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3.44/5 (sur 58 notes)

Nationalité : Canada
Né(e) : 1966
Biographie :

Née en 1966 sur la rive-sud de Montréal, Brigitte Pilote est titulaire d'une maîtrise en études littéraires à l'UQAM. Elle a été rédactrice, puis recherchiste et auteure dans le domaine de la production télévisuelle. Elle se consacre désormais à l'écriture de fiction.

Source : Stanké
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Les Capsules éclair du SLM 2020: regardez, écoutez Brigitte Pilote nous parler de son dernier livre, La femme qui rit, paru au Seuil.


Citations et extraits (111) Voir plus Ajouter une citation
On ne naît pas enfant, on le devient. Suffit de laisser les grandes personnes faire leur boulot. En quelques années, le mal est fait, car tout se joue avant six ans, dit le livre de maman.

Je ne suis pas une enfant. Je n’ai rien en commun avec eux, à part l’âge.

Je veux devenir un grand homme comme Jésus Christ et Jacques Cartier, parce que le pire dans la vie, c’est d’être une ratée: une écrivaine ratée, une potière ratée ou une mère ratée, si c’est le seul métier qui s’offre à toi.

«Jacques Cartier cherchait un passage vers les Indes, nous dit la maîtresse, lorsqu’il découvrit notre pays.» Alors les sauvages qu’il aperçut sur les berges du Saint-Laurent sont devenus les Indiens.

Quelque chose ne tourne pas rond avec Jacques Cartier. Je demande à notre maîtresse comment il a pu découvrir notre pays si les Indiens étaient ici avant lui. La voilà qui fouille dans la pile de ses connaissances en prenant soin de ne rien déplacer: son beau visage se contracte sous l’effort, je l’observe étirer nerveusement son chandail pour le lisser même si aucun pli ne le traverse parce qu’il est en Fortrel, la nouvelle matière infroissable qui ravit les ménagères, dit l’annonce à la télévision. Ce simple geste l’a vraisemblablement aidée à réfléchir, car elle répond à ma question.

«Des documents doivent attester les découvertes, Jeanne, ça ne se fait pas n’importe comment. Les Indiens n’écrivaient pas, tandis que Jacques Cartier tenait un journal de bord.»

Notre maîtresse aime faire flèche de tout bois et elle enchaîne:

«Savoir écrire est très important dans la vie. Vous allez maintenant écrire quelques lignes pour me présenter votre maman.»

Autour de moi les enfants ouvrent leur cahier et s’attellent à la tâche. Pour eux, la maîtresse est Dieu le Père et sa parole est loi: ma mère est, ma mère a, ma mère fait: ils se tortillent sur leur chaise pour mieux expulser leurs idées.

Je reste là à fixer le vide, car parmi les choses que je sais se trouve cette vérité: ma mère est impossible à décrire en quelques lignes. Je n’essaie même pas. Pour le moment, la maîtresse me laisse faire parce qu’elle croit que je réfléchis lorsque j’appuie mon crayon sur mon nez, la mine vers le haut. C’est son boulot de stimuler les enfants, même ceux qui ne feront jamais rien de bon.
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«Les temps sont durs pour les écrivaines, m’a dit un jour maman, regarde à quel point Mado en arrache avec ses livres, personne n’en veut, elle sacrifie tout à son art et ne connaîtra pas le bonheur d’être mère. Elle est raide pauvre et doit quêter de l’argent à Lucien pour s’acheter des bas de nylon, ce n’est pas une vie, de toujours dépendre d’un homme.»

J’ai répondu à maman que chez nous aussi c’est papa qui paie tout parce qu’elle ne travaille pas et son visage a vite tourné à l’orage: «Jeanne, ne dis plus jamais que les mères ne travaillent pas, elles travaillent sans arrêt, elles sont débordées. Regarde la tonne de vaisselle dans l’évier, le panier à linge plein à ras bord et quand je t’explique des choses comme en ce moment, je m’occupe de toi, c’est du travail. Les mères travaillent tout le temps, le problème c’est qu’elles ne sont pas payées pour le faire.»

Ma mère n’aime pas le beau et le propre comme les autres mères. Elle préfère nettement passer son temps à refaire le monde avec ses amies Mado l’écrivaine et Monique la potière.
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Le confort est pour tout le monde de nos jours. Pourvu que vous puissiez vous les offrir, elles sont à vous, ces merveilles qui cuisent, malaxent, défroissent, lavent et aspirent.
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On n’était pas du même monde, mais l’amour de la musique nous unissait. Sauf qu’il y a des choses qui ne s’oublient pas.
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"Trente années vécues sous l'emprise de la haine de soi, du désoeuvrement et de la frustration, faute d'avoir pu croiser plus tôt sur sa route une personne capable de le voir autrement qu'en vaurien qui finirait toujours par décevoir."
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Pour la première fois, il a senti la fragilité de cette femme trop fière. Juste avant d’aller chercher la robe, il a eu envie de prendre ses mains dans les siennes, puis s’est ravisé. C’était une mauvaise idée d’abolir la distance qu’il avait maintenue entre eux, en ne prenant pas la peine de la remercier, en se gardant de lui faire savoir qu’il était très satisfait de son travail. Il savait qu’il ne l’aimerait jamais pour elle-même. C’était à l’aune de ce qu’elle apporterait à son fils qu’il avait mesuré sa valeur, et à cela uniquement. Au moment où s’achevait sa vie, pourquoi se raconterait-il des histoires ? Il ne lui servirait à rien de prétendre qu’il disposait de réserves d’amour, alors qu’elles étaient asséchées depuis fort longtemps. Il n’avait véritablement aimé que sa grand-mère, sa femme et son fils. Il ne voyait pas comment cela pourrait changer.
Plus le veuf ressasse ce qui vient de se produire, plus il est désemparé. Il s’enlise dans sa réflexion et ne parvient pas à répondre à cette question toute simple : A-t-il, oui ou non, mentionné la rivière ? La perspective que cette femme soit dépositaire de son terrible secret l’accable.
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Parfois le veuf décèle chez l’enfant une bonté presque messianique. Il peut être absorbé dans son jeu et se figer soudainement, un pli lui barrant le front, tandis que la locomotive en bois qu’il faisait rouler sur les rails s’arrête dans sa course, les petits wagons à sa suite. Il pointe alors sur le grand-père une antenne invisible qui capte même les signaux les plus faibles des émotions humaines, déjouant les interférences que sont les sourires de façade. Si son grand-père a du chagrin, il paraît inquiet, n’a pas le cœur à s’amuser.
Quand l’enfant le scrute avec ces yeux-là, Émile Sever se sent revigoré. Absous de ses fautes, lavé de tout soupçon. Il ne faut pas en abuser, songe-t-il, il faut même décourager cette sensibilité, sinon l’enfant souffrira. Nos enfants ne sont pas là pour nous sauver. Il se formule les choses ainsi pour la première fois et cette pensée l’apaise. Alors que lui-même a tout sacrifié à son fils, et bien qu’il ne le regrette pas, il croit que le petit devrait avoir le droit de mener sa vie comme il l’entend, même si cela signifiait qu’il tournerait un jour le dos à leur vie de paysans.
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Les vieux et les malades, plus leurs corps exigent de soins, moins ils obtiennent ce que leur âme quémande – de la considération et un peu d’affection –, en vertu d’une comptabilité tenue par les femmes qui vivent sous le même toit qu’eux, qui n’ont pas une minute à elles, doivent leur préparer à manger, les soigner, laver leurs vêtements. C’est bien ce qui l’attend, songe-t-il, s’il a le malheur de se délabrer.
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Les temps ont changé. Les Africains-Américains doivent maintenant prendre part à la parade : c’est le labeur de leurs ancêtres qui a fait le coton roi.
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Comme il regrette de lui avoir un jour ouvert sa porte ! Elle était capable de profiter de sa faiblesse et il ne voulait pas, ne voulait plus… Il sait jusqu’où elle peut aller pour obtenir la semence des Sever. Il mobilise ses dernières forces et appelle Florian. Il ne la laissera pas s’interposer entre eux, personne d’autre que son fils unique ne pansera ses blessures. Il ferme les yeux un instant puis les ouvre. Sa vision est trouble, comme si le froid lui avait brûlé la cornée. Quand sa bru réapparaît devant lui, ses cheveux flottent sur ses épaules et elle est vêtue de sa chemise de nuit diaphane, comme toutes les fois où elle l’a visité dans son sommeil, sans qu’il ait d’autre moyen de la chasser qu’en se faisant violence pour se réveiller, en nage, se demandant à quoi il venait de rêver pour être aussi bouleversé. Qu’elle la déchire, qu’elle la jette au feu ! Il cligne des yeux et voit sa robe de laine, son chignon strict et son visage sinistre, pâle comme du verre.
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