Des enfants peuvent naître amputés de leur origine. Contraints de se représenter leur existence comme un non-évènement, ou encore comme une erreur de programmation : ils ne peuvent interpréter l'absence de récit de leur origine que comme le témoignage d'une existence indésirable.
Une énergie perdue
Une fois devenu grand, que faire des coups de ceinture d'humiliation maternelle? Ils ne marquent pas de bleus au corps, mais assombrissent l'âme d'un épais brouillard qui empêche l'estime de soi, éteint les lumières de l'avenir, estompe l'éclat du regard des autres, pour nous enfermer dans un sentiment d'impuissance.
On connait des personnes qui nous transmettent leurs drames douloureux sans manifester la moindre émotion. Tout se passe comme si elles parlaient de quelqu'un d'autre en parlant d'elles-mêmes.
Blessés de mère...
Il est des plaies qui ne se referment jamais. On voudrait que leurs cicatrices s'effacent jusqu'à disparaître de notre peau d'adulte. Et pourtant, comme des revenantes, elles se réactivent à la moindre émotion, hypersensibles, quand on les voudrait indolores.
Pour notre plus grand malheur, ou à notre plus grand étonnement, ces anciennes blessures d'enfance s'ouvrent à l'improviste dans nos vies d'adultes. De toute notre volonté nous cherchons à les oublier, mais elles s'insinuent dans notre quotidien.
Comment comprendre que les adultes blessés de mère puissent être habités par des exigences aussi précises et absolues en matière de relation aux autres? En effet, on remarque chez eux qu'ils anticipent la rencontre dans une fantasmatique extrêmement élaborée, et ceci bien au-delà des rêveries adolescentes qui construisent le portrait-robot de "l'idole" qui les aimera.
Une identité reniée
Que faire de ces rages quand nous sentons notre identité reniée, quand celle qui devait être notre plus solide ancrage, notre mère, ne nous a pas communiqué le goût de la vie dont nous avions besoin, dans l'incapacité qu'elle était de porter sur nous autre chose qu'un regard critique, haineux ou encore absent?
La position psychologique est typique d'enfant de mère défaillante: ne pas faire de vagues, car il n'y a pas d'espace disponible pour que l'on fasse attention à vous.
Dans notre vie, tout doit aller vite, il faut qu'une chose vienne effacer la précédente, sans que nous ayons même le temps de nous en apercevoir ou a fortiori d'en faire le deuil.
La créature Pinocchio nous parle avant tout de la carence d’un père/créateur sans passé, essayant de construire un avenir dans et par l’enfant/marionnette qu’il fabrique. Combien de situations équivalentes rencontrons-nous dans nos cabinets, à savoir ces enfants qui ont été conçus pour servir de tremplins psychiques à une maturité parentale qui ne se déclarait pas autrement que dans le fantasme de parentalité » p. 140
Un autre paradigme sidérant introduit une dimension d’intense étrangeté : l’irruption du froid dans le processus de gestation. Les images ordinaires à propos de la procréation et de la gestation sont des images de chaleur, de poule qui couve, de nid, de terrier, de clairobscur, de chaude protection contre les éléments contraires que sont le vent, la pluie, la froidure, l’exposition à la lumière. Comment les images de gel et de dégel peuvent-elles construire une représentation de vie viable ?