Ils étaient harkis. Ils étaient parmi les très rares à avoir échappé au grand massacre: entre cent et cent cinquante mille hommes, femmes et enfants, citoyens français assassinés dans des conditions atroces, mutilés, émasculés, énuclées, crucifiés, dépecés vivants, anciens combattants brûlés vifs roulés dans un drapeau français, bébés écrasés, empalés, femmes violées, éventrées, ébouillantées.
Et tout cela se déroulait sur un territoire encore français, des accords de cessez-le-feu d'Evian en mars 1962 à l'indépendance de l'Algérie en juillet 1962.
Et tout cela se déroulait sous l'oeil de policiers et soldats français indifférents, cantonnés dans leurs casernes, ayant renoncé sur ce bout de France à remplir leur rôle de garants de la paix et de l'ordre.
Les harkis rapatriés furent dans un premier temps rassemblés dans le Gard, au château de Lascours. Puis orientés, comme nous le verrons, vers des "chantiers de forestage" qui fleuraient bon le camp de concentration.