentré de toutes les tonalités de l'époque. le lecteur assiste impuissant à l'éclatement d'une société « où l'homme devient un loup pour l'homme ». Atrocités, barbarie, fanatisme, famine, épidémie, arbitraire, c'est un instantané d'une période sanguinaire qu'il est heureux de ne pas vivre mais qu'il est important de connaître.



Ce roman a été publié pour la première fois, en 1957, par les éditions italiennes Feltrinelli pour éviter la censure soviétique. Les autorités soviétiques voient les écrits de Pasternak comme "en dehors de la réalité socialiste". Il est censuré par Staline. Il se verra obligé de refuser le Prix Nobel de littérature sous la pression des autorités soviétiques qui menacent ce dernier de lui interdire son retour en URSS s'il se rend à Stockholm.



Ce roman sera publié en Russie en 1985, auparavant il circulera sous le manteau : le lire étant considéré comme acte de résistance au régime soviétique.



Très attaché à sa Russie natale, il y restera envers et contre tout même au risque du goulag.



Son expérience empirique de cette période lui fera dire au Docteur Jivago page 210



« C'était la guerre, son sang et ses horreurs, son désarroi et sa sauvagerie. C'étaient les épreuves et la sagesse concrète qu'elles avaient enseignée. C'étaient les villes perdues de province où le hasard l'avait égaré, et les hommes qu'il lui avait fait coudoyer. C'était la révolution, non pas la révolution idéalisée à l'étudiante comme en 1905 mais la révolution présente, sanglante, la révolution militaire qui faisait fi de tout et que dirigeaient les bolchevicks seuls à saisir le sens de cette tempête. »



Ou encore page 478 :



« le docteur pensa au dernier automne : l'exécution des mutins, le meurtre de la femme et des enfants de Palykh, les massacres sanglants, cette boucherie dont on ne prévoyait pas la fin. Les Blancs et les Rouges rivalisaient alors de cruauté par un jeu de représailles, de surenchère, leurs atrocités ne cessaient de croître. On avait la nausée du sang. Il refluait à la gorge, montait à la tête, vous noyait les yeux. Et Livéri appelait ca « se lamenter ».





J'ai lu l'édition Folio où il est juste indiqué « traduit du russe » sans l'indication du traducteur. J'ai ainsi relevé quelques erreurs qui m'ont dérangée, certaines phrases n'ayant aucun sens. J'y ai aussi trouvé quelques longueurs mais c'est néanmoins, une oeuvre essentielle et remarquable.



Il est à noter qu'en début de cette édition figure la liste de tous les personnages du roman tant ils sont nombreux et où le lecteur se perd un peu entre le nom et les diminutifs et leur histoire individuelle.



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Le Docteur Jivago

Challenge Nobel 1/x.

Comment oser critiquer un pareil livre?

Je m'attendais à un roman Tolstoïen, j'ai trouvé un essai politico-historique masqué dans un roman. Que les autorités soviétiques aient tout fait pour empêcher Docteur Jivago de sortir à l'Ouest, rien que de logique!Le témoignage de Pasternak sur le régime communiste est impitoyable, la vie quotidienne devenue une bataille inégale contre la famine,le froid,la délation, l'insalubrité, la misère physique, affective, intellectuelle: trop loin de la propagande pour avoir une chance d'échapper à la censure.

L'histoire d'amour entre Lara et Jivago passe au second plan du récit.

Lourd parfois, touffu, imposant : un roman à lire absolument, bien loin du cinéma, bouleversant du début à la fin.

Un regret: le nom du traducteur ne figure pas dans l'édition Folio.
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Essai d'autobiographie

Boris Pasternak a écrit cette autobiographie au moment où il achevait son œuvre la plus connue chez nous, Le Docteur Jivago.

Nous n’y trouverons donc pas les dernières années de sa vie, l’obtention du Prix Nobel de littérature qu’il se verra contraint de refuser et sa mort dans la misère en 1960.

Ce livre est riche d’enseignements sur la vie de Boris Pasternak, sur ses parents - son père était un peintre assez connu qui illustra notamment à la demande de LeonTolstoï son roman Résurrection , sur les rencontres de l’auteur avec le mouvement pictural des Ambulants, sur sa première vocation de compositeur encouragée par le grand Scriabine lui-même à laquelle il renonce n’ayant pas l’oreille absolue, puis ses rencontres avec de grands écrivains, Rilke, Alexandre Blok, Marina Tsvetaïeva, Maiakovski et tant d’autres ...

J’ai eu la sensation en lisant tout ce que l’auteur racontait à propos de ces écrivains, de lire de très belles critiques (un super Babelio) écrites avec soin, détaillées et qui me donnent envie de découvrir des écrivains russes ou géorgiens que je n’ai pas encore abordés : Tabidzé, Iachvili, André Bely, Asséev, Ivanov,... J’ai encore beaucoup d’auteurs russes à découvrir.

Boris Pasternak a d’autre part l’art de les décrire, l’art également de décrire des paysages, j’ai beaucoup aimé ses pages sur son séjour en Géorgie notamment.

En résumé, un livre très intéressant, magnifiquement écrit et qui m’incite à partir à la découverte d’autres écrivains russophones !

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Ma soeur la vie et autres poèmes

Boris Pasternak est mondialement connu pour " le docteur Jivago" , fresque sociale étourdissante, sa gloire et son malheur.... car les autorités soviétiques d'alors ont condamné ce livre, jugé trop nostalgique d'une époque et trop lyrique, publié en Italie , et qui a valu à l'auteur à la fois le prix Nobel de littérature et un exil dans son propre pays.



On oublie souvent qu'il a été avant tout un poète, d'ailleurs Youri, son double, l'est aussi dans le roman. Ses premières publications sont restées confidentielles mais à partir de " Ma soeur la vie", en 1917, son oeuvre poétique commence à être reconnue. Ce recueil regroupe des textes s'étalant de 1917 à 1959, un an avant sa mort.



Quel recueil! Un tourbillon, un vertige de mots, d'images inattendues, de musicalité ( l'auteur était aussi musicien, cela se sent...) . On regrette d'ailleurs de ne pas connaître le russe car dans l'introduction, il nous est expliqué que le jeu sur les sonorités est saisissant, subtil.



" La vie ma soeur! Voici qu'aujourd'hui elle explose

Et cogne, en pluie , en pleurs, en gifles de printemps!"



Le poète chante sa Russie, entre tradition et modernité, évoquant aussi bien l'univers des trains, qui le fascine, que les datchas. Cette Russie qu'il ne voudra pas quitter, il la célèbre à travers des descriptions en mouvement:



" Retourne-toi et regarde!

Tout autour, le jour entier,

Cité des eaux, Moscou nage

Dans un océan bleuté "



Tout est rafales, neige qui cingle le visage, orage grondant, une nature qui vibre, s'agite. Une pulsion de vie que le poète insuffle au lecteur. On sort de cette lecture un peu étourdi, l'esprit empli d'images virevoltantes. Et que l'on aime cet élan!



Découvrez le poète caché derrière le romancier, il le mérite tant!







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Le Docteur Jivago

Ce livre est une très grande prouesse littéraire! On visite la Russie dans toute ses splendeurs et dans toutes ses atrocités, et on en reste charmer! On reste plus charmer de cette courbe historique qui mène la Russie sur les charbons ardents de l'histoire de monde et aussi fait de cette terre chère, cette terre de Catherine II, une terre de la philosophie qui va ébranler le monde. Toujours sur le charme, on y reste vraiment saisi, encore un peu plus, par tous les personnages qui composent cette courbe, des situations auxquelles ils sont assujettis, et un peu plus aussi de cet amour qui, tout embryonnaire au départ, sera une gestation qui va prendre la partie d'évoluer dans le temps, et puis d'éclater comme un volcan...quel accouchement! De vibrantes émotions!
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Le Docteur Jivago

Merci monsieur Pasternak pour ce chef-d’œuvre politico-historique et philosophique plein de rebondissements et de tendres émotions ! Une prophétie éditée en 1957. Prèsque 34 ans avant la chute de l’URSS ! Dans un style simple, facile et plein de descriptions, a la manière de la steppe de Tchekhov, Pasternak retrace la vie misérable du docteur Iouri Chivago, cette vie aurait pu être heureuse, si L’homme ne l’a pas détournée de sa trajectoire, par son paranoïa et son obsession de renverser tout ce qui est pure au nom des idées ! L’auteur y défile l’histoire de la Russie allant avant 1903jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale ; en passant par la première guerre et la fameuse révolution qui représente la clé de voûte du roman.

À l'instar de chivago, tous les russes y avaient beaucoup misé. Un événement qui serait porteur de liberté et de prospérité contrairement au tsarisme !

Cependant les jours révèlent que ce système despotique et répressif est un danger pour la Russie. Les hommes du pouvoir sont devenus une nouvelle famille impériale usant des avantages au détriment du peuple. La collectivisation de la pensée, les assassinats politiques et le goulag qui plus tendre que les fournaises de la seconde guerre en sont quelques outils. Antipov, Tiversine et d’autres incarnent les hommes fanatiques de la pensée communiste, Pasternak les y compare aux possédés de Dostoïevski.

Larissa Fiodonovna Antipova (Lara), l’être pure, dynamique et candide endure les mêmes souffrances que son amoureux dévoué chivago. Brutalisée par komarovski dès son adolescence pour causes familiales, délaissée d’Antipov que la révolution a possédée et arrachée de chivago, je crois que l’auteur voulait comparer Lara à la Russie et le docteur chivago son l’amant idéal au système de gouvernance rationnel. Le mariage n’y avait pas lieu mais l’espoir demeure.

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Le Docteur Jivago

Chère lectrice, cher lecteur,



En ces temps difficiles, je me suis mise à penser à un de mes romans préférés Le docteur Jivago de Boris Pasternak. Vous pouvez consulter mon À propos, ce dernier fait partie des 6 livres que j’apporterais sur une île déserte. Pourquoi Le docteur Jivago en ce moment? Tout simplement pour l’humanisme qui transcende l’âme de ce personnage et depuis le 13 novembre 2015, Jivago vient me hanter, d’où mon billet aujourd’hui.



Tout d’abord, la littérature russe est marquée par la plume d’importants écrivains. De Karamzine à Maïakovski, en passant par Pouchkine et Tolstoï, les œuvres littéraires russes défilent selon les courants d’idées caractérisant chaque époque (romantisme, réalisme, symbolisme, etc.). Boris Pasternak (1890-1960), grand poète et écrivain du XXe siècle, détenteur du Prix Nobel de 1958, qu’il a dû refuser, apparaît comme une figure dominante de son temps. Ainsi, Pasternak offre à l’humanité une œuvre capitale, magistrale de la littérature russe, Le docteur Jivago. Ce roman s’inscrit dans la dynamique d’un tout, par ses nombreuses références littéraires, culturelles, historiques, philosophiques et folkloriques, mais aussi parce qu’il évoque l’âme d’un peuple, d’une époque, d’un lieu, d’une famille, d’un homme, d’un amour… Iouri Andréiévitch Jivago, personnage associé à une quête individuelle, écrasé par le poids de l’Histoire (révolution russe de 1917), est un homme sensible, amoureux de la vie, de la nature, de l’art, de sa Russie. Grâce à ce personnage, nous tenterons d’aller à la rencontre de l’imaginaire russe en élaborant sur le thème de la révolution, mais surtout, nous traiterons de l’amour existant entre Iouri (Jivago) et Lara. Pour les biens de ce billet, je vais tenter de me limiter, car il y aurait tant à dire…



Le docteur Jivago a comme décor principal la révolution russe de 1917 et les conséquences engendrées par cette dernière. Mais avant tout, la vision du quotidien précédant la révolution est présentée au lecteur. Ainsi, avant la guerre, le monde de l’insouciance, du confort, des bals, des beaux habits, de l’aristocratie, de la mandarine, de l’arbre de Noël des Sventitski, des parents de Tonia qui considèrent comme naturel que leur fille épouse son compagnon d’enfance, sont évoqués pour illustrer les traditions.



De plus, avant la guerre civile, l’harmonie entre l’homme et la femme apparaît comme parfaite. Voici une description du couple Jivago-Tonia :





“Ils avaient vécu côte à côte pendant six ans la fin de leur enfance et le début de leur adolescence. Ils se connaissaient l’un l’autre dans les moindres détails. Ils avaient des habitudes communes, une manière qui leur était propre d’échanger de brèves pointes, et de répondre en renâclant brièvement. (p. 109) ”



Iouri et Tonia forment un couple idéal. Ils se connaissent depuis l’enfance, ils ont confiance l’un en l’autre et ils s’entendent bien. Avant la guerre, le bonheur entre Pacha et Lara (autre couple) s’inscrit également dans la perspective de la simplicité et du bonheur. Une réalité pourtant éphémère pour les deux compagnons qui se connaissent depuis toujours. Car, la révolution entraîne l’écroulement de la vision du monde, du quotidien, des valeurs… Voilà pourquoi je pense à ce roman aujourd’hui…



Dès les premières pages du roman, la révolution est associée à une tempête destructrice qui semble balayer tout sur son passage : « La tempête était seule au monde, seule et sans rivales» (p. 13). Tranquillement, cet événement se prépare pour éclater au grand jour. Mais encore, la révolution provoque le déracinement des protagonistes. Jivago quitte Tonia et son enfant afin d’aller exercer sa profession de médecin et Lara devient infirmière, abandonne sa petite Katenka dans le but de rechercher son époux, disparu pendant la guerre. La révolution se vit sur deux facettes. Elle bouleverse à la fois l’ordre social et individuel. Comme le fait remarquer Jivago à cet effet :





“La guerre a été un arrêt artificiel de la vie, comme si on pouvait accorder des sursis à l’existence, quelle folie! La révolution a jailli malgré nous, comme un soupir trop longtemps retenu. Chaque homme est revenu à la vie, une nouvelle naissance, tout le monde est transformé, retourné. On pourrait croire que chacun a subi deux révolutions : la sienne, individuelle, et celle de tous (p. 192).”



En ce sens, la révolution anime les forces de l’homme. Elle s’impose dans la réalité de chaque être humain. Pour faire suite à ce bouleversement intérieur et extérieur, la guerre civile va modifier l’essence et l’existence des personnages. Lara définit la progression du changement qui touche à la fois le matériel et le spirituel :





“Tu te rappelles mieux que moi comment, tout d’un coup, tout s’est détérioré. La circulation des trains, l’approvisionnement des villes, les fondements de la vie familiale, les assises morales de la conscience. (p. 517)”



La révolution éveille chez l’homme des pulsions pratiquement bestiales. Selon la constatation de Jivago : «L’homme est un loup pour l’homme». La guerre amène l’être humain à se comporter comme un fauve toujours prêt à bondir sur sa proie. Cependant, Jivago rejette la révolution, au nom de la vie. Il éloigne de lui toute idéologie relevant du communisme :





“Transformer la vie! Ceux qui parlent ainsi en ont peut-être vu de toutes les couleurs, mais la vie, ils n’ont jamais su ce que c’était, ils n’en ont jamais senti le souffle, l’âme. L’existence pour eux, c’est une poignée de matière brute qui n’a pas été ennoblie par leur contact et qui attend d’être travaillé par eux. Mais la vie n’est pas une matière ni un matériau. La vie, si vous voulez le savoir, n’a pas besoin de nous pour se renouveler et se refaçonner sans cesse, pour se refaire et se transformer éternellement. Elle est à cent lieues au-dessus de toutes les théories obtuses que vous et moi pourrions faire. (435)”



L’attitude de Jivago apparaît contestataire aux yeux de ses contemporains, mais elle s’avère pacifique. Elle vise une certaine compréhension des événements, de l’humain et des valeurs.



Mais encore, Jivago et Lara sont les deux personnages les plus importants du roman de Pasternak. Iouri, fils d’un homme ayant travaillé dans le domaine industriel et qui s’est suicidé après une faillite, n’a que dix ans lorsque sa mère meurt. Deux hommes vont alors marquer son enfance : Gromenko, qui semble représenter les valeurs traditionnelles et Védéniapine, qui apparaît comme la pensée en mouvance, en développement.



Jivago choisit une profession utile pour la société : médecin. Très lucide dans les diagnostiques qu’il pose sur ses malades, il le fait aussi sur son époque. Jivago apparaît comme un homme déchiré entre l’amour qu’il porte à ses semblables et la haine qu’il ressent face à la misère engendrée par les actes commis par son peuple divisé par la guerre.



Lara (Larissa Antipova), pour sa part, est l’archétype même de la beauté, de l’intelligence et de la bonté. Son enfance ne semble pas particulièrement heureuse. Séduite très tôt par un ami de sa mère, Komarovski, sa beauté et sa féminité peuvent se résumer comme étant l’essence tragique de l’existence. C’est ce que remarque Jivago lorsqu’il intercepte un regard entre Lara et Komarovski :





“La vision de cette jeune fille réduite en servitude était indiciblement mystérieuse et effrontément révélatrice. Des sentiments contradictoires se pressaient en lui. Ils lui serraient le cœur avec une force qu’il ignorait jusque-là. C’était cela même dont ils avaient ergoté avec tant d’ardeur avec Micha et Tonia, ce qu’ils entendaient par ce mot de «vulgarité», qui ne voulait rien dire, cette chose inquiétante et attirante dont ils se réglaient si facilement le compte en paroles, à distance respectueuse; et maintenant, cette force, Ioura l’avait sous les yeux, à la fois détaillée comme un objet et trouble comme un rêve, impitoyablement dévastatrice et implorante, criant sa détresse; où était maintenant leur philosophie d’enfants, et que lui restait-il à faire? (p. 86-87)”



Lara peut évoquer la destinée de son époque. Pour Jivago, cette vision de Lara s’avère un mélange d’énergie et de détresse qui efface un temps révolu et ouvre les portes de la révolution.



De nombreuses similitudes peuvent être établies entre Lara et Jivago. Ils sont tous les deux très beaux, ils évoquent la perfection et le courage. Ensemble, ils vont vivre la révolution de 1917. Mariés à leurs amis d’enfance, ils aiment bien évidemment leur foyer. De plus, ils pratiquent la médecine. Mais encore, Jivago vit une révolution intérieure en raison de ses sentiments pour Lara :





“C’était la révolution, non pas la révolution idéalisée à l’étudiante de 1905, mais la révolution présente, sanglante, la révolution militaire qui faisait fi de tout et que dirigeaient les bolcheviks, seuls à saisir le sens de cette tempête. C’était l’infirmière Antipova jetée par la guerre dans une vie inconnue, Antipova qui ne reprochait rien à personne, Antipova dont l’effacement était presque une plainte, c’était une femme mystérieusement laconique, et si forte de son silence. C’étaient les efforts sincères, surhumains de Iouri Andréiévitch pour ne pas l’aimer, lui qui toute sa vie s’était efforcé de témoigner de l’amour non seulement à sa famille et à ses proches, mais à tout être humain. (p. 210)”



Mais, le docteur Jivago est capable, à ce moment, de refouler ses sentiments et il retourne vers son épouse, Tonia. Cependant, la révolution a fait naître chez-lui des émotions inconnues, autres.



Aussi, l’amour qu’éprouve Jivago pour Lara Antipova, à des nombreux endroits dans le récit, est associé à la nature. Ainsi, Iouri et Lara semblent en fusion avec les éléments naturels. L’image du sorbier l’illustre bien :





“L’arbre était presque recouvert de neige; ses rameaux et ses fruits étaient à moitié gelés. Les deux branches enneigées qui s’étiraient à sa rencontre lui rappelèrent les longs bras blancs de Lara, leur courbe généreuse. Il s’y accrocha, il attira l’arbre à lui. Comme pour lui répondre, le sorbier déversa une pluie de neige qui le recouvrit de la tête aux pieds (p. 481).”



Par ailleurs, l’amour entre Jivago et Lara s’avère d’essence tragique. Les deux personnages tentent de s’accrocher l’un à l’autre. Cependant, leur force vient du fait qu’ils s’aiment d’un amour qui transcende les limites du réel. Leur amour est intemporel, universel et symbolique. La révolution a tout détruit, mais ils connaissent, ce qu’il y a de plus important pour l’être humain : l’amour. Comme le fait remarquer Lara à Jivago :





“Il ne reste que la force inhabituelle, inadaptée, d’un certain besoin d’amour mis à nu, dépouillé de tout, pour lequel rien n’a changé parce que de tout temps, il a grelotté, il a tremblé, il s’est élancé vers une détresse proche de la sienne, aussi dépouillée, aussi solitaire. Toi et moi, nous sommes comme Adam et Ève qui au début du monde n’avaient rien pour se vêtir. Voici venir la fin du monde et nous n’avons guère plus de vêtements ni de foyer. Et nous sommes le dernier souvenir de tout ce qui a été infiniment grand, de tout ce qui s’est fait au monde pendant des millénaires qui se sont écoulés entre eux et nous et, en souvenir de ces merveilles disparues, nous respirons, nous aimons, nous pleurons, nous nous cramponnons l’un à l’autre, nous nous serrons l’un contre l’autre (p. 515).”



Pourtant, la passion qu’ils éprouvent l’un pour l’autre s’inscrit dans une perspective apocalyptique. L’homme est confronté au néant, à l’inconnu. Il ne lui reste qu’à profiter de l’instant présent. Ainsi, la beauté du quotidien demeure intimement reliée à l’amour entre Lara et Jivago. La scène où Jivago revient à la maison, après une journée de travail, dévoile cette plénitude rattachée aux gestes du quotidien. Lara émeut Jivago, l’éblouit comme si elle était habillée pour aller au bal, dans sa tenue de travail vaquant aux tâches domestiques. Les personnages de Pasternak se rattachent à leur réel, peut-être parce qu’ils tentent de saisir la vérité dans le moment vécu, dans l’essence même de la perfection humaine.



Malgré sa passion pour Lara, Iouri laisse partir loin de lui celle qu’il aime. En fait, Jivago se détache du réel afin de se diriger vers une quête de l’art pour l’art. Son éloignement est nécessaire. Il se dépouille de ce qu’il aime le plus, sa famille, Lara et sa troisième femme. L’art exige ce retrait du monde. Jivago, à la veille de sa mort, se retrouve dans une petite chambre, en plein cœur de la ville et il se concentre sur son écriture. Il ne partage pas son présent car l’art exige cet isolement. Son effacement a peut-être comme but d’élever son élan artistique. En ce sens, Lara l’a très bien compris : «Le souffle de liberté et de détachement qui émanait toujours de lui venait de l’envelopper» (p. 637). Jivago est l’auteur d’un recueil de poésie. Son recueil semble avoir comme mission d’assurer le salut de son époque… Sa quête, en ce sens, apparaît comme au-dessus du réel puisqu’elle vise l’immortel.



Finalement, Le docteur Jivago de Boris Pasternak véhicule une certaine vision, celle d’un monde bouleversé dans sa réalité. Confrontés à la révolution de 1917 et aux conséquences engendrées par une guerre civile, les personnages de Pasternak cherchent le chemin qui les mènera vers une plénitude intérieure. Ainsi, le lecteur est amené à aller à la rencontre du peuple russe grâce aux descriptions de la vie avant et pendant la révolution. Le docteur Jivago semble toujours d’actualité, car il place le lecteur devant des thèmes comme la guerre, la mort, la vie et l’amour.



À cet égard, l’amour devient le seul élément qui relie l’être humain à l’essentiel. Comme le présente le narrateur lorsqu’il décrit l’amour entre Jivago et Lara :





“Ils s’aimaient parce que tout autour d’eux le voulait : la terre sous leurs pieds, le ciel au-dessus de leurs têtes, les nuages, les arbres. Leur amour plaisait à leurs proches peut-être plus qu’à eux-mêmes; aux inconnus dans la rue, aux lointains qui s’écartaient devant eux dans leurs promenades, aux pièces dans lesquelles ils vivaient et se rencontraient. C’était cela l’essentiel, c’était cela qui les rapprochait et les unissait. Jamais, même dans leur bonheur le plus généreux, le plus fou, jamais ils n’avaient oublié leur plus haut, leur plus émouvant sentiment : le sentiment bienheureux qu’ils aidaient eux aussi à façonner la beauté du monde, qu’ils avaient un rapport profond avec toute la beauté, avec l’univers entier (p. 638-639).”



J’espère que vous avez apprécié ce billet… j’avais beaucoup à dire sur ce grand roman… Plus que jamais, ce dernier me parle…



N’hésitez pas à me partager vos commentaires. Je serais vraiment enchantée de vous lire…Avez-vous lu ce roman?



Bien à vous,



Madame lit : https://madamelit.wordpress.com/



Référence :



PASTERAK, Boris, Le docteur Jivago, Saint-Amand, Gallimard, coll. Folio, 1993, 695 p.


Lien : https://madamelit.wordpress...
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Le Docteur Jivago

Que le grand vent de l’histoire souffle sur les steppes, les villes et les champs, et emporte dans son souffle exalté les hommes et leurs passions !

Quel roman que ce Docteur Jivago, touffu, soyeux, âpre, tendre, polyphonique, complexe, reflet de l’âme tourmentée de Iouri Jivago, balloté comme un fêtu dans l’ouragan de la révolution russe, tiraillé entre deux femmes, Tonia sa douce épouse et la belle et séditieuse Lara, symboles de deux conceptions du monde : celui qui meurt et celui qui vient.

Un monde nouveau qui nait dans la douleur, le tumulte, l’exaltation et le cynisme, dont ce long roman égrène à travers les yeux de Iouri toutes les désillusions, tout autant qu’il célèbre la richesse et la résilience de l’âme russe.

Un roman un peu difficile à lire mais extrêmement envoutant, déroulé comme un long poème et dans lequel m’a semblé transparaitre tout l’amour, l’enthousiasme et l’amertume que l’auteur ressent pour son grand pays.



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Correspondance à trois : Eté 1926

Entre ces trois êtres, trois poètes aux âmes incandescentes, il suffira d'une simple étincelle, de quelques mots échangés par écrit, pour qu'une flamme emporte leur imagination, vers de nouveaux rivages, abolisse les distances, et installe une correspondance qui va transfigurer leurs perceptions de l'amour.



Marina Tsvétaïeva, est à st Gilles-sur-vie, Boris Pasternak vit à Moscou.

Rainer Maria Rilke publie depuis le château de Muzot en Suisse. Ce dernier répond enfin le 14 mars 1926 au père de Boris Pasternak pour lui dire combien sa lettre expédiée depuis Berlin l'a touché. La nouvelle parvenue à Moscou fait sur Boris un effet foudroyant. Son amour épistolaire pour Marina devient un amour absolu, elle a 33 ans, elle a quitté la Russie.





De ce chassé-croisé, c'est le duo Marina-Rilke qui va tout emporter. le 3 mai 1926 la première lettre de Maria Rilke à Marina Tsvétaïeva est reçue comme l'incarnation suprême de la poésie..

Marina reçoit ses Élégies et dès le neuf répond dans la langue du poète Rilke en allemand, le tutoie sans plus attendre, elle écrit « je t'aime ».





Dans cette correspondance Rilke s'exprimera beaucoup sur sa solitude, sur sa fragilité, sur son incapacité à créer une famille, sur la maladie qui le ronge, comme s'il trouvait par les mots de Marina, la douceur nécessaire à une confession. Étrangement il livre sa mélancolie, et plus encore sa propre conscience aux mains de Marina, son chant alors devient celui de la douleur à mots feutrés, comme si une fissure s'était enfin ouverte.

Il lui écrit ces mots page 58 : je t'ai reçu dans mon coeur, dans toute ma conscience qui tremble de toi, de ta venue, comme si ton grand compagnon de lecture, l'océan, avait avec toi, Ô marée du coeur déferlé sur moi.



C'est l'océan qui offre au poète Rilke la plus belle des métaphores. Les digues sont rompues et ses aveux comme les vagues glissent vers Marina. Elle a dessiné un grand 7 son chiffre fétiche.

Chacun des mots choisis par Marina Tsvétaïeva, devient alors comme un bourgeon prêt à s'ouvrir.

Ces lettres offrent un balancement entre un optimisme démesuré de l'espoir d'une rencontre, et le rappel à peu plus loin des discordances du corps.





Marina lui répondra le 12 mai, toi tu es l'ami qui rend plus profonde et plus haute la joie d'une grande heure entre deux âmes. Elle veut écrire en allemand pour ne pas céder à trop de facilités dans son expression écrite pour que ses mots s'affirment avec plus de profondeur encore.





Leur correspondance ne durera que quelques mois, 4 mois . Car tout se tait, Maria Rilke est mort. Rilke est mort le 30 décembre, nous n'irons jamais visiter Rilke dira t-elle à Pasternac.

Ils étaient tous les deux mariés à la solitude. Ils se seront aimés comme l'envol des oiseaux, à distance, mais dans le même ciel. Marina mettra un terme à sa vie le 31 août 1941.



Mieux qu'un certain abandon, c'est une communion, elle écrit page 126 : "si je veux aller te voir, c'est aussi à cause de la nouvelle Marina, celle qui ne peut naître qu'avec toi, en toi, je veux dormir avec toi m'endormir et dormir, la merveilleuse locution si profonde si vraie si dépourvue d'équivoque qui dit si bien ce qu'elle dit simplement dormir c'est tout non ! En plus la tête enfouie dans ton épaule gauche, et en plus, écouter comment sonne ton coeur ? Et embrasser ton coeur.



Les lettres s'enchaînent se répondent dans une écriture qui est celle de la communion où les lettres pourraient s'inverser.



C'est une partition d'une émotion palpable et brûlante, plus profonde que celle de la lettre à un jeune poète, Maria Rilke se sent proche de la mort, écrire à Marina est une sur-vie.

J'ai ressenti comme le prélude à une piéta, et doucement une longue descente, vers un espace créé pour deux amants libérés enfin de leurs corps douloureux.

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Les Voies aériennes et autres nouvelles

Un recueil de quatre nouvelles du prix Nobel de littérature 1958, recueil que j’ai trouvé bien caché dans la réserve de la médiathèque (enfin, bien caché aux tréfonds du catalogue en ligne).

Pas lu très souvent, semble-t-il : zéro critique, zéro citation sur Babelio.

"Les voies aériennes" raconte la journée où Léva, un officier, à peine arrivé en visite chez un couple d’amis, doit partir avec eux parcourir la campagne à la recherche de leur enfant disparu. Quinze ans et une révolution plus tard, parvenu à un poste important, il reçoit la visite de la mère et doit parcourir sa paperasse à la recherche de ce même enfant, devenu soldat… On ne comprend pas trop, au début, où Pasternak veut nous emmener ; mais la chute de la nouvelle nous plonge dans l’abîme du régime communiste.

"L’enfance de Luvers" est un récit d’apprentissage, écrit du point de vue de Genia, une petite fille rêveuse qui se sent responsable de toutes les défaillances de ses parents.

"Le trait d’Apelle" évoque une rencontre amoureuse enjouée, à la façon d’une comédie, sans doute drôle pour la personne qui a toutes les références ; dans son avant-propos, Aragon la compare aux "histoires italiennes d’Andersen" (?)

"Un roman" raconte le destin de Serioja, étudiant qui visite sa sœur, trouve un emploi et tombe amoureux. Prenant prétexte, lors d’une rencontre embarrassante, d’un roman qu’il écrirait, il commence à y réfléchir pour de vrai et en rédiger une ébauche.

L’écriture très étrange de Pasternak (traduite par Andrée Robel) mérite d’être approfondie : poétique, souvent surréaliste. Les songeries de Genia, dans la 2ème nouvelle, ont des accents quasi hallucinatoires. Les choses sont souvent suivies de verbes d’action, ainsi la lumière, la colline ou les arbres qui "rendent la liberté à leur feuillage".

En prenant des petites notes au fil de ma lecture, je me rends compte que j'ai semé des points d'interrogation tout du long...

Très, très étrange.

Challenge Nobel
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Le Docteur Jivago

Le Docteur Jivago, l'histoire d'amour de Lara et Youri dans l'immensité géographique et historique de la Russie révolutionnaire.... Ce roman est une analyse subtile des diverses façons dont les idéaux peuvent être compromis par la réalité du pouvoir politique. La relation de Youri et Lara, l'une des plus passionnantes de la littérature d'après-guerre, naît de leur fascination commune pour les possibilités d'une justice révolutionnaire et lui demeure profondément liée. C'est cette lutte pour une sorte de vérité parfaite, en termes politiques comme personnelles, qui constitue le moteur du roman, dont le caractère pathétique provient de l'échec de cette recherche d'idéal et de l'extraordinaire difficulté à demeurer fidèle à des principes personnels, politiques ou poétiques.

L'un des éléments les plus saisissants du livre est le paysage russe, d'une grandeur et d'une beauté extraordinaire.

C'est grâce à cette rencontre élégiaque avec la nature que le Docteur Jivago offre un extraordinaire sentiment de bonheur...
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Le Docteur Jivago

Toute l'âme slave émane de ce roman puissant et se répand en nous, comme une fièvre. Un souffle épique s'étend sur la toundra...



Un univers fascinant, foisonnant ( trop parfois) s'ouvre à nous: plein d'exaltation,fourmillant de personnages.Comme dans beaucoup de romans russes , d'ailleurs, au début, on s'y perd un peu. Mais c'est bien sûr le couple mythique, incarné par Omar Sharif et Julie Christie de façon inoubliable, que l'on suit avec passion. Un couple dont Lara dira, à la fin du livre: " Quel amour ils avaient connu, libre, rare, incomparable."Youri, le médecin poète idéaliste et Lara, à la beauté troublante et maléfique, qui s'aiment et se déchirent, se perdent et se retrouvent, pris dans la tourmente des soubresauts violents de l'histoire russe.



Car le roman est aussi une grande fresque sociale, livrant à travers les contradictions, les égarements des personnages, une image saisissante de la Russie du début du 20ème siècle, notamment la guerre civile qui a suivi la prise de pouvoir par les Bolcheviks en 1917.



Le style lyrique, flamboyant, contribue beaucoup à la beauté du livre.Il rappelle que Pasternak était avant tout un poète.



La dernière partie du livre est très émouvante: témoignage testamentaire de Youri, sous forme de recueil de poèmes, elle clôt le roman avec nostalgie et délicatesse. Dernier rendez-vous dans un ailleurs pour Youri et Lara...Il écrit:



" La neige enfouit les routes

Et pèse aux flancs des toits

Je franchirai la porte

Et t'aurai devant moi."
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Le Docteur Jivago

Pour fuir la famine d'une Moscou ravagée par la révolution, le docteur Jivago et sa famille s'en vont par un long voyage en train cultiver des haricots et écouter les oiseaux dans un bled perdu de Sibérie et là, devinez qui il rencontre, Lara!, l'infirmière qu'il avait côtoyée en 14 sur le front, mais leur idylle est brève car Jivago est réquisitionné par les Bolcheviks en manque de médecins, ce qui permet à Pasternak d'aborder la vie militaire...



L'aspect historique (grève,première guerre mondiale, révolution) est légèrement ébauché ainsi que des amourettes m'inspirant peu d'empathie, quelques réflexions, politiques, philosophiques, religieuses aussi, notamment sur la passivité coupable du peuple juif.

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Quand s'approche l'orage

Emprunté début avril 2023, à la Bibliothèque Buffon -Paris ( près du Jardin des Plantes)



L'équipe des bibliothécaires avait eu la très bonne idée de faire une table thématique, autour de la Poésie... C'est à cette occasion que j'ai découvert la plaquette de poésies de l'auteur du "Docteur Jivago"... Cela s'enchaînait fort bien, avec l'excellent livre de Gisèle Bienne que j'achevais , "Les Larmes de Chalamov", où entre mille informations, j'apprenais les liens privilégiés entre Pasternak et Chalamov. Pasternak , d'ailleurs, semblait soutenir énergiquement tous ses congénères-écrivains "persécutés" par Staline...



Alors dans quelle perplexité me suis-je trouvée, en voyant réunis des Poèmes adressés à des artistes-poètes dissidents et censurés, comme Anna Akmatova (1928), à Marina Tsvétaïeva (1929), à "L'Ami Boris Pilniak" (1931)... pour se terminer par des ""Poèmes pour Staline" (1936)...



Le traducteur, dans sa préface, lui-même soulève la grande ambiguïté de tout cela ...et ne parvient pas à nous procurer une quelconque réponse....



"(...) Par quel miracle échappe-t-il si longtemps à la répression ? Les réponses, les tentatives de réponses, sont nombreuses : un goût particulier de Staline pour les poèmes, pour la langue de Pasternak (Staline est un dictateur sanglant, il n'est pas un homme inculte, il a fait des études pour devenir prêtre ), l'exception qui confirme la règle, sa situation de poète reconnu dans le monde entier, sa situation dans le monde des écrivains soviétiques, son effacement dans les querelles du milieu des lettres, l'intérêt pour Staline d'avoir une sorte d'allié, un informateur, parmi les littérateurs, une réponse aux manifestations de sympathie, ou tout au moins de compréhension, de la part du poète lui-même, l'intérêt de Pasternak pour les poètes géorgiens (Staline, on s'en souvient, est d'origine géorgienne )...?

On ne sait.

Le fait est là, l'interrogation demeure."



Je reste avec le même embarras... en étant toutefois contente d'avoir découvert cet autre aspect de l'oeuvre de ce romancier !







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Le Docteur Jivago

Relecture pour la deuxième fois. Un des plus grands romans russes du XXème siècle (avec Le Maître et Marguerite de Boulgakov et Vie et Destin de Grossman). J’ai pris tout autant de plaisir que la fois précédente. Quelle fresque, qui nous fait suivre Iouri Jivago de son enfance à sa mort, à travers une période si troublée qu’il ne trouve pas de moment pour se poser : récit de vie donc, et roman historique, et roman d’amour aussi. Pasternak décrit les souffrances du peuple et les difficultés de l’individu à trouver la stabilité et un peu de bonheur dans une existence continuellement consacrée à la survie.

Et quel style, dès le début avec l’enterrement de la mère! Quelles descriptions des paysages russes, de leur immensité et de leur beauté! Il faut dire que Pasternak est un poète avant d’être un romancier.

Et tant pis si les rencontres entre Iouri et Lara sont à la limite du vraisemblable au vue de l’immensité russe. Je réalise qu’en fait je l’ai lu trois fois dont une en russe : les descriptions sont encore plus belles en russe, le style encore plus agréable, et, très curieusement, ce qui gêne mon cartésianisme français ne me dérange nullement en russe, comme si alors tout était possible justement dans cette immensité, même l’invraisemblable.
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Le Docteur Jivago

« Le docteur Jivago » faisait parti d'un de ses livres que je ne pensais jamais lire de ma vie. En effet, plusieurs personnes m'en ont parlé comme étant un roman complexe. Finalement, j'ai emprunté le DVD à ma grande tante pour me faire une idée. Après seulement une heure de visionnage du film, j'ai arrêté le film pour filer à la librairie me procurer le roman. (Je n'ai pas encore vu le film en entier.)



« Le docteur Jivago » raconte l'histoire de Youri Jivago. Jeune orphelin, il vit un temps avec son oncle puis avec les Gromeko. Youri aura une très bonne éducation et deviendra médecin. Mais les guerres commencent, les monarchies tombent, les peuples se révoltent en Europe. Tel est le cas de la Russie qui d'un régime tsariste passe à un régime bolchévique. « Le docteur Jivago » raconte l'histoire de ces hommes et femmes emportaient par le courant de l'Histoire.



J'ai adoré ce roman pour plusieurs raisons mais notamment pour sa poésie et sa mélancolie. Quelle plume ! La plume de Pasternak m'a fait voyager dans cette Russie reculée et cela au moyen du train, ou encore du traîneau. J'ai vu défiler la nature enneigée de la Russie : ses forêts, ses cours d'eau, ses champs etc.



Mais que serait « Le docteur Jivago » sans la passion entre Youri et Lara ? Boris Pasternak décrit cette amour de façon pure et poétique. Amour romantique certes, mais amour tragique voué à l'échec (C'est ce que j'aime dans « les romans d'amour »). On part et l'on ne se retourne jamais. le coeur est brisé mais le temps panse les plaies. Puis nous nous remémorant ce passé avec nostalgie et mélancolie.



J'ai versé quelques larmes vers la fin du roman, ce qui est gage d'un roman réussit.



« Le docteur Jivago » reste un texte complexe par les nombreux noms des personnages qui changent souvent. Mais également par le côté historique. Si l'on ne connaît pas vaguement l'histoire de la révolution bolchévique, la lecture risque d'être compliqué.



En conclusion, très grand coup de coeur sur ce roman que je regrette d'avoir terminé mais que je relirai bientôt ! Je n'ai plus qu'une chose à dire : « Au revoir Youra, Youri ».
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Le Docteur Jivago

J’ai vu et revu le (magnifique) film de David Lean, j’ai donc entamé la lecture du roman avec La Chanson de Lara dans la tête. J’avais évidemment un a priori très positif en commençant le récit !



Dès les premiers paragraphes, j’ai su que j’avais en main un grand ouvrage. Un style à part que seuls quelques auteurs talentueux possèdent ; cette écriture « à l’ancienne » qui se développe et qui rend les longueurs digestes. Parce qu’en effet ce livre recèle des longueurs, que ce soit des descriptions fouillées, des considérations philosophiques ou encore des dialogues de plusieurs pages. Mais je n’ai jamais soupiré pendant ma lecture.



Le roman est bien plus touffu que le film, et met en scène de nombreux protagonistes secondaires qui n’ont pas été repris dans l’adaptation cinématographique. Je ne peux donc que le recommander aux amoureux du film ! Cette profusion de personnages amplifie la profondeur de la fresque historique qui démarre avec le vingtième siècle et qui emporte les hommes dans les soubresauts de la guerre mondiale, de la révolution russe, de la guerre civile et des débuts de l’empire soviétique. Les destins sont balayés par le vent de l’histoire, les innocents sont pris au piège des événements qui détruisent les êtres.



On devine assez facilement que Iouri Jivago est Boris Pasternak, quand il observe le monde autour de lui et tente d’en tirer des leçons philosophiques, auxquelles je n’ai pas toujours adhéré. Le Docteur regarde aussi les morts autour de lui, que ce soit à cause de la guerre, des exécutions sommaires ou de la famine. Il voit le pire de la nature humaine, mais également sa simple faiblesse, la plupart des hommes autour de lui espérant seulement survivre. On comprend assez facilement pourquoi ce roman ne pouvait pas être publié dans l’empire soviétique, car les récits concernant la guerre civile sont une suite de manœuvres liées à des ambitions personnelles aveugles, des lâchetés et de trop nombreuses morts inutiles.



Le film est surtout connu pour être une grande histoire d’amour, et bien évidemment nous la retrouvons dans le livre, même s’il existe quelques différences dans le caractère des protagonistes. Je ne vais pas les lister, car ce serait rébarbatif, mais je trouve que David Lean a dessiné des hommes et des femmes qui ont une psychologie plus réaliste et cohérente que leurs modèles dans le roman.



En effet, la seule critique que je porterais à la fresque du prix Nobel Boris Pasternak est que les motivations des personnages qu’il décrit m’ont parfois laissée perplexe tant elles sont déroutantes. Heureusement, ce défaut est mineur tellement le livre est grandiose : un témoignage sur une période remplie de fureur et un grand roman d’amour.



Challenge Livre Historique
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Le Docteur Jivago

L'immense Russie est aussi pour les poètes ..



" Soudain tout changea, le pays et le temps. La plaine disparut , on s'enfonça entre des collines et des plateaux. Le vent du Nord, qui soufflait jusqu'ici, tomba. Le vent venait du Sud, tiède comme le souffle d'un poôle ouvert.



La forêt s'étendait par paliers sur les montagnes. Quand la voie traversait une zone boisée, le train grimpait une ênte raide à laquelle succédait une descente assez douce. Il rampait en soufflant vers les bois et s'y trainaît avec peine, comme un vieux forestier guidant une foule de voyageurs qui se retourneraient sans cesse et observeraient tout.



Mais il n'y avait rien à voir. Au fond de la forêt, c'était le sommeil et la paix de l'hiver. De temps en temps, seulement, des buissons ou des arbres bruissaient en libérant leurs branches basses de la neige qui peu à peu se tassait, comme s'ils ôtaient un collier ou dégrafaient un col trop serré.



Iouri Andréiévitch sombra dans le sommeil. Pendant toutes ces journées il resta sur la couchette, là-haut, à dormir : il se réveillait, réfléchissait, tendait l'oreille. Mais il n'y avait rien à entendre."
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