Bruce Holbert -
L'heure de plomb .
À l'occasion de la 12e édition de Lire en Poche à Gradignan, rencontre avec
Bruce Holbert autour de son ouvrage "
L'heure de plomb " aux éditions Gallmeister Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/170898/bruce-holbert-l-heure-de-plomb Notes de musique : Skaffa Flute. Free Music Archive Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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Strawl retourna les braises agonisantes du matin puis vida dessus le reste de son café. La journée était encore fraîche, l'atmosphère oppressante de la veille avait laissé la place aux hautes pressions et à un ciel bleu. Il ferma les yeux pour les reposer après leur avoir fait subir la fumée de son feu de bois. Il se rappela avec envie la vision que possédaient ses premiers éclaireurs indiens. Ils percevaient des nuances de marron et de vert que personne ne parvenait à distinguer à part eux, ainsi que les formes susceptibles de se déplacer et les espaces qu'elles traversaient.
« L’Âme par moments a besoin d’un Pansement—
Quand trop terrifiée pour bouger—-
Elle sent monter une Peur horrible—-
Qui s’arrête pour la regarder —
Et la salue, avec ses longs doigts—
Caresse ses cheveux qui se glacent—
Bois donc, Lutin,aux lèvres
Qu’a survolées —-l’Amant—-
C’est indigne, qu’une pensée si mesquine
Aborde un—si——beau Thème ——».
Emily Dickinson .
Extrait du poème 360.
L'absence était sans fin, sans raison ; il lui semblait que c'était moins une blessure que le deuil aurait pu atténuer et finir par refermer, qu'une malformation en elle qu'il fallait recoudre en permanence pour l'empêcher de saigner.
- Ça prend combien de temps pour un bébé ? demanda Matt.
- Neuf mois. Elle devrait aller au bout. Le docteur dit qu'elle est en bonne santé.
Matt enfonça un bâton dans le gravier humide.
- Elle a les hanches larges, reprit Jarms.
- Et c'est bon ? demanda Matt.
- Ça l'est pour les vaches, répondit Jarms.
Au cours de ces treize années, il n'avait pas plus pensé à sa mère à Wendy, à son père ou à son frère qu'il n'avait pensé à respirer, c'est-à-dire jamais et toujours. De temps à autre, Ils ou elles faisaient éruption dans ses pensées conscientes.
Les peupliers sur son terrain avaient poussé de près de quatre mètres au cours de sa vie...
dans un champ derrière sa maison,
le vent avait déposé du pollen
ainsi que des graines,
au-dessus desquelles les abeilles voletaient pendant l'été,
tandis que les cerfs et,
parfois un wapiti venaient brouter des touffes d'herbe,
puis laissaient leur fumées,
que la pluie transformait en poussière,
cette poussière nourrissait ensuite les graines,
le soleil brillait ,
les nuages apportaient la pluie,
et elle avait vu un petit carré se développer en une prairie toute entière...
Elle termina chez le docteur, un homme filiforme d'un certain âge, plus compétent avec les animaux qu'avec les humains. Ses mains étaient froides et il souffrait horriblement de gaz qu'il ne se sentait jamais obligé de réprimer et pour lesquels il n'avait jamais la politesse de s'excuser.
Des années durant, Linda Jefferson avait observé les parents se lancer à la recherche d'eux -mêmes dans leur progéniture.
Les mères portées sur le tripotage, comme les pères plus distants , tous étaient en quête d'une piste qui les ramènerait à eux-mêmes.
...Et ,il ne fallait pas longtemps aux enfants pour s'apercevoir que, lorsque les adultes parlaient de leur croissance...c'était sur le même ton perplexe que celui qu'ils réservaient à la mort, qu'ils ne comprenaient pas davantage.
Imaginer des enfants avant qu'ils ne soient là était aussi impossible que les oublier après leur départ.
Angel adorait le travail scolaire. Elle était prête pour les bons livres, Twain, Steinbeck, Willa Cather. Quand elle lisait avec Wendy, sur une couverture, elle avait l'impression de peser quelque chose dans ce monde.